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poésie

  • Genèse 1. Trois idées fausses sur Dieu Créateur

    Genèse 1

    8.7.2018

    Trois idées fausses sur Dieu Créateur

    Genèse 1 : 1-10         Genèse 1 : 11-23       Genèse 1 : 24-31

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    La plupart de nos confessions de foi commencent en affirmant que nous croyons en Dieu « créateur du ciel et de la terre». Cette parole est enracinée dans le récit de Genèse 1 que vous venez d’entendre. Mais cette affirmation « Dieu créateur du ciel et de la terre » est très problématique aujourd’hui, parce qu’elle laisse entendre bien d’autres choses qui ne sont pas présentes dans le récit de Genèse 1.

    Dans « Dieu créateur du ciel et de la terre», aujourd’hui nous entendons trois choses qui ne cadrent ni avec le récit de Genèse 1, ni avec notre compréhension contemporaine du monde :

    1. a) La première chose, c’est que nous serions créationnistes.
    2. b) La deuxième, il s’agirait d’une création ex nihilo (à partir de rien).
    3. c) La troisième chose problématique, c’est l’affirmation de la toute-puissance de Dieu sur l’univers. Je reprends ses trois points.
    4. D’abord les Réformés ne sont pas créationnistes, c’est à dire que nous ne croyons pas que le récit de Genèse 1 est une description de l’émergence de l’univers et de la terre. Clairement, pour nous, ce récit est un poème, une poésie.

    La poésie a un autre rôle que le mode d’emploi de votre frigo et un autre rôle qu’un article scientifique. Un poème est une proposition d’éclairage sur la réalité. Quelqu’un parle et — si possible — quelqu’un écoute. On lit un poème non pas pour trouver une explication, mais pour vivre une émotion, être transporté dans un ailleurs qui nous fait découvrir de la beauté. Un poème est quelque chose qui évoque, qui invoque, qui est fragile, qui joue sur les mots, qui emporte. Ce premier récit de la création veut emporter son auditeur vers la beauté d’un monde organisé et habitable, vers la bonté voulue au cœur du monde.

    Il est intéressant d’imaginer la première récitation aux premiers auditeurs : nos chercheur en Ancien Testament pensent que ce récit a été écrit pendant l’Exil à Babylone. Imaginez une petite communauté d’exilés, de migrants, installés précairement dans des habitats de fortune dans un pays étranger, au milieu d’un monde hostile. Et voilà qu’on leur dit que leur Dieu — qui n’a pas pu leur éviter cet exil et cette précarité — ce Dieu dit à chaque étape d’organisation du monde, qu’on peut y voir du bon. Que la finalité de l’existence, c’est la vie, et une vie bonne. C’est de l’espoir au cœur d’une situation qui pourrait faire perdre tout espoir. Le récit met en avant la bonté du résultat bien plus que l’agir même de Dieu.

    1. La deuxième fausse croyance nous vient d’une contagion du monde grec : croire à une création ex nihilo. Le récit hébreu dit clairement qu’au commencement était le tohu-wa-bohu : un monde informe et vide. Le travail de Dieu n’est pas un travail de création (à partir de rien), mais un travail d’organisation à partir du donné. L’organisation du monde se fait par des séparations successives (haut-bas, sec-mouillé, jour-nuit, etc.) Trois jours sont consacrés à faire des habitats et trois jours pour y placer des habitants, parce que le monde doit être habitable. Mais toute la suite de la Bible va rappeler la fragilité de ces séparations, toujours provisoires. Voyez le récit du Déluge, où la séparation entre les eaux d’en haut et les eaux d’en-bas se brise et tout est inondé.

    Dieu a fait du bon (la qualification de « bon » revient six fois dans le texte, autant que de strophes du poème), mais ce bon repose en surface d’un monde souterrain qui reste dangereux, risqué et imprévisible. Il y a le danger des catastrophes naturelles. Il y a les risques inhérents à la vie (manger ou être mangé). Et il y a surtout le plus imprévisible, le plus aléatoire : l’être humain qui n’est ni une marionnette ni un robot.

    Si le monde créé est voulu bon, il n’est pas dépourvu de mal et de malheur, contre lesquels Dieu ne peut rien. Dans le récit biblique, Dieu n’a pas la puissance d’un créateur qui part de zéro et maîtrise tout. Postuler la création ex nihilo conduit à devoir penser un Dieu qui ne prévient pas le mal qu’il pourrait éviter : on est vite avec un Dieu cruel sur les bras !

    1. Troisièmement le récit de Genèse 1 ne pose pas l’affirmation d’un Dieu tout-puissant, mais plutôt — selon l’expression du théologien américain John D. Caputo — d’une « force faible de Dieu » *. Si vous avez remarqué, dans le poème de la création, Dieu n’agit pas, il ne fait rien. Il parle seulement. Il n’y a pas d’outil, de pelle et de pioche, pour façonner la terre. La seule force de Dieu, nous dit le poème, c’est de dire des mots, c’est d’en appeler à ce qu’il se passe quelque chose. Et comme le poète a tous les pouvoirs, des choses se passent dans le poème. Mais il y a un pas (entre le poème et la réalité) que seuls les créationnistes franchissent, ce que nous ne sommes pas.

    Le poème nous dit que la seule force dont Dieu dispose, c’est sa parole, ce sont des mots, c’est un appel à ce que le monde soit organisé ; un appel à ce que le monde soit bon et que cette bonté soit vue (et nous reconnaissons souvent la bonté du monde) ; un appel à ce que cette beauté soit préservée, et que cette beauté nous donne espoir.

    Lorsque le poème dit « cela était bon », il le dit comme la Déclaration des Droits Humains dit : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux ». Non pas parce que cela se voit et se vérifie partout et tout le temps, mais parce que cela doit être et qu’il faut travailler pour que la liberté et l’égalité se développent sur la terre.

    Le poème place au tout début de la Bible non pas un état de fait (un paradis perdu), mais un programme pour l’horizon de notre monde. Nous voyons en même temps que le monde et la nature sont beaux, mais en même temps que tant de choses vont mal.

    Dieu prononce des paroles comme un appel à organiser et à humaniser le monde et comme rappel que, toujours, Dieu veut du bien, du bon et du juste. La force de Dieu est dans cet appel transmis à l’humanité. La faiblesse de Dieu est dans cet appel transmis l’humanité, qui n’est qu’un appel qui attend notre adhésion. Cet appel — la parole de Dieu — est cette force faible de Dieu. Pas plus de force qu’une demande, qu’une prière, pas moins de force qu’une demande pressante à préserver la beauté du monde et la bonté de l’être humain.

    Quand nous confessons notre foi en Dieu, avec ses mots : « créateur du ciel et de la terre » nous devons renoncer à y voir une explication de l’origine du monde, nous devons renoncer y voir l’existence d’un monde parfait dépourvu de mal, et nous devons renoncer à y chercher une toute-puissance divine qui gérerait tout — en fin de compte — à notre place.

    Quand nous confessons un Dieu créateur, nous reconnaissons par contre que le monde n’est pas contre nous, qu’il recèle (au milieu des risques et de l’aléatoire) de la beauté et de la bonté. Nous reconnaissons que Dieu nous lance un appel à préserver et développer cette beauté et cette bonté qui sont l’horizon du monde.

    Amen

     

    * John D. Caputo, La faiblesse de Dieu, Genève, Labor et Fides, 2016.

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Genèse 2. L’intention divine première c’est de bénir la terre et les humains qui y habitent.

    Genèse 2
    6.7.2014
    L’intention divine première c’est de bénir la terre et les humains qui y habitent.
    Genèse 2 : 4-15     Esaïe 55 : 6-13     Jean 4 : 10-14

    Télécharger le texte : P-2014-07-06.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Je vous propose pour les dimanches de cet été de nous plonger dans les récits de création que la Bible nous offre. Dans la plupart de nos confessions de foi, — notamment le Symbole des apôtres que nous trouvons à la dernière page de nos psautiers — nous déclarons : « Je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre. » Que voulons-nous dire par là ?
    Affirmons-nous que Dieu a créé le monde de ses propres mains ? Qu’il a conçu le plan de chaque atome du tableau périodique des éléments ou qu’il a inventé chaque plante et chaque animal ? Croyons-nous que Dieu a créé le monde en 6 jours, il y a quelques 6'000 ans ?
    Certains chrétiens le pensent. On dit alors qu’ils sont « créationnistes. » Ils remplacent le discours scientifique par le discours biblique, croyant que la Bible explique comment Dieu a créé le monde.
    Je n’arrive pas à me retrouver dans leurs théories. Je crois que la Bible nous dit autre chose que le « comment » des choses. Je crois que la Bible nous dit le « pourquoi » des choses, ou encore le « pour quoi », le « en vue de quoi » de la vie et du monde.
    Comment donc penser, et pouvoir confesser, Dieu créateur, sans être créationniste, en acceptant que la science dit des choses correctes sur l’origine de l’univers et de la vie sur terre ? Je crois que c’est possible en nous attachant au sens et à l’intention. La Bible nous dit l’intention qu’il y a derrière la présence du monde. Il nous dit le sens de l’existence, de notre présence sur terre et c’est une explication qui a une autre valeur que l’explication scientifique. Deux explications qui peuvent être juxtaposées sans que ni l’une ni l’autre ne perde de sa qualité ni de son sens, parce qu’elles ont des rôles différents.
    Je vais l’expliquer par un exemple concret qui porte aussi sur deux explications concernant une question d’origine. Lorsqu’un enfant demande à ses parents « Pourquoi est-ce que je suis là ? » Les parents ont le choix entre deux explications. Ils peuvent se lancer dans l’explication biologico-chimique : « Tu sais, lorsque le spermatozoïde rencontre l’ovule… etc… » Ou bien ils peuvent se lancer dans une explication de leurs intentions. « Tu sais, ta maman et moi, nous avions très envie d’avoir un enfant… »
    Les deux explications sont justes, pertinentes, exactes. L’une est scientifique, mais froide. L’autre est poétique, mais pleine de sens et de promesse pour l’enfant, elle va le soutenir dans son être et sa joie de vivre.
    Les récits bibliques de création sont de ce deuxième ordre : poétiques et plein de promesse. Lorsque nous disons que Dieu a créé le ciel et la terre, nous formulons un énoncé poétique qui nous rappelle que Dieu a une intention pour le monde et pour nous, il a un projet pour l’humanité et ce projet passe par notre vie sur cette planète terre.
    Le livre de la Genèse nous présente deux récits de création. Celui du chapitre 1 — un grand poème en 7 strophes pour 7 jours — remonte à l’époque de l’Exil à Babylone. Nous y reviendrons ultérieurement.
    Le récit des chapitres 2 et 3 est plus ancien et plus composite. On le sens plus fruste dans l’explication pratique, mais il est riche par contre d’une dramatique humaine qu’il dessine autour du bien et du mal.
    Le fait même d’avoir deux récits incompatibles entre eux au niveau factuel du « façonnage de la terre » devrait renvoyer les créationnistes à leur étude du texte biblique.
    Que nous dit le récit le plus ancien de l’intention divine pour l’être humain et le monde ? (En fait, je vais réserver la part sur l’être humain pour dimanche prochain.)  Que nous dit ce récit de Genèse 2 sur le monde ? Ce récit utilise l’eau comme une métaphore pour nous parler du monde.
    Il y a un état premier où la terre est sèche. Elle existe, mais rien ne pousse, c’est pire qu’un désert. Il n’y a ni arbuste, ni herbe, ni être humain.
    Dans un deuxième état, il y a une sorte de brouillard, de brume qui s’élève de la terre pour l’irriguer. Mais il n’y a toujours pas de végétation.
    Il faut un acte de Dieu pour y implanter l’homme, puis la végétation. L’homme est là pour cultiver cette végétation. Ensuite le récit s’interrompt pour parler géographie. Une sorte de parenthèse, un paragraphe copié-collé ici dont on ne connaît pas l’origine.
    Il situe l’Eden (vers l’est) et le donne comme la source d’un fleuve qui traverse le jardin et en sort en se séparant en quatre bras pour irriguer la terre. Deux fleuves ne sont pas identifiés et deux autres, le Tigre et l’Euphrate, sont connus, c’est le croissant fertile.
    Ce paragraphe lie le jardin et la terre habitée à la même source, unique, qui vient de l’Eden. L’eau voulue par Dieu va donner la vie, pas seulement au jardin — on anticipe le drame de Genèse 3 — mais à la terre entière, les territoires connus comme les territoires inconnus. 
    Il y a là l’affirmation d’une bénédiction première et universelle. Quoi qu’il se passe dans l’histoire humaine, la vie et la bénédiction sont premières. On sait déjà — parce qu’on connaît la suite, et tout être humain sait qu’il n’habite plus le jardin d’Eden — que la vie est difficile sur la terre. Mais ce récit de création affirme que cette vie difficile s’inscrit dans un cadre qui est fait de bénédiction. 
    Une façon de dire déjà que des limites sont posées face au mal et au malheur. L’intention divine première c’est de bénir la terre et les humains qui y habitent. A l’origine, il y a une bénédiction et à l’horizon, il y a la promesse d’un pays où habiter. C’est le cadre de la création. (On verra dans la lecture du poème de Genèse 1 à quel point le caractère « habitable » de la terre est souligné).
    Ainsi, ce récit, le plus ancien, confesse que le monde n’est pas le résultat d’un accident, mais d’une intention. Ce récit montre que l’être humain ne naît pas non plus accidentellement. Le monde est là pour accueillir l’être humain et sans lui le monde est comme en attente. Le monde est l’objet de la bénédiction divine, depuis le début. Nous ne sommes pas un accident de l’histoire, tombés par malheur dans un monde maudit.
    Comme des parents peuvent dire à leur enfant : « Nous avons souhaité que tu nous sois donné et nous sommes heureux que tu sois là et grandisse avec nous » dans ces récits de création, c’est comme si Dieu nous disait : « J’ai disposé le monde pour vous accueillir et j’ai souhaité que vous soyez là pour y habiter. Je suis heureux que vous puissiez y vivre sous mes yeux. »
    Voilà ce que nous confessions lorsque nous disons : « Je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre. »
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014