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faiblesse

  • Faut-il croire que Dieu dirige l'Histoire ?

    11.9.2022

    Luc 24

    Faut-il croire que Dieu dirige l'Histoire ?

    Genèse 6 : 9-19.        2 Chroniques 36 : 11-21.         Luc 24 : 42-49

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous sommes le dimanche 11 septembre et — pour notre génération — il est impossible de ne pas associer cette date avec l'écroulement des tours de New York ! Cette date a marqué le retour de la question de Dieu dans le débat et les décisions politiques, avec cette question : Dieu intervient-il dans l'Histoire ?

    Certains milieux fondamentalistes l'ont affirmé en s'appuyant sur l'Ancien Testament. Les milieux réformés s'en sont abstenus ou bien l'ont clairement nié. Comment se positionner ? Et bien, en faisant un parcours biblique et en essayant de mettre en lumière les critères qui nous font choisir de donner priorité à certaines affirmations bibliques plutôt qu'à d'autres.

    Les deux lectures bibliques de l'Ancien Testament de ce jour — celle du Déluge dans le premier livre de la Bible et celle de la fin du Royaume de Juda dans le dernier livre de l'Ancien Testament — ces deux lectures affirment la souveraineté de Dieu sur la nature, les éléments et l'Histoire.

    Dieu gouverne les catastrophes naturelles et dirige les rois et les armées. Tantôt il sauve son peuple — comme dans le passage de la Mer Rouge — tantôt il le punit — lorsqu'il l'envoie en Exil. L'Ancien Testament nous montre clairement un Dieu qui intervient dans l'Histoire, qui dirige son peuple, soit directement, soit par des intermédiaires comme les patriarches, Moïse ou les prophètes. Les rédacteurs des livres de l'Ancien Testament partagent cette vision et attribuent tous les événements à la main de Dieu.

    Quels effets cela fait-il de rendre Dieu responsable de tous les événements ? Il y a des effets bénéfiques, mais aussi des coûts.

    C'est rassurant de penser que tout est entre les mains de Dieu, cela donne un sentiment de sécurité : à la fin, il devrait en sortir du bien ! Cela compense notre sentiment d'impuissance. Si nous n'y pouvons rien, Dieu pourvoira, Dieu nous sauvera ! Ainsi rien n'est hors de contrôle.

    Mais il y a aussi des coûts à penser Dieu tout-puissant. Lorsque les malheurs n'ont aucune commune mesure avec les supposées fautes, comment penser que Dieu est juste, que Dieu est bienveillant ? Les malheurs et la mort étant inhérents à la destinée humaine, comment ne pas perdre confiance, perdre notre assurance en Dieu ?

    Voilà pour la position de l'Ancien Testament, qu'en est-il dans le Nouveau Testament ? Dans le Nouveau Testament, Jésus nous est présenté comme le visage de Dieu. C'est dans les actes et les paroles de Jésus que nous est présentée la juste figure de Dieu. Or que voyons-nous ?

    Pendant son ministère, Jésus est habité de bienveillance et de tolérance. Il accueille tous ceux qui viennent à lui et il guérit. Les rédacteurs des Evangiles sont encore habités de l'idée que Dieu dirige les événements. On le voit dans les récits de Noël ou dans le baptême de Jésus où Dieu parle. Mais bien vite — avec le récit de la Passion — le destin de Jésus échappe tant aux rédacteurs des Evangiles qu'à Dieu !

    Jésus a été envoyé pour porter la lumière divine et il est arrêté, capturé, battu, jugé, moqué puis crucifié.

    Il y a des contorsions littéraires pour faire passer ce destin comme conforme à la volonté divine, mais cela détruit l'image d'un Dieu juste et bon ! Cela mène à une impasse, à une contradiction totale entre Jésus et Dieu.

    Et si l'on prenait Jésus au sérieux ?!

    Dans sa dernière apparition aux disciples, Jésus dit des choses extrêmement importantes. Après avoir mangé avec ses disciples, il les invite à une relecture des Ecritures. Pour cela il « ouvre leur intelligence » (Luc 24:45) et il leur donne des mots-clés pour cette nouvelle interprétation de l'Ancien Testament : le Christ devait souffrir et être relevé, dans sa personne est proclamée, affirmée la transformation (metanoia) et le pardon, et c'est un message universel.

    Ensuite Jésus donne à ses disciples une mission et la promesse de son Esprit qu'il appelle « puissance ». Ces paroles de Jésus nous invitent donc à avoir une lecture totalement nouvelle de l'Ancien Testament et de Dieu. Ne pas le voir dans la puissance, mais dans la souffrance, dans la vulnérabilité.

    Dieu n'est pas intervenu pour descendre Jésus de la croix, parce que Dieu était sur la croix. Dieu n'est pas dans la punition et la cause du malheur, il est dans le pardon.

    La puissance (dunamis en grec) qui était attribuée à Dieu dans l'ancienne lecture de l'Ancien Testament, Jésus la promet — pour la Pentecôte — aux disciples, aux êtres humains. Avec mission d'annoncer cette bonne nouvelle dans le monde entier.

    Jésus restitue à l'être humain la dynamique, le pouvoir d'agir, la responsabilité du monde. Tans que Dieu est pensé comme tout-puissant, l'être humain est réduit à l'impuissance. « Dieu sauvera les choses quand ça tournera mal » avons-nous longtemps pensé.

    En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous sort de notre sentiment d'impuissance, il nous restitue notre puissance.

    En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous rend à nos responsabilités : personne ne viendra arranger les choses que nous négligeons.

    En refusant un Dieu maître de l'Histoire, Jésus nous enracine dans le monde : il n'y aura pas de sauvetage extérieur (comme pour Jésus sur la croix) ; il n'y aura pas de Planète B, quand nous aurons saccagé totalement la terre ; il n'y aura que ce que nous faisons nous-mêmes du monde et de la société. C'est notre responsabilité de « nous aimer les uns les autres » !

    Renoncer à un Dieu qui maîtrise l'Histoire est une bonne nouvelle parce que cela met fin au fatalisme et nous restitue autant notre liberté que notre responsabilité. Mais cela veut dire que notre responsabilité doit s'exercer !

    A nous tous de nous mettre au travail pour un monde vivable, habitable et convivial.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Notre Père (7)

    19.7.2020

    Matthieu 20

    Notre Père (7)

    1 Samuel 8 : 1-9.    Esaïe 42 : 1-4.    Matthieu 20 : 20-28

    télécharger le texte : P-2020-07-19.pdf (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père")

    Chers frères et soeurs en Christ,

    La deuxième demande que nous prononçons dans le Notre Père est : « Que ton règne vienne. » Cette venu du règne de Dieu peut être vue — au moins — de trois façons :

    a) comme le jugement dernier — à la fin des temps, à la fin du monde — au moment où Dieu établira une nouvelle terre et de nouveaux cieux, comme annoncé dans le livre de l'Apocalypse (Ap 21:1). Compris comme cela, nous demanderions la fin de ce monde.

    b) ou bien il s'agit de demander à Dieu qu'il établisse son règne sur la terre actuelle, dans notre monde. Cela consisterait à abolir le désordre pour rétablir l'ordre et la justice, faire droit aux humiliés et renvoyer les riches les mains vides (Luc 1:53).

    c) enfin la demande peut aussi porter sur nous-mêmes, demander que Dieu règne sur notre cœur, selon la prédication de Jésus résumée par Marc : « Le règne de Dieu s'est approché, convertissez-vous et acceptez la bonne nouvelle. » (Mc 1:15).

    Pouvons-nous trancher ? Mais devons-nous choisir ?

    Faisons un petit détour par l'Ancien Testament. Les textes nous montrent diverses façons d'agir de Dieu. Il donne ses commandements à Moïse. Il fait se lever des Juges en Israël, il désigne des prophètes pour gouverner.

    Enfin le peuple demande au prophète Samuel un roi pour les gouverner. Dieu voit cela comme une trahison, mais il accepte. Saül est le premier roi, mais ce n'est pas une réussite. Vient David. Le règne commence bien, mais se termine mal ; David finit par abuser de son pouvoir, et il en est de même avec chacun des rois suivants.

    Avec l'Exil, Dieu met fin à l'expérience de la royauté. Les prophètes annoncent — surtout Esaïe avec les poèmes du Serviteur souffrant — qu'il pourrait y avoir une autre forme de souveraineté, un Messie.

    Comme chrétiens, nous reconnaissons Jésus comme Messie, comme Christ. Et Jésus a beaucoup parlé du règne de Dieu, notamment à travers les paraboles du Royaume.

    Le Royaume est en même temps pour le temps présent (paraboles des quatre terrains (Mc 4:1-9), du levain (Mt 13:33), de la graine de moutarde (Mc 4:30-32)) et pour les temps futurs (parabole de l'ivraie (Mt 13:24-30) ou des blés qui poussent pendant le sommeil du semeur (Mc 4:26-29)).

    L'expression la plus claire de Jésus concernant le pouvoir ou le règne est exprimé dans le lavement des pieds des disciples et dans sa réponse à la mère des fils de Zébédée : « Si l'un de vous veut être le premier, il doit être votre serviteur. Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir. » (Mt 20:27-28)

    Jésus retourne complètement la problématique du règne et du pouvoir. Dans le monde, le pouvoir ne peut rien être d'autre que la réduction des autres à l'esclavage, leur asservissement. De son côté, Dieu est à l'opposé de cette logique de domination et de pouvoir. Le vrai règne est dans le service, le vrai règne est dans le renoncement au pouvoir, à la domination.

    Ce n'est pas une façon plus subtile ou plus douce d'exercer le pouvoir, c'est vraiment renoncer au pouvoir, à la contrainte, à la domination.

    Il nous est difficile de penser que Dieu y a vraiment renoncé. C'est pourtant ce que Jésus nous dit et nous montre en se faisant serviteur et en acceptant la croix. Il a renoncé au pouvoir de descendre de la croix, à appeler des légions d'anges pour établir son règne. Je pense même qu'il a renoncé à revenir avec tambours et trompettes pour mettre fin à notre monde et procéder au jugement dernier.

    Si Dieu est amour, il ne peut être que dans la proposition, dans l'offre, dans l'appel à recevoir une réponse. Dieu fait sa déclaration d'amour à chacun... à nous de répondre, sans contrainte, car l'amour ne peut être forcé sans être dénaturé.

    Mais ici dans le Notre Père, il est question du règne, donc de justice, de droit plutôt que d'amour. Et bien je pense que là aussi, Dieu renonce au pouvoir. Par rapport à la justice, Dieu est aussi seulement appel. Comme à travers tous les prophètes qui appellent à la justice et au droit, comme nous l'avons entendu précédemment (prédication Notre Père (6)).

    Cet appel de Dieu a la même force et la même faiblesse que la Déclaration des Droits humains. C'est juste un écrit avec des articles. Et pourtant, cette Déclaration des Droits humains fait trembler les dictateurs.

    Les dictateurs mettent en place des arsenaux législatifs et répressifs pour que ces Droits humains ne puissent plus être dits, proclamés, revendiqués. Voyez ce qui se passe entre la Chine et Hong Kong ! Un simple appel à la justice — des lettres imprimées sur du papier — fait trembler le président de 1,5 milliards de chinois.

    A Hong Kong, avec la nouvelle loi sur la sédition, toute parole et tout écrit peut vous envoyer en prison. Et pourtant, il y a encore des centaines de citoyens de Hong Kong qui manifestent pour la liberté et le droit.

    Je ne sais pas si vous avez vu comment ils manifestent ? Ils sont sur les balcons intérieurs des grands magasins et tiennent devant eux une feuille blanche. Tous les mots, tous les slogans sont devenus dangereux. Mais peut-on réprimer le fait de montrer que le pouvoir marque sa volonté de retirer tous les mots des pancartes en brandissant des feuilles blanches ? Le pouvoir va-t-il interdire le papier blanc ?

    L'appel à la justice, qu'il soit dans le bouche de Dieu ou imprimé sur la Déclaration des Droits humains est en même temps faiblesse totale et force irrépressible, et pourtant sans force de contrainte.

    Nous participons à cet appel à la justice chaque fois que nous prononçons le Notre Père et disons : « Que ton règne vienne. »

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • 1 Rois 19. Dieu renonce à exercer sa toute-puissance

    Pour le dimanche des Rameaux (bénédiction des catéchumènes) du 5 avril

    1 Rois 19

    Dieu renonce à exercer sa toute-puissance

    1 Rois 19 : 9-14.       Philippiens 2 : 5-11

    télécharger le texte : P-2020-04-05.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ, Chers catéchumènes,

    Vous achevez maintenant la partie officielle de votre instruction religieuse, le catéchisme. Pendant ces quelques années vous avez été guidés, conduits sur des chemins tracés par d'autres. Vous avez dû suivre et passer là où on vous disait d'aller. Dès aujourd'hui, il n'y a plus de route toute tracée, vous êtes à un carrefour où vous pouvez choisir la direction que vous voulez prendre.

    Face aux grandes questions de la vie — l'amour, l'argent, la mort, pour faire bref — c'est à vous de trouver et d'apporter votre réponse. Si c'est encore flou pour vous maintenant, c'est normal, les grandes questions de la vie nous interrogent tout au long de l'existence, on n'y échappe pas.

    A votre âge aujourd'hui, mais aussi à l'âge de vos parents qui sont ici, de vos grand-parents, se pose la question "Qu'est-ce que je fais ici sur la terre ?" C'est la question que Dieu pose à Elie : "Pourquoi es-tu ici, Elie ?" (1 Rois 19 : 9,13)

    Elie a marché environ 500 km pour venir à la montagne de l'Horeb dans le massif du Sinaï, à l'endroit où Moïse a vu le buisson ardent et où il est revenu avec le peuple hébreu recevoir les Tables de la Loi. Elie est revenu là, sur la montagne de Dieu, parce qu'il a besoin de comprendre qui est vraiment Dieu !

    En effet, Elie vient de vivre une expérience traumatisante. Il y a eu une sorte de match entre prophètes (vous trouvez le récit de ce match dans 1 Rois 18), entre d'un côté les prophètes de Baal et de l'autre Elie, prophète de Dieu. Le match a été gagné par Elie et les perdants ont été mis à mort (cela se passait ainsi à cette époque !), avec pour résultat que le roi qui avait parié sur les prophètes de Baal est fâché et cherche à faire mourir Elie.

    Donc Elie a gagné en théorie, mais il est en train de tout perdre parce que la situation dégénère dans la violence. Est-ce vraiment cela que Dieu voulait ? Elie voudrait le savoir.

    Elie est dans la même situation que nous lorsque nous nous demandons pourquoi Dieu n'arrête pas les guerres, les massacres, les attentats ou les épidémies. Pourquoi Dieu ne nous empêche-t-il pas de faire le mal ? J'ai entendu plusieurs fois cette question et je comprends que ce soit pour vous un obstacle à croire en la bonté de Dieu.

    Alors, Elie, sur la montagne, souhaite en savoir plus sur Dieu et son implication dans le monde. Et Dieu lui offre une réponse, qui est aussi une réponse qui nous est destinée !

    "— Sors, lui dit le Seigneur; tu te tiendras sur la montagne, devant moi; je vais passer. Aussitôt un grand vent souffla, avec une violence telle qu'il fendait les montagnes et brisait les rochers devant le Seigneur, mais le Seigneur n'était pas présent dans ce vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre; mais le Seigneur n'était pas présent dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu; mais le Seigneur n'était pas présent dans le feu. Après le feu, il y eut le bruit d'un léger souffle. Dès qu'Elie l'entendit, il se couvrit le visage avec son manteau, il sortit de la caverne et se tint devant l'entrée." (1 Rois 19: 11-13)

    Elie a reconnu la présence de Dieu dans le léger souffle ! Comment comprendre cela ? Et bien, Dieu refuse d'être présent dans tout ce qui représente une force menaçante pour l'être humain.

    Dieu connaît les mécanismes, les ressorts, de la violence. Il sait que la violence s'alimente à la force qu'on lui oppose, il sait que la violence et son opposition conduisent à une escalade sans fin, à une spirale qui enfle jusqu'à tout détruire autour d'elle. Alors, Dieu a choisi de ne pas alimenter cette spirale de la violence par une intervention en force, il souhaite calmer le jeu par l'apaisement, en induisant une désescalade. Il refuse de s'imposer par force, car il ne veut de guerre ni pour lui ou en son nom, ni contre lui.

    Il veut se montrer inoffensif — comme un agneau — il sort le "drapeau blanc" des négociations. Il pose sur la table, qu'il n'y aura pas de coups de sa part, pas de revanche, pas de punition pour celui qui reconnaît ses torts et souhaite repartir sur des bases nouvelles.

    Y a-t-il un autre chemin ? Qui pourrait supporter un bras de fer avec Dieu ? La Bible nous laisse entendre que dans un passé très reculé, il y a eu un tel bras de fer. C'est le récit mythique du déluge, expliqué comme un ras-le-bol de Dieu face à la méchanceté des humains. Il aurait alors décidé d'anéantir le mal en noyant toute vie — enfin sauf Noé, sa famille et les animaux pour que la vie puisse reprendre.

    Mais la méthode forte a échoué et Dieu s'est juré de ne pas recommencer, il a même donné l'arc-en-ciel comme signe de cette première alliance (voir Genèse 9).

    Alors commence une autre voie, celle de l'invitation, celle de l'éducation. Et cette voie passe par le respect de la liberté de tout être humain, et par le renoncement de Dieu à exercer sa toute-puissance.

    Et Dieu se présente à Elie dans un souffle léger. Dieu se présente à nous à travers la figure humaine de Jésus. Dieu ne veut pas s'imposer, il se propose : "Je t'aime, veux-tu m'aimer en retour ?" Pour que l'amour soit possible entre Dieu et les humains, entre les humains et Dieu, il faut abolir l'idée d'un pouvoir, l'idée d'une hiérarchie, l'idée d'un dominant et d'un dominé. Aussi Jésus a-t-il renoncé à toute prérogative divine, à tout pouvoir, à toute supériorité pour se faire homme, serviteur de tous, le plus humble, jusqu'à la mort, à la mort sur la croix.

    La proposition de Dieu, son invitation — à vous catéchumènes, mais à vous aussi parents, parrains, marraines, familles — c'est de prendre exemple sur Jésus-Christ qui renonce à tout pouvoir, à toute préservation de ses intérêts et privilèges pour apporter la paix au monde.

    Dieu nous invite à suivre l'exemple de son Fils, pour vivre dans la paix, en nous aimant les uns les autres. C'est le seul chemin qui y conduit. Tous les autres — autant le laisser-aller qu'un intervention céleste toute-puissante — passent par la violence et ne peuvent que conduire à davantage de malheurs.

    Jésus nous invite à le suivre sur la voie de la paix par l'amour. Vous avez ce choix devant vous ! Vous savez quoi faire pour suivre l'invitation de Dieu. La question qui reste ouverte est : le ferez-vous ?

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • Juges 6. Reconnaître sa faiblesse et recevoir la force que Dieu donne.

    Juges 6
    28.8.2011
    Reconnaître sa faiblesse et recevoir la force que Dieu donne.
    Juges 6 : 2-6 + 11-16     Mt 4 : 12-13 + 18-22

    Téléchargez ici la prédication : P-2011-8-28.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pour ce culte de rentrée, j'ai choisi cette histoire de Gédéon, parce que je suis habité par cette question : "Comment reprendre des forces après avoir vécu une situation qui nous laisse particulièrement affaiblis ?" Notre paroisse, et spécialement notre Conseil paroissial, a vécu une période difficile, marquée par plusieurs deuils, déménagements et départs. En sous-effectif, nous nous sentons affaiblis, comme ministres, comme Conseil et comme communauté. L'histoire de Gédéon m'est apparue comme une bonne illustration de ce que nous vivons et comme porteuse d'une espérance pour remonter la pente.
    Cette histoire nous présente la situation d'Israël comme misérable. A cause des razzia des Madianites, les Israélites en sont réduits à se cacher dans des grottes, dans des trous, ou dans des endroits inaccessibles des montagnes. Chaque fois que les Israélites plantent quelque chose, les Madianites viennent piller les champs juste avant la récolte. Quand les Israélites reconnaissent que la situation est sans issue, ils en appellent à Dieu.
    C'est par la reconnaissance de leur faiblesse, de leur impuissance, que les Israélites vont inaugurer un changement. Rien ne change tant qu'on se dit que c'est tolérable, que c'est encore supportable, qu'on peut tenir. Reconnaître la faiblesse, le manque ou le malaise, est le début du changement.
    Et Dieu n'est pas indifférent à l'appel au secours de son peuple. Il envoie un messager dans la bourgade d'Ofra, auprès de Gédéon. Le récit nous dit que Gédéon est en train de battre du blé dans le pressoir pour ne pas être vu des Madianites. Comme nous achetons notre farine au supermarché, on ne voit pas tout de suite ce qui cloche dans la position de Gédéon. Battre le blé pour séparer le grain de la balle se fait normalement en plein air, dans la brise pour que le vent emporte la balle. Et cela fait un nuage qui se voit de loin. Or, pour ne pas être vu des Madianites et risquer une razzia, Gédéon s'est enfermé dans la maison du pressoir et bat le blé à l'intérieur.
    On ne sait pas si les Madianites sont dans la région, mais chacun agit comme s'ils voyaient tout. Gédéon pense toutes ses actions en fonction d'eux, dans leur crainte, dans la crainte de leur intervention. Tous ses gestes sont mesurés en tenant compte de ce possible ! Il vit dans la peur et la méfiance. Même absents, les Madianites contrôlent les faits et gestes de Gédéon. Cette situation n'est plus tenable. Dieu envoie donc son messager pour délivrer Gédéon et Israël de cette obsession.
    Le messager salue Gédéon par ces mots : "Le Seigneur est avec toi, valeureux combattant !" (Jg 6:12) On pourrait presque penser que c'est de l'ironie mordante, mais Gédéon ne retient que la première partie de la phrase : "Le Seigneur est avec toi" pour la contester vivement. "Si le Seigneur est avec nous, pourquoi tous ces malheurs nous sont-ils arrivés ?" (v13) Comme la plupart de nos contemporains, Gédéon se sent abandonné de Dieu dans son malheur.
    Dieu laisse Gédéon exprimer son doute, il ne nie pas le malheur, mais il se rapproche. Depuis là dans le texte, c'est Dieu lui-même qui parle, le messager a disparu. Quand on doute de lui, Dieu se fait encore plus proche ! Et Dieu donne à Gédéon une parole de soutien et d'envoi. "Avec la force que tu as, va délivrer Israël" (v14).
    Après avoir douté de la présence de Dieu, Gédéon doute de lui-même. N'est-il pas du plus petit clan de la tribu de Manassé et le plus petit de sa maisonnée ? Gédéon doute de lui-même, et ces doutes intérieurs —  n'est-ce pas ? — sont les doutes les plus difficiles à contrer.
    A ce doute, Dieu oppose cette parole : "Va —avec la force qui est la tienne !" De quelle force Dieu parle-t-il ? Le mot utilisé signifie "énergie", "force brute", c'est l'énergie que donne la nourriture (Gn 4:12), c'est la force musculaire lorsque Habacuc dit de quelqu'un "celui-là, sa force est son dieu" (Hab 1:11). Dans les Psaumes, ce sont les forces humaines qui déclinent avec l'âge. Mais cette force brute est aussi entre les mains de Dieu, p. ex. dans les plaies d'Egypte contre Pharaon (Ex 9:16) ou dans la force que Dieu donne à Samson proportionnellement à la longueur de ses cheveux. Cette force est aussi celle de la révolte devant l'injustice et le malheur. Et c'est cette force de l'inacceptable que Dieu ranime en Gédéon, comme s'il lui disait "Va avec cette colère qu tu as et délivre Israël !"
    Mais Gédéon ne connaît pas encore cette force, ou plutôt, il la voit encore comme un obstacle, une faiblesse ou un défaut. Gédéon doit surmonter deux épreuves qu'il a énoncées avec ses deux doutes. Il doit surmonter le sentiment d'abandon exprimé dans le doute que Dieu soit présent malgré les malheurs du peuple. Et il doit surmonter son sentiment d'impuissance exprimé dans le doute sur ses propres capacités. Le chemin de Gédéon — et le nôtre — c'est de retrouver la confiance dans la Présence divine et retrouver la confiance en notre propre valeur.
    Au premier doute, Dieu nous répond : "Je serai avec toi !" (Jg 6:16) ne doute pas de ma présence, je viens à toi, je suis là. Au deuxième doute, Dieu répond : "Va avec la force que tu as !" (v14) Quelles que soient les razzia, les attaques, les malheurs qui te tombent dessus, quels que soient les retours à zéro et les recommencements à faire, le Seigneur est avec nous, il se fait proche, jusqu'au fond du pressoir.
    Ces razzia, ces malheurs prennent de nos forces, bouffent de l'énergie comme on dit, mais ils ne disent rien, au fond, sur la valeur intérieure de chacun, même s'il est difficile de s'empêcher de faire le lien dans nos pensées. Le sentiment d'impuissance n'a rien à voir avec les capacités réelles. Le sentiment d'impuissance a été porté par Jésus sur la croix pour nous en délivrer.
    Comme nous l'avons entendu dans l'Evangile, Jésus n'a pas recruté des surhommes, mais de simples pêcheurs au bord du lac. Il recrute des gens ordinaires, même un Gédéon pétri de peur au fond de son pressoir.
    Dieu est celui qui fait confiance, qui donne confiance. Il accompagne, il coache, il révèle la force qui existe en nous, les capacités et les compétences. Il nous sort de notre isolement, de nos peurs pour que nous puissions à nouveau marcher la tête haute, sans peur, sans avoir le sentiment d'être toujours observé par les Madianites. Dieu est avec nous pour affronter les difficultés et renforcer notre estime, ré-attester de notre valeur. 
    Gédéon va reprendre confiance, il va relever la tête, mais il ne va pas partir seul. Il a besoin de tous les volontaires pour reprendre le dessus. Notre paroisse aussi a besoin de toutes les forces disponibles pour se relever et avancer.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2011