Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

inquiétude

  • Genèse 25. Gérer ses angoisses

    Genèse 25

    26.2.2017

    Gérer ses angoisses

    Genèse 25 : 24-34         Matthieu 6 : 24-34

    Télécharger le texte :P-2017-02-26.pdf

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Le choix des lectures bibliques que vous venez d’entendre est le résultat de la collision dans ma vie pastorale entre le récit de Jacob et Ésaü du programme du culte de l’enfance et de l’Évangile de ce dimanche proposé par le lectionnaire.

    Le point de rencontre qui m’est apparu entre les deux textes, c’est la gestion du temps, du présent et du futur. Jacob se soucie de son futur, il est à la quête d’un droit d’aînesse. Ésaü est indifférent par rapport à l’avenir, il est dans le temps présent, pourvu qu’il puisse manger.

    Cela fait écho à ces paroles du Sermon sur la Montagne de Jésus qui dit : « Ne vous inquiétez pas en disant : Qu’allons-nous manger ? Qu’allons nous boire ? Avec quoi nous habillerons-nous ? Ce sont les païens qui cherchent continuellement cela ! Votre Père qui est au ciel sait ce dont vous avez besoin. » (Mt 6:31-32) Et Jésus demande de regarder les lis des champs et les oiseaux du ciel comme exemples.

    J’aimerais d’abord relever que ce texte me choque, qu’il m’a toujours dérangé. Je le trouve très irrespectueux face à toutes les personnes qui traversent des moments de précarité, qui triment à l’extrême pour joindre les deux bouts. Comme si la nourriture allait tomber toute cuite dans l’assiette ! Comme s’il suffisait de tendre la main pour recevoir à manger, à boire et à se vêtir. Ce côté de « providence facile » me choque. Je ne peux pas lire ces paroles de Jésus du Sermon sur la Montagne au premier degré. Cela va en plus à l’encontre de la responsabilité protestante qui veut que chacun fasse tout ce qui est en son pouvoir pour s’assumer et vivre dignement, y compris prévoir son avenir et s’y préparer. Je ne peux pas accepter ce texte s’il signifie « carpe diem» ou« Hakuna Matata» ou « après moi le déluge».

    Pour retrouver un sens acceptable, un sens constructif à ces paroles, je vais faire de détour par le récit de Jacob et Ésaü.

    Le récit de Genèse 25 nous montre que — même s’ils sont jumeaux — tout différencie Ésaü et Jacob. Ils sont différents dans leur corps. Ils sont différents dans leurs goûts et leurs activités, l’un est chasseur, l’autre agriculteur. Ils sont même différents dans les yeux de leurs parents, l’un est préféré du père, l’autre de la mère. Ce qui est mis en évidence dans l’épisode autour de la soupe de lentilles, c’est que leurs soucis, leurs angoisses aussi sont différentes.

    Ésaü est en souci pour sa survie immédiate. En rentrant de la chasse, il est tellement crevé, qu’il croit qu’il va mourir sur place, qu’il va perdre la vie, donc en même temps son temps présent et son temps futur. C’est pourquoi il peut renoncer à son avenir, à son droit d’aînesse. S’il ne passe pas l’heure présente, à quoi lui servira un héritage dans vingt ans ? Ésaü est donc tout entier dans le temps présent, il est sans inquiétude pour l’avenir. En fait il correspond plutôt bien aux paroles sur les lis des champs et les oiseaux du ciel.

    De son côté, Jacob, est entièrement tourné vers le futur. Comme deuxième jumeau, il ne peut pas digérer l’idée de ne pas avoir la même chose que son frère. Il est tout entier dans la quête d’un avenir meilleur, récupérer le droit d’aînesse, quel que soit le coût dans le temps présent. Et dans les faits, en utilisant ici l’abus de faiblesse de son frère, plus tard la ruse et la tromperie pour recevoir la bénédiction d’Isaac, Jacob pourrit son présent pour gagner un futur. Son présent sera tellement pourri par la haine d’Esaü que Jacob va devoir fuir et s’exiler pendant de nombreuses années.

    En fait, Ésaü et Jacob sont renvoyés dos à dos pour leur gestion du temps et de leurs angoisses. Ni l’un ni l’autre n’est heureux, soit d’hypothéquer son avenir, soit de gâcher son présent.

    Pour revenir aux paroles de Jésus, il est difficile de penser que le discours sur les lis des champs et les oiseaux du ciel soit un plaidoyer pour la position d’Ésaü. L’accent n’est peut-être pas à chercher entre le présent ou l’avenir, mais plutôt sur la gestion de l’angoisse. Le refrain, la ritournelle, de ce passage, n’est-il pas « ne vous inquiétez pas, ne vous angoissez pas » ? (v.25, 28, 31, 34)

    En fait l’angoisse — souvent celle face au futur — nous vole notre temps, notre temps présent. Elle nous vole une énergie que nous pourrions utiliser autrement.

    La question n’est donc pas de savoir s’il faut se préoccuper davantage du présent ou plutôt du futur, s’il faut faire de la prévoyance ou tout dépenser dans le présent. Non la question est : comment ne pas se faire voler le présent et le futur par notre souci, par nos angoisses. Y a-t-il un moyen de tromper l’angoisse, d’être rusé comme Jacob, pour obtenir une garantie de notre avenir sans hypothéquer, gâcher notre présent ?

    Jésus donne une réponse à cela en disant : « Cherchez d’abord le Royaume des cieux et sa justice et tout le reste vous sera donné en plus. » (Mt 6:32)

    Le Royaume des cieux n’est évidemment pas un pays ou un régime terrestre, mais la façon de Dieu de regarder le monde. Le règne de Dieu, c’est l’échelle des valeurs de Dieu. Il y a 15 jours (P-2017-02-12), j’ai décrit comment l’échelle des valeurs de Dieu était à l’inverse des valeurs de notre monde.

    Contre l’angoisse qui nous habite, Jésus nous encourage à nous décentrer pour regarder au Père qui est bon (puisqu’il habille les lis et nourrit les oiseaux). Le propre de l’angoisse, c’est de nous faire tourner autour de nous-mêmes en nous isolant des autres, en nous esseulant jusqu’à ce que nous nous noyions dans le désespoir de notre solitude. Comme antidote, Jésus nous exhorte à nous décentrer, à cesser de nous regarder nous-mêmes pour regarder au Père et pour regarder autour de soi. Tout le discours de Jésus est en « vous » et ce n’est pas un « vous » singulier de politesse, mais un « vous » communautaire et solidaire.

    La première mesure contre l’angoisse, c’est de se tourner vers le Père, au lieu de ruminer sur soi-même. La seconde mesure, exprimée par le Sermon sur la Montagne, c’est d’adopter un ordre de priorités différent. Jésus parle du vêtement et du corps, de la nourriture et de la vie, pour nous rappeler que ce qui a une vraie valeur, c’est le corps et c’est la vie. La vie et le corps nous ont déjà été donnés. La nourriture et le vêtement leurs sont subordonnés. Si Dieu nous a déjà donné l’essentiel, pourquoi voir le verre à moitié vide ?

    Nous pouvons remettre les priorités dans le bon ordre, les valeurs de Dieu avant celle du monde, ce qui est déjà reçu avant ce qui pourrait manquer, la confiance avant la peur du lendemain.

    Regardons autour de nous et voyons combien nous avons déjà reçu, combien nous sommes déjà riches, combien nous sommes déjà comblés. Voyons l’essentiel qui est déjà là et nous n’aurons plus à perdre notre présent comme Ésaü ou gagner notre avenir par la ruse comme Jacob. Ne nous inquiétons pas, faisons le pari de la confiance !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2017

  • Jean 13. Le lavement des pieds prépare les disciples au choc de la croix.

    Jean 13
    6.4.2014
    Le lavement des pieds prépare les disciples au choc de la croix.
    Jean 13 : 1-5       Jean 13 : 12-20
    Téléchargez ici la prédication : P-2014-04-06.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    L’Evangile selon Jean est le seul des quatre évangiles à nous raconter cet épisode du lavement des pieds. Jean nous dit que cela se passe juste avant la Pâque, que Jésus soupe avec ses disciples et que Judas se prépare à trahir Jésus. Trois indices suffisants pour comprendre que cet épisode se passe lors du dernier souper que Jésus passe avec ses disciples, le jeudi soir. Ce souper pendant lequel Jésus partage le pain et le vin et donne un nouveau sens à ces gestes. Gestes que nous commémorons, que nous vivons dans la Sainte-Cène.
     Mais l’évangéliste Jean remplace ici l’institution de la Cène par le lavement des pieds comme récit d’entrée dans le temps de la Passion. Voyons ce que l’évangéliste veut nous dire, nous signifier par là. Qu’est-ce que Jésus fait ici ?
    Laver les pieds était un acte relativement courant à l’époque, mais dans des circonstances précises. Lorsqu’un maître de maison lançait une invitation et que ses invités avaient dû marcher quelques kilomètres pour venir dans sa maison, il était « classe » d’avoir un esclave qui lavait les pieds des invités à leur arrivée. C’est un moment de détente offert pour se sentir bien ensuite. Surtout c’était une tâche considérée comme subalterne, voire dégradante, confiée à l’esclave le plus bas de l’échelle.
    C’est cette place-là que Jésus prend en lavant les pieds de ses disciples. En faisant cela, il fait quelque chose de tout à fait inconvenant, inconcevable, de complétement déplacé. Comment Jésus « le Seigneur et le maître » peut-il s’abaisser à un tel geste ? Il va y perdre toute considération.
    Ainsi, Jean place ici — en ouverture du temps de la Passion de Jésus — un acte incongru, déplacé, incroyable.
    Pourtant, dans tout son Evangile, Jean montre Jésus comme celui qui a autorité, comme celui qui choisit ce qu’il fait et quand il le fait, comme celui qui sait ce qui se passe dans l’esprit des gens, qui connaît leurs projets. Ici même, il sait où il en est, il sait où il va : « Jésus savait que l’heure était venue pour lui de quitter ce monde » (v.1) ainsi commence ce récit. Jésus sait ce qui se passe dans le cœur de Judas.
    Donc Jean nous montre un Jésus qui maîtrise sa vie, qui domine les éléments de son destin et qui a autorité sur ses disciples. Et pourtant, il s’abaisse à leur laver les pieds, à prendre la place de l’esclave le plus bas sur l’échelle sociale. Ce récit nous montre que ce geste incroyable ne remet pas en cause l’autorité de Jésus, mais bien plus, qu’il en est l’accomplissement.
    C’est l’enseignement que Jésus donne après son geste. Ce n’est pas une erreur, ce n’est pas une humiliation. Ce geste est l’accomplissement de sa mission. Ce geste est l’accomplissement de la révélation qu’il est venu faire au monde. Dieu s’abaisse. Dieu s’abaisse sans perdre son autorité. Au contraire, cet abaissement affirme la vraie nature de Dieu et de la relation qu’il veut développer avec tous les humains. 
    Dieu est venu renverser les valeurs humaines qui valorisent la grandeur, la richesse, le pouvoir. Dieu renverse ces valeurs en montrant que l’autorité de l’un ne s’accomplit pas dans la subordination, dans l’asservissement ou l’aliénation de l’autre. Non, c’est le contraire : c’est dans le service des uns envers les autres que se réalise le vrai bonheur. C’est dans le service envers l’autre que se réalise le plus grand amour.  
    Ce geste incongru, cet acte incroyable, contraire à toute pensée humaine, ne remet pas en cause l’autorité, la valeur, la pertinence du message de Jésus. Et en cela, le lavement des pieds est — ici en ouverture de la Passion — comme une métaphore, une image de la croix, de la mort de Jésus qui va survenir.
    De même que le lavement des pieds ne détruit pas la vérité du message de Jésus, de même la croix, la mort de Jésus ne détruit pas la vérité du message de Jésus. De même que le lavement des pieds est l’accomplissement de l’amour de Jésus pour ses disciples, de même la croix sera l’accomplissement de l’amour de Jésus pour ses disciples.
    C’est un avertissement de Jésus. C’est un enseignement de Jésus pour que les disciples comprennent le sens de sa mort. Il doit passer par un abaissement total, par un sort qui va ressembler à un échec total pour accomplir, pour achever sa mission sur la terre. Ne soyez pas troublés, semble dire Jésus, cela doit arriver, vous comprendrez après coup.
    C’est pourquoi Jésus explique le sens de son geste à ses disciples. C’est pourquoi il leur dit, il nous dit, de l’imiter, d’imiter ce nouveau type de relation aux autres. C’est en imitant ce type de relation, de service, de respect, que nous serons heureux c’est dans ces attitudes que se trouve le bonheur, pas dans la domination et l’aliénation des autres. 
    Et Jésus va plus loin encore lorsqu’il dit : « Recevoir celui que j’enverrai, c’est me recevoir moi-même, et me recevoir, c’est aussi recevoir celui qui m’a envoyé. » (v.20) Ceux que Jésus envoie, ce sont ses disciples. Il les envoie dans le monde et il les envoie comme il a été envoyé par le Père. Souvenez-vous ce que je vous ai dit dimanche dernier sur le rôle d’envoyé, d’ambassadeur. L’ambassadeur est celui qui représente le chef d’Etat, il peut négocier et signer pour celui qui l’envoie, il a tout pouvoir. Et nous avons vu que Jésus a reçu ce pouvoir de son Père.
    Ici, Jésus est juste en train de dire que « comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20:21). Ce qui signifie que Jésus nous transfert son pouvoir, son autorité, pour nous faire ses représentants, ses envoyés, ses ambassadeurs dans le monde.
    A nous d’être les dignes ambassadeurs de Jésus pour qui l’accomplissement d’une vie est dans le service. A nous — en tant que personne et en tant qu’Eglise — de montrer ce nouvel ordre de relation qui se vit dans le service, l’amour et le don de soi.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014