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vendredi saint

  • Le miracle de Pâques, c’est que Jésus nous fait comprendre le sens de la croix

    1.4.2018

    Le miracle de Pâques, c’est que Jésus nous fait comprendre le sens de la croix

    Esaïe 53 : 7-12      Osée 5 : 15 — 6 : 3        Luc 24 : 33-48

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Aujourd'hui, nous rappelons, nous commémorons, mais surtout, nous voulons vivre, nous imprégner de la journée qui a changé la face du monde : le dimanche de Pâques. C'est pour les disciples le premier jour de la semaine après la fête de la Pâque. Une journée tout en contraste que nous allons suivre dans l'Evangile de Luc.

    La fête de la Pâque a dû être triste, douloureuse pour les disciples. Ils pleurent la mort de Jésus, arrivée le vendredi précédent, une mort ignominieuse pour leur maître et ami. En cette aube d'après sabbat, les femmes vont au tombeau pour s'occuper du corps de Jésus, les rites funéraires ne pouvant avoir lieu pendant le sabbat.

    Les femmes trouvent le tombeau vide et vont raconter leur découverte aux autres disciples. Pour eux, c'est du délire de bonnes femmes ! Seul Pierre va vérifier. Mais il en revient perplexe. Le tombeau vide ne fait pas l'effet d'une révélation.

    Deux compagnons quittent alors le groupe pour aller à Emmaüs. On connaît leur rencontre avec Jésus (Luc 24 : 13-35), qu'ils ne reconnaissent pas jusqu'au moment où Jésus rompt le pain avec eux, mais disparaît. C'est le soir, ils retournent cependant à Jérusalem témoigner de leur expérience. Là, ils trouvent les disciples qui ont aussi quelque chose à leur dire : « Le Seigneur est vraiment ressuscité ! Simon l'a vu ! » (Luc 24:34).

    C'est alors que Jésus se matérialise au milieu d'eux. J'utilise — moi — ce terme "se matérialise" parce qu'il rend bien l'ambiguïté de la situation. Luc — lui — dit : "Jésus se tint au milieu d'eux." C'est comme s'il n'était pas entré par la porte, c’est pourquoi les disciples le prennent pour un esprit, un fantôme. C'est pourquoi Jésus doit se faire reconnaître en montrant ses mains et ses pieds.

    Même là — encore — les disciples restent incrédules, nous dit Luc ! Jésus décide alors de leur demander à manger. Mais même cela ne suffit pas. Jésus doit leur "ouvrir l'intelligence en leur expliquant les Ecritures." (Lc 24:45)

    Il est intéressant de remarquer que pour Luc, les signes matériels ne sont pas convaincants, les signes matériels ne sont pas les éléments qui conduisent à la foi, à la reconnaissance de Jésus. Il est clair pour Luc — et pour les premiers chrétiens — que ces récits d'Evangiles ne posent pas la question de l'identité physique et biologique de Jésus, mais de son identité spirituelle ! Il ne s'agit pas de reconnaître un Jésus réanimé, revenu à la vie comme Lazare, mais de reconnaître "le Seigneur", "le Vivant."

    Cette reconnaissance ne passe pas par nos yeux, mais par la communion, le partage du pain et par la Parole, la compréhension de l'Ecriture. Il s'agit de reconnaître que dans la vie de ce Jésus qui a été crucifié se réalisait, s'accomplissait le plan de Dieu, la révélation de l'amour total de Dieu envers tous les humains. Dieu ne cherche pas à éblouir par un miracle — même le miracle de la résurrection — il cherche à être entendu et compris.

    Le miracle de Pâques, le miracle de la résurrection, c'est l'action de Dieu lorsqu'il ouvre l'intelligence des disciples pour qu'ils comprennent les Ecritures, pour que nous comprenions les Ecritures.

    Pâques doit nous amener à comprendre les récits de la Bible, les récits de personnages victimes de malheurs, de persécutions. Surtout comprendre que ces personnages ne sont pas poursuivis par Dieu, mais qu'au contraire, Dieu se tient à leurs côtés — même si c'est contre toutes les apparences !

    Comme le dit le Chant du Serviteur souffrant d'Esaïe : "Le Seigneur approuve son serviteur accablé et il rétablit celui qui avait offert sa vie à la place des autres." (Es 53:10) Et il en est ainsi à travers tout l'Ancien Testament. Dieu est aux côtés d'Abel, de Joseph, d'Urie, de Naboth, de Jérémie, de Daniel, de même qu'il sera aux côtés d'Etienne et de tous les martyrs chrétiens ultérieurs.

    La révélation, c'est que Jésus crucifié explique les Ecritures. Le récit de la mort et de la résurrection met en lumière tout ce qui se trouve déjà écrit. Et maintenant Jésus ouvre aussi notre intelligence, notre esprit, pour que nous puissions relire nos vies à sa lumière, à la lumière de Pâques, à la lumière de la résurrection.

    Le miracle de Pâques, c'est de pouvoir se retourner et voir dans nos vies la présence de Dieu, de voir ses pas à côté des nôtres, de voir qu'il était là pour nous guider, pour nous consoler, pour nous réjouir. La joie de Pâques, c'est de laisser notre esprit s'ouvrir à cette présence, d'avoir foi d'être accompagnés maintenant, d'être accompagnés toujours.

    Alors, Joyeuses Pâques à tous !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Matthieu 27. Le rideau du Temple est déchiré

    Matthieu 27

    30.3.2018

    Le rideau du Temple est déchiré

    Esaïe 53 : 1-12 Hébreux 10 : 19-24 Matthieu 27 : 35-38 + 45-53

     

    télécharger le texte : P-2018-03-30.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Nous avons entendu le passage biblique qui raconte la mort de Jésus. Lorsque je relis ce récit — comme l'ensemble du récit de la Passion — je suis frappé par la sobriété du récit. On aurait pu imaginer que les premières Eglises, dans un élan de mémoire et par vénération pour leur Seigneur, aient enjolivé le récit, rajouté toutes sortes d'éléments pour bien montrer le rôle exceptionnel de leur héros ! Non, rien de tout cela. Le récit est court, sobre, mesuré. On voit que chaque mot est pesé, pensé, porteur de sens, de signification, mais il n'y a pas de dérive vers le fantastique ou le miraculeux — au contraire, pourrait-on dire.

    Il y a comme la nécessité que ce récit soit un procès-verbal fidèle de ce qui s'est passé, dans son dépouillement, sa crudité, sa cruauté aussi. Le sens vient du compte-rendu et non de rajouts. Cela est possible par le fait que les mots utilisés pour rendre compte des événements sont autant de renvois à d'autres textes et récits pour l'auditeur averti.

    On pourrait dire que les évangélistes sont les inventeurs de ce qu'on appelle en langage informatique de l'hypertexte ! De l'hypertexte, c'est un mot qui s'affiche en couleur sur l'écran et sur lequel on peut diriger le curseur de la souris et cliquer. Du mot choisi surgira une nouvelle fenêtre sur laquelle on peut lire une information supplémentaire concernant ce mot.

    Pour le récit de la mort de Jésus, ces informations supplémentaires viennent de l'Ancien Testament. Ce n’est qu'au travers du message de l'Ancien Testament que la mort de Jésus a pu être comprise par les disciples.

    La relecture de la Passion passe donc par le Ps 22 (que nous avons antiphoné au début du culte 64-23) et par Esaïe 53 (que nous avons entendu). Dans ces deux textes se trouvent un grand nombre de paroles qui aident à comprendre la mort de Jésus, comme messie souffrant.

    Un mot dans le récit de la mort de Jésus a retenu mon attention cette semaine : "Jésus poussa un grand cri et mourut. A ce moment, le rideau suspendu dans le Temple se déchira, depuis le haut, jusqu'en bas" (Mt 27:50-51).

    Le rideau qui se déchire n'est pas une citation de l'Ancien Testament, ne se trouve ni dans le Ps 22, ni dans Esaïe 53, et pourtant les trois évangélistes le mentionnent ! C'est une phrase intrigante. Que veut-elle nous dire ? Cela se passe exactement au moment de la mort de Jésus. Cela signifie que la mort de Jésus provoque quelque chose à l'intérieur du Temple.

    Le rideau dont il est question sépare le lieu saint où sont apportées les offrandes par les prêtres, du lieu très saint ou devraient résider l'Arche de l'alliance et les Tables de la Loi (je dis "devraient" car elles ont disparu lors de la démolition du premier Temple en 587 avant J.-C.).

    Le lieu très saint est inaccessible aux hommes, sauf une fois par an, par le grand-prêtre, pour un rituel du pardon des péchés de tout le peuple. Le grand-prêtre doit en premier offrir (hors du saint des saints) un sacrifice pour ses propres péchés et accomplir un rituel de purification. Ensuite seulement, il peut entrer dans le lieu très saint, apportant à Dieu l'ensemble des péchés du peuple d'Israël.

    Il y a deux éléments dans cette partie rituelle, une aspersion de sang sur l'arche et le rituel du bouc émissaire qui sera ensuite envoyé dans le désert avec les péchés du peuple (voir Lév. 16).

    Ainsi le grand-prêtre doit se présenter devant Dieu sans péché et apporter tous les péchés de son peuple pour le grand pardon.

    Lorsque les évangélistes affirment que le rideau du Temple s'est déchiré de haut en bas au moment où Jésus meurt, ils déclarent en quelque sorte qu'à ce moment Jésus entre dans le lieu très saint. Il entre en tant que grand-prêtre sans péché et portant les péchés de tout le peuple, voire de la terre entière.

    Si le rideau est déchiré, c'est que cette entrée est faite une fois pour toute, définitivement et que le rideau n'a plus d'usage après cela. Ce qui devait séparer les humains de Dieu n'a plus lieu d'être dès que Jésus l'a franchi. Les rapports entre Dieu et les humains sont fondamentalement et définitivement changés. Il n'y a plus de séparation entre Dieu et les humains. Il n'y a plus de rideau. Il n'y a plus que le Christ qui fait le lien entre Dieu et les humains, entre les humains et Dieu.

    Dieu — en Jésus-Christ — prend sur lui d'ouvrir à tous son pardon, ce qu'aucun de nos efforts ne pouvait rendre possible, ce qu'aucun sacrifice ne pouvait rendre possible.

    Le rideau déchiré abolit la séparation, marque la réconciliation que Dieu offre aux humains.

    "Ainsi, frères — comme le dit la lettre aux Hébreux — nous avons la liberté d'entrer dans le lieu très saint, grâce au sang du sacrifice de Jésus. Il nous a ouvert un chemin nouveau et vivant au travers du voile (...). Approchons-nous donc de Dieu avec un cœur sincère et une foi pleine d'assurance (...). (Heb. 10:19-22).

    Voilà ce que Jésus accomplit pour nous aujourd'hui !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Luc 23. Luc présente la mort de Jésus comme une erreur judiciaire

    Luc 23
    6.4.2012, Vendredi-saint
    Luc présente la mort de Jésus comme une erreur judiciaire
    Luc 23 : 22-56
    Télécharger la prédication : P-2012-04-06.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous sommes face au mystère de la mort de Jésus, face au mystère de la croix. Un mystère, pas une énigme, car nous savons comment cela s'est passé. L'enquête est close, les faits sont établis, nous savons comment Jésus est mort. Ce qui reste un mystère, c'est pourquoi est-il mort ?
    Les apôtres dans leurs lettres, puis les quatre Evangélistes, nous livrent chacun des pistes d'interprétation, pour répondre à la question "Pourquoi est-il mort ?"
    Le mystère ne signifie pas qu'il n'y a aucune réponse. L'existence du mystère signifie plutôt qu'aucune de ces réponses n'épuise le sujet. Même, toutes ces réponses ensemble ne comblent pas nos interrogations.
    Comment cela a-t-il pu arriver, que l'humanité présente puisse faire exécuter le Fils de Dieu ? Chacun de nous a besoin d'aborder ce mystère et de trouver une réponse qui le satisfasse, une réponse qui fasse sens, pour soi.
    En rédigeant le récit de la Passion, l'Evangéliste Luc apporte la réponse de sa communauté Le fruit de méditations, de réflexions, d'études des Ecritures et de la vie de Jésus.
    Dans son récit du procès et de la mort de Jésus, Luc met en évidence l'innocence de Jésus. Par trois fois, Pilate déclare qu'il ne trouve aucun raison de condamner Jésus (Luc 23:4, 14, 22). Ensuite, seul Luc rapporte le dialogue entre les deux malfaiteurs sur les croix. L'un accusant Jésus et l'autre protestant : "Pour nous cette punition est juste (…), mais lui n'a rien fait de mal." (v.41). Enfin, troisième témoignage — une fois que Jésus est mort — l'officier romain déclare : "Réellement, cette homme était juste" (v.47). Ainsi Luc nous présente-il la mort de Jésus comme une erreur judiciaire, comme la mise à mort d'un innocent, d'un juste.
    Et Luc montre les conséquences catastrophiques pour l'humanité et la création tout entière. Luc est le seul à parler des femmes qui suivent Jésus sur le chemin de Golgotha et à rapporter les paroles de Jésus : "Ne pleurez pas à cause de moi ! Pleurez plutôt sur vous et vos enfants" (v. 28). Jésus met en évidence que son exécution n'est que la figure, la mise en exemple de toutes les mises à mort injustes à venir dans l'Histoire. Ou si l'on regarde en miroir, il avertit qu'il nous faudra regarder les malheurs, les victimes futures comme son propre martyre.
    On peut penser ici à toutes les femmes et tous les enfants, victimes collatérales des conflits violents, ou celles directement visées et abusées, utilisées, pour faire plier et décourager les aspirations à la liberté. Dans ces femmes et ces enfants, c'est la Passion du Christ qui se répète. Et chaque fois que ces martyres se répètent, c'est le ciel qui s'obscurcit sur toute la terre, de midi à trois heures. Métaphore pour dire la tristesse de Dieu de voir des humains torturés et maltraités.
    Ainsi, dans son récit de la Passion, Luc nous montre toute la noirceur du monde en train d'assassiner le Juste, celui qui venait apporter la lumière aux humains. En ce moment, le Juste est réduit à l'impuissance, la lumière s'éteint, le mal triomphe.
    Il y a cependant, dans le récit de Luc, trois lampes qui brillent dans cette obscurité : ce sont les trois paroles de Jésus sur la croix.
    1) "Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font" (v.34). Jésus demande à son Père de ne pas ajouter du malheur au malheur. La situation est déjà assez sombre pour ne pas y ajouter des punitions supplémentaires. La culpabilité est évidente, les hommes se punissent assez eux-mêmes en agissant comme cela. Il n'y a rien à y ajouter.
    2) Sur la croix, Jésus répond en ces termes à la demande du malfaiteur qui reconnaît l'innocence de Jésus : "Je te le déclare, c'est la vérité, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis" (v. 43). Une parole de délivrance et d'espérance. Il y a une issue pour ceux qui savent identifier où est le mal et où est le bien, pour celui qui sait distinguer entre le bourreau et la victime.
    Le récit de la Passion lui-même doit nous servir de grille de lecture, de grille d'interprétation dans notre lecture des nouvelles du monde. Nous devons apprendre à distinguer victimes et bourreaux. Jésus sur la croix, se tient résolument aux côtés des victimes, victimes tant des malheurs que de l'injustice.
    3) Au moment de mourir, Jésus crie : "Père, je remets mon esprit entre tes mains" (v.46). Une parole de confiance, une parole de certitude, le Père est là, près du Fils, les bras ouverts. Quand toute la violence du monde et des humains s'est liguée contre Jésus, il n'est pas seul, il n'est pas abandonné. Dieu est de son côté, il peut se réfugier en Lui et Lui remettre sa vie.
    Ces trois paroles illustrent, dans ces sombres événements, trois repères qui vont permettre de traverser la nuit de la mort et préfigurer Pâques : le pardon, l'espérance et la confiance.
    Le pardon sur le passé, sur notre passé, pour se relever comme le paralytique et nous mettre en marche à la suite de Jésus. L'espérance qui nous assure un avenir, l'espérance du royaume de Dieu, qui nous donne un but et une tâche pour mettre un peu de lumière dans notre monde obscur. La confiance pour notre présent, confiance dans la bonté, la bienveillance de Dieu qui veille sur nous comme un Père lorsque nous traversons l'obscurité.
    La mort du Juste nous montre l'obscurité du monde, mais le Juste a allumé les lampes — au cœur de cette obscurité — du pardon, de l'espérance et de la confiance.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012