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avent

  • Matthieu 10. Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né

    (16.12.2001)

    Matthieu 10-11

    Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né

    Esaïe 35:1-7.       Jacques 5:7-8.      Matthieu 10:40 — 11:6

    télécharger le texte : P-2001-12-16.pdf

     

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Il y a des moments où l'on voudrait bien avoir un signe clair de la présence et de l'action de Dieu dans notre monde, surtout après la période troublée que nous avons vécue cet automne.

    Il nous arrive bien quelque fois d'avoir le sentiment que les choses n'arrivent pas par hasard — ou arrivent par hasarD avec un grand D, un D majuscule — mais on se dit souvent vite : "Ce n'est qu'une coïncidence" et on tourne la page, même si on aurait bien voulu que cela soit un signe ! Recevoir un signe, un signal, et à partir de ce moment-là se sentir soutenu, encouragé, affermi.

    Savez-vous qu'aux Etats-Unis et en Europe, plusieurs millions de dollars sont investis chaque année pour financer des radars et des équipes de scientifiques qui écoutent l'univers, pour tenter de capter les émissions d'une intelligence extraterrestre !

    Mais comment reconnaître un signal intelligent parmi le brouhaha de l'univers. On ne va tout de même pas recevoir un message radio en anglais ou en français. Comment reconnaître une langue, un signal extraterrestre ?

    Pour nous se pose le même problème : Comment reconnaître, parmi tous les messages, le message qui vient de Dieu ? Comment reconnaître, parmi toutes les personnes que nous croisons, la personne porteuse d'un message divin. Comment Jean Baptiste peut-il reconnaître parmi tous ses contemporains : « celui qui doit venir » ?

    Jean Baptiste est à la recherche du Messie, de « celui qui doit venir », celui qui est annoncé, promis, par l'Ecriture. Bien qu'il soit en prison, Jean Baptiste persiste dans sa quête et envoie ses disciples questionner Jésus : "Es-tu « celui qui doit venir » ?"

    Jésus va donner une réponse indirecte à cette question : il dit en quelque sorte à Jean-Baptiste : "Observe les signes, scrute ce qui se passe ! N'est-ce pas ce qui était annoncé dans l'Ecriture ?"

    En effet, ce qui est impossible aux hommes se réalise : "les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres". (Mt 11:5)

    Jean Baptiste a vu ces signes-là, ils nous ont été transmis dans les quatre évangiles, mais lorsque j'ouvre les yeux sur notre monde, aujourd'hui, je ne vois pas ces signes-là ! Le signe que je vois aujourd'hui, c'est seulement le signe de Noël que nous attendons, une naissance, la venue d'un nouveau-né. Des enfants continuent à naître dans notre monde ! Est-ce bien raisonnable ?

    Le signe que Dieu nous donne, sa signature, c'est la venue d'un bébé dans un pays occupé par les Romains, où des rébellions se déclenchent, suivies de représailles répressives, exactement la situation de la Palestine d'aujourd'hui ! Dans ce monde d'alors, comme dans notre monde d'aujourd'hui, Dieu donne comme seul signe "un nouveau-né, emmailloté et couché dans une crèche" (Luc 2:12).

    Un signe dérisoire face à nos attentes ! Dieu se moque-t-il de nous ? Quel est son plan ? Ce bébé Jésus est-il vraiment « celui qui doit venir » ?

    C'est à douter de tout, de Dieu, de Jésus, du salut ! Probablement est-ce pour cela que Jésus ajoute cette phrase — après les signes énumérés : "Heureux celui qui n'abandonnera pas la foi en moi, ou à cause de moi" (Mt 11:6). Oui, Jésus, tel qu'il est né, tel qu'il s'est présenté, tel qu'il a vécu, tel qu'il est mort, ne vient pas remplir nos désirs de toute puissance, nos attentes de bouleversements soudains, d'anéantissement radical et rapide du mal.

    Nous voudrions bien que Dieu intervienne radicalement dans notre monde d'aujourd'hui pour mettre fin à nos guerres, à nos injustices, à nos incapacités à partager... Mais il ne le fait pas. Il n'en a pas l'intention. Ce n'est pas sa façon de nous aimer et de nous respecter.

    Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né. Des signes qui ne s'imposent pas, qui n'éblouissent pas, qui ne retiennent pas l'attention des médias. Des signes discrets, mais qui sont partout, qui sont dans tous nos gestes, qui sont dans tous les gestes faits à notre égard.

     

    "L'homme qui vous reçoit, me reçoit; et l'homme qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé (Mt10:40) Celui qui donne même un simple verre d'eau à l'un de ces petits, recevra sa récompense." (Mt 11:42).

    Chaque geste est un signe, un signal qu'il faut recevoir comme venant de Dieu. Chaque geste que nous faisons, veillons à le faire comme un geste qui peut porter la signature de Dieu.

    Cessons de porter nos regards vers le ciel comme des radars fixés vers l'immensité vide de l'espace en attendant un signal extra-terrestre. La venue de Dieu sur la terre, que nous attendons dans cette période de l'Avent et qui se réalise à Noël, signifie que les signes de Dieu se réalisent maintenant sur notre terre, directement autour de nous et au travers de nous, à travers nos gestes, des gestes tout humains.

    Croire à l'incarnation de Dieu, c'est ouvrir les yeux sur notre réalité présente et y chercher, y voir sa trace, ses signes, sa signature.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Luc 1. Conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie

    Luc 1
    20.12.1998


    Conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie

    Romains 5 : 15-17      Luc 1 : 26-38      Matthieu 1 : 18-23

    Avez-vous comparé les premières pages des 4 évangiles. Avez-vous eu une fois la curiosité de voir comment commencent les 4 témoignages de l'oeuvre de Dieu pour nous ?
    Marc — le plus ancien évangile — débute avec le témoignage de Jean-Baptiste et le baptême de Jésus. Matthieu et Luc présentent quelques pages sur la naissance de Jésus; chez Matthieu, Joseph est averti par un ange de la mystérieuse conception de Jésus; chez Luc, c'est Marie qui reçoit l'annonciation. Enfin, Jean commence son évangile par une réflexion philosophique sur le Verbe, la Parole — dans laquelle, il faut reconnaître le Christ — qui préexiste à la création du monde. Quatre évangiles, quatre témoignages très différents et pourtant, une même intention : nous faire reconnaître dans ce Jésus de Nazareth : le Christ, le Fils de Dieu.
    De ces quatre témoignages, on peut tirer trois constats :
1) Plus le temps passe dans les premières églises, plus l'origine de Jésus — en tant que Fils de Dieu — est développée et remonte dans le temps.
2) Face à des témoignages aussi différents, il faut reconnaître que les faits historiques nous sont inaccessibles. Ce qui nous est transmis, ce ne sont pas des informations sur ce qui s'est passé, mais une réflexion élaborée sur la signification — donc la vérité — de ce que Dieu a voulu nous révéler.
3) Pour saisir la vérité contenue dans ces évangiles, nous avons intérêt à suspendre nos jugements sur l'historicité des faits pour aller à ce qui peut nourrir notre foi, notre faim de vérités pour notre vie d'aujourd'hui. Essayons donc d'aller au-devant de ces vérités que veulent nous révéler les évangiles.
    Je crois que Luc et Matthieu, en nous présentant leurs réflexions sur la conception et la naissance de Jésus essaient de répondre à la question : quel est le lien entre Jésus et Dieu ? Cette question est explicitement posée dans l'évangile de Jean :

    "Les juifs s'indignaient contre Jésus parce qu'il avait dit : « Je suis le pain descendu du ciel ».
    — N'est-ce pas Jésus, le fils de Joseph ? disaient-ils. Nous connaissons son père et sa mère. Comment peut-il dire maintenant qu'il est descendu du ciel ? (Jean 6:41-42)
    Même dans l'évangile de Luc on trouve cette question : "N'est-ce pas le fils de Joseph ? (Luc 4:22). Ce Jésus, dont la famille est bien connue, comment est-il relié à Dieu ?
    Matthieu et Luc, très explicitement, essaient de répondre à cette question par l'affirmation de l'intervention du Saint-Esprit et la non-intervention de Joseph dans la conception de Jésus, comme l'affirme le Symbole des apôtres : "conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie".
    Cette double affirmation nous révèle d'abord que le lien entre Jésus et Dieu est constitutif de la personne de Jésus. Ce n'est pas un lien acquis, à un moment ultérieur de la vie de Jésus. Dès le début de sa vie, Jésus est celui que Dieu destine à devenir le Messie, le Christ. Cette naissance est bien l'accomplissement des prophéties d'Esaïe qui annonçait une naissance, un rejeton issu du tronc de Jessé, de la famille de David. Dieu a prévu et préparé la venue de son Messie, il n'a pas choisi un homme existant — qui lui aurait plu (qui aurait pu lui plaire ?) — pour qu'il devienne le Christ.
    "Conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie" L'affirmation :"né de la vierge Marie" signifie l'exclusion de Joseph, de l'homme dans cette conception. Cette affirmation est à comprendre en écho au récit de la création de l'homme et de la femme, Adam et Eue. L'apôtre Paul fait ce lien entre Adam et le Christ. Adam est le premier d'une généalogie humaine et le premier de la généalogie des humains séparés de Dieu par le péché.
    En opposition, le Christ est le premier d'une nouvelle généalogie, celle des humains réconciliés avec Dieu. Cette opposition est marquée par la mise à l'écart — temporaire — de l'homme au masculin. Le masculin, avec son long passé patriarcal, est marqué par sa soif de pouvoir, de domination. Ce pouvoir, cette violence, cette domination devaient être écartés. Ce n'est pas par la vertu de l'homme, ni par son pouvoir ou par sa puissance, que le Fils de Dieu est venu visiter les humains, c'est par la seule et unique volonté de Dieu. Et pour réaliser son dessein, Dieu choisit ce qui est généralement méprisé, dénié, bousculé, oppressé : une jeune femme dans une société patriarcale.
    "Conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie". Nous avons vu la face sombre de cet énoncé — la condamnation de l'oppression de l'homme sur la femme, image de toutes les oppressions — mais il y a aussi une face lumineuse : Dieu intervient lui-même — par le Saint-Esprit qui est comme son bras droit, sa présence dans notre monde — pour que se réalise sa volonté.
    Dans la personne de Jésus, Dieu s'incarne, prend corps, la Parole faite chair. En Jésus, Dieu s'est lui-même abaissé et caché dans l'humanité pour s'y dévoiler, s'y révéler pleinement à Pâques. Dieu assume pleinement la condition humaine, de la naissance à la mort, pas seulement pendant les trois ans du ministère de Jésus.
    En Jésus, la condition humaine est pleinement prise en compte et revalorisée. Jésus inaugure bien une nouvelle lignée, à laquelle nous somme invités à participer. Une nouvelle lignée dans laquelle nous pouvons aussi renaître, par la puissance du Saint-Esprit; souvenez-vous de Nicodème.
    Cette nouvelle lignée nous a été ouverte par Jésus, le Christ et nous pouvons y être associés — comme le dit Paul — en étant baptisés dans la mort et la résurrection du Christ et en participant au repas auquel Jésus nous invite pour commémorer sa vie et sa mort.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Jérémie 33. D'une royauté terrestre à une royauté sur les cœurs

    Jérémie 33

    29.11.2009

    D'une royauté terrestre à une royauté sur les cœurs

    Jér 33:12-16 + 19-22 Mc 1 : 1-5

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Nous vivons le premier dimanche de l'Avent, temps de préparation à Noël. Temps de notre préparation et rappel du fait que Dieu lui-même a préparé son peuple à accueillir Jésus comme son Fils. Il y s donc un double mouvement : (i) faire mémoire de l'Ancien Testament pour nous rappeler les promesses de Dieu et comment il les réalise et (ii) comme Jean Baptiste : préparer le chemin du Seigneur, nous préparer intérieurement à le recevoir, à lui faire une place dans nos vies.

    Vous avez entendu trois petits textes transmis par le prophète Jérémie, rappelant les promesses de Dieu. Jérémie parle dans une période de profond bouleversement, puisqu'il parle alors que Jérusalem et les contrées environnantes sont occupés, pillées et détruites par l'ennemi d'Israël, le royaume de Babylone.

    Le premier texte promet le retour à la normalité : "dans ce pays dévasté, il y aura de nouveau place pour des bergers qui surveillent leurs moutons pendant la nuit." (Jr 33:12) Un texte qui trouve un écho dans le récit de Noël, où les anges annoncent la naissance de Jésus aux bergers qui gardent leurs troupeaux dans les champs. Une première promesse réalisée au moment de la naissance de Jésus.

    Le deuxième texte parle de la naissance d'un vrai descendant de David. Ce descendant a pour caractéristique de "faire appliquer le droit et de rendre la justice." (Jr 33:15) La libération du pays de Juda et de Jérusalem a pour but l'établissement du droit et de la justice, c'est-à-dire rendre justice aux plus faibles, à ceux qui sont lésés. Du Décalogue à la prédication des prophètes, Dieu s'affirme comme le défenseur de la justice.

    Enfin, le troisième texte promet une descendance à Israël, une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel ou que le sable de la mer, les termes mêmes de la descendance promise à Abraham. Il y a aussi dans ce troisième texte la promesse d'avoir perpétuellement un roi, un descendant de David à Jérusalem. Cela pose évidemment un problème, puisque le trône de David n'a pas pu être rétabli de façon durable à Jérusalem. Le peuple d'Israël n'a pu se gouverner lui-même que pour de très courtes périodes entre le retour de Babylone et la destruction de Jérusalem en 70 après J.-C. par les Romains.

    Clairement, la royauté que les chrétiens attribuent au Christ n'est pas de même nature que celle promise dans ce passage. Comprendre ce décalage, c'est comprendre la pédagogie de Dieu. Comprendre cette pédagogie, nous permettra de comprendre ce que Dieu veut pour nous aujourd'hui.

    La pédagogie de Dieu pour se faire comprendre est adaptée à nos moyens et à nos limites humaines. Dieu ne pouvait se révéler d'un coup — comme il l'a fait au travers de Jésus — dès qu'il a abordé l'être humain. Il n'aurait pas été compris. Jésus a déjà été si peu compris après des siècles de préparation, d'Abraham à Jean Baptiste. Qu'est-ce que cela aurait été sans cette préparation ?

    On peut schématiser la découverte de Dieu par l'être humain en trois phases.

    Première phase. L'être humain pense que Dieu et le cosmos sont une seule et même entité. L'être humain comprend les phénomènes naturels comme des gestes, des mouvements, des expressions de Dieu. La foudre de Zeus en est un exemple. (Mais nos contemporains pensent aussi souvent comme cela, soit lorsqu'ils adorent la nature et les couchers de soleil, soit quand ils pensent que les catastrophes naturelles viennent de Dieu). Dans le judaïsme et le christianisme, Dieu et la nature sont clairement séparés : il a fallu l'apprendre.

    La deuxième phase a servi à sortir de la première phase. Dieu s'est présenté comme celui qui dirige l'Histoire et les événements. Il n'est plus le Dieu-cosmos, il est dans l'Histoire et il guide son peuple, comme ses dirigeants, et fait gagner les batailles. Dieu a pris ce rôle, un temps, de manière limitée, envers Israël, pour le faire sortir de ce qu'on appellera le paganisme : confondre Dieu et la Nature.

    Dans cette deuxième phase, Dieu se fait connaître à son peuple, pour le mettre sur la voie de la troisième phase. Il se montre comme un Dieu qui se rapproche de son peuple, comme un Dieu qui exige le droit et la justice (qui sont différents des lois de la nature, de la loi de la jungle).

    La promesse d'un roi, d'un royaume terrestre appartient à cette phase intermédiaire, mais qui n'est pas l'accomplissement de la révélation divine. Cela prépare à la troisième phase qui est révélée à Noël, en Jésus-Christ : Dieu vient habiter parmi nous, en nous.

    Dieu devait être séparé du cosmos, il doit maintenant être séparé de l'Histoire, pour entrer dans le cœur de l'être humain, au cœur du culte et de la culture.

    La troisième phase est un processus d'intériorisation. Dieu habite parmi nous, en nous, en chacun et entre chacun. Si le droit et la justice doivent régner dans la société, il est plus important encore que la paix et l'amour vive en chacun et entre chacun d'entre nous. C'est la troisième phase, celle que Jésus inaugure à Noël, celle que nous préparons pendant le temps de l'Avent.

    Jean Baptiste appelle au changement de comportement. Chacun est appelé à changer parce que le Royaume de Dieu s'est approché, parce que Dieu est là, tout près, et il veut entrer en nous, nous habiter. Les contes de Noël nous invitent à ce changement intérieur : creuser de la place en nous, valoriser l'être plutôt que les choses, s'offrir, offrir sa présence, plutôt que chercher à acquérir ou à prendre, s'émerveiller comme les bergers, plutôt qu'exercer le pouvoir et la violence comme Hérode.

    Où en sommes-nous de notre compréhension de Dieu ? Fait-il partie de la nature, tantôt belle, tantôt cruelle ? L'attendons-nous dans l'Histoire, pour faire à notre place ce qui est de notre ressort ? Ou bien allons-nous lui faire une place à l'intérieur de nous-mêmes, dans notre cœur, dans nos relations, dans nos familles ?

    Laissons-nous questionner par ce Dieu qui réclame une place au milieu de nous ! Une place qui n'est pas demandée au moyen de la foudre, une place qui n'est pas demandée par un roi entouré d'une grande armée, mais une place qui est demandée par un bébé dans une crèche.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2009