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Marc 12. S’ouvrir à la double nature de la réalité

Marc 12
24.1.1999

S’ouvrir à la double nature de la réalité

Genèse 1:24-27       Colossiens 3:5-10      Marc 12:13-17

Téléchargez la prédication ici : P-1999-01-24.pdf


Etes-vous dans la lune ?
Avez-vous les pieds sur terre ou la tête dans les nuages ?
Avez-vous remarqué comme le langage peut nous faire habiter des mondes divers, des lieux inaccessibles, la lune ou les nuages !  Je suis sûr qu'il vous est bien arrivé d'être dans la lune, mais je suis tout aussi sûr que nous n'êtes jamais allé sur la lune (ça se saurait !). Un même mot, deux sens différents, deux réalités aussi vraies l'une que l'autre.
Pourtant, aujourd'hui, dans notre monde, on prône la pensée unique. A un mot doit correspondre une et une seule chose. Il n'y a qu'une seule réalité : le monde réel, le concret, le palpable, le tangible, la monnaie sonnante et trébuchante. Les mondes politique, économique, scientifique sont unanimes, il n'y a qu'une seule réalité, celle qu'on voit, celle qu'on compte, celle qu'on mesure. On s'assure de la réalité des choses; "il faut tenir compte des réalités"; "il nous faut des preuves"; "il nous faut une étude de faisabilité" etc.
Alors "on ne peut plus rêver ou quoi ?" C'est vrai, pouvons-nous vraiment nous satisfaire uniquement du visible, du concret, du palpable ? Notre coeur n'a-t-il pas d'autres aspirations ? N'y a-t-il pas quelque chose au-delà de notre réalité, quelque chose qu'on perçoit intuitivement comme important, voire essentiel ?
Le récit que vous avez entendu dans l'Evangile de Marc — cette question sur l'impôt posée à Jésus — nous suggère de bien des manières que la réalité est double, que ce soit dans le négatif comme dans le positif.
Il y a d'abord la duplicité des adversaires de Jésus : ils tiennent un double langage. Ils viennent tendre un piège à Jésus pour avoir un motif politico-religieux de le condamner. Mais ils commencent par l'encenser de compliments :
"— Maître, nous savons que tu dis la vérité; tu n'as pas peur de ce que pensent les gens, car tu ne fais pas attention à l'importance que semble avoir un homme, mais tu enseignes la vérité sur la manière de vivre que Dieu demande." (Mc 12:14).
Pensent-ils ce qu'ils disent ? Sûrement pas, ils mentent pour lui tendre un piège. Donc cette phrase est un mensonge. Pensons-nous qu'ils disent une vérité sur Jésus ? Sûrement oui, nous reconnaissons la personne de Jésus dans ces attitudes, donc ils disent vrai ! Double langage. Révélation de leur duplicité et révélation sur la personne de Jésus pour nous.
Ensuite, comme dans les débats politiques télévisés, ils cadrent la réponse que doit donner Jésus : "Faut-il payer, oui ou non ?" Enfermer son adversaire dans une alternative oui/non, blanc/noir, c'est le piéger dans un système où il n'y a qu'une seule réalité et son contraire.
Jésus voit le piège et sort de cette réalité unique posée par ses adversaires, parce qu'il est justement le témoin de l'Autre, de l'autre réalité, celle de Dieu. On connaît l'astuce de Jésus. Il se sert du cadre réducteur de ses adversaires en leur faisant chercher une pièce de monnaie. Ils les prend à leur propre piège, puisqu'ils vont se trouver enfermés dans leur propre matérialité. La pièce de monnaie va révéler elle-même son propriétaire et sa destination.
Mais ce qui me semble important ici, c'est que Jésus n'en reste pas là. Il aurait pu le faire puisque la question de l'impôt est résolue : "Rendez à César ce qui est à César". Mais Jésus n'est pas là pour écraser ses adversaires. Il est là pour nous révéler la réalité derrière ce que nous voyons et palpons. C'est pourquoi il ajoute : "Et rendez à Dieu ce qui est à Dieu".
Comme pour la pièce de monnaie, l'effigie révèle le destinataire. Mais de quoi ou de qui s'agit-il ? Jésus n'en dit rien, mais dans sa culture, qu'il partage avec ses adversaires, c'est tout à fait clair. Qui est à l'effigie, à l'image de Dieu ? C'est l'être humain.
Sa destination, c'est de découvrir — au-delà du visage physique — qu'il est à l'image de Dieu. La destination de l'être humain, c'est de découvrir qu'au-delà du visible, il y a des réalités invisibles qui font sens, qui nourrissent la vie. Certains mots veulent dire autre chose, évoquent des réalités qui comblent. Certaines choses montrent une autre réalité qui est aussi nécessaire pour vivre que l'air qu'on respire.
Ainsi, l'eau du baptême. On peut y voir de l'eau — H2O — et en rester-là. On peut aussi être capable de dire, comme cette mère lors d'un entretien de baptême, "sans ce baptême mon enfant ne pourrait pas vivre... enfin si, il vivrait, mais... enfin, il lui manquerait quelque chose." Difficile de mettre cela, la foi, en mots. Il y a vie et vie; double sens, double réalité des mots et dans la réalité de la foi, c'est vrai : le baptême fait vivre.
Il en est de même du pain et du vin de la Cène. Pain ordinaire, vin courant, moment fraternel. Bon, mais est-ce tout ? Pour le positiviste, oui c'est tout. Mais il y a pain et pain, vin et vin. Il y a aussi "le pain descendu du ciel" dont nous parle Jean. Il y a aussi le vin des noces de Cana qui relance la fête.
Lorsque Jésus dit : "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, il veut nous ouvrir à cette seconde réalité qui étoffe nos vies, lui donne sens, plus encore : nous revêt d'une nouvelle nature, puisqu'il s'agit d'entrer dans la réalité de Dieu, entrer en relation avec Dieu et en vivre.

"Vous êtes revêtu d'une nouvelle nature : celle de l'homme nouveau qui se renouvelle continuellement à l'image de Dieu son créateur, pour parvenir à le connaître pleinement." (Col. 3:10).
Amen


© Jean-Marie Thévoz, 2013

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