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Luc 10. Le bon Samaritain : prendre la perspective du blessé

Luc 10
4.10.98
Le bon Samaritain : prendre la perspective du blessé
Deut. 6 : 4-7 1 Jean 4 : 7-10 Luc 10 : 25-37


"Que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle? " Telle est la question qu'un maître de la loi vient poser à Jésus. Qui, aujourd'hui se soucie de son salut, de la vie éternelle ? Est-ce une préoccupation qui vous agite, qui mobilise votre énergie, qui guide vos choix journaliers ? Si le salut et la vie éternelle ne concerne que ce qui se passe après la mort, je pense que vous êtes peu à vous en préoccuper. Le sujet peut attendre quelques années... et je ne vous donne pas tort !
Cependant, je pense que ces termes et la question du maître de la loi ne concernent pas des choses lointaines, mais une préoccupation que nous avons tous : Qu'est-ce qui est essentiel dans la vie ? Qu'est-ce qui va me rendre heureux ? Où est le bonheur ? Dès maintenant, pour aujourd'hui. Ces questions-là nous préoccupent, au moins sur certains plans pratiques : comment être heureux en famille, avec qui vais-je faire ma vie, quel métier dois-je choisir, etc. ?
Jésus renvoie la question au maître de la loi. A lui de répondre. Et en bon connaisseur de la loi, de l'Ancien Testament, le maître de la loi extrait les textes que Jésus lui-même aurait choisi. On ne peut mieux faire ! Il résume toute la volonté de Dieu en deux phrases. Aussi Jésus le félicite-t-il et lui recommande simplement de mettre cela en pratique; le bonheur est dans ce double amour. Mais le maître de la loi se retrouve avec une contradiction sur les bras. Il pense en terme de loi, de commandement, et voilà que sa réponse lui ordonne d'aimer. On est là en plein paradoxe. Peut-on aimer sur ordonnance ?
Insatisfait par cette réponse de Jésus, trop simple et trop paradoxale en même temps, le maître de la loi relance le débat. S'il s'agit d'aimer, qui dois-je aimer ? Et là, Jésus se met à raconter une histoire, l'histoire du bon Samaritain.
Cette histoire je l'avais souvent lue ou entendue et elle me mettait toujours mal à l'aise. Je me demandais toujours, en l'entendant, qui de ces trois personnages j'étais ou j'allais être dans la vie. Est-ce que je réussirai à être un bon Samaritain ? Est-ce que j'y arriverai, est-ce que je serai assez bien, à la hauteur ? Je n'avais pas assez d'énergie à mettre dans ce rôle. Cette histoire me paralysait.
Un jour, cependant, j'étais avec quelqu'un qui m'écoutait avec une attention particulière, cette attention qui permet de se confier et de regarder en soi, sans peur, avec vérité. Ce jour-là, j'ai vu les blessures laissées par mon enfance. Et un peu plus tard, cette histoire de Jésus m'est revenue en mémoire, mais complètement transformée. Je me suis vu dans l'homme blessé, au bord du chemin, voyant des gens qui passaient et se détournaient, indifférents à ma souffrance. Et d'autres qui se sont arrêtés. Ces personnes-là sont devenues mes prochains et ont formé ensemble le visage de Dieu pour moi. Depuis ce moment, j'ai senti renaître en moi les ressources et l'énergie de me tourner vers les autres. J'ai vu qu'aimer ne pouvait pas être un devoir, seulement une chance fantastique, une liberté offerte. Un chemin vers la vraie vie.
Pour répondre à la question "Qui est mon prochain ?" Jésus ne propose pas un choix entre trois sortes de malheureux. Il nous invite à prendre la perspective du blessé et à chercher à partir de là qui est venu à son secours.
N'importe lequel de ces trois hommes aurait pu s'arrêter. Un seul l'a fait. Pourquoi celui-ci plutôt que les deux autres ? Pourquoi le Samaritain, plutôt que le prêtre ou le lévite ? Le texte ne nous donne que deux indices, mais ils me semblent suffisant pour poser une hypothèse. L'homme était Samaritain et il a eu profondément pitié. Les Samaritains étaient des faux-frères ou des frères ennemis pour les juifs. Le Samaritain qui voyage en Judée est victime de rebuffades, de vexations, d'exclusions. Il est mal-aimé et il souffre de cette situation. Victime lui-même, le Samaritain est à même de percevoir la souffrance d'une autre victime, celle du blessé au bord du chemin.
Le Samaritain ressent en lui la souffrance de l'autre, il ne peut y rester indifférent. Il obéit donc à ce signal, il ouvre son coeur et se met à aimer dans le concret en prenant soin du blessé. Le Samaritain a été blessé, il est capable de reconnaître un autre blessé qui a besoin de lui, comme le Christ blessé à mort sur la croix est capable de comprendre les détresses que nous traversons.
Jésus, en terminant sa rencontre avec le maître de la loi, l'invite à faire de même, c'est-à-dire à découvrir en lui-même l'être blessé, afin d'être capable d'aller par les chemins et de reconnaître celui qui va devenir son prochain. Cette façon d'aimer est l'accomplissement de la loi.
L'Eglise devait être le lieu de rassemblement de ceux qui se sont reconnus blessés et aimés, soignés, après quoi la mission de se tourner vers les autres devient facile.
"Toi, va et fais de même" dit Jésus. Cette phrase veut dire : Vois où tu as été blessé par la vie, reçois l'amour qui peut guérir cette blessure et fait de cette blessure guérie ta force, ton terrain d'action ! La blessure guérie est un détecteur sûr et sensible des blessures semblables, elle sera un guide sûr à la rencontre de ton prochain.
"Toi, va et fais de même" dit Jésus. Si tu es blessé, viens recevoir ta part d'amour.
Si tu es guéri, va à la rencontre de ton prochain.
Amen

© 2006, Jean-Marie Thévoz

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