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pharaon

  • Genèse 41. Le souci économique de Joseph est un souci de salut.

    Genèse 41

    28.1.2018

    Le souci économique de Joseph est un souci de salut.

    Genèse 41 : 14-38      Genèse 41 : 53-57

    Télécharger le texte : P-2018-01-28.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans l’épisode précédent de la saga de Joseph, nous avons laissé Joseph alors qu'il était emmené comme esclave en Egypte. Aujourd'hui, nous le retrouvons en prison ! On dirait que le destin s'acharne contre lui. Chez son maître Potifar, Joseph a été injustement accusé (relisez le chap. 39) et jeté en prison. C'est comme une descente aux enfers, la situation de Joseph ne peut guère être pire. Et pourtant, il ne désespère pas, il fait confiance en Dieu.

    Cette confiance ne le place pas "en attente", comme si tout devait tomber du ciel. En fait, Joseph ne reste pas inactif, à se plaindre de son destin et à maudire le ciel. Dans toutes les circonstances, on le voit prendre les devants, prendre des initiatives. Esclave chez Potifar, il était devenu l'intendant de la maison. Ici en prison, il se fait remarquer par le chef de la garde et se voit confier la direction des travaux des prisonniers (Gn 39:22). Joseph sait tirer parti, faire ressortir ce qu'il y a de bon de toutes les circonstances, il sait apprendre de ses malheurs. Il est celui qui sait rebondir en toutes occasions.

    C'est en cela que l'histoire de Joseph est souvent considérée comme un petit traité de sagesse. Joseph est un sage, parce qu'en toutes circonstances — même les pires — il est capable d'apprendre quelque chose, de prendre des dispositions qui améliorent son sort, de témoigner de patience, tout en se laissant interpeller par la situation et les malheurs de ses compagnons d'infortune. C'est ainsi que Joseph est remarqué et se voit offrir des responsabilités.

    Dans les responsabilités qu'il obtient, Joseph fait l'apprentissage de la direction. Il est en contact avec de hauts personnages (l'échanson et le boulanger) et ne manque pas d'en tirer quelque chose, tout en se mettant à leur service, en exerçant son don d'interprétation des rêves.

    C'est ainsi qu'il va être tiré de sa prison, le jour où plus aucun magicien ne peut interpréter les rêves de Pharaon, ses rêves de vaches grasses et de gros et beaux épis. Dans le dialogue entre Pharaon et Joseph, il y a deux choses remarquables :

    1) Joseph refuse de s'octroyer le mérite de l'interprétation des rêves. S'il possède ce don, ce don vient de Dieu seul. Tout comme le rêve de Pharaon lui-même ! C'est Dieu qui agit, qui informe Pharaon de ce qui va se passer. Joseph est là l'instrument de Dieu pour que Pharaon comprenne le message et que des mesures soient prises.

    2) La deuxième chose remarquable, c'est que Joseph ne se contente pas de dire la signification des deux rêves, il prend l'initiative de dire au Pharaon ce qui peut être fait pour que le pays ne soit pas dévasté. Joseph a son plan, son projet pour l'Egypte, il en fait part à Pharaon et il attend.

    Joseph a là une attitude impressionnante. Il n'est ni inactif face à la crise qui s'annonce, ni réactif, attendant de voir si ce qui est annoncé se réalise (alors les années d'abondance auront passé et il sera trop tard pour agir). Il est ce que les psychologues appellent aujourd'hui "pro-actif". Joseph est pro-actif, ce qui signifie qu'il anticipe la situation et qu'il propose une mesure innovante pour éviter les effets catastrophiques de la famine avant que celle-ci ne s'installe.

    Nos politiciens feraient bien de s’en inspirer pour parer les crises qui s’annoncent, comme la crise du réchauffement climatique !

    Maintenant, ce que Joseph a appris dans la maison de Potifar, dans sa prison et plus tôt dans sa famille va lui servir ! Il est l'homme de la situation et Pharaon le remarque. C'est Joseph qui va tenir les rennes de l'économie de l'Egypte pendant deux septennats — un septennat d'abondance et un septennat de pénurie.

    Joseph va planifier ces 14 ans avec à coeur la problématique qu'il a emporté avec lui de sa famille : Comment les humains peuvent-ils vivre ensemble fraternellement, même en temps de crise ? C'est un véritable défi, car s'il est déjà souvent difficile de vivre pacifiquement quand tout va bien, qu'en est-il lorsque les tensions augmentent ?

    Ici, en Egypte, le domaine économique devient un lieu d'enjeu de la fraternité humaine. Joseph sait bien qu'avec la famine, la crise et les tensions vont monter et faire augmenter dangereusement le risque de la désintégration de la société, le risque des exclusions, le risque de phénomènes de boucs émissaires, le risque de mort.

    De par son expérience personnelle, Joseph connaît tout cela de l'intérieur, et il a décidé d'anticiper, d'agir pour éviter ces catastrophes. Il dresse un plan social pour que la famine ne fasse pas de victimes.

    Je ne ferai pas l'apologie des moyens que Joseph utilise pour parvenir à ses fins. Je ne crois pas qu'ils soient transposables dans le temps, ni qu'ils soient proposés par le narrateur de l'histoire comme un idéal. En effet, ils conduisent à une nationalisation totale des biens de tous les égyptiens en faveur de Pharaon.

    Ce qui est important ici, c'est la préoccupation de Joseph pour le bien commun de tous. Le projet social de Joseph est de faire en sorte que tous puissent se nourrir, que tous puissent vivre, que l'abondance des premières années puisse profiter à tous dans les années de disette.

    Le maintien de la fraternité humaine passe par ce partage, par cette solidarité de tous pour tous. Sans cette attention au bien commun qui passe par l'attention aux plus fragiles, aux plus vulnérables, la cohésion de la société risque de disparaître et donc aboutir à un désastre social, un désastre humain, inhumain, faudrait-il dire !

    On a régulièrement vu dans le personnage de Joseph une figure messianique. Cette dimension messianique — c’est-à-dire porteuse d’une véritié divine, d’un rapprochement avec Dieu — se marque particulièrement dans ce souci du salut de tous. Ce salut n'est pas seulement celui de l'âme au-delà de la mort. Ce salut, c’est déjà une vie en plénitude dès maintenant. Pas une vie seulement pour soi seul, égoïstement, mais une vie assurée pour tous, sans exclus, sans laissés pour compte, sans personnes laissées sur le bord du chemin. Si les moyens mis en place par Joseph ne sont pas forcément un modèle à reprendre, le but — par contre — de ne laisser personne affamé, même dans les pays voisins, ce but d’un salut communautaire est dans la droite ligne de la volonté divine. La vie que Dieu veut voir changée est déjà celle que nous vivons ici et maintenant, sur cette terre et pour tous les habitants de la terre.

    C'est donc déjà ici et maintenant que nous pouvons avoir ce souci économique des moins bien lotis et marcher ainsi dans les pas de Joseph.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Genèse 45. Chercher la trame sous-jacente de sa vie (Typologie IV)

    Genèse 45
    8.9.2013

    Chercher la trame sous-jacente de sa vie (Typologie IV)

    Genèse 37 : 1-9      Genèse 45 : 1-10     Marc 9 : 33-37
    Télécharger la prédication : P-2013-09-08.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    J’aime beaucoup cette histoire de Joseph, le fils de Jacob. Cette histoire nous parle de la vie, de la vie réelle, avec ses hauts et ses bas, les relations difficiles, les chutes et les ascensions vertigineuses.
    Précisément, cette histoire nous parle de la jalousie dans une fratrie, de la haine et du rôle de bouc émissaire quand les frères veulent tuer Joseph, et finalement le vendent comme esclave. Cette histoire parle du travail qui fait progresser et de l’injustice qui fait chuter, Joseph se retrouve en prison. Cette histoire nous parle de compétence et de réseau social quand la capacité à interpréter les rêves fait sortir Joseph de prison et l’amène devant Pharaon qui le nomme premier ministre.
    Ce récit nous parle de relations familiales difficiles, de mise à l’épreuve pour sonder les intentions, de tentatives de réconciliation, de savoir s’il faut ou non montrer ses émotions, de remplacer la rancune par la générosité.
    Ce récit peut donc être lu comme un enseignement sur la vie, comme une histoire déployant une certaine sagesse, dont nous pouvons tirer des leçons pour notre vie. Mais cette histoire n’est pas seulement cela. Cette histoire peut également se lire à un deuxième niveau, en regardant ce qui donne la force à Joseph de tout supporter et de surmonter les événements contraires, les malheurs. Oui, comment supporter la haine de ses frères, comment supporter d’être injustement jeté en prison, comment rester zen à ce point ?
    Joseph peut le faire parce qu’il regarde ce qui lui arrive d’une façon différente de l’ordinaire.
    Reprenons les rêves d’adolescent que Joseph raconte à ses frères : les onze gerbes de blé et les onze étoiles figurent ses frères qui se prosternent devant lui. Les frères lisent cela au premier degré : Joseph veut devenir leur maître, il veut que ses frères, ses aînés, soient ses serviteurs. Et cela les rend fous et on les comprend.
    La lecture que Joseph fait de ces rêves n’a rien à voir avec la domination. La clé nous en est donnée dans le chapitre 45 de la Genèse, lorsque Joseph dit à ses frères : «  Ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, mais Dieu. Et c’est encore lui qui a fait de moi le ministre de Pharaon. » (Gn 45 :8) En effet, ici le rêve de Joseph s’est réalisé, ses frères se sont prosternés devant lui pour obtenir du blé, mais c’est dans une perspective de salut et pas de domination.
    Joseph ajoute encore — laissant tomber toute rancune : « Ne vous faites pas de reproches pour m’avoir vendu ainsi. C’est Dieu qui m’a envoyé ici à l’avance, pour que je puisse vous sauver la vie. » (Gn 45 :5).
    Joseph ne regarde pas la jalousie et la haine passée de ses frères, il voit la trame sous-jacente de sa vie, comment Dieu a tout organisé pour sauver sa famille. Joseph surmonte tous les obstacles parce qu’il fait pleinement confiance en Dieu, en un Dieu qui le soutient et le relève à chaque étape de sa vie.
    Joseph arrive à avoir et à garder ce regard sur sa vie. C’est le regard qu’essaient de nous donner les Evangiles en nous racontant la vie de Jésus. Un regard qui voit comment Dieu agit, quelles positions Dieu prend dans la vie, pour nous. Et c’est là que nous pouvons faire des parallèles entre la vie de Joseph et celle de Jésus, des parallèles qui viennent de la constance de l’action de Dieu, de sa position permanente. C’est ce que nous apprend la lecture typologique de la Bible, comme nous l’avons déjà vu précédemment.
    Comme les frères de Joseph complotent pour le faire mourir, les prêtres et les pharisiens complotent contre Jésus pour le faire mourir.
    Comme Joseph est écarté, exclu de sa fratrie, Jésus est écarté, exclu de la société des hommes par sa condamnation à mort, « La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle » (Mt 21:42; Mc 12:10; Lc 20:17; Ac 4:11; 1 P 2:7).
    Comme Joseph devient le sauveur de ses frères, Jésus devient le sauveur de l’humanité.
    Dans les deux récits de vie, on voit la position que Dieu prend. Celui que les hommes écartent, Dieu lui donne une place de choix ; celui qui tombe, Dieu le relève. Et là, il est à noter que les évangiles utilisent deux mots pour parler de la résurrection, tantôt Dieu réveille Jésus, tantôt Dieu relève Jésus de la mort.
    Ainsi Dieu cherche toujours à nous relever de nos malheurs, de nos échecs, des injustices qui nous arrivent. Le Dieu de Joseph, auquel il fait confiance, est un Dieu qui recueille les exclus, les laissés pour compte, les méprisés.
    Vous avez entendu Jésus parler à ses disciples quand il les surprend à se demander lequel d’entre eux est le plus important. Il leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, il doit être le dernier de tous et le serviteur de tous » (Mc 9:35).
    Dieu a une autre échelle de valeur que celle de notre société actuelle. L’importance ne dépend pas de la célébrité ou du nombre d’amis sur Facebook. La vraie grandeur se révèle dans le service et souvent dans le service le plus humble, le moins visible.
    Ah si notre société donnait plus de valeur à l’attention d’une maman pour chacun de ses enfants ! Ah si notre société donnait plus de valeur aux gestes de respect des uns envers les autres, on verrai moins d’incivilités ! Ah si notre société donnait plus de signes de reconnaissance à ceux qui exercent des fonctions publiques indispensables au bon fonctionnement de la société : enseignant, gendarmes, infirmières, voyers, caissières, personnel des EMS, etc…
    Ces fonctions de service, si souvent méprisées, Dieu les place en haut de l’échelle des valeurs et nous pouvons nous aussi leur donner une plus juste appréciation.
    Joseph a su voir, dans sa vie, la valeur que Dieu donne à ces services, à ces personnes méprisées et cela lui a donné la force de tenir, de surmonter le malheur, jusqu’au retournement de sa situation.
    Saurons-nous avoir le courage de lire la trace de Dieu dans nos vies, la valeur qu’il donne à chacun de nos gestes ?  Saurons-nous voir comment il retourne les valeurs dans nos vies, comment il peut changer notre regard pour adopter la valeur que lui-même donne plutôt que le mépris qu’affiche la société ? Saurons-nous voir comment Dieu travaille à nous relever, à nous redonner vie et force pour avancer ? Saurons-nous être fiers d’être au service de la société, sachant que Dieu — à défaut des hommes — que Dieu apprécie à sa juste valeur ce que nous faisons et ce que nous sommes ?
    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Genèse 41. La sagesse de Joseph, anticiper pour assurer le salut de tous les habitants du pays

    Genèse 41
    16.7.2000
    La sagesse de Joseph, anticiper pour assurer le salut de tous les habitants du pays

    Genèse 41 : 14-57
    téléchargez ici la prédication : P-2000-07-16.pdf
    Chers amis,
    Dimanche dernier, nous avons laissé Joseph alors qu'il était emmené comme esclave en Egypte. Aujourd'hui, nous le retrouvons en prison ! Le destin s'acharne contre lui. Chez son maître Potifar, Joseph a été injustement accusé (relisez le chap. 39) et jeté en prison. C'est comme une descente aux enfers, la situation de Joseph ne peut guère être pire. Et pourtant, il ne désespère pas, il fait confiance en Dieu. Cette confiance ne le place pas "en attente", comme si tout devait tomber du ciel.
    En fait, Joseph ne reste pas inactif, à se plaindre de son destin et à maudire le ciel. Dans toutes les circonstances, on le voit prendre les devants, prendre des initiatives. Esclave chez Potifar, il était devenu l'intendant de la maison. Ici en prison, il se fait remarquer par le chef de la garde et se voit confier la direction des travaux des prisonniers (Gn 39:22). Joseph sait tirer parti, faire ressortir ce qu'il y a de bon de toutes les circonstances, il sait apprendre de ses malheurs. Il est celui qui sait rebondir en toutes occasions.
    C'est en cela que l'histoire de Joseph est souvent considérée comme un petit traité de sagesse. Joseph est un sage, parce qu'en toutes circonstances — même les pires — il est capable d'apprendre quelque chose, de prendre des dispositions qui améliorent son sort, de témoigner de patience, tout en se laissant interpeller par la situation et les malheurs de ses compagnons d'infortune. C'est ainsi que Joseph est remarqué et se voit offrir des responsabilités.
    Dans les responsabilités qu'il obtient, Joseph fait l'apprentissage de la direction. Il est en contact avec de hauts personnages (l'échanson et le panetier) et ne manque pas d'en tirer quelque chose, tout en se mettant à leur service, en exerçant son don d'interprétation des rêves.
    C'est ainsi qu'il va être tiré de sa prison, le jour où plus aucun magicien ne peut interpréter les rêves de Pharaon, ses rêves de vaches grasses et de gros et beaux épis.
    Dans le dialogue entre Pharaon et Joseph, il y a deux choses remarquables : 1) Joseph refuse de s'octroyer le mérite de l'interprétation des rêves. S'il possède ce don, ce don vient de Dieu seul. Tout comme le rêve de Pharaon lui-même ! C'est Dieu qui agit, qui informe Pharaon de ce que va se passer. Joseph est là l'instrument de Dieu pour que Pharaon comprenne le message et que des mesures soient prises. Dans l'évangile, Jésus parlera de "serviteurs inutiles", simples serviteurs qui n'ont fait que leur devoir (Luc 17:7-10).
    2) La deuxième chose remarquable, c'est que Joseph ne se contente pas de dire la signification des deux rêves, il prend l'initiative de dire au Pharaon ce qui peut être fait pour que le pays ne soit pas dévasté. Joseph a son plan, son projet pour l'Egypte, il en fait part à Pharaon et il attend.
    Joseph a là une attitude impressionnante. Il n'est ni inactif, face à la crise qui s'annonce, ni réactif, attendant de voir si ce qui est annoncé se réalise (alors les années d'abondance auront passé et il sera trop tard pour agir), il est ce que les psychologues appellent aujourd'hui "pro-actif". Joseph est pro-actif, ce qui signifie qu'il anticipe la situation et qu'il propose une mesure innovante pour éviter les effets catastrophiques de la famine avant que celle-ci ne s'installe.
    Maintenant, ce qu'il a appris dans la maison de Potifar, dans sa prison et plus tôt dans sa famille va lui servir ! Il est l'homme de la situation et Pharaon le remarque. C'est à Joseph qu'il va donner des rennes de l'économie de l'Egypte pendant deux septennats — un septennat d'abondance et un septennat de pénurie.
    Joseph va planifier ces 14 ans avec à coeur la problématique qu'il a emporté avec lui de sa famille : Comment les humains peuvent-ils vivre ensemble fraternellement, même en temps de crise ? C'est un véritable défi, car s'il est déjà souvent difficile de vivre pacifiquement quand tout va bien, qu'en est-il lorsque les tensions augmentent ?
    Ici, en Egypte, le domaine économique devient un lieu d'enjeu de la fraternité humaine. Joseph sait bien qu'avec la famine, la crise et les tensions vont monter et faire augmenter dangereusement le risque de la désintégration de la société, le risque des exclusions, le risque de phénomènes de boucs émissaires, le risque de mort. De par son expérience personnelle, Joseph connaît tout cela de l'intérieur, et il a décidé d'anticiper, d'agir pour éviter ces catastrophes. Il dresse un plan social pour que la famine ne fasse pas de victimes.
    Je ne ferai pas l'apologie des moyens que Joseph utilise pour parvenir à ses fins. Je ne crois pas qu'ils soient transposables dans le temps, ni qu'ils soient proposés par le narrateur de l'histoire comme un idéal. En effet, ils conduisent à une nationalisation totale des biens de tous les égyptiens en faveur de Pharaon.
    Ce qui est important ici, c'est la préoccupation de Joseph pour le bien commun de tous. Le projet social de Joseph est de faire en sorte que tous puissent se nourrir, que tous puissent vivre, que l'abondance des premières années puisse profiter à tous dans les années de disette.
    Le maintien de la fraternité humaine passe par ce partage, par cette solidarité de tous pour tous. Sans cette attention au bien commun qui passe par l'attention aux plus fragiles, aux plus vulnérables, la cohésion de la société risque de disparaître et donc aboutir à un désastre social, un désastre humain, inhumain, faudrait-il dire !
    La figure messianique de Joseph que nous évoquions dimanche dernier se marque aussi dans ce souci du salut de tous. Ce salut n'est pas seulement celui de l'âme au-delà de la mort. C'est le salut, une vie en abondance dès maintenant. La vie que Dieu veut voir changée est déjà celle que nous vivons ici et maintenant, sur cette terre. C'est donc déjà ici et maintenant que nous pouvons avoir ce souci économique des moins bien lotis et marcher ainsi dans les pas de Joseph.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Genèse 41. Les rêves dans la Bible (II). La Saga de Joseph


    Genèse 41
    10.7.2011
    Les rêves dans la Bible (II). La Saga de Joseph
    Genèse 41 : 1-33

    Téléchargez la prédication ici : P-2011-07-10.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans notre suite de prédications sur les rêves dans la Bible, nous abordons ce matin les rêves de la saga de Joseph, le fils de Jacob. Joseph est le 11e fils des 12 fils de Jacob. Il fait deux rêves où il voit successivement des gerbes de blé puis des étoiles se prosterner devant lui. Ses frères et ses parents comprennent tout de suite que Joseph pense qu'ils vont tous devoir se prosterner devant lui.
    Ses frères le prennent alors en haine, ce qui va conduire au fait qu'il sera abandonné dans une citerne et vendu comme esclave. Après diverses péripéties hautes en couleurs, Joseph se retrouve en prison en Egypte où il interprète les rêves du boulanger et de l'échanson du pharaon. Quand le pharaon a des rêves énigmatiques à son tour, l'échanson se souvient de Joseph et propose au pharaon de sortir Joseph de sa prison pour qu'il lui interprète ses rêves. Vous avez entendu le récit.
    Joseph est donc amené face à pharaon et il fait tout de suite une rectification : ce n'est pas lui, Joseph, qui interprète les rêves, c'est Dieu qui en donne l'explication. Et Joseph ajoutera — après avoir révélé le sens des rêves — que Dieu montre au pharaon ce qu'il doit faire.
    Pour l'auteur de la saga de Joseph, le domaine du rêve et de son interprétation appartient à Dieu et à Dieu seul. En effet, le domaine de l'avenir et de la destinée de tous est — pour cet auteur — entièrement entre les mains de Dieu. Il n'est donc pas question ici de psychanalyse des rêves ou de comprendre ce que le rêve nous apprend de nous-mêmes.
    Nous ne savons pas qui a écrit cette saga de Joseph, mais nous pouvons voir, par sa façon de raconter, que ce texte appartient au registre de la Sagesse. C'est-à-dire que c'est un récit qui veut nous donner quelques clés, quelques réponses à des questions sur notre existence. Comment prendre les hauts et les bas de l'existence ? De qui dépend ma vie ? Qui la dirige ? Etc.
    Le récit fait très rarement référence à Dieu et lorsque référence il y a, c'est toujours dans la bouche d'un acteur du récit qui dit quelque chose sur Dieu, c'est de l'ordre de la confession de foi. On ne voit pas, comme dans les textes historiques (p. ex. Exode), l'affirmation que Dieu parle ou que Dieu agit. Dans cette saga de Joseph, Dieu est soit absent, soit en arrière-plan.
    C'est là que les rêves interviennent. Les rêves sont des "provocateurs de destin." Ce sont eux qui font bouger les choses, basculer les destinées. C'est la haine qui suit les rêves de prosternation de Joseph qui provoque son exclusion de la tribu et sa descente en Egypte. Ce sont les rêves de l'échanson et du boulanger qui vont faire connaître Joseph et finalement le faire sortir de prison. Ce sont les rêves du pharaon qui vont faire que Joseph sera nommé premier ministre d'Egypte.
    Les actions, les revirements de situations, arrivent suite à ces rêves. Ce que l'auteur de la saga de Joseph veut nous faire comprendre, c'est que le destin de Joseph est entre les mains de Dieu et que Dieu agit en coulisse en arrière-plan. Le plus important n'est pas le contenu des rêves, mais leur rôle dans l'histoire de Joseph. Les rêves sont là pour masquer et pour montrer que Dieu agit dans la vie de Joseph. Derrière les rêves, c'est Dieu qui agit, qui accompagne et qui change le cours de la vie de Joseph.
    Les rêves constituent les ressorts dramatiques de la saga. Ils montrent que Dieu dirige les événements, les événements dramatiques (exclusion, départ vers l'Egypte, mise en prison) comme les événements salvateurs (sortie de prison et nomination comme premier ministre).
    Le narrateur veut nous inviter à la confiance, même dans les pires moments et les pires situations de l'existence, à travers la mise en scène des malheurs de Joseph.
    Le narrateur veut nous inviter à la confiance en nous montrant que Dieu sort Joseph de sa misère et lui réserve une situation favorable, même enviable en fin de compte.
    Le narrateur veut nous inviter à la confiance en nous laissant voir — à travers les rêves prémonitoires — que Dieu dirige tout, que Dieu prévoit tout et que Dieu rétablit toute situation. Et la fin glorieuse est là pour nous montrer que ça marche. C'est la vision sapientiale, de la sagesse : vous ne comprenez pas ce qui vous arrive, mais Dieu a tout en main et cela finira bien.
    Je dois vous avouer que cela me met mal à l'aise. Je n'arrive pas à adhérer à cette pensée. Nous voyons trop de situations autour de nous où les situations ne s'arrangent pas, où les injustices ne sont ni dénoncées, ni corrigées, où le malheur n'est pas compensé, où le deuil frappe sans qu'on puisse espérer trouver un juste motif.
    Peut-on rester avec la pensée que "cela nous dépasse" ou que "les voies du Seigneur son impénétrables" ? Que faire et que penser lorsque nos histoires n'ont pas de happy end ?
    Ces questions ne sont pas seulement celles des gens de notre temps. Le livre de l'Ecclésiaste et celui de Job contestent déjà cette vision trop optimiste des livres de Sagesse. Le discours de la saga de Joseph ne suffit pas à rendre compte du problème du mal.
    Le livre de l'Ecclésiaste et celui de Job nous donnent des éclairages complémentaires. Les êtres humains de tous les temps réfléchissent à la question de notre destin face au mal. Et Dieu, que ce soit à travers des rêves, des visions prophétiques ou une présence plus discrète dans notre monde, nous accompagne dans cette réflexion.
    Dieu a pris tellement au sérieux notre questionnement à ce sujet qu'il est venu nous rendre visite, non plus dans nos rêves, mais dans la personne de Jésus. Je pense que c'est au travers de sa Passion qu'il touche au plus près notre destinée confrontée au mal et au malheur injustes. C'est dans cette Passion, plutôt que dans les rêves de Joseph, que nous devons chercher nos propres réponses.
    Amen
    @ Jean-Marie Thévoz, 2011