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miracle

  • "Ce sont les malades qui ont besoin d'un médecin, pas les bien-portants"

    (12.8.2001)

    Marc 2

    "Ce sont les malades qui ont besoin d'un médecin, pas les bien-portants"

    Marc 2 : 13-17.       2 Corinthiens 4 : 6-7.        Matthieu 5 : 1-2 + 13-16

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    Chers amis,

    J'ai entendu plus d'une fois des gens — des adultes, des jeunes ou des enfants — me dire qu'il aurait quand même été plus facile de croire en Jésus si nous avions pu le voir à l'oeuvre de nos propres yeux. Oui, on pense souvent que les contemporains de Jésus, les gens de son époque, avaient de la chance, en tout cas plus que nous.

    Et bien moi je ne le crois pas du tout. Je crois que c'est nous qui avons de la chance. Je crois que nous avons tout — aujourd'hui — pour croire; plus facilement que pour les gens de l'époque de Jésus. Même si des foules suivaient Jésus pour l'entendre, bien peu finalement le suivaient et s'attachaient à mettre en pratique ce qu'il demandait. Ce n'était pas une époque en or comparée à la nôtre.

    Il semble que Jésus attirait plus souvent le scandale que l'admiration. En fait, Jésus intriguait, soulevait la curiosité, mais il bouleversait, il troublait trop les habitudes, l'ordre social de son temps pour être vraiment apprécié.

    Dans le récit que nous avons entendu (Mc 2), Jésus est accompagné d'une grande foule qui vient l'écouter. Mais il semble que de cette multitude, un seul homme soit devenu et surtout resté son disciple. La présence de cet homme, Lévi — aussi appelé Matthieu — va être cause de scandale pour ceux qui observent Jésus.

    Lévi est un agent du fisc romain, donc un collabo à la solde de l'occupant. On peut aussi penser (à la manière d'aujourd'hui) qu'il faisait partie de la mafia locale. Il a du pouvoir, un pouvoir illégal, assis sur le racket, et un pouvoir légal venant de l'occupant. Et voilà que Jésus va manger chez lui avec ses disciples et que Jésus en fait un compagnon permanent. Jésus fréquente des gens infréquentables !

    Aujourd'hui, on a de la peine à voir le scandale que c'était d'aller manger chez certaines personnes. Jusqu'à il y a peu, le mélange qu'on vit aujourd'hui était inconcevable. Et bien cela ne gène pas Jésus. Et cela n'a pas gêné non plus la nouvelle Eglise de raconter que Jésus se permettait d'aller partout où il trouvait utile de se rendre, partout où il trouvait nécessaire d'aller enseigner.

    Jésus n'a pas hésité à rencontrer cette mafia de péagers, mais aussi des bourgeois comme Marthe, Marie et Lazare, ou des exclus comme les lépreux, les mendiants ou les aveugles. Il a également osé parler à des femmes de toutes conditions, tout comme aussi à des étrangers, qu'ils soient romains ou samaritains.

    Pourquoi Jésus faisait-il cela ? Avait-il le goût de la provocation et du scandale ? Je ne le crois pas. Je crois simplement que Jésus avait une vision toute particulière de l'être humain, une façon de considérer l'être humain qui est simplement celle de Dieu : regarder l'être profond de chacun, au-delà des apparences. Jésus voyait au fond de chaque être, traversant toutes les couches de souffrances, toutes les armures, les carapaces et les boucliers que chacun a forgé autour de lui pour se protéger, pour moins souffrir, ou pour camoufler ses manques.

    Jésus voit en nous-mêmes au-delà de toutes ces protections, au-dedans de toutes ces murailles qui nous empêchent d'être simplement nous-mêmes, de sentir et de ressentir toutes les émotions liées à la vie. Il regarde au dedans de nous sans aucun jugement, sans critique ni dénigrement, sans s'arrêter aux défauts superficiels.

    C'est pourquoi Jésus va remettre à leur place les personnes scandalisées, ses accusateurs, en leur disant :

     

    "Les personnes en bonne santé n'ont pas besoin de médecin, ce sont les malades qui en ont besoin". (Mc 2:17).

    Jésus voit les souffrances intérieures, nos souffrances intérieures ! Il sait que nous ne sommes que "des vases d'argile" (2 Co 4:7) comme l'a dit l'apôtre Paul, lorsqu'on nous regarde de l'extérieur, avec un oeil superficiel, avec un jugement rapide et critique. Mais Jésus ne s'arrête pas à ce vase d'argile, il ne veut voir que ce qui s'y cache, ce que le vase contient, à l'intérieur, ce que Paul appelle le "trésor spirituel"(id.). C'est ce que Jésus veut nous faire comprendre lorsqu'il dit aux hommes et aux femmes des foules qui l'écoutent :

    "Vous êtes le sel de la terre, (...) Vous êtes la lumière du monde" (Mat 5:13,14). Jésus ne dit pas : Vous devez vous efforcer de devenir le sel de la terre et la lumière du monde. Il dit "Vous êtes..."

    C'est avec ce nouveau regard que Jésus a appelé chacun de ses disciples, c'est de ce nouveau regard qu'est née l'Eglise, rassemblement de gens de toutes sortes, sans distinction de classes, de provenances, de nationalités.

    Ce regard qui accepte l'être tout entier — sans réserve, sans jugement — pour ne voir que le trésor, la richesse intérieure qui habite chacun, c'est le regard que Dieu porte maintenant sur chacun d'entre vous, sur toute personne présente ici ce matin, sur chaque personne dans le monde. Ce regard nous dit : Toi, suis-moi, pour découvrir que tu es le sel de la terre, que tu es la lumière qui éclaire le monde. Et si tu ne me crois pas encore, si tu n'arrives pas encore à y croire, si tu ne te sens pas à la hauteur de mon appel, si tu ne te sens pas assez digne, si tu ne pense pas avoir un trésor merveilleux à l'intérieur de toi, alors je te le répète :

     

    "Les personnes en bonne santé n'ont pas besoin de médecin, ce sont les malades qui en ont besoin. Je ne suis pas venu appeler des personnes respectables, mais des gens de mauvaise réputation". (Mc 2:17).

    Nous avons la chance, aujourd'hui — contrairement aux contemporains de Jésus — d'entendre ce message en entier, de connaître la vie de Jésus avec son dénouement, sa mort et sa résurrection. Oui, nous avons cette chance de pouvoir être touchés maintenant par cet appel de Jésus et par cette acceptation sans condition de notre être, par cet accueil inconditionnel.

    Qu'allons-nous faire de cette chance ?

    Mettons cette chance à profit, pour avancer sur le chemin de notre vie — sous le regard de Dieu — et pour faire grandir notre être intérieur, notre trésor spirituel !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Le miracle éblouit, il risque donc d’aveugler.

    Jean 2

    11.6.2017

    Le miracle éblouit, il risque donc d’aveugler.

     

    1 Rois 17 : 5-16    Jean 2 : 1-11

     

    Télécharger le texte : P-2017-06-11.pdf

    Chers frères et sœur en Christ,

    Avec les noces de Cana, l’Évangile selon Jean présente le premier miracle de Jésus. Jean n’a pas choisi ce récit au hasard pour le placer là. Le miracle de l’eau changée en vin annonce le programme de l’action de Jésus, annonce le sens de sa mission dans le monde. Jean l’explicite par le verset explicatif — un commentaire pour le lecteur— à la fin du récit : « Tel fut à Cana de Galilée, le premier signe de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. » (Jn 2:11)

    Trois choses sont dites : Jésus commence son œuvre par un signe (Jean n’utilise en fait pas le terme habituel de « miracle » utilisés par les autres évangiles). L’accent n’est pas sur la réalité transformée ou les lois naturelles transgressées, mais sur la signification du geste, sur le sens de l’action de Jésus.

    Donc premièrement un signe, deuxièmement le signe révèle la gloire de Jésus, troisièmement cela a pour but de susciter la foi des disciples. Le signe qui révèle la gloire de Jésus comporte trois aspects. D’abord il a lieu lors d’une noce, d’une fête de mariage. Pour tout lecteur de l’Ancien Testament, le mariage est une image symbolique de l’alliance d’amour que Dieu propose à son peuple. Le prophète Osée est celui qui a poussé le plus loin cette image. Dieu souhaite re-séduire la fiancée qui l’a quitté.

    Ensuite Jésus transforme de l’eau en vin — c’est à dire quelque chose d’absolument ordinaire — en boisson de fête, qui sème la joie, l’ivresse, qui fait oublier les soucis. Le vin a aussi une dimension messianique. C’est la boisson que Dieu offre pour le banquet du retour d’Exil ou de la fin des temps (Esaïe 25:6).

    Enfin, les quantités suggérées par les vasques de pierre et la qualité du vin — meilleur que le premier vin servi— montre que l’abondance, la prodigalité, la plénitude vient abolir le manque, la pénurie, la disette. Cela s’était déjà passé pour Élie et la veuve (1 Rois 17:16), c’est maintenant le programme de Jésus pour la multitude.

    Jésus manifeste donc sa gloire par ce signe éclatant ! Mais quelle gloire est manifestée ? Le risque du miracle, c’est d’attirer par le côté spectaculaire ou de rebuter par le côté incroyable. Nombre de nos contemporains rejettent les évangiles à cause des miracles incompréhensibles qui s’y trouvent racontés. Le miracle éblouit, il risque donc d’aveugler.

    L’évangéliste Jean est conscient de ce risque, il le mentionne après la multiplication des pains : « Vous me cherchez parce que vous avez eu beaucoup de pain, non pas parce que vous avez saisi le sens de mes signes. » (Jn 6:26) Le miracle, tout seul, est donc ambigu. Il peut fourvoyer, il peut conduire à une fausse image de Jésus.

    Il y a le miracle et il y a le signe. L’évangéliste Jean veut nous aider à mettre le miracle au second plan pour mettre le signe en évidence, au premier plan. Il le fait en construisant le récit comme sur deux plans. Il y a d’un côté la scène — comme celle d’un théâtre — ou se déroule le récit, où parlent et se déplacent les personnages. Ce sont les planches du théâtre. Et il y a les lecteurs de l’Évangile — comme les spectateurs dans les fauteuils du théâtre — auquel évangéliste parle : il situe la scène « Trois jours plus tard… à Cana ». Et à qui il dit « Voici le premier signe de Jésus pour révéler sa gloire, et ses disciples crurent en lui. ».

    Maintenant que nous avons séparé ces deux plans, nous pouvons voir que les acteurs sur les planches, ne voient pas le miracle ! Le majordome interroge le marié sur la provenance du vin et lui dit son incompréhension que n’ait pas été respectée la règle habituelle de servir le meilleur vin en premier. Le miracle n’est donc pas pour la noce ! C’est un signe pour les lecteurs–spectateurs, pour nous ! La matérialité du miracle n’a aucune importance — ce vin ne sera jamais servi à nous les disciples. Mais nous sommes invités par l’évangéliste Jean a passer du matériel au spirituel. À comprendre que la gloire de Jésus n’est pas dans les exploits matériels, mais dans le mystère de son lien avec Dieu.

    Le miracle de Cana n’est pas dans le vin nouveau, mais dans le signe que Dieu est capable de tout transformer. Le vin nouveau de Cana a été bu. Il nous reste le signe, le programme de Jésus : il est venu pour transformer nos vies ordinaires — ordinaires comme l’eau du puits ou du robinet — en un vin de fête. Il est venu pour transformer nos manques et nos pénuries en moments d’abondance et de plénitude.

    Pour comprendre cela, nous devons changer de plan, de niveau. Le miracle de Jésus sur le plan matériel est le signe d’une autre réalité : relationnelle et spirituelle.

    Oui, au niveau matériel le manque et la pénurie existent. Ce n’est pas drôle, c’est dur, cela fait souffrir. Mais ce n’est pas une raison d’appliquer cette économie au monde relationnel et spirituel. L’amour et les relations n’obéissent pas aux mêmes règles que l’économie de l’argent. L’amour partagé se multiplie. L’amour donné renaît et croît d’autant plus.

    Le programme de Jésus signifié dans ce signe de Cana, c’est que la vie, relationnelle et spirituelle, nous est offerte en abondance. C’est ce que l’Évangile selon Jean appelle la « vie éternelle », c’est-à-dire la vie en plénitude, la vie en abondance (Jn 10:10).

    Cet amour en abondance — illimité et inconditionnel — Jésus va l’accomplir dans sa Passion, sur la croix, où sa gloire sera définitivement révélée. Une gloire paradoxale évidemment, puisque ce n’est pas le Messie glorieux et militairement vainqueur. Mais un Messie qui passe incognito dans le monde, à l’image du vin de Cana dont personne ne connaît la provenance (à part les serviteurs qui représentent les disciples, les lecteurs de l’Évangile). C’est ainsi que seuls ceux qui servent Jésus et entendent la voix de l’évangéliste arrivent à décoder le signe derrière le vin nouveau, la victoire derrière la croix, la gloire derrière le don de sa vie.

    C’est ainsi que Jean développe et fait croître la foi des disciples, notre foi, en révélant un Jésus que ses contemporains directs n’arrivaient pas à voir sur le moment. Aujourd’hui, nous sommes des privilégiés de pouvoir lire et comprendre l’évangile, de pouvoir voir la vraie gloire de Jésus au-delà des apparences, de pouvoir grandir dans la foi, foi que l’amour est abondant, qu’il nous est donné sans limite et que nous pouvons le partager comme un vin de fête sans peur d’en manquer jamais.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2017