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climat

  • Le néo-libéralisme est le fruit de la moitié du Christianisme (I)

    1 Corinthiens 10

    25.8.2019

    Le néo-libéralisme est le fruit de la moitié du Christianisme

    1 Corinthiens 10 : 23-33        Marc 2 : 23-27

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    L'état de notre planète est devenu une thématique majeure de notre société dans son ensemble depuis environ une année. Beaucoup, mais qui étaient restés minoritaires, avaient cette préoccupation depuis plus longtemps. Dès 1990, le Conseil oecuménique des églises (COE) avait lancé une action intitulée « Paix, justice et sauvegarde de la Création » pour sensibiliser les Eglises à l'écologie. Dans notre Eglise, le mois de septembre a été choisi pour rappeler aux paroissiens le thème de la création.

    Aujourd'hui et les deux prochains dimanches, mes prédications porteront sur le thème de la sauvegarde de la création, de la planète. Je m'inspire d'un article que Jacques Ellul a écrit en 1983 déjà, intitulé « La responsabilité du Christianisme dans la nature et la liberté ».* Il y décrit comment le Christianisme a été un mouvement d'immense libération de l'être humain. L'être humain est libéré des pouvoirs (compris comme les tabous), de la Loi, de la morale sociologique et de la religion (comprise comme superstition) (p.547). L'Evangile est libération, mais ces libertés sont associées à l'amour, pour que la liberté soit constructive et non pas destructrice.

    Aujourd'hui, nous abordons la libération vis-à-vis de la Loi, de la loi divine. Dans la deuxième lecture, nous voyons Jésus transgresser le quatrième commandement du Décalogue, le sabbat avec ses disciples. Aux pharisiens qui le lui reprochent, il répond : « Le sabbat a été fait pour l'homme, non l'être humain pour le sabbat (Mc2:28).

    Une phrase par laquelle Jésus affirme que la loi divine n'a pas été donnée pour asservir l'être humain (le rendre obéissant), mais pour le libérer, pour le rendre responsable. A l'être humain de choisir ce qu'il faut faire, en toutes circonstances, pour répondre à l'appel de Dieu ou aux besoins de son prochain.

    Voilà une libération incroyable ! Les premiers croyants l'ont bien compris, ils en ont fait un slogan — peut-être pour l'évangélisation — « Chez nous tout est permis » ! L'apôtre Paul reprend ce slogan : Oui, tout est permis, mais ! Mais tout n'est pas constructif (1 Co 10:23), mais tout n'est pas utile (1 Co 6:12), mais tout n'aide pas mon prochain à grandir.

    Paul choisit le thème de la viande sacrifiée aux idoles — c'est-à-dire abattue dans les temples païens — comme exemple. Il est d'accord sur le fait que les idoles n'existent pas, ce sont seulement des statues de pierre. Donc elles n'ont aucun pouvoir et n'influencent pas la « qualité » de la viande ou le devenir du croyant. Le chrétien a cette connaissance et peut librement en manger.

    Mais Paul met une limite à cette liberté : le trouble que cela peut créer chez un chrétien moins avancé (1 Co 8:9-13), ou bien le contre-témoignage que cela pourrait apporter à un païen. Ce dernier pourrait croire que le chrétien honore aussi son idole.

    La limite à la liberté est donc posée par le risque d'atteinte à l'autre, au prochain ou à Dieu. Il n'y a pas de limite intérieure. La liberté intérieure est totale, mais elle n'abolit pas l'attention à l'autre, la sollicitude, l'amour.

    L'amour du prochain devient la mesure du comportement. Saint Augustin résumait cela en disant : « Aime, et fais ce que tu veux ! »

    Cette libération a créé une ouverture incroyable contre les tabous et les superstitions. Elle a permis l'exploration et la découverte du monde, l'explosion de la curiosité, les grandes découvertes avec la navigation autour du globe, l'amélioration de la médecine en ouvrant les corps à la dissection (même si l'Eglise y était plutôt opposée). Elle a permis l'explosion de l'exploitation des ressources du globe, les colonies, les industries, etc.

     

    On voit que cette libération a permis plein de choses extraordinaires, mais aussi une masse de fléaux, de catastrophes. d'asservissement et d'esclavage. La terre a été considérée comme un supermarché en libre service pour les plus entreprenants et les plus téméraires, voir simplement les plus forts et les plus violents.

    La société occidentale — libérée de ses tabous et de sa crainte de Dieu — s'est emparée du slogan « Tout est permis » mais a abandonné, oublié, rejeté toute limite posée par le respect du prochain.

    Il a été décidé qu'il était plus important d'édifier des entreprises rentables et profitables que d'édifier des communautés humaines conviviales et sociales.

    Le néo-libéralisme est le fruit de la moitié du Christianisme : la liberté sans l'amour du prochain.

    Individuellement, nous pouvons être irréprochables dans notre respect et notre amour du prochain, malgré cela, nous participons à un système qui exploite les humains au nom de la liberté économique. Nous participons à un système qui exploite la planète — au point de ruiner la biodiversité et le climat — au nom de la liberté des entreprises et — pendant les campagnes de votations — au nom de l'emploi.

    Aussi vertueux que soient nos comportements individuels envers notre prochain et envers la planète, il n'y a pas d'issue sans un changement de système. Il est nécessaire de réintroduire la limite de l'attention, du respect du prochain. Réintroduire la composante humaine, le volet social. Pour plagier Jésus, il faut réaffirmer : l'économie a été faite pour l'homme, non l'être humain pour l'économie.

    C'est ce renversement qu'attendent et que veulent provoquer les jeunes, et les moins jeunes, qui manifestent pour le climat, parce qu'il s'agit le leur vie, de leur survie pour les 80 prochaines années qu'ils ont à vivre sur cette seule planète.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019.

     

    * publié dans Jacques Ellul, Vivre et penser la liberté, Genève, Labor et Fides, 2019, pp.547-553.

     

     

  • Genèse 6. Après nous le Déluge ?

    Genèse 6

    5.5.2019

    Après nous le Déluge ?

    Genèse 6 : 9-22      Deutéronome 30 : 15-18

    télécharger le texte : P-2019-05-05.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Le récit du Déluge est choquant ! Nous dire que l’humanité est pourrie (fr c.), que le monde est dévoyé et qu’en conséquence, Dieu veut éliminer l’être humain de la surface de la terre et qu’il le fait ! Oui c’est choquant. Mais n’est-ce pas aussi ce que nous voyons aujourd’hui autour de nous dans le monde. Il y a la violence humaine directe, à travers les guerres, le terrorisme et tous les mauvais traitements. Il y a aussi la violence indirecte de nos sociétés qui conduit à la sixième extinction et au réchauffement climatique. Aussi, je crois que ce texte a du sens. Ce récit veut nous dire quelque chose d'important pour nous aujourd'hui.

    Aussi farfelus que soient les détails et le déroulement, il est maintenant presque certain qu'un fait réel est à la base de ce récit de Déluge, récit qu'on retrouve dans toutes les civilisations du Moyen Orient Ancien. Deux scientifiques américains (William Ryan et Walter Pitman*) — des géophysiciens — ont découvert le cataclysme qui est à l'origine de ces récits et qui s'est déroulé vers 5'500 ans av. J.-C.

    Pour le comprendre, il faut remonter à l'ère glaciaire. Lorsque les glaciers recouvraient toute l'Europe et une bonne partie de l'hémisphère Nord, le niveau des océans était beaucoup plus bas qu'aujourd'hui. Avec la fonte des glaces, les océans se sont mis à remonter, lentement. La Méditerranée s'est donc aussi mise à remonter. Parallèlement, ce qui est aujourd'hui la Mer Noire, était un lac d'eau douce à environ 120 mètres en-dessous de son niveau actuel. Vers 5'500 ans av. J.-C. le niveau de la Mer Méditerranée est monté au-dessus de la barrière rocheuse qui sépare la Mer de Marmara, au delà d'Istanbul, du Bosphore, et dans un cataclysme inimaginable, la mer à commencé à se déverser dans le bassin de la Mer Noire actuelle, provoquant une inondation démesurée. En quelques mois les niveaux se sont équilibrés, mais au prix de nombreuses terres définitivement englouties.

    Cet événement — cataclysmique pour les populations locales — est resté dans les mémoires de tous les peuples du Moyen-Orient Ancien. On en retrouve des traces dans leurs récits mythologiques.

    Le texte biblique — appelé communément le Déluge, mais dont le terme utilisé signifie "inondation" ou "cataclysme" — essaie de faire, longtemps après, une interprétation théologique de cet événement !

    On peut donc voir dans ce récit le travail de pensée, de réflexion de croyants qui se demandent : d'où vient une pareille catastrophe ? Quelle est l'implication de Dieu ? Sommes-nous tous, toujours menacés ? L'existence est-elle alors absurde, ou bien y a-t-il pour nous une promesse de vie ? Y a-t-il un signe qui nous rappelle cette promesse ?

    Ce récit nous donne donc à réfléchir et cherche à nous donner des réponses qui ont du sens, des réponses qui prennent sérieusement en compte l'existence du mal dans le monde.

    Si l’on écoute attentivement les experts, aujourd’hui il n’y a pas besoin d’un jugement de Dieu pour que la planète soit en danger. Nous allons tout seul vers notre propre destruction. Les signes sont là, visibles. Nous sommes avertis.

    C’est là que le récit du Déluge est intéressant. Il a un message pour nous aujourd’hui. Comment le récit est-il construit ? Il y a trois éléments qui se succèdent :

    1. D’abord la constatation du mal et le jugement sur ce mal. Il y a un mal si grand sur la terre que cela constitue une menace, une menace sur la vie, autant animale qu’humaine. Il faut s’occuper de ce mal, le traiter pour permettre un nouveau départ. Cela passe par l’anéantissement de l’humanité !
    2. Ensuite, il y a une cependant une grâce, un salut, une volonté de préservation. La destruction ne doit pas être totale, il faut la possibilité d’un nouveau départ. Noé est avertit. Dieu lui fait part d’un plan.
    3. Enfin, il y a l’action qui conduit au salut. Comment cela se passe-t-il ? Il y a deux phases. La part de Dieu et l’œuvre de l’humain.

    L’action divine consiste à avertir Noé de ce qui va se passer et de lui donner quelques informations pratiques. Ensuite, c’est à Noé de mettre en œuvre, à prendre les mesures concrètes. Pratiquement, il doit croire que l’avertissement est sérieux, il doit mobiliser ses ressources et sa volonté et se mettre au travail pour construire l’arche. Cela nous enseigne trois choses.

    1. Il y a des avertissements. Nous avons assez de rapports sur l’état de la planète, de la nature pour prendre conscience que notre société humaine ne peut pas continuer à vouloir croître, en confort, en consommation et en nombre sur une planète limitée. Nous sommes avertis, comme Noé l’a été de ce qui va advenir.
    2. Il n’y aura pas de sauvetage matériel miraculeux de la part de Dieu. La part de Dieu c’est de nous ouvrir les yeux. Sa Providence nous a donné une intelligence et une science qui nous permettent d’observer le monde et de voir ce qu’il va arriver. Le constat est fait, il est évident. Tout est entre nos mains.
    3. C’est donc à nous de nous mobiliser. Comme le dit la jeune Greta Thunberg, les outils et les solutions pour sauver la planète sont déjà là, ils sont connus, ils sont disponibles. Mais il manque la volonté de se mettre en marche.

    Nous sommes comme un Noé qui a reçu l’avertissement du Déluge, mais qui se dit : « buvons encore une bière et profitons de ce beau coucher de soleil. Je ne vais pas m’embêter à renoncer à mon confort, dépenser mes sous à construire un bateau et chercher tous ses animaux. Encore moins à m’enfermer tout ce temps, inconfortablement, dans un espace restreint... Je transmettrai l’information à mes enfants et ils s’en occuperont... »

    Est-ce responsable ? Le problème actuel de notre société, c’est notre peur de perdre. Nous ne voulons pas renoncer à nos acquis, à notre confort, à notre luxe. Nous ne voulons rien sacrifier aujourd’hui, pour infléchir l’avenir. Mais plus nous attendons, plus il sera difficile de prendre le virage indispensable à la survie de l’humanité sur notre planète. Noé aurait-il pu construire son arche avec les pieds dans l’eau ?

    Nos Eglises ont un rôle à jouer dans la transition écologique vers une société durable, c’est-à-dire vers une société qui vive sur ce que produit réellement la planète et pas en puisant de manière illimitée dans ses réserves.

    Nous confessons un Dieu bienveillant pour l’humanité, un Dieu qui prend soin des humains. Un Dieu qui nous a confié le monde comme un jardin pour l’entretenir, pas pour le détruire. Mais il ne va pas nous fournir une seconde planète après que nous ayons détruit la première. Il nous a donné un code de conduite et une intelligence pour recevoir les avertissements — à la manière de Noé pour choisir la VIE (Deut. 30:15-18).

    Qu’allons-nous faire de cela ? Aurons-nous le courage de Noé de recevoir l’avertissement que la planète est au bord de la destruction ? Allons-nous nous mettre au travail — même avant les autres — pour sauver le monde vivant ? Allons-nous changer de mode d’existence pour que la vie sur terre soit encore possible pour les générations suivantes, qui sont celles de nos enfants et de nos petits-enfants ?

    Ou bien serons-nous ceux qui disent « Après nous le Déluge... ? »

    Amen

     

    * William Ryan et Walter Pitman, Noah’s Flood, New York, Simon & Schuster, 2000.

    © Jean-Marie Thévoz, 2019