Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

conscient

  • Psaume 16. De la liberté pour lire les Psaumes

    Psaume 16
    25.1.2015
    De la liberté pour lire les Psaumes


    Psaume 16 : 1-11       Actes 2 : 22-32

    Télécharger ici le texte : P-2015-01-25.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Le programme d’Exploration biblique qui commence en février porte cette année sur les Psaumes. Notre Bible compte 150 psaumes, c’est le plus long libre de l’Ancien Testament. C’est le livre le plus cité dans le Nouveau Testament. Les Psaumes ont été de tout temps une source d’inspiration pour la théologie, pour la liturgie et pour la prière, collective et individuelle. Dans tous les monastères, les Psaumes sont priés ou chantés chaque jour, tout au long de l’année.
    Malgré cela, les Psaumes sont souvent difficiles à lire, à écouter ou à prier. Il y a des obstacles de langage. Il y a des obstacles par rapport à la brutalité ou à la violence de certaines demandes, notamment lorsqu’il s’agit d’écraser les ennemis ou les adversaires. Faut-il pour autant les abandonner ? Comme le disait Thérèse Glardon dans sa conférence introductive au thème, on ne jette pas un poisson parce qu’il a des arêtes. Simplement, on enlève les arêtes pour en manger la chair délicieuse.
    Le premier pas, c’est de ne pas prendre les Psaumes pour des récits historiques. Si un Psaume demande l’écrasement des adversaires, c’est une demande, pas un acte, pas une mobilisation pour partir en guerre. C’est une demande de délivrance adressée à Dieu. Et dire sa colère soulage et permet de ne pas passer à l’acte.
    Le deuxième pas est de comprendre que les Psaumes sont des textes poétiques. La poésie n’est pas comme un texte de loi ou un article de journal. La poésie utilise un langage libre, des images, des métaphores, des comparaisons ; c’est un appel à l’interprétation. Le texte poétique doit être interprété pour être compris. Le texte poétique peut avoir plusieurs sens en même temps, il peut aussi avoir plusieurs niveaux de compréhension. Le texte poétique appelle à être interprété, en lien avec chaque époque où il est lu. Les images doivent souvent être retraduites.
    Le troisième pas, c’est de réaliser que la poésie ne fait pas appel à notre rationalité, mais à notre sensibilité, à nos émotions. La poésie parle souvent directement à notre inconscient, en passant par-dessus les barrières de la raison. Un texte poétique peut faire pleurer d’émotion, sans trop savoir pourquoi, ce qui n’est pas le cas du mode d’emploi de sa télécommande.
    Le texte poétique parle au corps et engage le corps autant que la tête. C’est pourquoi le langage poétique peut être pour nous une porte ouverte vers la spiritualité, vers Dieu. En effet, notre foi est vaine si elle est seulement un savoir, une réflexion sur Dieu. Notre foi devrait être confiance, assurance, réconfort pratique dans notre vie de tous les jours. C’est exactement ce dont parle ce Psaume 16 que vous avez entendu.
    Il commence par ces mots : « O Dieu, veille sur moi, je me réfugie (je me blottis) en toi » (Ps 16:1). Si le psalmiste peut dire cela, c’est qu’il éprouve vraiment un sentiment de sécurité. Que serait une sécurité théorique ? De quelle sécurité avons-nous besoin ? D’une sécurité pratique qui nous assure un sentiment intérieur de protection, de calme, de sérénité contre les assauts de l’angoisse.
    Ce psaume est construit comme une suite de vagues. On commence en haut avec la sécurité, on descend vers l’angoisse du choix, on remonte avec la confiance, on redescend vers l’angoisse de la mort et on remonte vers l’assurance d’être guidé et de pouvoir vivre dans la joie. Ce psaume mentionne donc deux types d’angoisse que tout être humain rencontre dans son existence. 
    D’abord aux vv. 3-4, il est question des idoles « les autres dieux qui augmentent les tourments ». C’est la question de savoir à qui se fier. En qui, en quoi pouvons-nous fondamentalement avoir confiance ? Sur quoi nous reposer ? Allons-nous où se ruent la majorité de nos concitoyens ? Allons-nous là où les consultants nous conseillent d’aller ?
    Le psalmiste confesse : « Seigneur, tu es la chance de ma vie ! » et il continue dans la reconnaissance : « Je remercie le Seigneur qui me conseille, même la nuit ma conscience m’avertit. » (v.7). Ce verset est très intéressant. Comme souvent en poésie hébraïque, on a deux phrases en parallèle qui se répondent, s’opposent ou se complètent. Ce parallélisme nous donne comme un effet 3D.
    La mention de la nuit dans la deuxième partie de la phrase nous permet de penser — c’est de la poésie — que la première partie a lieu le jour. On a l’opposition veille-sommeil. Donc le jour, le Seigneur me conseille. Dieu est présent par son enseignement, sa parole. Il parle à mon intelligence, à ma conscience.
    Et la nuit ? Littéralement le texte dit : « les nuits, mes reins m’avertissent ». Les reins, ce sont les trippes, les viscères. C’est le lieu du ressenti, mais aussi ce qui travaille en silence — ou avec quelques borborygmes — mais de façon non dirigée, non consciente. La digestion se passe sans directions de notre part. De plus, les découvertes récentes montrent que nous avons autant de neurones actifs dans la cavité abdominale que dans le cerveau et qu’une grande partie de nos humeurs ou de nos émotions pourraient prendre leur source dans ces tissus nerveux abdominaux.
    De là, il n’y a qu’un minuscule pas à faire pour traduire cette phrase de poésie « mes reins m’avertissent » par « mon inconscient me parle la nuit, comme Dieu me parle le jour ». Une façon pour le psalmiste de dire : corps et âme, vous ne faites qu’un. Unifiez votre personne. Dieu vous entend tout entier, corps et âme. Vous pouvez vous présenter entier devant Dieu, conscient et inconscient ensemble.
    La seconde angoisse que le Psaume aborde est l’angoisse face à la mort « Tu ne permets pas à ton fidèle de voir sa destruction » (v.10). Cette phrase a été reprise dans le texte des Actes que nous avons entendu. Elle est appliquée à Jésus, pour dire que la résurrection était prévue par Dieu pour Jésus. On voit là, la liberté que le Nouveau Testament prend dans l’interprétation des Psaumes. Liberté nécessaire, utile pour comprendre et nous approprier ces Psaumes. Nous les approprier jusqu’à ce qu’ils descendent en nous, jusqu’au fond de notre âme, de notre être, de nos « reins », de notre conscient comme de notre inconscient. Qu’ils imprègnent notre intelligence comme notre corps et nos émotions.
    C’est comme cela — en nous les appropriant — que nous pourrons goûter vraiment aux délices et à la sécurité qui sont évoquées dans ce Psaume 16, au contact de Dieu.
    Nous pourrons ainsi vivre de la promesse qui termine ce psaume : « Tu me fais savoir quel chemin mène à la vie. On trouve une joie pleine en ta présence, un plaisir éternel près de toi » (v.11).
    Découvrir, redécouvrir les Psaumes, c’est une occasion de se donner une nouvelle liberté de lecture ; une occasion d’unifier notre intelligence et nos émotions devant Dieu ; une occasion de découvrir cette école de prière et cette école de vie.
    Amen

    Des informations proviennent du livre de Thérèse Glardon, Ces Psaumes qui nous font vivre, Le Mont-sur-Lausanne, Editions Ouverture, 2014.

    Autres prédications sur les Psaumes : Psaume 8 (1), Psaume 8 (2), Psaume 114, Psaume 137.


    © Jean-Marie Thévoz, 2015