Luc 2
25.12.2008
L'homme calcule. Dieu ne compte pas sa grâce.
Gen 15 : 1-5 Apoc 7 : 9-12 Luc 2 : 1-20
54… 55… 56…
Excusez-moi, je fais le recensement, le compte des paroissiens de Noël ! Bussigny a — paraît-il —atteint les 8'000 habitants et Villars-Ste-Croix a dépassé les 600 habitants, mais le nombre total des protestants est en baisse sur notre paroisse.
L'Evangéliste Luc place la naissance de Jésus au moment du recensement demandé à Quirinius par l'empereur César Auguste. Auguste semble avoir inauguré les recensements dans l'empire romain. Cela servait à déterminer le montant des impôts de chaque province : pas étonnant que cela laisse des traces dans les mémoires. Luc accroche la naissance de Jésus à ce souvenir historique. Il est possible que ce soit juste pour dater la naissance de Jésus, mais je pense qu'on peut y trouver un sens symbolique.
Dénombrer le peuple, c'est un acte de pouvoir, de puissance. On peut aussi bien compter ce que cela va rapporter en impôts que compter le nombre de soldats que la population va fournir. C'est sûrement pour cela que les livres des Chroniques condamnent les recensements. Cela donne une puissance illusoire, qui repose sur les forces humaines, au lieu de compter sur Dieu seul.
Le recensement évoqué dans le récit de la naissance de Jésus manifeste le pouvoir de l'empereur Auguste, qui ordonne "un recensement de toute la terre" (Luc 2:1). A cela s'opposent deux choses, d'abord la terre appartient à Dieu et lui seul peut en voir et éventuellement en compter toute la richesse, ensuite, à cette puissance, Dieu oppose un signe dérisoire : la naissance d'un bébé.
Ce que Luc ne pouvait pas savoir, mais qu'il envisage, c'est que ce bébé va provoquer la chute de l'empire romain ! A la puissance de l'argent et des armes qui découle du recensement, Luc oppose juste une naissance.
Oui, Dieu a une autre façon de compter que les humains, ou plutôt une autre façon d'être et d'agir, puisque Dieu refuse justement de compter — à l'opposé des êtres humains.
Déjà à Abraham, Dieu promettait une descendance aussi innombrable que les étoiles du ciel ou les grains de sable du désert. Aux calculs de nos mérites, de nos heures de bénévolat ou de travail, de nos bonnes actions, Dieu oppose une grâce incalculable — souvenez-vous de la parabole du serviteur impitoyable (Mt 18:21-35).
Au moment où l'empereur compte ses moyens, ses richesses, compte les humains comme des objets qui peuvent rapporter, Dieu donne, Dieu donne son fils aux êtres humains. Dieu nous donne son fils. Au moment où l'empereur dénombre, comptabilise, calcule son pouvoir, sa richesse, Dieu prend le risque de déposer son fils dans le monde, comme un cadeau à tous les humains, sans garantie, sans sécurité, mais avec l'espoir, la confiance en l'être humain qu'il sera reçu, accueilli.
Marie et Joseph le reçoivent comme un cadeau. Les bergers le reçoivent comme un cadeau et viennent l'adorer. Ici ou là, des hommes et des femmes ouvrent leurs cœurs pour l'accueillir et marcher avec lui. Des disciples, des hommes et des femmes, font route avec lui, des apôtres, des prophétesses, des légionnaires, des marchands, des femmes d'affaires formeront la première Eglise après avoir recueilli sa parole. Une poignée de personnes — comme le levain dans la pâte — à chaque époque, reçoivent l'évangile, en vivent et le transmettent à la génération suivante. Une poignée de personnes qui transforment la société, le monde.
On ne peut pas en faire le recensement, on ne peut pas les dénombrer, mais ils font — vous faites — partie de cette innombrable multitude — dont parle l'Apocalypse — qui s'avance pour louer Dieu.
"Je regardais encore et je vis une foule immense ; personne ne pouvait compter tous ceux qui en faisaient partie. C'était des gens de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils se tenaient devant le trône et devant l'Agneau, habillés de robes blanches et avec des branches de palmier à la main." (Ap 7:9-10).
Une foule que personne ne peut compter a accueilli Jésus, a ouvert son cœur, se nourrit de sa force pour avancer chaque jour. Cette foule n'est pas recensée par les administrations, elle n'est connue que de Dieu seul.
Peut-être est-elle même un peu trop inconnue, anonyme, dans notre monde contemporain. Elle échappera toujours à l'administration et c'est une bonne chose, mais elle devrait être connue de nos voisins. A Noël, ne recevons-nous pas un cadeau — nous les chrétiens — que tous devraient connaître et pouvoir recevoir ?
Dieu ne compte pas des dons, il donne avec abondance, il a assez de grâce et d'amour pour tout le monde. Ne gardons pas ce trésor pour nous seuls ! Prenons exemple sur les bergers qui repartent de la crèche pour rendre public ce qu'ils ont vu, ce qu'ils ont reçu, ce qu'ils ont vécu.
Dieu a pris le risque de nous donner son fils dans cette nuit de Noël. Dieu ne compte pas ses bienfaits, mais il compte sur nous pour que nous diffusion cette bonne nouvelle : Dieu nous fait confiance, il nous a confié ce qu'il avait de plus précieux et de plus cher. Partageons la joie de ce trésor qui ne peut pas s'épuiser.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2009