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  • Jésus part, mais ne nous abandonne pas.

    Jean 14

    25.5.2017

    Jésus part, mais ne nous abandonne pas.

    Jean 14 : 1-12      Jean 16 : 5-7 + 13-15

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    Chers frères et sœur en Christ,

    Nous commémorons aujourd’hui l’ascension de Jésus. Selon le calendrier propre à l’Évangile de Luc l’Ascension a lieu 40 jours après Pâques et 10 jours avant la Pentecôte, le don de l’Esprit Saint. Ainsi l’évangéliste Luc a donné une durée déterminée et symbolique (40 jours) au temps des apparitions de Jésus à ses disciples après la résurrection. Et l’Eglise à adopté ce timing dans son calendrier des fêtes.

    L’évangéliste Jean ne définit pas de calendrier, mais il développe longuement — dans les discours d’adieu de Jésus (Jn 13—17) — le sens du départ de Jésus. Car ce départ pose problème ! Ce départ après les apparitions aux disciples ne marque-t-il pas la fin du contact avec Jésus ? N’est-ce pas une deuxième séparation, une deuxième mort ? Puisque Jésus va être définitivement absent.

    Les disciples ne le reverront plus à leur table. Les disciples ne marcheront plus avec lui dans les campagnes. Les disciples ne l’entendront plus enseigner. Allons-nous entrer dans l’époque du souvenir et de la commémoration ; un temps... puis retourner aux affaires courantes et n’en plus parler dans deux ou trois générations ? Est-ce que le souvenir, encore vif, ne va pas se dégrader pour finir par disparaître, comme le souvenir de nos aïeux de la quatrième et cinquième génération, ceux qu’on n’a jamais vu ? Pourquoi en irait-il différemment avec Jésus ?

    Les discours d’adieu que rapporte l’évangéliste Jean servent à préparer les disciples à cette transition. Jean revisite les paroles de Jésus et compose une théologie du départ pour assurer la pérennité de la présence de Jésus dans son absence, malgré son absence.

    Ce qu’on voit d’abord dans les dialogues entre Jésus et les disciples, c’est que les disciples ne comprennent pas les paroles de Jésus. Thomas dit: « Nous ne savons pas où tu vas ! » (Jn 14:5) Philippe dit : « Montre nous le Père ! » (Jn 14:8) Et chaque fois Jésus doit les corriger et leur expliquer ce qui se passe.

    Par ces successions d’incompréhensions des disciples, Jean souligne que la situation des disciples aux côtés de Jésus n’est pas plus facile que la situation des croyants après le départ de Jésus. Même — entre les lignes — Jean laisse penser que grâce à son Évangile, pour ses lecteurs, les choses sont plus claires. Notamment parce que — comme lecteurs — nous connaissons l’histoire de Jésus jusqu’au bout. Il y a un paradoxe temporel dans ces discours d’adieu : les disciples ne savent encore rien de la fin de Jésus, de sa Passion, alors que l’évangéliste et les lecteurs ont plus de connaissances que les disciples. Le lecteur peut penser : les disciples sauront bientôt ce que Jésus voulais dire !

    Nous comprenons donc que la fin de l’histoire — le temps de la Passion — est indispensable pour comprendre la mission de Jésus et découvrir le vrai visage de Dieu. Le départ de Jésus fait partie intégrante de l’histoire, c’en est même la clé de voûte, la partie la plus significative.

    La croix révèle la vraie position divine. Non pas un Dieu tout-puissant qui domine et asservit, mais un Dieu qui se défait de sa toute-puissance pour rentrer dans une démarche d’offre aimante, dans la même faiblesse que tous les humains.

    C’est pourquoi Jésus insiste auprès de Philippe en disant : « celui qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14:9). Ce qui est exactement exprimé sur la représentation de Dieu sur la fresque qui est devant vous : Dieu a le même visage que Jésus sur la croix (voir la fresque et son explication). L’Ascension — dans l’Évangile de Jean — a lieu sur la croix même.

    Fresque Rivier Saint-Jean.jpg

    Le départ de Jésus n’est pas l’arrêt de tout ce qui a été vécu entre Jésus et les disciples. Au contraire, c’est un commencement. Un commencement qui n’est pas marqué par une absence, mais pas une substitution. Jésus s’en va — en tant que personne physique —mais il est remplacé par le Consolateur, le Paraclet (Jn 14:16,26, 15:26, 16:7,13), par l’Esprit Saint, qui n’est pas dépendant de l’espace et du temps. Cet Esprit qui vient remplacer Jésus a deux tâches, deux rôles, celui de rappeler les paroles de Jésus et celui de faire comprendre, expliquer, ce que Jésus a voulu dire.

    Et on peut dire, rétrospectivement, que les évangiles sont le fruit de cet Esprit qui a rappelé les gestes et les enseignements de Jésus. Et l’Évangile selon Jean les explique, les développe particulièrement, comme les lettres du Nouveau Testament le font aussi d’une autre façon.

    Ce rôle de rappel, de mémoire des actions et des paroles de Jésus — en Galilée et à Jérusalem — est important, parce qu’il rappelle que c’est dans cette personne, dans ce Jésus de Nazareth que la parole de Dieu a pris chair, a pris corps.

    Les évangiles insistent sur le parcours terrestre de Jésus bien plus que sur ses apparitions, dans lesquelles d’ailleurs l’enseignement est absent. Tout ce qui est décisif s’est passé avant et pendant la croix. C’est dans cette vie incarnée et brusquement arrêtée sur la croix que se révèle véritablement le nouveau visage de Dieu.

    C’est pourquoi la relecture et la compréhension de l’évangile et si nécessaire aux croyants. C’est pourquoi Jésus dit qu’il est le chemin qui mène au Père (Jn 14:6). Si Jésus est l’accès au visage du Père, les évangiles sont l’accès à la personne de Jésus. Le Christ qui vient, qui revient est le Jésus qu’on découvre toujours à nouveau dans les évangiles. Jésus revient à nous dans notre lecture de l’évangile, dans la prédication et l’explication de l’évangile et dans la mise en pratique de son enseignement qui culmine dans l’amour, de Dieu et du prochain.

    L’Ascension n’est pas la fin du chemin, mais le commencement d’un chemin nouveau où Jésus promet de nous accompagner par l’Esprit Saint. Un chemin qui mène au Père, à travers la connaissance de Jésus qui a parcouru les routes de Galilée, de Samarie et de Jérusalem.

    Un chemin qu’on redécouvre dans son évangile et un chemin qui mène à des œuvres pareilles à celle du Christ, et même à de plus grandes (Jn 14:12). Il n’y a pas de perte pour les disciples à laisser partir Jésus. Il reste présent à chacun sous une forme nouvelle. Il nous donne l’énergie de marcher dans ses pas. Il nous le donne de l’énergie d’aimer pleinement à notre tour.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2017

  • Un rien peut tout embellir ou tout gâcher

    Matthieu 13

    14.5.2017

    Un rien peut tout embellir ou tout gâcher

    1 Corinthiens 5 : 1-2 + 6-8      Matthieu 16 : 5-12      Matthieu 13 : 31-35

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    Chers frères et sœur en Christ,

    Vous le savez aussi bien que moi, Jésus aimait parler en paraboles. Mais pourquoi utilisait-il des paraboles avant toutes choses ? Là-dessus les avis sont partagés. On a dit aussi bien que Jésus parlait en parabole pour mieux se faire comprendre, en partant de petites histoires qui font appel à l'expérience pratique de ses auditeurs. L'expérience de celui qui cultive ou de celui qui fait du pain. Mais on a aussi dit que Jésus parlait en parabole pour ne pas être compris par tous et que Jésus réservait son enseignement à ses disciples auxquels il expliquait ses paraboles, comme celle du semeur sur quatre terrains ou l'ivraie et le bon grain.

    Pour ma part, je ne crois pas que parler en parabole était un jeu pour Jésus ou même un choix, c'était plutôt une nécessité. Pour dire ce qui est impossible à décrire, à définir, il est nécessaire de faire des détours, il est nécessaire d'utiliser des images, des illustrations. Il est impossible de parler directement de Dieu et de son action, de les décrire comme un objet, parce que Dieu n'est justement pas un objet et que son action est mystérieuse.

    Pourtant Jésus est justement là pour nous en parler. Alors il utilise des images pour enseigner. Par exemple "le Royaume des cieux ressemble au levain qu'une femme enfouit dans de la farine et qui fait lever toute la pâte." (Mt 13:33)

      Voilà, en une petite phrase, Jésus nous dit quelque chose sur la présence mystérieuse de Dieu dans le monde, ou en nous... oui, au fait ! est-ce en nous ? dans le monde ? dans l'Eglise ? En parlant de farine, Jésus laisse libre notre imagination.

      C'est l'avantage des paraboles, elles laissent ouvertes les portes de notre imagination, c'est un langage ouvert qui accueille diverses explications, diverses interprétations, un langage qui rend même les interprétations nécessaires. Personne ne peut dire : "Je sais !", "Je connais la vérité de cette parabole !" Il n'y a pas une interprétation unique et seule juste de cette petite parabole : "le Royaume des cieux ressemble au levain qu'une femme enfouit dans de la farine et qui fait lever toute la pâte." Voyez plutôt.

    On peut l'interpréter en concordance avec la parabole de la graine de moutarde qui devient un arbre où s'abritent les oiseaux (Mt 13 : 31-32). C'est-à-dire qu'une puissance insoupçonnée habite le levain comme la graine. Que cette puissance est là, cachée et présente en même temps, même si elle n'est pas encore réalisée. Dans ce sens, le Royaume des cieux, ce sont d'énormes potentialités qui vont se développer. C'est là l'interprétation la plus classique. Mais il y en a d'autres, dont la suivante.

    Le levain était considéré, dans la société juive, comme un élément corrupteur, impur. Le levain est un ferment et le processus de la fermentation peut gâter un aliment. Par exemple, lorsque votre confiture fermente parce qu'elle aurait dû être conservée au frigidaire, vous n'êtes pas contents, il faut la jeter, elle n'est plus bonne à rien.

    Le levain, le ferment est souvent vu comme négatif et nous en avons l'exemple lorsque Jésus parle du levain des pharisiens avec ses disciples ou lorsque l'apôtre Paul décrit l'immoralité comme un levain qui risque de corrompre toute la communauté.

    Pendant la fête de la Pâque, aussi appelée la fête des pains sans levain, il était important — et cela le reste pour les juifs aujourd'hui — de faire disparaître toute trace de levain dans la maison, parce qu'à partir d'un trace infime tout le processus de fermentation peut reprendre.

    Ainsi, cette parabole peut aussi être lu comme un avertissement : "un rien de levain et toute la pâte est corrompue, inutilisable". Cette interprétation viendrait ainsi faire le pendant à l'optimisme absolu de la parabole du grain de moutarde. Le levain corrupteur vient nous dire que tout n'est pas joué d'avance, automatiquement. Certes le Royaume des cieux est une puissance dynamique formidable, mais ne sous-estimons pas la puissance du mal. A partir d'éléments qui semblent négligeables, auxquels nous ne voulons même pas faire attention, le mal peut soudain se déployer d'une façon que nous n'aurions pas soupçonnée. Cette parabole nous enseigne donc la vigilance quant à chacun de nos actes. Aussi petits et insignifiants paraissent-ils... leurs conséquences — en positif comme en négatif — sont incommensurables.

    Peut-être devrions-nous nous méfier un peu plus du levain des pharisiens modernes, comme Jésus le recommandait à ses disciples. Nous méfier un peu plus — mais comment le faire sans paraître moralisateur ? — du levain contenu dans nos programmes TV; dans nos façons de désigner un peu vite des coupables (la violence des jeunes, comme si les adultes ne développaient pas aussi de la violence, même si elle se voit moins que des tags); du levain contenu dans nos discours économiques qui vantent tant le succès, la force et la compétitivité; dans nos relations quotidiennes qui deviennent vite tendues, agressives, méprisantes; du levain répandu dans les discours politiques qui désignent des boucs émissaires, qui appellent au rejet et à l’exclusion.

    Jésus nous laisse donc libre d’interpréter sa parabole dans un sens positif ou dans un sens négatif. La levure peut être vue comme l’expression de nos actions — bonnes ou mauvaises, avec les résultats qui en découlent. Mais c’est une lecture en extériorité.

    Aujourd’hui, je me rends compte que ce qui fait plus souvent problème, ce qui nous met en difficulté — plus que nos comportements à l’extérieur — ce sont nos actions et réactions intérieures. Ce sont nos voix intérieures, notre théâtre intérieur, qui nous met en difficulté. Ces voix qui viennent mettre en doute notre valeur, qui viennent saper notre moral, qui vienne insinuer que nous sommes coupable ou que nous n’allons laisser aucune trace valable de notre passage sur cette terre.

    Quand une de ces voix se fait entendre dans notre tête (et souvent nous arrivons même à identifier qui parle !) nous partons dans la rumination, dans la répétition et ces messages se mettent à tourner en boucle dans nos têtes, minant notre moral, envahissant notre mental. Un petit peu de ce levain et toute notre journée est gâchée.

    Je crois que le Christ vient prononcer d’autres paroles. Le Christ murmure à nos oreilles un message de paix et de pardon sur nos vies. Le Christ souffle à nos oreilles des paroles de vie eet d’espérance. Le levain de Jésus fait lever un nouveau jour dans nos vies. Lui, peut faire lever un nouveau règne dans nos existences, une voix qui vient couvrir nos ruminations et nos récriminations. Une voix dont le chant vient remettre de la lumière et de la paix dans nos vies.

    Entendrons-nous cette voix du Christ ? Est-ce que nous lui laisserons de la place ? Est-ce que nous laisserons sa voix dominer le concert qui nous habite et souvent nous envahit ? Une pincée de levain fait lever toute la pâte. Faisons en sorte que ce soit le levain du Christ.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2017

    L'idée du levain corrupteur vient de : A. Maillot, Les paraboles de Jésus aujourd'hui, Genève, Labor et Fides, 1973, pp.32-33.

  • Métier, vocation... et retraite.

    2 Thessaloniciens 3 

    30.4.2017

    Métier, vocation... et retraite.

     

    2 Thessaloniciens 3 : 6-10      1 Corintihiens 7 : 20-24      Matthieu 20 : 1-10

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Nous sommes à la veille du 1er mai : la fête du travail. Aussi j’aimerais vous parler du travail, à travers la vie et à travers le temps, en passant notamment par la Réforme.

    Le travail a été reconnu — dès le récit de création de la Genèse (Gn 3:19) — comme faisant partie de la condition, la dure condition humaine. On n’y échappe pas. Mais, il ne doit pas pour autant tout envahir, d’où la préservation d’un espace sans travail : le sabbat.

    Dans le Nouveau Testament, Jésus ne fait pas de doctrine du travail. Il raconte simplement des paraboles qui mettent en scène la vie quotidienne, et donc le travail ou des travailleurs. Au détour de ces paraboles, ils posent des valeurs. Avec les ouvriers de la 11e heure, il propose comme un salaire minimum : tous devraient pouvoir manger à leur faim et nourrir leur famille après leur travail. Il relève l’attente de fidélité, de confiance entre le maître et le gestionnaire, le maître et le serviteur. Une attente précédée de la remise de bien avec confiance, comme dans la parabole des talents. Le travail est également valeur de test dans les petites choses en vue d’en confier de plus grandes. Les paraboles évoquent également la générosité de la nature et de Dieu, l’aspiration à la prospérité et au partage.

    Chez Paul, se pose la question de la spécificité chrétienne. Qu’est-ce que le chrétien a ou fait de spécial dans le monde ? Eh bien, le chrétien ne fait rien de spécial. Il agit « pour le Seigneur» dans tout ce qu’il fait.

    Dans un contexte où Paul attend le retour du Christ pour le lendemain, il propose une posture « attentiste » : que chacun garde sa place et agisse à sa place comme un chrétien, c’est-à-dire en faisant bien ce qu’il fait. À l’attention de ceux qui croient qu’on peut tout arrêter et attendre il dit : « que celui qui ne veut pas travailler, arrête aussi de manger » (2 Thes. 3:10).

    Pour Paul, le changement, la libération est intérieure, il n’y a pas lieu de changer le régime social, seulement changer les relations courtes, avec ses proches, son conjoint etc. et se tourner vers le Seigneur.

    Lus littéralement ces propos de la lettre aux Corinthiens vont conduire à un grand conservatisme social. Le compartimentage de la société entre propriétaires-dirigeant en haut, et travailleurs-paysans en bas, s’est pérennisé. A ces deux classes sociales est venue s’ajouter celle des moines et des clercs, formée de ceux qui voulaient consacrer toute leur existence à Dieu. C’est dans ce type de société en trois classes que naît Luther. Celui qui veut consacrer sa vie à Dieu n’a que le choix d’entrer dans les ordres, devenir moine. À cette époque, c’est le chemin de l’excellence devant Dieu.

    Ce que Luther va découvrir, c’est que ce qui est présenté comme le plus souhaitable aux yeux de Dieu est une imposture. Ce chemin ne peut pas procurer le salut. Aucun chemin humain ne le peut. Le salut est donné par grâce. Une fois le salut reçu le croyant est animé de reconnaissance et libéré d’un grand poids, ce qui lui donne de l’énergie pour agir.

    Luther découvre que cette énergie libérée peut être mise au service de Dieu et du prochain et qu’il y a mille manières d’être utile à la société et à autrui. Dieu n’appelle pas à être moine pour lui plaire, il appelle chacun à mettre ses compétences particulières au service du prochain et de la société.

    Ainsi, tout à coup, chacun a une place donnée dans la société (on retrouve Paul parlant aux Corinthiens) chacun est appelé à travailler où il est pour le bien commun. Chacun est appelé, c’est-à-dire chacun reçoit ou doit trouver sa vocation pour trouver sa place, son utilité dans la société.

    Le service de Dieu passe par le métier, le métier apporte un service qui contribue à l’édification d’une société où chacun a une place, un rôle, une vocation. Tout métier trouvé son utilité. Tout chrétien se trouve placé à pied d’égalité avec les autres par cet appel à servir la société, c’est la vocation générale à contribuer au bien commun. Et chacun doit trouver à quoi il est appelé : sa vocation particulière. Cela implique un processus de discernement pour choisir sa voie, une responsabilité pour se donner les moyens de devenir compétent dans cette vocation. Parfois la vocation personnelle est d’abord reconnue par les proches : « dis donc, tu es particulièrement doué pour cela, pourquoi ne pas le mettre au service de la communauté, en faire ton métier ? »

    La vocation devient métier et contribue autant à l’utilité sociale qu’au plaisir de celui qui la pratique. Ce plaisir ou cet épanouissement personnel étaient déjà reconnus comme faisant partie du discernement de la vocation. Voir sa vocation comme un appel qui vient de Dieu et comme l’occasion de servir Dieu amène un état d’esprit qui pousse au soin, à l’application, à l’amour du travail bien fait. Le travail devient prière, il est exécuté devant Dieu, soli Deo gloria, sans recherche d’approbation, de reconnaissance sociale.

    Au XXe siècle est apparu un phénomène nouveau : la retraite. La retraite vient bouleverser le travail comme vocation ! S’il y a une vocation, comment pourrait-elle s’arrêter à une date déterminée par quelqu’un d’autre ? En même temps, être libéré de la contrainte de « gagner sa vie » ouvre des horizons nouveaux, en tout cas pour ceux dont le travail n’a pas coïncidé avec leur vocation profonde.

    La retraite pose une deuxième fois la question de la vocation. Parce qu’on ne peut pas rester sans rien faire, sans but. Nous avons besoin de sens, nous avons besoin de nous sentir utile, d’avoir le sentiment d’accomplir quelque chose.

    Notre société a beaucoup limité, réduit le sens de l’utilité. Elle nous dit : seul est utile celui qui est productif. Mais c’est un langage économique réducteur. L’utilité sociale (s’il faut garder ces termes) passe par des phases successives.

    On commence par une phase d’apprentissage, d’éducation, d’études, d’accumulation de savoir. Ensuite on continue par l’application de ces savoirs dans des savoir-faire, c’est l’étape productive. Elle peut déboucher sur une phase de transmission, de partage des savoirs et des savoir-faire. Mais il y a encore une phase, sous-évaluée et sous-estimée, qui est la phase du savoir être, de la sagesse, du rayonnement.

    Cette phase ne dépend pas de notre mobilité, de nos forces, de notre état de santé. Cette phase repose sur les compétences relationnelles, sur notre être, sur notre vocation la plus spirituelle. Elle peut s’exercer partout, même en EMS.

    Où en sommes-nous dans ses phases ? Saurons-nous passer d’une phase à l’autre ? Saurons-nous nous préparer, nous former pour ne pas rester dans la perte de la phase précédente, mais dans le gain de l’étape suivante ? L’Eglise peut être le lieu de développement de cette progression. Le culte, le partage biblique, la vie communautaire de l’Eglise devraient être une aide dans ses passages, un lieu de croissance en savoir-être et en rayonnement. Ce chemin, nous pouvons le faire ensemble.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2017