Jean 6
27.4.2008
Qu'est-ce qui nous comble ?
Jn 6 : 3-13 Jn 6 : 24-29
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Si vous suivez l'actualité depuis quelques mois, vous aurez remarqué l'apparition d'un nouveau mot, et son utilisation de plus en plus fréquente — dans les journaux, chez les politiciens et maintenant chez les économistes — il s'agit de l'adjectif "durable." On est passé des énergies renouvelables au développement durable et — depuis mercredi, à l'assemblée générale des actionnaires de l'UBS — au "profit durable" !
Ce mot "durable" signifie deux choses différentes, mais liées. Cela signifie le ras-le-bol du jetable, de l'éphémère, de ce qui se détériore et qu'on ne peut pas réparer, du gadget aussitôt usé et abandonné ou duquel nous sommes tout de suite lassés. On veut des choses qui durent, qui ne nous lâchent pas, qui nous accompagnent fidèlement dans la durée.
Et puis, c'est le souci de la survie de notre planète. Nous n'en avons qu'une et nous devons la sauvegarder, pour nous et nos enfants, la faire durer, donc être plus justes dans notre utilisation des ressources, des matières premières, de la nature. Nous sommes appelés à changer nos comportements pour faire durer notre planète et ne pas la perdre.
Nous sommes en train de devoir changer notre mentalité pour passer de l'instantané à la recherche de la permanence, de l'éphémère à ce qui conserve sa valeur. Mais cela ne sera pas suffisant si nous ne faisons ce changement que dans le monde matériel. Ce serait certes un progrès si nous nous mettons tous à promouvoir le développement durable. Mais cela n'empêchera pas de rester dans la course où nous serons tous perdant, à la fin, puisque nous sortons tous nus et sans possessions à la fin de notre vie.
La vie ne peut pas avoir de sens satisfaisant en restant dans la consommation ou l'accumulation de biens. Qu'est-ce qui nourrit véritablement notre existence ? Qu'est-ce qui nous satisfait, nous comble, au fond ? Qu'est-ce qui peut résister aux tempêtes de la vie, tenir bon, rester en permanence, durablement ?
Comme la foule qui cherche Jésus parce qu'il leur a donné du pain, nous sommes affamés. Nous passons le plus clair de notre temps à travailler, à ramer pour gagner suffisamment pour payer notre consommation de biens, d'objets, de loisirs.
Là au milieu, Jésus nous dit : "Ne travaillez pas pour la nourriture qui se gâte" — pour des biens de consommation qui s'usent et qui nous lassent — "mais travaillez pour une nourriture qui dure et qui est source de vie véritable" (Jn 6:27) — pour quelque chose qui nous comble vraiment et que rien ni personne ne peut nous ôter.
Là où Jésus nous place, nous ne sommes pas dans l'usage "durable" de la planète, nous sommes questionnés sur notre vie intérieure. Qu'est-ce qui nous comble ?
On nous a habitué à chercher à l'extérieur la satisfaction de nos besoins, d'abord par la nourriture puis par les objets, ou la lecture, ou la musique, ou la télé, toutes sortes de façons de remplir notre temps, en croyant remplir notre vie.
Qu'est-ce qui nous comble ? C'est la question de la foule à Jésus : "que devons-nous faire pour travailler à être comblés ?" Et Jésus répond : "Votre travail, c'est de croire en celui que Dieu à envoyé" c'est-à-dire en Jésus lui-même. Croire en Jésus, avoir confiance en Jésus, dans sa façon de vivre avec Dieu, dans sa façon de nous présenter Dieu.
La clé, pour combler sa vie, c'est la confiance. La foule suivait Jésus pour remplir son estomac. Jésus l'invite à remplir sa vie pour être comblée. Mais alors, comment remplir sa vie de quelque chose qui nous satisfasse, qui nous comble et qui ne puisse jamais disparaître ?
Première étape, c'est de prendre acte du vide ! Prendre conscience d'un manque fondamental. Découvrir qu'il y a en nous un besoin, un manque, une quête. Que nous cherchons à combler. S'avouer à soi-même le malaise, le vide, le manque.
Deuxième étape, réaliser que ce vide, ce manque nous fait peur et qu'en réaction nous cherchons à le fuir, à l'éviter, à nous en détourner (lui tourner le dos, c'est le sens du mot "se divertir"). La plupart de nos comportements cherchent à remplir le vide avec tout ce qui nous passe sous la main. Cela explique la boulimie, les achats compulsifs, la mode etc. auxquels nous cédons tous. Il ne s'agit pas de se blâmer pour cela. Juste de constater. Tant que nous ne voyons pas cela, nous ne pouvons pas en sortir.
La troisième étape, c'est de faire la liste de nos aspirations profondes. De quoi avons-nous besoin, fondamentalement. Est-ce de sécurité, d'attachement, ou plutôt de liberté, d'amour, d'intimité. Il est plus facile de chercher et de trouver lorsqu'on sait ce qu'on cherche !
La quatrième étape c'est se mettre en marche dans cette quête. Pour cela nous avons besoin d'appui, d'aide. Nous avons d'un côté besoin d'un appui intérieur, d'une certitude : que nous sommes soutenus dans notre démarche. C'est là que la confiance en Dieu intervient. Acceptons que Dieu nous accompagne sur ce chemin de quête, faisons confiance qu'il nous accepte tels que nous sommes et nous entoure de son amour pour nous soutenir dans notre démarche. Cet amour est notre nourriture sur ce chemin et le but de notre voyage.
Et puis nous aurons aussi besoin d'aide et de compagnonnage "extérieur", de personnes de confiance avec qui cheminer et expérimenter. Nous ne voyons pas forcément combien nous avançons et il est précieux d'avoir des personnes qui puissent nous le dire et nous encourager, ou nous aider et nous soutenir dans les moments de découragement.
Aidés par la prière et la louange, nous pouvons avancer et progresser dans la confiance de la découverte de l'amour infini de Dieu pour nous.
Cet amour est fidèle (un ancien mot pour dire "durable"), il est solide, il est source qui vivifie et nourrit. Seul cet amour peut nous combler.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2008