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2 Rois 5. Femmes de la Bible (V) : la « jeune fille » de Naaman

2 Rois 5
2.8.2015
Femmes de la Bible (V) : la « jeune fille » de Naaman

2 Rois 5 : 1-17      Marc 4 : 30-32

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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Dans notre série sur les femmes peu connues de la Bible, nous nous penchons ce matin sur une bien modeste personne, une petite jeune fille. Celui qui nous raconte cette histoire où elle intervient ne lui donne même pas de nom, comme si elle n’avait pas d’importance. Et pourtant, sans elle, il n’y aurait rien à raconter. Elle est à l’origine de tout ce qui se passe dans ce récit.
Il s’agit de la petite jeune fille qui est au service de la femme du général syrien Naaman. Reprendre dans toutes mes phrases ce descriptif serait fastidieux, aussi ai-je décidé de lui donner un nom. Nous allons l’appeler Amielle.
Amielle est une israélienne qui vit dans la famille du général syrien Naaman. Le récit nous dit qu’elle a été faite prisonnière en Israël par une bande armée et ramenée en Syrie chez le général. Il est difficile de savoir quel âge elle a. Le texte utilise deux mots « fille» et « petite ». Mais le mot fille désigne aussi Ruth (revenue avec sa belle-mère Naomi) lorsqu’elle va glaner dans les champs de Booz. Ce mot de « fille » peut donc désigner n’importe quelle femme jusqu’à son mariage. Cependant, la mention de « petite » laisse penser que c’est une jeune adolescente ou une pré-adolescente. Elle a donc vécu en Israël et elle a été arrachée à sa famille, à sa culture, tout en en gardant un souvenir aigu et précis. Elle se souvient de son culte au Dieu d’Israël et du prophète Elisée qui siège dans le royaume du Nord, en Samarie.
On voit que la situation politique et militaire entre la Syrie et Israël du Nord est tendue. Il y a des escarmouches et des razzia. Il y a une méfiance dans les relations politiques entre les deux Etats, cela se voit à la réaction du roi d’Israël lorsqu’il reçoit la lettre du roi de Syrie. Il se demande tout de suite où est le piège, où est le traquenard dans cette demande de guérison.
Mais revenons à Amielle. Elle vit dans cette famille, soit comme une fille adoptée, soit comme une aide, comme une servante. Aucun vocabulaire ne fait référence à de l’esclavage. Amielle est « devant» la maîtresse de maison, comme Naaman est « devant » le roi et sera plus tard « devant » le prophète. On voit là un rapport de respect, rapport hiérarchique certainement, mais pas un rapport de soumission humiliante. C’est pourquoi Amielle peut librement parler à la maîtresse de maison. Amielle est touchée par la souffrance du général, par le contraste marqué dans le texte entre ses états de service — un vrai héros — et sa maladie.
Alors que — comme jeune fille enlevée à ses proches — elle pourrait s’enfermer dans la rancune, dans la haine et dans la « schadenfreude » (se réjouir de la souffrance d’autrui), Amielle est attentionnée, compatissante, bienveillante. Elle offre son aide, à partir des ressources qu’elle a: elle se souvient du prophète Elisée qui porte la Parole de Dieu et peut soulager les souffrances. Elle en parle à sa maîtresse, qui en parle à son mari, qui en parle au roi.
À partir de la parole timide d’une adolescente, c’est tout une machine qui se met en marche. Les rouages de l’administration et de la diplomatie produisent une lettre d’introduction et de demande. On frôle même l’incident diplomatique quand le roi d’Israël craint un piège. Heureusement le prophète Elisée est mis au courant et il remet les choses en ordre, il va s’occuper lui-même du cas.
Il rédige l’ordonnance et la fait porter au général. Celui-ci est vexé ! Quoi ! il n’a pas droit à une consultation ? (voir la prédication) Il trouve ridicule la prescription que lui fait le prophète. Il est décidé à tout laisser tomber et à rentrer chez lui. On est à un cheveu de l’échec complet. Ce sont ses serviteurs qui le raisonnent : « N’auriez-vous pas suivi l’ordonnance si on vous avait demandé quelque chose de très compliqué ? Ne soyez pas rebuté par la simplicité. Essayer au moins ! »
Ce retour à la simplicité est intéressant, parce qu’il nous renvoie — comme si c’était le thème de ce récit — aux mots tout simples d’Amielle. Quelques mots tout simples, même dit en passant, un geste d’amitié spontané, un signe donné au bon moment peut illuminer une journée, changer l’obscurité en lumière. Une parole de quelqu’un qui me semblait tellement peu important, auquel on ne prête d’habitude même pas l’oreille, peut être la parole qui nous faut entendre, les mots les plus importants de la journée.
Et en effet, le sort de Naaman, le général syrien est totalement bouleversé, changé, à la suite des quelques mots qu’Amielle a glissé à sa maîtresse. Elle ne se doutait probablement pas de ce qu’elle allait mettre en marche. Mais elle l’a fait. Elle a prononcé ces mots, elle a transmis le message qui lui tenait à cœur. Elle a cherché dans ses racines, dans ses souvenirs, elle a puisé dans ses ressources, dans sa culture, elle s’est souvenue du Dieu d’Israël et elle en a témoigné, elle a dit ce qu’on pouvait en attendre.
Ce témoignage a conduit Naaman à reconnaître la grandeur du Dieu d’Israël. C’est pourquoi il demande d’emporter de la terre d’Israël sur deux mulets, pour créer chez lui — à son retour — une petite enclave qui lui rappellera Israël, où il pourra rendre son culte au Dieu d’Israël, peut-être guidé dans ses paroles liturgiques et dans ses gestes par Amielle.
Tout geste compte, toute parole compte et produit des effets inattendus, sans commune mesure, comme la plus petite graine peut produire un arbre dans lequel les oiseaux viennent nicher.
Amen


© Jean-Marie Thévoz, 2015

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