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Matthieu 6. Recentrons-nous sur l'essentiel

(9.1.2005)

Matthieu 6

Recentrons-nous sur l'essentiel

Luc 13 : 1-5.        Jean 13 : 33-35.      Matthieu 6 : 19-21. 

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Chers amis,

Comment ne pas revenir sur le tsunami du 26 décembre dernier et les images qui ont accompagné cette dernière quinzaine ? Comment recevoir ces malheurs — proches ou lointains — qui touchent des milliers de gens ? Comment arriver à penser, à comprendre un tel événement, sans tomber dans le pur fatalisme, l'absurde, le non-sens, la désespérance ?

Une telle catastrophe est un véritable défi pour notre foi ! Un défi pour nous qui osons croire que Dieu s'intéresse aux humains, à notre sort. Voilà une catastrophe qui va contribuer à vider nos églises, si nous n'avons rien à dire à son propos. Oui, mais que dire ? Que répondre à ceux pour qui une telle catastrophe n'est que la démonstration d'un ciel vide ? Que répondre à ceux qui affirment que "si Dieu existait, il ne laisserait pas faire cela !" ou plus directement : "Je ne peux pas croire en un Dieu qui envoie de tels tremblements de terre."

Eh bien, moi non plus, je ne crois pas en un tel Dieu, en un Dieu maître de la nature qui "envoie" ou "permet" ou "laisse se dérouler" de telles catastrophes. En tant que chrétiens, nous n'adorons pas Zeus ou Jupiter avec un faisceau d'éclairs dans la main !

Les gens ont raison de refuser un tel dieu ! Le problème, c'est la confusion, la superposition des dieux mythologiques qui représentent les forces de la nature avec le Dieu des juifs et des chrétiens. Si nous pensons que Dieu dirige la nature, décide du temps qu'il va faire, crée les catastrophes ou les détourne au dernier moment, alors nous sommes encore dans une vision mythologique, nous sommes encore dans une vision païenne de Dieu.

Or le Dieu biblique s'oppose justement à l'adoration des Baals de la religion cananéenne, dieux de la pluie et du climat. Le Dieu biblique s'oppose à la suprématie de la nature, par exemple par une critique systématique du droit d'aînesse, du droit du plus grand et du plus fort. Voyez les exemples de Jacob et Esaü, du roi David, le dernier de 8 frères, etc.

On peut relever trois oppositions principales entre, d'un côté, les Baals, Zeus et autres Jupiters et de l'autre, le Dieu biblique et chrétien.

A. Opposition entre l'arbitraire et l'amour. Les raisons d'agir des dieux mythologiques sont fondées sur leurs conflits propre ou leurs intérêts. A l'opposé, dans la Bible, Dieu agit par amour pour son peuple, en fonction de l'intérêt des humains.

B. Opposition entre la rétribution et le pardon. Avec les dieux mythologiques, le destin des humains se joue en fonction de leurs mérites ou de leurs fautes. Dans la Bible, il n'y a aucune commune mesure entre les fautes des personnes et les malheurs qui peuvent leur arriver. A propos de l'écroulement de la tour de Siloe qui a fait 18 victimes, on se demande si les victimes étaient plus coupables que les autres. Jésus dément formellement un lien entre culpabilité et malheur, il n'y a pas de lien (Luc 13:4).

C. La troisième opposition apparaît dans la place de Dieu. Lors d'une catastrophe, il y a d'un côté la nature et de l'autre les humains, les victimes. Dans le système mythologique, les dieux sont du côté de la nature violente, en face des humains. Par contre, le Dieu biblique se trouve avec les humains en face de la nature. C'est dire que le Dieu qui nous est présenté dans la Bible — et auquel nous croyons — a sauté la barrière pour nous rejoindre, c'est ce que nous avons fêté à Noël !

Nous n'avons pas un Dieu séparé de nous, du côté de la puissance du ciel et de la terre, mais un Dieu à nos côtés. Et lorsque la nature devient un adversaire, une puissance de destruction — ce n'est pas toujours le cas, car en général elle nous nourrit et nous prodigue ses bienfaits — mais lorsqu'elle est opposée à nous, Dieu reste de notre côté.

Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que Dieu ne s'occupe pas de notre confort, de notre vie biologique et naturelle, mais qu'il est présent à nos côtés pour nous faire voir l'essentiel, pour nous stimuler à investir notre énergie dans la recherche de ce qui rend la vie riche et vraie. Qu'est-ce que l'essentiel dans la vie ? De quoi ne pouvons-nous pas nous passer, ne voulons-nous pas être privés ?

Nous l'apprenons en observant les rescapés, les survivants qui rentrent. Que voit-on ? Que disent-ils ? Se plaignent-ils d'avoir perdus leurs biens, d'avoir dû écourter leurs vacances ? Non. Ce que nous avons vu : ils se jettent dans les bras de leurs proches, ils s'embrassent, s'étreignent. Ils sont rassurés seulement par cette étreinte qui dit qu'ils sont vivants et qu'ils tiennent dans leurs bras ce qu'il y a de plus précieux au monde : ceux qu'ils aiment.

L'essentiel est révélé : les relations, les liens, l'amitié, l'affection, l'amour. Les plages, la mer, les paradis sur terre sont éphémères, ils sont agréables, mais ne constituent en rien l'essentiel. Le commandement si simple que donne Jésus : "Aimez-vous les uns les autres" ne dit rien d'autre : là est la vraie vie.

Tout l'évangile, depuis "Ne vous amassez pas des richesses dans ce monde, mais amassez plutôt des richesses dans le ciel" (Mt 6:19-20) jusqu'aux énigmatiques paroles de Jésus à propos de ceux qui sont morts dans l'écroulement de la tour de Siloe "Si vous ne changez pas de vie..." (c'est-à-dire, si vous ne concentrez pas votre vie sur l'essentiel) ne sont que des invitations à se concentrer sur l'essentiel, sur ce qui rend la vie digne d'être vécue, les relations et les relations d'amour.

A travers Jésus, Dieu nous y invite avec douceur, sans s'imposer. Mais que faisons-nous le plus souvent ? Nous renâclons, nous renvoyons à plus tard, nous faisons passer l'accessoire en premier. Vous ne me croyez pas ? Avez-vous dit — sincèrement, avec profondeur — à ceux qui vous entourent que vous les aimez, qu'ils sont importants pour vous, que vous ne voudriez pas être séparés d'eux ?

Pourquoi faut-il que le malheur intervienne et nous bouscule, voire nous meurtrisse brutalement pour que ces paroles, ces gestes, l'essentiel puisse refaire surface ? Pourquoi faut-il qu'il y ait une crise, une catastrophe pour que nous réalisions à quoi nous tenons vraiment ?

Les malheurs et les catastrophes ne surviennent jamais parce que nous sommes loin de l'essentiel, puisqu'elles arrivent aléatoirement, selon des mécanismes naturels qui n'ont rien à voir avec nos vies. Mais peut-être peut-on leur donner un certain sens si elles nous rappellent où se trouve vraiment l'essentiel, si nous nous décidons de ne pas attendre le prochain malheur pour sortir de notre inertie, pour quitter notre recherche de confort, pour, simplement, nous aimer les uns les autres.

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2023

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