(25.12.2004)
Jean 1
C'est dans notre monde obscur que la lumière vient s'installer et chasser les ténèbres.
Esaïe 49 : 7-13. Luc 2 : 1-7. Jean 1 : 6-12.
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Aujourd'hui 25 décembre, nous fêtons Noël, nous fêtons la naissance de Jésus. Pourquoi le 25 décembre ? Les Evangiles ne nous donnent pas de date pour la naissance de Jésus, pas même une saison. Donc nous ne savons ni le jour, ni le mois de naissance de Jésus. Même l'année — qui sert à dater notre ère — n'est pas sûre. Les données évangéliques, de Matthieu et de Luc, ne sont pas concordantes entre elles.
J'ai déjà dit — le 12 décembre — comme je pensais que les récits de la naissance et de la petite enfance de Jésus, que l'on trouve dans les Evangiles de Matthieu et de Luc, sont des compositions littéraires et non pas des récits historiques. Ces récits ne rapportent pas des faits, mais expriment des interprétations théologiques, ils nous font part de la signification de la venue de Jésus.
A défaut de vérité historique, ces récits nous apportent une vérité de sens, les raisons pour lesquelles Dieu a envoyé Jésus sur terre parmi nous. Ces raisons sont plus importantes pour nous aujourd'hui que les détails sur comment cela s'est passé.
C'est le même processus qui a conduit à fixer la date anniversaire de la naissance de Jésus le 25 décembre. Il fallait trouver une date qui fasse sens, qui soit porteuse de symbole en relation avec le sens de la venue de Jésus. La date en elle-même doit attester de l'esprit de Noël.
Le 25 décembre suit de quelques jours le solstice d'hiver, c'est-à-dire la plus longue nuit de l'année. Jusqu'au 21 décembre, les jours n'ont cessé de diminuer, l'obscurité gagnant sur la lumière. Après cela, la tendance s'inverse. Dès le 25 décembre, les jours vont augmentant, repoussant l'obscurité.
Le 25 décembre marque les prémices de la victoire de la lumière sur l'obscurité. Ce jeu de la lumière et de l'obscurité est justement au coeur du mystère de Noël et chacun des Evangiles va le marquer à sa manière.
Chez Luc, non seulement la naissance a lieu de nuit, ce qui permet l'apparition des anges aux bergers, mais l'obscurité est soulignée par l'exclusion du couple, Marie et Joseph, de la maison des voyageurs. A l'obscurité physique de la nuit s'ajoute les ténèbres des agissements humains, incapables de faire une place aux pauvres ou à la détresse, en résumé, incapables de faire le bien, incapables d'accueillir Dieu.
Cette obscurité humaine sera poussée à son comble par l'évangéliste Matthieu dans la fureur d'Hérode qui ordonne le "massacre des innocents" (Mt 2:16-18).
L'évangéliste Jean — qui a renoncé à créer un récit qui aurait l'apparence de l'historicité — parle directement dans ces termes symboliques :
"La lumière brille dans l'obscurité, mais l'obscurité ne l'a pas reçue." (Jn 1:5)
Celui qui est la Parole (Jésus) était dans le monde. Dieu a fait le monde par lui, et pourtant le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu dans son propre pays mais les siens ne l'ont pas accueilli." (Jn 1:10-11).
Oui, Jésus arrive, il naît dans un monde obscur, de ténèbres. Chaque Evangile présente, dans ses premières pages, toute la dramatique qui va s'instaurer entre Jésus et le monde et se dénouer sur la croix. Les Evangiles ne sont pas dupes ou utopiques quant à l'état du monde. Jésus est envoyé dans un monde où l'obscurité triomphe, où les humains souffrent, où ils sont aliénés, exploités. Jésus est envoyé dans le monde réel, avec ses jeux de pouvoir (César Auguste chez Luc, Hérode chez Matthieu), avec ses jeux d'exclusions (pas de place à l'auberge) et ses déplacements de population (le recensement) ou ses exils (la fuite en Egypte).
Jésus naît dans la nuit, dans l'exclusion, dans la pauvreté, en bref dans le monde réel, un monde de violence comme l'est celui d'aujourd'hui. Dieu prend pied dans ce monde-là, dans notre monde, dans un monde qui a besoin de lui, dans un monde qui a besoin d'être changé, transformé, transfiguré, sauvé !
C'est dans ce monde obscur que la lumière vient s'installer et chasser les ténèbres. Le monde n'est pas prêt à recevoir Dieu. Nous ne sommes pas prêts à recevoir Dieu. Pourtant Dieu vient quand même. Dieu n'attend pas que le monde ait été transformé pour venir. Dieu n'attend pas que nous ayons été transformé pour venir. Il vient parce que le monde est ainsi, parce que nous sommes ainsi, pour apporter sa transformation. Il vient dans notre nuit, pour apporter sa lumière.
Et Noël est une fête joyeuse, une fête d'espérance, parce que la lumière l'emporte sur les ténèbres, même si cette victoire n'est pas visible aux yeux de tous.
Jean disait à propos de Jésus : "Il est venu dans son propre pays, mais les siens ne l'ont pas accueilli." mais il ajoute : "Cependant, certains l'ont reçu et ont cru en lui; il leur a donné le droit de devenir enfants de Dieu." (Jn 1:11-12).
Ceux qui reçoivent la lumière de Jésus — au coeur de leurs ténèbres — reçoivent le cadeau de devenir, d'être considérés comme des enfants de Dieu. Ce titre n'est pas réservé à Jésus seul. En recevant la lumière de Noël, nous entrons dans la famille, dans l'intimité, dans la proximité de Dieu.
Quel beau cadeau de Noël ! Joyeux Noël à tous !
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2022