Marc 8
31.10.2010
Culte du Souvenir. Nourrir notre deuxième faim.
Mc 8 : 1-10, Jn 6 : 32-35
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Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers familles,
Vous avez entendu, dans l'Evangile de Marc, le deuxième récit de la multiplication des pains, car il y a deux récits. Autant Marc que Matthieu nous rapportent deux récits différents de cet épisode, également rapportés, mais en un seul exemplaire, par Luc et Jean.
Qu'aucun Evangile ne manque cet épisode montre l'importance de la signification de cet événement. L'importance n'est cependant pas dans le nombre de personnes nourries, mais dans la signification de ce geste de Jésus pour les Evangélistes.
Je vais donc aborder les éléments symboliques pour voir comment — nous aussi — nous pouvons être nourris, aujourd'hui, de ces pains et de ces poissons. Je vais relever les indices du récit qui nous font passer de l'événement au symbole, du passé au présent.
Il y a d'abord la faim de cette foule qui suit Jésus. Cette foule marche et écoute Jésus, mais elle n'a rien à manger. Elle est affamée, doublement affamée, de pain pour son corps et de paroles qui font sens pour son âme, pour sa vie. Cette faim, cette double faim, cette deuxième faim, une faim de sens, d'affection, de paix, n'est-elle pas la nôtre aujourd'hui ? Cette faim est l'image de la vie, de notre vie, de notre vie marquée par le deuil. Une faim de retrouver une vie normale, une vie remplie, une vie habitée; habitée de gestes de tendresse, d'amitiés, de relations riches et nourrissantes.
Cette foule affamée touche Jésus. Votre situation touche Jésus : il est "ému aux entrailles" nous dit le texte (Mc 8:2). Jésus est touché et il se préoccupe de cette situation. Il ne peut pas rester sans rien faire, il ne peut pas renvoyer ces gens sans les nourrir, sans leur rendre leur vie, sans les restaurer dans leurs vies.
Le texte souligne que cela fait trois jours que ces gens n'ont pas mangé. C'est encore un indice. Ces trois jours font allusion aux trois jours qui séparent Vendredi-saint de Pâques, les trois jours passés au tombeau. Trois jours qui représentent la mort, si le miracle ne survient pas, si la résurrection ne vient pas !
Oui, être privé de nourriture, mais aussi de ce deuxième pain — qui répond à cette deuxième faim — fait risquer la mort. On ne peut pas vivre sans affection, sans amour, sans relations. On a besoin de donner sens à sa vie. Ces trois jours ne peuvent être quatre. Jésus doit intervenir, mettre un terme au désespoir, à cette deuxième faim.
Pour cela, Jésus mobilise ses disciples. Il leur demande : "De quoi disposez-vous?" (Mc 8: 5) Quelles sont vos ressources ? Jésus part toujours de nous, de notre entourage pour réaliser le miracle d'une nouvelle vie. Les disciples sont perplexes. Comment trouver du pain dans un désert ? Et c'est bien la question que nous nous posons tous quand le malheur nous frappe ! Quelles ressources puis-je trouver dans ma vie, si celle-ci est devenue un désert ?
Ce désert est également un indice. Ne réveille-t-il pas en vous des souvenirs d'école du dimanche ou de catéchisme ? Une foule, un peuple dans le désert qui reçoit du pain, de la manne pour se nourrir ? Pendant l'Exode, le peuple conduit par Moïse reçoit la manne, l'eau et les cailles pour se nourrir. Puis, il reçoit également la Loi et le signe de la Présence de Dieu.
Dans le récit du don de la manne dans le désert, il y a un jeu de mot en hébreu sur le mot Manne. Le mot Manne viendrait de l'exclamation "Qu'est-ce que c'est ?" "Mannah ?" poussée par les hébreux en voyant la manne. Et l'on peut se demander "Qu'est-ce que c'est ?" que Jésus donne à manger à la foule dans le désert, pour qu'en leur donnant ces 7 pains, il reste 7 corbeilles après que tous furent rassasiés !
L'Evangéliste Jean, dans la réflexion qui suit son récit de la multiplication des pains rapporte la parole suivante de Jésus : "Je suis le pain de vie" (Jn 6:35). Le miracle qui se passe au désert, c'est que Jésus se donne lui-même pour répondre à notre deuxième faim. Marc le laisse entendre lorsqu'il prend les mots mêmes du dernier repas, du repas de la Cène, pour décrire les gestes et les paroles de Jésus qui précèdent la multiplication des pains. La Cène est bien le don de sa personne dans le pain et le vin.
Dans la multiplication des pains, nous avons une métaphore, une image de la vie de Jésus, du don qu'il fait à tous de sa personne pour que nous vivions. Jésus se donne lui-même dans sa Parole, dans la Cène, dans la communauté de l'Eglise.
Si vous êtes affamés, s'il y a trois jours que vous êtes privés de la vraie vie et qu'un quatrième jour semblable serait mortel, s'il vous semble que votre vie est comme un désert, Jésus a compassion de vous, Jésus est touché par votre situation et il est prêt à vous nourrir. Il se donne à vous dans sa Parole, à sa Table et par l'intermédiaire de ses disciples, dans son Eglise.
De même qu'on mange chaque jour, de même sa Parole se donne à nous chaque jour. De même qu'il n'est pas agréable — et vous en avez fait l'expérience — de manger seul, de même le Seigneur ne vous laisse pas seul, il vous invite à entrer dans la communauté de ses disciples pour partager ensemble le repas du Seigneur.
Sa Parole et son Pain sont partage, amitié, relations. Le Christ nous invite à sa Table, à l'écoute de sa Parole pour combler notre deuxième faim. Pourquoi ne pas faire le pas, puisque nous avons faim. "Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, celui qui croit en moi n'aura jamais soif" dit le Christ.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2010