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figure messianique

  • Genèse 44. Joseph renonce au repas froid de la vengeance

    Genèse 44

    11.2.2018

    Joseph renonce au repas froid de la vengeance

    Gn 44 : 1-18 + 33-34       Gn 45 : 1-7

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Le plan qu'a mis en place Joseph pour éviter la famine en Egypte, — après les rêves de vaches grasses et de vaches maigres du Pharaon — fonctionne à merveille. L'Egypte a des réserves. Le pays joue son rôle de grenier pour ses habitants, même pour ceux des pays voisins.

    C'est ainsi que les frères de Joseph viennent s'approvisionner en Egypte, par deux fois. Cependant, chaque fois, ils sont en butte à des tracasseries, ou même pire. Etrangers et vulnérables, loin de chez eux, ils sont accusés, d'abord d'être des espions, puis d'être des voleurs.

    Le récit souligne cependant deux choses à propos de ces accusations. - D'abord, qu'elles sont fausses. Les dix frères sont innocents, ils sont faussement accusés. - Ensuite ces accusations sont montées de toutes pièces par Joseph. C'est lui qui tire les ficelles. Il manipule ses frères. Alors, on peut se demander : Pourquoi Joseph fait-il cela ? Est-il sadique ? Cherche-t-il à se venger de ses frères ?

    On connaît assez bien ce mécanisme aujourd'hui : où celui qui a été victime répète la même violence, - soit en retour contre les mêmes personnes, sous forme de vengeance ouverte, - soit contre d'autres personnes, sans même le savoir comme le font les victimes de violence ou d'abus. Ainsi — en filigrane — le récit attire notre attention sur le risque du phénomène de répétition : Joseph ne le fait-il pas deux fois, lors de chaque voyage ? C'est peut-être le côté sombre de Joseph ! Il ne peut s'empêcher d'être violent à son tour.

    Mais le texte ne s'arrête pas là. Ces pièges que dresse Joseph contre ses frères ont aussi une valeur de test. Joseph veut se rendre compte dans quelle mesure l'attitude de la fratrie est restée celle du temps de son expulsion, ou si cette attitude a changé. "Joseph soumet ses frères coupables [envers lui] en somme, à une tentation qu'ils connaissent bien puisqu'ils y ont déjà succombé [une fois], celle d'abandonner impunément le plus jeune et le plus faible d'entre eux."*

    Dans son deuxième piège, Joseph — d'abord par l'intermédiaire de son intendant, puis de sa propre bouche — propose une solution simple à ses frères pour s'en sortir : "le coupable seul deviendra mon esclave; les autres seront libres" (Gn 44:10 et 17)

    Les frères peuvent sauver leur peau, se sortir de cette situation périlleuse s'ils abandonnent leur jeune frère ! C'est là le test. Vont-ils choisir la lâcheté ou la solidarité ? D'un côté, il y a le chemin de la répétition du mal et de la culpabilité; de l'autre, il y a le difficile chemin de risquer de perdre sa liberté pour sauver l'unité de la fratrie, pour sauver la relation et la vérité de la relation.

    C'est Juda — au nom de tous ses frères probablement — qui affronte l'égal de pharaon et tente de sauver Benjamin. Il a choisi la voie de la solidarité. Il est prêt à prendre la place de Benjamin, comme esclave, plutôt que de l'abandonner en Egypte et provoquer la mort de leur père !

    Les paroles de Juda sont celles qu'attendait Joseph ! Ses frères ont changé, découvre-t-il. Ils ont renoncé à leur attitude passée, ils sont devenus une vraie fratrie, il ne reste qu'à y réintégrer Joseph lui-même. L'heure de la réconciliation a donc sonné, heure de la révélation, du dévoilement de l'identité de ce premier ministre.

    Maintenant, Joseph peut pardonner pleinement à ses frères et vivre une vraie réconciliation avec eux. Il peut évoquer le passé avec eux, sans ressentiment, sans rancune. La fraternité l'a emporté sur la haine. Joseph va faire lui-même une relecture de sa propre histoire, non pas en termes de victime, mais avec les yeux de Dieu :

    "Dieu m'a envoyé dans ce pays avant vous, pour que vous puissiez y avoir des descendants et y survivre; c'est une merveilleuse délivrance." (Gn 45:7)

    Pas facile de relire sa propre histoire, notre propre histoire — avec ses hauts et ses bas — comme l'histoire que Dieu lui-même a dessinée pour notre vie. Certaines choses restent longtemps incompréhensibles, et pourtant, notre vie a-t-elle plus de sens si nous n'y voyons pas la main de Dieu ?

    Combien de coïncidences, de rencontres, d'événements ne viennent-ils pas s'intégrer dans notre vie au bon moment, comme une réponse, comme un stimulant à avancer, à découvrir une nouvelle dimension, une nouvelle direction à notre vie ?

    Une personne me disait lors d'une visite à l'hôpital : "Quand je regarde ma vie, je vois la synchronisation que Dieu met dans mes rencontres... comment il me prépare à ce qui va arriver..." Il appelait cela de la synchronisation. Combien de choses viennent à point nommé ? Savons-nous les recevoir, les interpréter comme un signe de la Providence ? Voir comment Dieu agit dans nos vies, nous aide également à pardonner à ceux qui nous ont fait du tort, comme Joseph le dit à ses frères :

    "Ne vous tourmentez pas et ne vous faites pas de reproches pour m'avoir vendu ainsi. C'est Dieu qui m'a envoyé ici à l'avance, pour que je puisse vous sauver la vie" (Gn 45:5)

    Traditionnellement, Joseph est vu comme une figure messianique, qui préfigure le Messie, le Christ. Joseph, fait figure de Messie en ceci : Il est d’abord rejeté (lorsqu’il est vendu par ses frères), puis abaissé (lorsqu’il est injustement envoyé en prison), ensuite, il devient le Messie qui sauve l'humanité de la mort, de la pénurie (lorsqu’il devient intendant du pharaon et gérant de toutes les récoltes du pays), enfin, ici, finalement (par d'étranges détours — des pièges au pardon —) il est celui qui inaugure une réconciliation fraternelle qui met fin à toute violence.

    Le repas des retrouvailles, de la paix et de l'entente peut avoir lieu, anticipation et actualisation du repas du Royaume auquel Dieu nous invite tous, sans exclusion.

    Amen

    * Citation de : René Girard, Je vois Satan tomber comme l'éclair, Paris, Grasset, 1999, p. 176-177.

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Genèse 37. Joseph, un destin qui s’accomplit dans l’épreuve

    Genèse 37

    14.1.2018

    Joseph, un destin qui s’accomplit dans l’épreuve

    Genèse 37 : 2-11      Genèse 37 : 12-27+36       Marc 9 : 33-35

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Pendant ces prochaines semaines — en parallèle avec le programme des Etudes bibliques — je vous propose de faire un parcours dans la vie de Joseph, le fils de Jacob. Aujourd'hui, vous avez entendu les premiers passages de sa vie que nous présente le livre de la Genèse. Le premier passage (A) nous décrit la situation familiale dans la fratrie des fils de Jacob. Ensuite (B) nous avons entendu les rêves de Joseph puis (C) le complot que les frères préparent pour se débarrasser de lui.

    A. La famille de Jacob est plus compliquée qu'aucune des "familles recomposées" qu'on rencontre de nos jours. Imaginez : un père avec douze fils nés de quatre femmes différentes, dont deux sont sœurs et les deux autres leurs servantes. L'une de ces épouses, Rachel, la bien-aimée de Jacob est décédée. Cela fait un fils aîné, Ruben, le premier-né de la première femme (Léa) et trois autres fils premiers-nés des autres femmes qui peuvent chacun réclamer une prééminence. Ce sont Dan (fils de Bila), Gad (fils de Zilpa) et Joseph (fils de Rachel) le onzième fils de Jacob. Joseph est donc le cadet, c'est-à-dire l'avant-dernier fils, le dernier étant Benjamin, le benjamin de la famille.

    Pour tout compliquer, Joseph a un statut particulier en tant que fils tant attendu de Rachel, le premier amour de Jacob. Joseph est donc le préféré de son père, ce qui est manifesté ostensiblement par la robe — particulièrement riche — qu'il reçoit de son père. Cette fratrie est donc animée de rivalités qui tiennent aux rangs réels, numériques, de chacun dans la famille et à la jalousie qui vient de la prééminence que Jacob accorde à Joseph. Dans ce sens, Jacob n'a jamais guéri de ce que j'appellerai "sa haine contre le droit d'aînesse héréditaire." Il reporte sur ses propres enfants le problème qui l'habite !

    En même temps, cette "haine contre le droit d'aînesse héréditaire" est quelque chose que Dieu partage, parce que ce prétendu droit s'apparente trop souvent au simple "droit du plus fort". Ainsi cette fratrie sans chef évident ("de droit divin"!) ressemble en miniature à toute société humaine. Cette famille est l'image de toute société humaine avec ses luttes de clans, ses haines et ses jalousies, ses rivalités et ses envies d'exclusion et de meurtres.

    B. Là au milieu, il y a Joseph, que l'on peut voir péjorativement — comme le voient ses frères — comme l'homme aux rêves, aux songes, dans les nuages, ou positivement comme le visionnaire, celui qui a un projet pour cette société qu'est cette fratrie, comme — plus tard — il aura un projet pour l'Egypte, un projet social pour traverser la famine sans perdre un habitant du pays. La problématique qui traverse toute l'histoire de Joseph est celle de la vie fraternelle de toute l'humanité. Comment vivre tous ensemble en paix ?

    Joseph est le porteur de cette problématique, il va vivre dans son corps toutes les étapes qui feront de cette famille divisée par la haine, une famille réconciliée et sauvée de la mort. La vie de Joseph ressemble à une tragédie grecque. Son destin est énoncé dans ses rêves et toutes les tentatives faites autour de lui pour l'empêcher d'accomplir son destin, seront autant de pas en direction de cet accomplissement.

    C. Ainsi le complot des frères contre Joseph est un moment nécessaire à cet accomplissement. Ici, on peut commencer à observer les parallèles avec la Passion de Jésus. Pensez à la phrase : "ils complotèrent de le faire mourir" (Gn 37:18), phrase qu’on retrouve souvent dans les Evangiles (cf. Mt 26:4 et par.) Ou pensez aux annonces de la Passion de Jésus « il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup et qu’il soit rejeté » (Luc 17 :25)

    On trouve déjà dans ce récit de la Genèse ce côté nécessaire et inéluctable du déroulement des événements. Les frères n'en peuvent plus de voir Joseph tourner autour d'eux. Ils trouvent Joseph extrêmement désagréable, c'est vrai, il dénonce, il rapporte à son père, il est d'un orgueil plus qu'agaçant, il est toujours du côté de son père, en un mot, il trahit ses frères, il n'a aucune loyauté à leur égard : il faut donc l'éliminer — pensent-ils !!!

    On remarquera ici que c'est la première solution — la solution la plus primitive — que toute société envisage lorsqu'elle est confrontée à un problème : éliminer celui qui soulève le problème, désigner un bouc émissaire et l'exclure. Faire l’unité intérieure contre le corps étranger.

    Les frères ont pris une décision, reste à trouver le meilleur moyen de la mettre en oeuvre. Le meilleur moyen serait qu'un animal, une bête féroce, s'en charge ou de faire comme si un animal s'en était chargé. Cette simple mention montre que le meurtre dégrade l'homme de sa dignité humaine et le réduit au rang d'animal. Sur l'intervention de Ruben — l'aîné qui reprend de l'autorité — la vie de Joseph est épargnée. Joseph sera fnalement vendu comme esclave. Les frères devaient bien rire en eux-mêmes. Le prétentieux qui pensait les dominer tous, le voici réduit au rang d'esclave ! Mais c'est aussi ainsi que s'accomplit le destin de Joseph, ce destin qui le conduira à les dominer tous.

    Ce n'est pas sans raison qu'on prête à Joseph d'être une figure messianique. Il est — comme le sera Jésus — "la pierre rejetée des bâtisseurs qui est devenue la pierre principale" (Ps 118:22). Ce rejet, qui passe par l'esclavage, qui passera par la prison, donc par des position "basses", subalternes, voire humiliantes, sont des voies qui vont ouvrir à la vraie autorité, celle qui fait grandir au lieu d'asservir.

    Ce que Joseph a vécu dans sa personne, ces positions « basses », c'est une chose que Jésus va reprendre et réaffirmer sans cesse comme l’essence même de la position « haute » : Ecoutez ces lignes de l’Evangile :

    "Jésus et ses disciples arrivèrent à Capernaüm. Quand il fut dans la maison, Jésus demanda à ses disciples : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Mais ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir lequel était le plus grand. Alors Jésus s'assit (tiens, il prend une position basse !), il appela les douze disciples et leur dit : « Si quelqu'un veut être le premier, il doit être le dernier de tous et le serviteur de tous. »" (Marc 9:33-35).

    Jésus retourne complètement la vision de ce que la société désigne comme des positions hautes ou basses. Jésus donne à notre vie un nouvel éclairage.

    Il y a dans nos vies des moments où le destin nous fait descendre d'un cran (ou de plusieurs), apprenons à avoir la foi de Joseph — et la vision de Jésus — que cette descente n'est pas abandon, terminus, situation désespérée. C’est davantage un lieu d’apprentissage, en vue d’un plus grand service. Apprenons à avoir la sagesse de Joseph d'espérer en l'avenir et surtout en Dieu qui accompagne l'exclu et qui le réhabilite.

    Amen