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Actes 3. Le royaume de Dieu est vraiment présent aujourd'hui

Actes 3

14,15.06.1997
Le royaume de Dieu est vraiment présent aujourd'hui
Es 35:1-7    Ac 3:1-10    Lc 7:16-23


Chères paroissiennes, chers paroissiens,

Ce que j'ai à vous dire ce matin s'inscrit à la suite de Pentecôte, dans le temps de l'Église. La question qui se posait à Luc était : comment vivre avec le Christ, mais après le départ de Jésus. Cela s'inscrit aussi dans le concret d'un dimanche consacré aux réfugiés, à ces prochains en exil chez nous.
J'ai choisi le récit d'un miracle, celui de l'infirme de la Belle-Porte. Je sais que le miracle fait problème à l'ère scientifique. Aussi je vais d'abord essayer d'en extraire le sens, comme s'il s'agissait d'une métaphore, d'une image. Ensuite, nous verrons pourquoi il était spécialement utile, voire nécessaire de raconter cela sous la forme d'un miracle. Finalement, on verra qu'il y a bien un miracle réel pour Luc et pour nous aujourd'hui.
1. Luc choisit de raconter un miracle juste après la Pentecôte. Luc est l'évangéliste qui a construit un calendrier précis de Pâques à Pentecôte. Après Pâques, Jésus est resté 40 jours avec ses disciples, à l'Ascension, il a quitté ses disciples et à Pentecôte, l'Esprit est descendu sur les apôtres. La Pentecôte était pour les juifs la fête du don de la Loi au Sinaï, Luc en fait une fête chrétienne du don de l'Esprit. Dans le chapitre 3 du livre des Actes, Luc veut montrer comment se passe la transition : que se passe-t-il lorsque Jésus n'est plus là ?
Luc choisit l'action, le lieu, les personnages et les mots de son récit. Tout y est significatif, comme dans la vie. Je retiens un premier thème, celui du boiteux. Les boiteux sont très présents dans la Bible. Après sa lutte avec l'ange, Jacob lui-même se relève boiteux et reçoit son nouveau nom : Israël. L'ancêtre d'Israël, du peuple élu est un boiteux. Dans le texte d'Esaïe que nous avons entendu, l'arrivée du Messie est accompagnée de signes :
"Alors, le boiteux bondira comme un cerf". Lorsque Jean-Baptiste veut savoir qui est Jésus, ce dernier donne comme message "les aveugles voient, les boiteux marchent droit..." Jésus rappelle la prophétie d'Esaïe. Chez Luc toujours, dans l'évangile, dans la parabole des invités qui refusent, des boiteux et des mendiants remplacent les invités prévus et qui se sont excusés.
Un théologien (Loisy) a dit : "Jésus annonçait le Royaume de Dieu et c'est l'Église qui est venue !", et c'était pour lui une déception. Luc nous dit tout autre chose : Le Messie est toujours présent dans les actes des chrétiens ! Et Luc va insister dans les Actes. Après Pierre, c'est Philippe, puis Paul qui feront marcher et bondir les boiteux. C'est le signe : Jésus est parmi nous, il continue d'agir et de guérir. Faire marcher, avancer ceux qui sont bloqués, arrêtés dans leur existence, c'est vraiment l'affaire de l'Église.
2. Il ne s'agit pas de n'importe quelle guérison ! L'homme est relevé, remis en marche. Touchées par Jésus, nos vies trouvent un nouvel élan, au-delà de nos paralysies, de nos peurs, de nos blocages.
Le deuxième thème que j'aimerais souligner, c'est le bondissement du boiteux. Non seulement Luc dit qu'il marche, mais il dit que le boiteux bondit. Chez Luc, bondir ou tressaillir, c'est la réaction provoquée par le contact avec le Messie, le Christ. Jean-Baptiste a tressailli, bondi, dans le sein d'Élisabeth lorsqu'elle a rencontré Marie enceinte. Dans le récit de la Samaritaine, l'évangéliste Jean, parle de l'eau bondissante.
La phrase qui nous dit que le boiteux bondit est construite d'une façon particulière, sur un axe de symétrie. Le boiteux bondit, marche, entre dans le temps, marche, bondit et loue Dieu. L'élément central de cette phrase est l'entrée dans le temple, entourée comme les colonnes d'un portique par Bondir et Marcher. Au centre, il y a l'entrée dans le Temple qui conduit à la louange.
C'est ici que se loge le miracle : pouvoir entrer dans le Temple et louer Dieu. Jésus est la Porte du Temple, de l'Église (de la bergerie chez Jean).
Au contact de Jésus, l'homme souffrant est relevé, l'homme souffrant a accès à Dieu, il entre en contact avec la vie, la vraie vie. L'Église est le rassemblement de tous ceux qui sont tombés et que Dieu relève. Il est à noter que Pierre, qui réalise ce miracle, est le premier des disciples, qu'il est tombé en trahissant trois fois son maître avant le chant du coq et que Jésus l'a relevé.
3. Bonne nouvelle pour nous : un vrai miracle s'est passé et se passe encore aujourd'hui. Le boiteux a été relevé. Voyons comment cela s'est passé.
Cet homme attendait à la porte, il désirait des aumônes, il mendiait. Son besoin immédiat, c'est de quoi se nourrir ce jour-là. On en voit aussi chez nous à présent. On est abordé dans la rue : "Vous n'auriez pas 2.-". Il est bon et généreux de contribuer à couvrir ces besoins (et l'offrande de ce jour en faveur des réfugiés va y contribuer).
Mais une fois l'homme nourri, vêtu, abrité, il y a encore un besoin fondamental à couvrir : être reconnu, être aimé, se sentir digne, recevoir de quoi avoir de l'estime de soi.
Pierre et Jean n'ont ni or, ni argent, mais ils n'ont pas fermé leur coeur, lorsque le boiteux leur demandait d'ouvrir leur porte-monnaie. Pierre et Jean n'ont ni or, ni argent, mais ils ont autre chose, l'amour qu'ils ont reçu.
Ils remplaceront donc l'avoir par l'être, l'économie de marché par l'économie du Royaume, la pénurie par l'abondance d'une source inépuisable. Ce qui fait vivre, c'est l'amour échangé, la dignité lue dans le regard, la main tendue, le soutien reçu.
Certes, il faut de l'argent pour couvrir les besoins, mais cela ne suffit pas, ce n'est pas l'essentiel. S'il manque la dignité, la reconnaissance de l'autre comme égal, l'argent peut devenir une insulte, une façon de se débarrasser d'autrui.
Samedi dans le journal (Gazette de Lausanne 14.6.97) dans un article sur les requérants d'asiles qui doivent repartir intitulé "L'usure des exilés en sursis", des requérants laissaient paraître leur déception : "Nous sommes venus chercher un peu d'humanité en Suisse. Nous ne l'avons pas vraiment trouvée". Triste constat.
L'Église a tout reçu du Christ qui s'est fait don pour l'humanité. L'Église à cette tâche de rendre la dignité à ceux qui croient l'avoir perdue, à ceux que l'économie humilie, que la politique refoule, que la société marginalise.
"Ce que j'ai, je te le donne" dit Pierre. On ne peut donner que ce qu'on a reçu, d'où l'importance de veiller à recevoir, plus précisément à être relié à une source qui nous alimente.
Dieu est amour. Dieu est source d'eau vive. Dieu nous donne le pain et le vin, et comme nous aimons le chanter le soir en famille avec nos enfants : "L'Éternel est mon berger, Rien ne saurait me manquer."
Voilà un vrai miracle. Cette surabondance ne peut être exprimée que par le récit d'un miracle. C'est la seul façon de raconter la chose la plus extraordinaire qu'on puisse imaginer.
Nous avons reçu, nous recevons, nous recevrons continuellement assez pour donner autour de nous parce que nous sommes reliés à l'amour infini de Dieu en Jésus-Christ.
Amen.


©2007 Jean-Marie Thévoz

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