Jean 2
10.10.1999
Jésus transforme l'eau de nos vies en vin
Exode 17 : 1-7 Jean 2 : 1-11
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Vous venez d'entendre deux récits de miracles que j'aimerais mettre en parallèle ce matin. Bien sûr, lorsqu'on parle de miracle, cela fait tout de suite difficulté, parce que la première question qu'on se pose — dans ce siècle éclairé, logique et cartésien — c'est : Comment cela s'est-il passé ? Quel est le truc ? On court toujours le risque de prendre le miracle pour un tour de magie, même sans trucage puisque Dieu est tout-puissant !
En fait, aujourd'hui, on n'a plus accès à ce qui s'est passé. Il est trop tard pour faire une enquête ! Aussi, je vous propose de ne pas nous aventurer sur le chemin de "qu'est-ce qui s'est vraiment passé?" mais de nous interroger plutôt sur la question : "Mais qu'est-ce que Jean a bien voulu nous dire en nous racontant cette histoire ?
Je voudrais que nous passions de la recherche du merveilleux à la recherche du sens. En fait, Jean nous y invite lui-même par le vocabulaire qu'il utilise. Dans son évangile, il ne parle jamais de miracles, il parle de signes et le signe est là pour donner du sens. Plutôt que dans une enquête, entrons dans la quête du sens. Et le sens va se déployer en entrant dans le monde symbolique. Déplaçons-nous de la lecture à l'interprétation.
Qu'est-ce que Jean a voulu nous dire ? Et bien, il le dit lui-même, à la fin de son récit : "Jésus fit apparaître ainsi sa gloire, et ses disciples crurent en lui" (Jn 2:11). L'important est qu'à travers cet événement, ce soit la présence, bien plus l'action, l'effet de l'action de Dieu qui soit visible. Dans les deux signes donnés, celui de Moïse et celui de Jésus, l'effet de l'action de Dieu, c'est que son peuple (ou les invités) voient leur soif étanchée après avoir passé par un temps de manque.
Les deux récits ont la même structure. On commence par une situation qui est déclarée bonne (même si pour l'Egypte, les hébreux se mentent à eux-mêmes!). La situation évolue vers le manque, manque d'eau au désert, manque de vin à la fête. Puis la situation est transformée — par une intervention de Dieu — et la situation de chacun en est améliorée, mieux, renouvelée.
Notez bien la remarque du maître de cérémonie au marié :
"Tout le monde sert d'abord le meilleur vin, puis quand les invités ont beaucoup bu, on sert le moins bon. Mais toi, tu as gardé le meilleur vin jusqu'à maintenant." (Jn 2:10)
Cette transformation, due à l'intervention de Dieu fait sortir de l'habitude, des dictons et des plaintes de chacun : "tout se dégrade", "ce n'est plus comme avant", "de notre temps", "aujourd'hui, voyez ces jeunes"... Non, aujourd'hui, le vin est meilleur qu'hier ! Aujourd'hui, l'eau du rocher vaut mieux que la pseudo-sécurité de l'Egypte.
Ces deux signes nous parlent de ce que nous vivons, de ce que nous avons vécu et pouvons vivre. Ce sont des paraboles de la vie. Il y a eu un commencement, une enfance, une adolescence — était-ce plutôt l'Egypte ou les noces ? peu importe. En effet, peu importe quand cela arrive, cela finit toujours par arriver : la vie est dure, la vie est injuste et un jour on est frappé, on passe par l'épreuve, on souffre de frustration, de manque. Cela peut arriver au travers du travail, à l'intérieur du couple, dans la relation à ses enfants, par la maladie ou le deuil... cela arrive. Et souvent nous réagissons comme les hébreux, par Massa et Meriba, Querelle et Epreuve.
La bonne nouvelle de l'évangile, (déjà en germe dans l'Ancien Testament) est de nous montrer que si l'épreuve du manque est inévitable (les hébreux se sont trouvés en Egypte sans que ce soit leur faute, le vin s'est mis à manquer) ce n'est pas la fin du chemin.
Dieu ne nous laisse pas dans ce marasme. Dieu a des projets pour nous, pour nous sortir de là. Il nous montre que ce temps de manque peut devenir une occasion de grandir, d'évoluer, de cheminer, pour en sortir renouvelé et enrichi.
Comprenez-moi bien, le message de ces deux récits n'est pas : il faut passer par des épreuves pour progresser. Ça c'est une théorie qui veut consoler à bon compte, mais qui est désespérante. Le message de Jean est inverse : lorsqu'on n'échappe pas aux coups durs de la vie, Dieu intervient d'une façon qui nous dépasse complètement et nous offre une "guérison", une "évolution" qui est meilleure que la situation première dont nous venions.
Le meilleur vin est servi après le manque, telle est la gloire que Dieu manifeste. Telle est l'action, tel est l'effet de la présence de Jésus dans nos vies.
Amen
© 2006, Jean-Marie Thévoz