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Faut-il croire que Dieu dirige l'Histoire ?

11.9.2022

Luc 24

Faut-il croire que Dieu dirige l'Histoire ?

Genèse 6 : 9-19.        2 Chroniques 36 : 11-21.         Luc 24 : 42-49

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Chers frères et soeurs en Christ,

Nous sommes le dimanche 11 septembre et — pour notre génération — il est impossible de ne pas associer cette date avec l'écroulement des tours de New York ! Cette date a marqué le retour de la question de Dieu dans le débat et les décisions politiques, avec cette question : Dieu intervient-il dans l'Histoire ?

Certains milieux fondamentalistes l'ont affirmé en s'appuyant sur l'Ancien Testament. Les milieux réformés s'en sont abstenus ou bien l'ont clairement nié. Comment se positionner ? Et bien, en faisant un parcours biblique et en essayant de mettre en lumière les critères qui nous font choisir de donner priorité à certaines affirmations bibliques plutôt qu'à d'autres.

Les deux lectures bibliques de l'Ancien Testament de ce jour — celle du Déluge dans le premier livre de la Bible et celle de la fin du Royaume de Juda dans le dernier livre de l'Ancien Testament — ces deux lectures affirment la souveraineté de Dieu sur la nature, les éléments et l'Histoire.

Dieu gouverne les catastrophes naturelles et dirige les rois et les armées. Tantôt il sauve son peuple — comme dans le passage de la Mer Rouge — tantôt il le punit — lorsqu'il l'envoie en Exil. L'Ancien Testament nous montre clairement un Dieu qui intervient dans l'Histoire, qui dirige son peuple, soit directement, soit par des intermédiaires comme les patriarches, Moïse ou les prophètes. Les rédacteurs des livres de l'Ancien Testament partagent cette vision et attribuent tous les événements à la main de Dieu.

Quels effets cela fait-il de rendre Dieu responsable de tous les événements ? Il y a des effets bénéfiques, mais aussi des coûts.

C'est rassurant de penser que tout est entre les mains de Dieu, cela donne un sentiment de sécurité : à la fin, il devrait en sortir du bien ! Cela compense notre sentiment d'impuissance. Si nous n'y pouvons rien, Dieu pourvoira, Dieu nous sauvera ! Ainsi rien n'est hors de contrôle.

Mais il y a aussi des coûts à penser Dieu tout-puissant. Lorsque les malheurs n'ont aucune commune mesure avec les supposées fautes, comment penser que Dieu est juste, que Dieu est bienveillant ? Les malheurs et la mort étant inhérents à la destinée humaine, comment ne pas perdre confiance, perdre notre assurance en Dieu ?

Voilà pour la position de l'Ancien Testament, qu'en est-il dans le Nouveau Testament ? Dans le Nouveau Testament, Jésus nous est présenté comme le visage de Dieu. C'est dans les actes et les paroles de Jésus que nous est présentée la juste figure de Dieu. Or que voyons-nous ?

Pendant son ministère, Jésus est habité de bienveillance et de tolérance. Il accueille tous ceux qui viennent à lui et il guérit. Les rédacteurs des Evangiles sont encore habités de l'idée que Dieu dirige les événements. On le voit dans les récits de Noël ou dans le baptême de Jésus où Dieu parle. Mais bien vite — avec le récit de la Passion — le destin de Jésus échappe tant aux rédacteurs des Evangiles qu'à Dieu !

Jésus a été envoyé pour porter la lumière divine et il est arrêté, capturé, battu, jugé, moqué puis crucifié.

Il y a des contorsions littéraires pour faire passer ce destin comme conforme à la volonté divine, mais cela détruit l'image d'un Dieu juste et bon ! Cela mène à une impasse, à une contradiction totale entre Jésus et Dieu.

Et si l'on prenait Jésus au sérieux ?!

Dans sa dernière apparition aux disciples, Jésus dit des choses extrêmement importantes. Après avoir mangé avec ses disciples, il les invite à une relecture des Ecritures. Pour cela il « ouvre leur intelligence » (Luc 24:45) et il leur donne des mots-clés pour cette nouvelle interprétation de l'Ancien Testament : le Christ devait souffrir et être relevé, dans sa personne est proclamée, affirmée la transformation (metanoia) et le pardon, et c'est un message universel.

Ensuite Jésus donne à ses disciples une mission et la promesse de son Esprit qu'il appelle « puissance ». Ces paroles de Jésus nous invitent donc à avoir une lecture totalement nouvelle de l'Ancien Testament et de Dieu. Ne pas le voir dans la puissance, mais dans la souffrance, dans la vulnérabilité.

Dieu n'est pas intervenu pour descendre Jésus de la croix, parce que Dieu était sur la croix. Dieu n'est pas dans la punition et la cause du malheur, il est dans le pardon.

La puissance (dunamis en grec) qui était attribuée à Dieu dans l'ancienne lecture de l'Ancien Testament, Jésus la promet — pour la Pentecôte — aux disciples, aux êtres humains. Avec mission d'annoncer cette bonne nouvelle dans le monde entier.

Jésus restitue à l'être humain la dynamique, le pouvoir d'agir, la responsabilité du monde. Tans que Dieu est pensé comme tout-puissant, l'être humain est réduit à l'impuissance. « Dieu sauvera les choses quand ça tournera mal » avons-nous longtemps pensé.

En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous sort de notre sentiment d'impuissance, il nous restitue notre puissance.

En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous rend à nos responsabilités : personne ne viendra arranger les choses que nous négligeons.

En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous enracine dans le monde : il n'y aura pas de sauvetage extérieur (comme pour Jésus sur la croix) ; il n'y aura pas de Planète B, quand nous aurons saccagé totalement la terre ; il n'y aura que ce que nous faisons nous-mêmes du monde et de la société. C'est notre responsabilité de « nous aimer les uns les autres » !

Renoncer à un Dieu qui maîtrise l'Histoire est une bonne nouvelle parce que cela met fin au fatalisme et nous restitue autant notre liberté que notre responsabilité. Mais cela veut dire que notre responsabilité doit s'exercer !

A nous tous de nous mettre au travail pour un monde vivable, habitable et convivial.

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2022

 

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