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multiplication des pains

  • Un repas comme signe du Royaume

    Jean 21

    3.6.2018

    Un repas comme signe du Royaume

    Jean 6 : 28-35      Jean 21 : 1-14

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Au temps où les supports d’écriture (parchemin et papyrus) étaient rares et chers, il fallait condenser les écrits, mettre le plus de sens dans un minimum de mots. Dans le texte biblique, chaque mot compte, chaque mot été choisi, pesé pour dire le maximum. Un mot, une expression, un groupe de mots peut appeler à la mémoire un autre récit qui vient enrichir le texte présent.

    C’est le cas ici dans notre récit de la fin de l’Évangile selon Jean. Ce récit comprend plusieurs couches de sens, au moins quatre !

    A. La première couche, c’est le récit de la pêche miraculeuse, dont on trouve un parallèle en Luc 5. Les disciples ont pêché toute la nuit et sont revenus bredouilles. Pendant la journée suivante, Jésus les invite à retourner jeter leurs filets et ils reviennent avec abondance de poissons. Le récit veut signifier aux croyants que Jésus vient donner une vie nouvelle, abondante, de plénitude à ses disciples.

    B. Si Luc a placé cet épisode au début du ministère de Jésus, lorsqu’il cherche à recruter ses disciples, l’Évangéliste Jean en fait un épisode post-pascal. Jean fait de cet événement de la pêche miraculeuse un moment de la révélation du Christ ressuscité. La nuit de la pêche ratée exprime la nuit qui suit Vendredi-saint, la nuit de l’absence de Dieu. Puis vient l’aube — qui ne peut pas ne pas nous rappeler le matin de Pâques — une aube où Jésus se trouve sur le rivage, pas loin de ses disciples, mais encore non reconnaissable.

    C’est la deuxième couche du récit : un récit d’apparition, à la suite des apparitions successives à Marie de Magdala, à quelques disciples et à Thomas. La question qui se pose, après Pâques, c’est : à quoi peut-on reconnaître le Christ, dans la vie de tous les jours ? Les disciples sont retournés en Galilée, l’épisode se passe à la mer de Tibériade qui est le lac de Galilée, là où Jésus était venu chercher ses premiers disciples. Ils sont donc retournés à domicile et ont repris leur ancien métier de pêcheurs. Qui va reconnaître Jésus et comment ?

    C. Sur cet épisode de pêche miraculeuse et de récit d’apparition se greffe l’histoire de la communauté de l’Évangéliste Jean. C’est la troisième couche. On le voit dans les rôles respectifs que le texte attribue à Pierre et au disciple que Jésus aimait ou disciple bien-aimé.

    À cette époque du christianisme, la communauté johannique — l’Eglise dans laquelle ont été écrits l’Évangile selon Jean et les trois épîtres de Jean — s’était développée parallèlement et séparément des églises de Paul et de Pierre. Il y a eu le risque d’un schisme, mais qui a été évité grâce à une reconnaissance mutuelle de rôles différents. Dans le texte, on retrouve et le risque de déchirement qu’a frôlé ces Eglises et la répartition des rôles entre Pierre et le disciple bien-aimé.

    Dans notre récit on voit Pierre agir et prendre des initiatives. C’est lui qui décide quand on part à la pêche, c’est lui qui se jette à l’eau pour rejoindre Jésus sur le rivage, c’est lui qui tire le filet plein de poissons à terre. Il y a donc, ici, une reconnaissance de l’importance, voire de la primauté de Pierre dans l’action et la direction de l’Eglise.

    Mais le rôle du disciple bien-aimé n’est pas négligeable. C’est lui qui — le premier — reconnaît, en l’homme du rivage, le Christ, le Seigneur. C’est lui qui donne cette information à Pierre. Le disciple bien-aimé, avec son Évangile, est ainsi reconnu par l’Eglise tout entière, comme celui qui est capable de voir le Christ là où les autres ne le reconnaissent pas. Il est celui qui peut parler valablement du Christ et de la foi.

    Souvenez-vous également, lorsque Pierre et le disciple bien-aimé courent au tombeau le matin de Pâques, Pierre entre le premier dans le tombeau, mais c’est le disciple bien-aimé qui comprend la portée du tombeau vide et qui croit : « Il vit et il cru » nous dit l’évangile (Jn 20:8).

    Le disciple bien-aimé et son Évangile johannique apportent un éclairage et une révélation indispensable sur le Christ à l’Eglise. Aujourd’hui cela semble évident, mais au début du christianisme cela avait été un problème. L’Eglise a failli se déchirer à cette époque, mais le récit nous dit que, malgré le grand nombre de poissons (la diversité dans l’Eglise) le filet (sous-entendu l’Eglise) ne se déchirera pas.

    D. La quatrième couche de sens que comporte ce récit, c’est le repas qui suit la pêche. On a là une expression semblable au récit des témoins d’Emmaüs (Luc 24:30-31), où les gestes de Jésus à table révèlent son identité. Ici le repas dit la continuité entre le Jésus qui a présidé le dernier repas et le Christ ressuscité.

    Comme vous le savez, l’Évangile selon Jean ne raconte pas le dernier repas de Jésus. A la place se trouve le lavement des pieds. Par contre, au chapitre 6, il y a le récit de la multiplication des pains et des poissons, suivit d’un long discours sur le pain descendu du ciel. Dans ce discours Jésus dit : « le pain que je donne, c’est ma chair (ce qui veut dire ma présence), je la donne pour la vie du monde.» (Jn 6:51)

    Ici le récit de la multiplication des pains vient donner sens à la pêche miraculeuse. Si Luc insistait sur le caractère missionnaire de la pêche miraculeuse : « Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes » (Luc 5:10), l’Évangile de Jean insiste sur la vie abondante que le Christ ressuscité apporte à l’Eglise et aux croyants. On retrouve cette idée dans le discours johannique de Jésus sur le bon berger : «Je suis venu pour que mes brebis aient la vie, la vie de plénitude, la vie en abondance.» (Jn 10:10)

    Cette vie nouvelle, cette nouvelle qualité de vie qui se marque par des relations riches, par l’ouverture les uns envers les autres, se vit dans le repas partagé au nom du Christ. Le premier signe des chrétiens, c’est la table ouverte, c’est de partager des repas avec des personnes de toutes conditions, de toutes origines, comme Jésus l’a fait.

    Le repas commun est ce qui a pu réunir ensemble les Eglises de Jean, les Eglises de Pierre et de Paul. Dans le repas partagé se révèle la présence de Jésus, le crucifié et le ressuscité, le visage du vrai Dieu. Que nos repas en commun soient à l’image du repas du Christ : une table ouverte, accueillante, généreuse et joyeuse.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Jésus, une nourriture pour notre faim

    Marc 8

    11.9.2016

    Jésus, une nourriture pour notre faim

    Aggée 2 : 3-5       1 Corinthiens 1 : 4-9       Marc 8 : 1-10

    Télécharger le texte : P-2016-09-11.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Pendant cet été, je vous ai fait découvrir quelques petits prophètes : Amos, Osée et Michée. J’avais gardé pour aujourd’hui le prophète Aggée qui intervient après le retour de l’Exil à Babylone. La population qui est revenue d’exil à Jérusalem ne retrouve que des ruines, notamment celles du Temple de Salomon. Et ils sont découragés devant l’ampleur de la tâche. Comment relever le Temple qui n’a plus la splendeur d’autrefois, avec des ressources de réfugiés revenus au pays ?

    On peut facilement transposer cela à notre Eglise vaudoise, qui n’a plus le lustre et le faste d’antan. La fréquentation du culte a baissé, les parents n’envoient plus leurs enfants au culte de l’enfance ou au catéchisme comme avant. Plus rien est comme avant, peut-on se lamenter.

    Pourtant la promesse de Dieu continue à se faire entendre : «Mettez vous au travail, je serai avec vous — dit Dieu par la bouche d’Aggée — je vous le promets ! Je serai donc présent au milieu de vous et vous n’aurez rien à craindre » (Ag 1:4-5). Et le livre d’Aggée se termine par la promesse de la venue d’un Messie.

    Comme chrétiens nous croyons que ce Messie annoncé est Jésus. C’est lui qui vient accomplir cette promesse de présence de Dieu auprès de chaque peuple, de chaque être humain. Le Temple à reconstruire a été remplacé par une Eglise, toujours à construire et reconstruire, mais qui s’appuie non sur des pierres, mais sur le Christ et ses disciples.

    C’est dans ce sens là que j’ai choisi le récit de la multiplication des pains. C’est un miracle, mais je vais lire ce récit comme une parabole, comme une parabole de l’Eglise. Ce récit nous décrit les rapports entre le monde, l’Eglise et le Christ. La foule représente le monde, les disciples représentent l’Eglise et le Christ joue son propre rôle.

    Le récit commence au moment où la foule, qui suit Jésus, n’a plus rien à manger. La foule a un creux à l’estomac, ce qui veut dire dans le langage des paraboles que le monde a faim, faim de sens, faim d’une direction, faim pour des valeurs, pour ne pas tomber dans l’absurde et le désespoir d’une vie vide.

    Cela ne passe pas inaperçu aux yeux de Jésus. A voir cette faim, Jésus est ému aux entrailles, touché aux tripes. Jésus n’est pas indifférent à notre sort, au contraire, il est plus que préoccupé par cet état au bord de l’inanition de la foule. Cet état précaire, en sursis, est marqué et accentué par la précision : « voilà trois jours qu’ils n’ont rien à manger ». Trois jours dans l’Évangile fait immanquablement penser aux trois jours que Jésus passe au tombeau. Au bout de trois jours, soit il ne se passe rien et c’est la mort pour toujours, sois Dieu intervient et on peut espérer. Ces trois jours, dans ce récit, montrent qu’on est arrivé au point que c’est une question de vie ou de mort. On a dépassé un point de non-retour, les gens n’auront pas la force de rentrer chez eux si on les renvoie. Jésus en est conscient et expose la situation aux disciples. Ceux-ci sont bien désemparés et disent leur impuissance : où pourrait-on trouver de quoi les faire manger dans cette endroit désert ?

    Jésus leur demande alors de faire l’inventaire de leurs ressources : c’est maigre, sept pains et quelques petits poissons. Jésus ne semble pas se soucier du peu à disposition, ce qui importe ce n’est pas ce qu’on a, mais qui est là pour le distribuer. Jésus organise la foule, il prend le pain, il remercie Dieu, il le rompt et le donne aux disciples pour qu’ils distribuent les morceaux.

    Il y a là en même temps un miracle et une parabole. Pour le miracle, c’est la constante disproportion entre la réalité et l’idéal, entre les ressources et les besoins, entre les personnes disponibles et la mission. « La moisson est grande, mais les ouvriers sont peu nombreux » (Luc 10:2).

    Dans ce récit, cette distance, cette disproportion est comblée. Le miracle c’est que ce n’est pas aux disciples de combler cette distance, cette disproportion. C’est Jésus qui fait ce travail-là. C’est le Christ qui voit la réalité et en est ému. C’est le Christ qui s’en soucie. C’est le Christ qui mobilise les disciples. C’est le Christ qui multiplie les pains de sorte que chacun mange à sa faim.

    Et c’est là qu’il faut revenir à la parabole. Le récit dévoile — entre les lignes, entre les mots — où réside vraiment le miracle. Il ne s’agit pas d’un miracle de boulangerie. Il s’agit de comprendre ce qui se passe au-delà de la réalité visible, dans le monde invisible, dans notre monde intérieur qui a faim.

    Le récit, en utilisant exactement les mots de la liturgie de cène : « Jésus prend le pain, remercie Dieu, rompt le pain et le donne à ses disciples », le récit nous dit que ce qui est donné à la foule pour la rassasier, c’est le Christ lui-même.

    Dans ce désert où rien ne nourrit, le Christ se donne lui-même comme nourriture spirituelle pour la foule, pour le monde. Dans ce monde — notre monde qui n’a que des voitures, des téléphones ou des assurances à nous vendre pour calmer notre faim de sens et notre angoisse face à la mort — Jésus s’offre lui-même pour remplir notre vie. Le pain qui est donné dans ce désert à la foule, c’est la présence même de Jésus, comme dans la Cène. Ce pain qui rassasie (au-delà de nos espérances) c’est la présence du Christ, c’est sa Parole, ce sont ses valeurs qu’il nous a transmises.

    Nous n’avons pas à créer cette présence ou ces valeurs : Jésus en est porteur. Il nous demande de les distribuer, de les donner au monde, qui a tellement faim.  « Jésus donna les pains à ses disciples pour qu’ils les distribuent à tous, et chacun mangea à sa faim, et les disciples emportèrent sept corbeilles pleines des morceaux qui restait. » (Mc 8:6,8)

    La présence du Christ est inépuisable, il y en aura toujours des surplus. Les valeurs du Christ sont permanentes, inépuisables, toujours actuelles : l’égale et infinie valeur de tout être humain ; l’abolition de toutes les barrières entre les personnes ; l’existence d’une place pour toute personne dans la société ; la valeur de l’amour, des relations, qui subsistent malgré les épreuves et même la mort.

    Avec le Christ, avec l’Évangile, il nous est remis un trésor entre les mains, un trésor inépuisable qui peut nourrir les aspirations spirituelles de tous nos contemporains. Nous ne pouvons pas garder cela pour nous. C’est un trésor, du levain dans la pâte, du sel dans la nourriture, de la lumière pour le monde.

    Jésus ne nous demande pas de les fabriquer — il est déjà là — il nous demande de les distribuer à tous ceux qui ont faim. Notre richesse c’est l’Évangile, c’est le Christ !

    Je vais partir pour une autre paroisse. Un autre pasteur arrivera pour me remplacer. Nous sommes de simples disciples. Peu importe la main qui vous tend le pain, c’est le pain qui nourrit, c’est la présence du Christ qui rassasie, c’est Jésus qui est le pain de vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2016