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origine

  • Genèse 2. L’intention divine première c’est de bénir la terre et les humains qui y habitent.

    Genèse 2
    6.7.2014
    L’intention divine première c’est de bénir la terre et les humains qui y habitent.
    Genèse 2 : 4-15     Esaïe 55 : 6-13     Jean 4 : 10-14

    Télécharger le texte : P-2014-07-06.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Je vous propose pour les dimanches de cet été de nous plonger dans les récits de création que la Bible nous offre. Dans la plupart de nos confessions de foi, — notamment le Symbole des apôtres que nous trouvons à la dernière page de nos psautiers — nous déclarons : « Je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre. » Que voulons-nous dire par là ?
    Affirmons-nous que Dieu a créé le monde de ses propres mains ? Qu’il a conçu le plan de chaque atome du tableau périodique des éléments ou qu’il a inventé chaque plante et chaque animal ? Croyons-nous que Dieu a créé le monde en 6 jours, il y a quelques 6'000 ans ?
    Certains chrétiens le pensent. On dit alors qu’ils sont « créationnistes. » Ils remplacent le discours scientifique par le discours biblique, croyant que la Bible explique comment Dieu a créé le monde.
    Je n’arrive pas à me retrouver dans leurs théories. Je crois que la Bible nous dit autre chose que le « comment » des choses. Je crois que la Bible nous dit le « pourquoi » des choses, ou encore le « pour quoi », le « en vue de quoi » de la vie et du monde.
    Comment donc penser, et pouvoir confesser, Dieu créateur, sans être créationniste, en acceptant que la science dit des choses correctes sur l’origine de l’univers et de la vie sur terre ? Je crois que c’est possible en nous attachant au sens et à l’intention. La Bible nous dit l’intention qu’il y a derrière la présence du monde. Il nous dit le sens de l’existence, de notre présence sur terre et c’est une explication qui a une autre valeur que l’explication scientifique. Deux explications qui peuvent être juxtaposées sans que ni l’une ni l’autre ne perde de sa qualité ni de son sens, parce qu’elles ont des rôles différents.
    Je vais l’expliquer par un exemple concret qui porte aussi sur deux explications concernant une question d’origine. Lorsqu’un enfant demande à ses parents « Pourquoi est-ce que je suis là ? » Les parents ont le choix entre deux explications. Ils peuvent se lancer dans l’explication biologico-chimique : « Tu sais, lorsque le spermatozoïde rencontre l’ovule… etc… » Ou bien ils peuvent se lancer dans une explication de leurs intentions. « Tu sais, ta maman et moi, nous avions très envie d’avoir un enfant… »
    Les deux explications sont justes, pertinentes, exactes. L’une est scientifique, mais froide. L’autre est poétique, mais pleine de sens et de promesse pour l’enfant, elle va le soutenir dans son être et sa joie de vivre.
    Les récits bibliques de création sont de ce deuxième ordre : poétiques et plein de promesse. Lorsque nous disons que Dieu a créé le ciel et la terre, nous formulons un énoncé poétique qui nous rappelle que Dieu a une intention pour le monde et pour nous, il a un projet pour l’humanité et ce projet passe par notre vie sur cette planète terre.
    Le livre de la Genèse nous présente deux récits de création. Celui du chapitre 1 — un grand poème en 7 strophes pour 7 jours — remonte à l’époque de l’Exil à Babylone. Nous y reviendrons ultérieurement.
    Le récit des chapitres 2 et 3 est plus ancien et plus composite. On le sens plus fruste dans l’explication pratique, mais il est riche par contre d’une dramatique humaine qu’il dessine autour du bien et du mal.
    Le fait même d’avoir deux récits incompatibles entre eux au niveau factuel du « façonnage de la terre » devrait renvoyer les créationnistes à leur étude du texte biblique.
    Que nous dit le récit le plus ancien de l’intention divine pour l’être humain et le monde ? (En fait, je vais réserver la part sur l’être humain pour dimanche prochain.)  Que nous dit ce récit de Genèse 2 sur le monde ? Ce récit utilise l’eau comme une métaphore pour nous parler du monde.
    Il y a un état premier où la terre est sèche. Elle existe, mais rien ne pousse, c’est pire qu’un désert. Il n’y a ni arbuste, ni herbe, ni être humain.
    Dans un deuxième état, il y a une sorte de brouillard, de brume qui s’élève de la terre pour l’irriguer. Mais il n’y a toujours pas de végétation.
    Il faut un acte de Dieu pour y implanter l’homme, puis la végétation. L’homme est là pour cultiver cette végétation. Ensuite le récit s’interrompt pour parler géographie. Une sorte de parenthèse, un paragraphe copié-collé ici dont on ne connaît pas l’origine.
    Il situe l’Eden (vers l’est) et le donne comme la source d’un fleuve qui traverse le jardin et en sort en se séparant en quatre bras pour irriguer la terre. Deux fleuves ne sont pas identifiés et deux autres, le Tigre et l’Euphrate, sont connus, c’est le croissant fertile.
    Ce paragraphe lie le jardin et la terre habitée à la même source, unique, qui vient de l’Eden. L’eau voulue par Dieu va donner la vie, pas seulement au jardin — on anticipe le drame de Genèse 3 — mais à la terre entière, les territoires connus comme les territoires inconnus. 
    Il y a là l’affirmation d’une bénédiction première et universelle. Quoi qu’il se passe dans l’histoire humaine, la vie et la bénédiction sont premières. On sait déjà — parce qu’on connaît la suite, et tout être humain sait qu’il n’habite plus le jardin d’Eden — que la vie est difficile sur la terre. Mais ce récit de création affirme que cette vie difficile s’inscrit dans un cadre qui est fait de bénédiction. 
    Une façon de dire déjà que des limites sont posées face au mal et au malheur. L’intention divine première c’est de bénir la terre et les humains qui y habitent. A l’origine, il y a une bénédiction et à l’horizon, il y a la promesse d’un pays où habiter. C’est le cadre de la création. (On verra dans la lecture du poème de Genèse 1 à quel point le caractère « habitable » de la terre est souligné).
    Ainsi, ce récit, le plus ancien, confesse que le monde n’est pas le résultat d’un accident, mais d’une intention. Ce récit montre que l’être humain ne naît pas non plus accidentellement. Le monde est là pour accueillir l’être humain et sans lui le monde est comme en attente. Le monde est l’objet de la bénédiction divine, depuis le début. Nous ne sommes pas un accident de l’histoire, tombés par malheur dans un monde maudit.
    Comme des parents peuvent dire à leur enfant : « Nous avons souhaité que tu nous sois donné et nous sommes heureux que tu sois là et grandisse avec nous » dans ces récits de création, c’est comme si Dieu nous disait : « J’ai disposé le monde pour vous accueillir et j’ai souhaité que vous soyez là pour y habiter. Je suis heureux que vous puissiez y vivre sous mes yeux. »
    Voilà ce que nous confessions lorsque nous disons : « Je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre. »
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Exode 2. Moïse (2) Moïse découvre ses origines.

    Exode 2

    13.9.2009
    Moïse (2) Moïse découvre ses origines.
    Exode 2 : 11-22    Mt 5 : 21-26

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu dimanche passé que la naissance de Moïse et son adoption par la fille du pharaon nous indiquait une séquence de vie : origine misérable -> présent princier -> avenir ouvert. Dans l'épisode de la vie de Moïse que nous venons d'entendre, nous allons continuer d'observer comment Moïse grandit et développe son humanité.
    Moïse a donc grandi dans les palais des pharaons. Il a reçu une éducation princière égyptienne, mais il éprouve la soif de connaître sa vraie origine. Comme le dit notre récit : "Un jour, Moïse devenu adulte, alla voir ses frères hébreux" (Ex 2:11). Ce qu'il voit alors le révolte. Il voit deux choses, nous dit le texte : il voit la situation générale, les corvées auxquelles son peuple est astreint et il voit une situation précise où un égyptien, un gardien, frappe un hébreu.
    C'est une révélation pour Moïse, assez semblable à celle de Bouddha Gautama ! Les deux ont été "élevés dans du coton" à l'abri de la souffrance, dans des palais princiers. Moïse est atterré par la découverte de la misère de son peuple — le peuple dont il est issu — et son sang ne fait qu'un tour lorsqu'il voit l'un des siens se faire bastonner. Il tue l'égyptien. [J'ai beaucoup hésité à prêcher sur ce texte, que dire à propos d'un meurtre et que penser du fait que le fondateur du judaïsme, et reconnu par le christianisme, est dès l'origine un meurtrier ?]
    Cette violence de Moïse nous dit deux choses sur l'être humain. Le premier réflexe, lors de la découverte d'un comportement révoltant (la bastonnade), c'est de faire cesser l'action par tous les moyens, par n'importe quel moyen. Et la violence est le premier moyen à disposition, le premier qui vient à l'esprit. La seconde chose que cela nous enseigne, c'est que Moïse utilise-là la culture qu'il a reçue à la cour de pharaon. N'était-ce pas pharaon qui — confronté à la croissance de la population des hébreux — a ordonné de tuer tous les nouveaux-nés mâles ?
    Moïse a grandi dans une culture de la violence, dans une culture qui dit que la violence est une solution possible à tous les problèmes. Moïse utilise donc ce que sa culture, celle de la haute société égyptienne de l'époque, préconisait.
    Et l'on voit que cet acte de violence va déployer sa spirale et son effet boomerang dans le récit. "Veux-tu me tuer comme tu as tué l'égyptien ?" (Ex 2:14) va rétorquer quelqu'un. Et plus tard, le pharaon "va chercher à faire mourir Moïse" (Ex 2:15). Aujourd'hui encore nous voyons les effets d'une culture de la violence — violence économique ou sociale surtout — qui conduit des individus à plonger dans la violence physique.
    Moïse doit fuir, s'exiler, après avoir fait l'apprentissage des conséquences de la mise en pratique de la culture de sa jeunesse. Moïse a donc découvert ses origines, sa culture de naissance — la maltraitance subie — et sa culture d'éducation — la maltraitance commise.
    C'est avec ce bagage — ce lourd bagage — que Moïse s'exile dans le désert, dans la péninsule du Sinaï, le désert de Madian, avec pour nécessité de réapprendre à vivre. Qui pourrait vivre en ayant à choisir entre une culture de victime ou une culture de bourreau ?
    Moïse doit trouver une troisième voie, sa voie propre. Chacun de nous, en sortant de l'adolescence et en entrant dans la vie d'adulte doit réviser son héritage, choisir ce qu'il garde de ce qu'il a reçu et choisir ce qu'il jette de ce qu'on lui a imposé, et finalement compléter sa panoplie avec du neuf. C'est un nouvel apprentissage qui peut durer de nombreuses années de notre vie d'adulte. Beaucoup en font l'expérience.
    Dans le désert de Madian, Moïse découvre une troisième culture, celle du désert, celle des nomades, la vie sous la tente, la vie autour du puits (qui ne va pas sans violence), la lutte pour la survie, mais aussi l'hospitalité, l'humanité de ceux qui n'ont presque rien mais qui le partagent.
    La culture du désert nous est étrangère, mais nous pouvons faire un parallèle avec la culture du montagnard des Alpes. Nous avons tous entendu un guide de montagne parler du respect devant la montagne. Comme humains, nous ne sommes rien face à la montagne et sa grandeur. Elle appelle le respect, ce doit être la même chose dans le désert.
    On prend un soin particulier de la vie, des sources de vie, des relations. On apprend que notre vie dépend des autres comme la leur peut dépendre de nous. Avec l'hospitalité se développe la fraternité, la loyauté, la solidarité, l'entraide.
    Dans cet environnement, Moïse apprend et choisit son camp : on nous montre qu'il prend la défense des filles de Jéthro contre des bergers qui les importunent, qui usent de la violence comme d'un passe-droit pour utiliser le puits. Moïse apprend le service, il fait l'apprentissage de l'humanisation.
    Le chemin de tout être humain arrivé à l'âge adulte est d'humaniser ses forces, ses pulsions, pour les mettre au service d'une cause. Le chemin de toute société est de mettre en place des institutions qui humanisent sa culture, de manière à ce que la violence diminue, le respect augmente et que chacun — jusqu'au plus petit — ait une place digne.
    Moïse réalisera un bout de ce chemin à travers son travail de législateur. Jésus le parachèvera en nous donnant le Sermon sur la montagne (Mt 5—7) et surtout en enseignant, en paroles et en actes, le renoncement à toute violence pour faire place à l'amour des uns pour les autres.
    Nos sociétés, hélas, sont encore loin d'avoir intégré cet amour, ce respect, cette non-violence à sa culture. Il semblerait même qu'on s'en éloigne par moment. C'est pourquoi le travail de chacun et de l'Eglise pour annoncer l'évangile est plus nécessaire que jamais. La prédication de l'Evangile n'est rien d'autre que cet appel de Dieu à l'humanisation de nos personnes et de nos sociétés pour que chacun puisse vivre en paix et en bonne harmonie avec tous.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009