Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

accepter

  • Jean 20. Naissance de la foi pascale.

    Jean 20
    27.4.2014
    Naissance de la foi pascale.
    Exode 25 : 10-22      Jean 20 : 11-18

    Téléchargez la prédication ici :


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Au matin de Pâques, tout n’a pas été subitement transformé. Les disciples n’ont pas été brusquement illuminés. Il ne suffit pas de lire une affiche bleue à écriture jaune disant « Christ est ressuscité » pour devenir croyant.
    Dans le passage de l’Evangile selon Jean que nous avons entendu ce matin, l’évangéliste nous montre — en détail — le cheminement de Marie-Madeleine, d’un profond chagrin à une confession de foi auprès des autres disciples. Le récit met en scène la naissance de la foi pascale.
    Tout commence par le désarroi et le chagrin. Personne n’est venu au tombeau avec une espérance de résurrection. C’est la peine, le chagrin qui domine, avec l’incompréhension, l’incrédulité : comment est-ce possible que cela se soit passé ainsi !
    Et Marie-Madeleine est là, à l’extérieur du tombeau, en pleurs. La première démarche de Marie-Madeleine est de passer de l’extérieur à l’intérieur du tombeau. Elle affronte sa peine. Elle affronte la réalité, elle veut voir le corps mort de son maître.
    A la place, elle voit deux anges, assis l’un à la tête, l’autre aux pieds du lieu où était déposé le corps de Jésus. Les anges ne lui révèlent rien, mais la renvoie à son chagrin et à sa recherche.
    Les anges ne révèlent rien à Marie-Madeleine, mais parlent, indirectement, aux lecteurs que nous sommes. Que vous rappelent deux anges ou chérubins, se faisant face, à l’extrémité d’une banquette ou d’un coffre ? Cela me fait penser au couvercle de l’arche de l’alliance, dont il est dit que « l’Eternel résidait entre les deux chérubins » (Ex 25:22 et 2 Sam. 6:2). Cet espace entre les deux chérubins est le lieu vide d’où parle l’Eternel aux Israélites. Le lieu vide fait aussi penser au Saint des Saints dans le Temple de Jérusalem, chambre vide où se tient la mystérieuse présence de Dieu.
    L’arche de l’alliance, le Saint des Saints, le tombeau vide sont des espaces vides qui signalent quelque chose de la présence de Dieu. Une façon de renvoyer à un ailleurs, parce que Dieu ne peut être contenu dans aucun espace.
    Ce signe est une invitation — souligné par la question « Pourquoi pleures-tu ? » (v.13) — à chercher ailleurs que dans le vide — de l’arche, du Temple, du tombeau — celui qui remplit le cœur de Marie-Madeleine.
    Elle comprend le message puisqu’elle se « retourne en arrière » (v.14) pour regarder hors du tombeau. C’est là qu’elle voit un homme qu’elle prend pour le jardinier, mais que le récit nous présente comme Jésus ressuscité. Une façon de dire la transformation qu’imprime la résurrection sur Jésus. C’est lui, mais il est Tout-Autre. Marie-Madeleine est toujours dans sa recherche et son désir de retrouver et de reprendre le corps de son maître. Elle est dans sa recherche terrestre Elle a encore une étape à franchir : reconnaître Jésus.
    On s’attendrait ici à ce que Jésus s’identifie, lui dise : «  c’est moi, je suis Jésus… » On s’attendrait à ce qu’il se révèle comme étant en même temps le crucifié et le ressuscité, comme il le fera plus tard avec Thomas (v.27). Non, ce n’est pas ce qui se passe. Ce n’est pas par une information, ou un enseignement, que Jésus va faire naître la foi pascale, c’est par un autre chemin.
    Jésus fait le chemin inverse, c’est lui qui nomme Marie. (Comme vous le savez, le nom de quelqu’un, dans la pensée hébraïque, c’est toute la personne, comme un totem chez les indiens.)
    En prononçant son nom, Jésus dit à Marie-Madeleine, qu’il la connaît toute entière, qu’il la comprend dans toutes ses dimensions, qu’il l’accueille dans tout son être. Cette compréhension des personnes que Jésus rencontre est fréquemment soulignée dans l’Evangile selon Jean. On le voit dans le récit de la Samaritaine où Jésus savait tout de sa vie privée (Jn 4), dans le récit de l’homme guéri à la piscine de Bethzatha (Jn 5) ou des adversaires de Jésus dont il connaît le cœur et les pensées (Jn 2:24).
    Ici, c’est à Marie-Madeleine que Jésus dit qu’il la connaît entièrement. Et c’est cette connaissance profonde et accueillante qui déclenche la reconnaissance. A ce moment-là, Marie-Madeleine reconnaît le Christ en face d’elle.
    Etre connu, être aimé, se sentir accueilli et accepté est la source de la foi pascale. « La foi, c’est accepter d’être accepté »* disait le grand théologien américain Paul Tillich.
    Ce prénom prononcé par Jésus fait que Marie-Madeleine se retourne à nouveau (v.16), mais cette fois dans le sens spirituel. C’est sa conversion. C’est son passage de la tristesse à la foi, du désarroi à la confiance. Elle a retrouvé son maître, celui qu’elle cherchait.
    Elle a encore une étape à franchir, c’est de laisser aller, d’abandonner sa recherche du corps de Jésus, car celui-ci a véritablement disparu. Elle doit laisser aller le Jésus terrestre pour s’attacher au Christ vivant. Et cette relation ne passe pas par le toucher, mais passe par la parole, une parole d’alliance : « mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu » (v.17). Des paroles d’alliance qu’Abraham avait déjà reçues « Je maintiendrai mon alliance avec toi et tes descendants, ainsi je serai ton Dieu. » (Gn 17:7).
    Une nouvelle alliance se noue ici et Marie-Madeleine est chargée d’aller l’annoncer aux disciples. Une alliance qui instaure de nouvelles relations : les disciples deviennent des frères de Jésus (v.17), le Dieu de Jésus devient le Dieu des disciples. Une nouvelle fraternité est instaurée par le Christ ressuscité, une fraternité qui devient le signe de reconnaissance de l’Eglise.
    Et Marie-Madeleine — forte d’avoir été comprise et acceptée par Jésus — s’en va vers les autres disciples leur apporter la bonne nouvelle de Pâques : « J’ai vu le Seigneur » (v.18). Marie-Madeleine devient ainsi le premier apôtre à avoir vu Jésus ressuscité et à apporter la nouvelle aux autres disciples.
    Le Christ lui a donné la foi en lui révélant combien il la connaît bien et combien elle est aimée. Remplie de cette merveilleuse découverte et de cette confiance, elle est transformée. Elle a la force d’accomplir sa mission. Elle est débordante de joie et court annoncer la bonne nouvelle aux disciples, comme la Samaritaine était retournée dans son village pour annoncer ce que Jésus lui avait fait découvrir.
    Le Christ nous connaît. Si nous nous ouvrons à lui, si nous le laissons regarder en nous et prononcer notre nom, nous pouvons faire la même découverte que Marie-Madeleine. Etre transformés par la Parole du Ressuscité.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Luc 11. Se préparer une vieillesse heureuse (III)

    Luc 11
    26.8.2012
    Se préparer une vieillesse heureuse (III)

    Jean 13 : 4-8       Luc 11 : 9-13

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-08-26.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pendant ce mois d'août, nous nous demandons comment se préparer une vieillesse heureuse. Nous avons vu que la société ne donne de valeur aux personnes qu'en fonction de leur productivité, de leur utilité. Il faut donc chercher ailleurs sa valeur au moment où la vieillesse arrive.
    Nous avons vu que l'extrême vieillesse fige les attitudes et le caractère acquis au fil du temps. Il est donc primordial de se former longtemps auparavant le caractère qu'on veut avoir pendant sa vieillesse. Nous avons vu aussi que ce qui nous donne de la valeur pendant la vie active repose sur des capacités que nous risquons de perdre avec l'âge. Une transformation de la base, du socle de notre valeur est donc nécessaire. Cette valeur ne doit pas reposer sur l'action, mais sur l'être.
    Nous avons vu que ce sentiment d'accomplissement de notre vie, nous pouvons le trouver — après le sentiment d'utilité de la vie active — dans le sentiment d'être bon, de faire de belles actions. Ce que Jésus appelait "accumuler un trésor dans le ciel (Mt 6:20). Le changement nécessaire, c'est de passer d'être gratifié par le fruit de ses activités, à être gratifié par sa façon d'être avec et pour les autres.
    Aujourd'hui, j'aimerais encore faire un pas en avant dans cette quête de pouvoir être, tout simplement être, pour être heureux. C'est une étape de plus, parce que faire du bien, c'était encore faire quelque chose. Bien sûr, c'est à maintenir aussi longtemps que possible dans sa vie, mais quand on ne peut plus rien faire, que reste-t-il ?
    Il reste à être, ce qui se décline de plusieurs façons, être là; attendre; se souvenir; prier ou méditer; et finalement recevoir. Aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur ce "recevoir." Dans mes visites en EMS, je rencontre beaucoup de personnes qui ont de la peine à recevoir ce qui leur est donné. Recevoir chaque jour leur nourriture. Recevoir de l'aide pour se déplacer. Recevoir des soins corporels.
    C'est leur état de dépendance et de toujours avoir besoin de recourir à quelqu'un pour des gestes accomplis auparavant par eux-mêmes qui est difficile. Notre société prône l'autonomie, l'indépendance, voir l'autarcie. C'est une attitude de puissants, d'orgueilleux qui veulent ne rien devoir à personne. C'est une attitude d'aveugles aussi, qui ne voient pas que tout ce qu'ils consomment et achètent est le fruit d'une chaîne de coopération qui a fait que le produit a passé de mains en mains pour arriver jusque dans leur assiette  ou entre leurs mains.
    Notre société jette le discrédit sur la dépendance individuelle alors qu'elle entretient des dépendances globales bien plus graves. Le problème, c'est que nous avons intériorisé ce discrédit et nous avons honte de demander et de recevoir. Nous avons honte d'appeler à l'aide, même si nous avons travaillé dans un domaine qui aide autrui !
    Nous sommes dans la situation de Pierre qui refuse de se laisser laver les pieds par Jésus — alors qu'on peut imaginer que Pierre, au cours des étapes de leurs déplacements, a déjà lavé les pieds de Jésus.  Nous préférons être dans la situation de celui qui donne, parce que c'est une situation dominante. La dette est chez celui qui reçoit le service.
    Garder cette attitude orgueilleuse qui empêche de recevoir, qui empêche de recevoir ce qu'on nous donne, les services des autres, c'est nous garantir une vieillesse malheureuse. D'où vient cette honte, ou cet orgueil ?
    C'est ce que Jésus essaie de nous faire découvrir, autant dans le Sermon sur la Montagne que dans le lavement des pieds. Nous ne croyons pas à la bonté de l'autre, à la générosité de l'autre. "Si donc vous qui êtes mauvais donnez de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père qui est dans les cieux vous donnera-t-il le Saint-Esprit, le don suprême !" (Luc 11:13). "Si je ne te lave pas les pieds, tu n'auras aucune part à ce que j'apporte !" (Jn 13:8).
    Refuser ce que nous apportent les autres, c'est refuser les dons qui viennent de Dieu, c'est refuser de reconnaître que nous sommes interdépendants, mais que la vie est possible malgré cela, ou plutôt à cause de cela. Martin Luther, le réformateur, disait que les saints sont ceux qui se savent totalement dépendants de Dieu (cité par Margot Kässmann, Au milieu de la vie, Genève, Labor et Fides, 2012, p.121). Etre totalement dépendant de Dieu, c'est remballer tout orgueil de ne vouloir dépendre de personne.
    Apprendre à donner, pour avoir un sentiment d'accomplissement intérieur, c'est une étape importante de notre préparation à vieillir. Apprendre à recevoir, simplement pour donner à l'autre sa chance de donner, est une autre étape tout aussi importante dans notre préparation à vieillir.
    Pour résumer les étapes. Nous sommes utiles pendant nos années de productivité. Nous pouvons être bons pour construire une base, un socle qui nous donne un sentiment d'accomplissement qui éclaire notre être quand nous sommes forcés d'en faire moins. Nous pouvons devenir justes en reléguant aux oubliettes l'orgueil de l'autarcie et la honte de la dépendance, en développant une juste reconnaissance envers toute la chaîne de ceux dont nous dépendons — tout au long de notre vie — pas seulement dans la vieillesse. Nous ne cultivons pas nous-mêmes notre café, ni ne construisons nous-mêmes nos voitures ou nos téléphones…
    Nous pouvons devenir justes en reconnaissant le caractère communautaire de l'existence. Nous avons été valorisé par nos rôles utiles et le bien que nous avons fait. Soyons justes en acceptant de recevoir de bon cœur et avec reconnaissance que d'autres puissent — dans leur étape de vie — se montrer utiles envers nous en accomplissant leur profession et se montrer bon envers nous par des gestes gratuits à notre égard.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012