Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Luc 8. Des femmes parmi les disciples de Jésus, à propos du Da Vinci Code

Luc 8
3.7.2005
Des femmes parmi les disciples de Jésus
Luc 8 : 1-3 Luc 24 : 1-12

Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Nous sommes entrés dans l'été et le début des vacances scolaires. Pendant cette période d'été, j'ai pris l'habitude depuis quelques années de proposer une suite de prédications sur un thème. Cette année, je ne serai pas seul à suivre ce thème. Autant Georges Blanc — qui viendra prêcher ici les 10 et 31 juillet — qu'Anne Lelièvre en août, nous allons centrer nos prédications sur la place de la femme dans la Bible ou le Nouveau Testament.
Aujourd'hui, de vais essayer de brosser un portrait d'ensemble — mais limité au temps de Jésus et de la première Eglise. D'un point de vue général, au premier siècle de notre ère, en Palestine occupée par les romains, la situation des femmes se présente comme ceci :
Elles ont un statut de dépendance vis-à-vis de l'homme le plus proche par la parenté : la fille est sous tutelle de son père, la femme de son mari, la veuve de son frère ou de son fils. La femme a un rôle de gardienne du foyer et n'en sort que pour les tâches en lien avec le foyer : achats au marché, aller au puits, accompagner son mari. C'est la règle générale.
Toutes les femmes ne s'y soumettent cependant pas, notamment sous l'influence des mœurs grecques ou romaines plus libres. Mais vous pouvez imaginer la somme de regards de travers et de désapprobation qui pouvaient s'abattre sur elles. Une femme libre, qui s'affranchissait de sa tutelle, était une femme dangereuse, une femme de mauvaise vie. Le simple fait de vouloir accéder au savoir des hommes — au savoir contenu dans la Torah — pouvait leur valoir cette "mauvaise" réputation.
Les femmes étaient donc marginalisées, comme elles l'étaient dans le Temple, puisqu'elles n'avaient accès qu'à la cour des femmes et pas au bâtiment où avaient lieu les sacrifices. Bien sûr, les femmes n'avaient pas non plus accès à des fonctions publiques ou religieuses.
C'est dans ce contexte social là qu'il faut lire les évangiles et voir comment Jésus aborde ou accueille les femmes et quelles places il leur donne dans son environnement.
Les quatre Evangiles ont leur perception propre de la place des femmes et pour ne pas aplatir leurs différences, je vais me concentrer sur l'Evangile de Luc. Luc est particulièrement intéressant, par rapport à Matthieu ou Marc, parce qu'il est celui des Evangiles qui offre le plus de textes, de récits, faisant intervenir des femmes.
Dans l'Evangile de l'enfance (chap 1-2) Luc fait intervenir Marie et sa cousine Elisabeth, puis Anne la prophétesse. Ensuite, pendant le ministère de Jésus, on trouve, exclusivement chez Luc, ces épisodes avec des femmes : la belle-mère de Pierre, que Jésus guérit (4:38-39); la veuve de Naïm dont Jésus ressuscite le fils (7:7-11); la femme — de mauvaise vie — qui pleure sur les pieds de Jésus chez Simon (7:36-50); la liste des femmes qui suivent Jésus depuis le début (8:1-3); Jésus chez Marthe et Marie (10:38-41); Jésus guérissant une femme le jour du sabbat (13:10-17); la drachme perdue (pendant féminin du mouton perdu) (15:8-10); la veuve face au juge inique (18:1-9); et finalement l'exhortation — pendant le chemin de croix — de Jésus aux "femmes de Jérusalem" (23:27-31). Tous ces textes n'apparaissent pas chez Matthieu ni chez Marc.
A partir de là, on pourrait facilement dire que Luc est le grand défenseur de la cause des femmes dans le Nouveau Testament. Mais cela n'est pas si simple. Luc est beaucoup plus ambivalent.
En positif : oui, Luc donne de la place aux femmes, il est même le seul à mentionner que des femmes — dont trois sont nommées — suivent Jésus depuis le début de son ministère. Cette mention précoce est significative, elle doit nous rappeler que chaque fois que Luc parle de "disciples", il faut entendre qu'il y a des femmes parmi eux. D'ailleurs, chez Luc (plus que chez Matthieu ou Marc) le terme "disciple" ne désigne pas seulement les Douze apôtres, mais tous ceux qui suivent Jésus, puis appartiennent à l'Eglise. Dans le livre des Actes — qui est la suite de l'Evangile de Luc — ceux qui adoptent la foi chrétienne sont aussi appelés des disciples.
Lorsque Luc parle des gens qui entourent Jésus, on observe qu'il décrit des cercles concentriques. Il y a d'abord les Douze disciples, puis les "autres disciples" (souvent très nombreux, Lc 6:17) puis la foule à qui Jésus parle. Ici (Lc 8:2-3) on observe, aussi pour les femmes, ces cercles concentriques. Il y a trois femmes qui portent des noms : Marie de Magdala, Jeanne, la femme de Chuza et Suzanne, puis plusieurs autres femmes qui servent la communauté autour de Jésus et Jésus lui-même.
On peut donc en déduire qu'à côté des Douze, il y avait des femmes (ces trois et les trois qu'on retrouve nommées devant le tombeau vide Lc 24:10, au moins) et que ces femmes avaient le statut de disciples. Voilà pour les points positifs. Il y en a aussi des négatifs.
Lorsque Luc reprend des récits qui mettent en scène des femmes, il s'arrange pour ne pas leur donner la parole ou leur retirer la parole (ou leurs pensées) alors qu'elles parlent ou pensent chez Matthieu ou Marc (Lc 8:27 // Mt 9:21 et Mc 5:28). Cela est particulièrement clair dans les récits qui suivent la résurrection. Alors que chez Matthieu et Marc les femmes qui découvrent le tombeau vide sont chargées de la mission d'aller annoncer la bonne nouvelle aux disciples-hommes (Mt 28:7 et Mc 16:7) chez Lc, elles ne reçoivent pas cet ordre (24:7-8). Les femmes vont tout de même en parler aux disciples — Luc ne peut pas échapper à ce qui s'est réellement passé — mais les disciples sont incrédules !
On voit donc Luc — dans son travail rédactionnel — diminuer le rôle des femmes et tenter de les confiner dans le silence. Quel est le message que cette ambivalence nous envoie ?
D'abord, cela nous rappelle que tout écrit est influencé par la culture et les conditions sociale dans lequel il est baigné. Cela nous invite à rechercher chaque indice qui peut nous signaler un biais, pour tenter de retrouver une image plus originale. Oui, les Evangiles ont été rédigés par des hommes et ils portent certaines marques dont nous devons être conscient aujourd'hui. Si Luc ne voulait pas que les femmes prennent la paroles dans les assemblées de son temps — et là il est proche de Paul qu'il a fréquenté — cela ne signifie pas qu'il faut en faire une règle éternelle.
Ensuite, si Luc se sent obligé — là où il le peut — de minimiser ou diminuer le rôle et la place des femmes dans l'entourage de Jésus, c'est que Jésus lui-même leur a fait, leur a donné une place considérable ! Réalisons que cette place était plus grande que ce que les homme de son temps pouvaient supporter ! Et réalisons que si Luc doit minimiser leur place, c'est que la tradition a gardé en mémoire cette place considérable pour l'époque.
Oui, pour Jésus, les femmes avaient leurs places comme disciples et peut-être même comme apôtres — pourquoi pas ? Cela nous l'analyserons le dimanche 17 juillet !
Encore un dernier mot : il est frappant de voir qu'aujourd'hui les femmes s'investissent davantage dans l'Eglise ou dans la vie spirituelle que les hommes. On peut le voir comme la réussite de l'équilibrage que Jésus a voulu faire — et cela malgré des rédaction parfois "tendancieuses" ou "machistes."
Mais l'idéal n'est pas d'avoir une Eglise de femmes, mais une Eglise où femmes et hommes ont des rôles et des places égales. Alors, un petit effort Messieurs ! La recherche de sens, la quête du sens de la vie et du bonheur n'est pas l'affaire des unes et pas des autres. Rechercher le sens de la vie, c'est l'affaire de l'humanité toute entière, hommes et femmes.
Amen

© 2006, Jean-Marie Thévoz

Les commentaires sont fermés.