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jugement

  • Tous coupables, tous acquittés

    pour Vendredi-Saint

    10.4.2020

    Tous coupables, tous acquittés

    Esaïe 53:1-12.       Jean 18:33-40.      Jean 19:1-16

    télécharger le texte : P-2020-04-10.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Pilate demande à la foule : "Voulez-vous que je vous libère le Roi des Juifs ?

    La foule lui répond : "Non pas lui ! C'est Barabbas que nous voulons !" Or. Barabbas était un malfaiteur, un criminel. (Jn 18:39-40)

    Ce vendredi Jésus passe en procès, Jésus est jugé par les autorités religieuses, par les autorités politiques, par la foule. Tout le monde s'y met, et si nous nous étions trouvé à Jérusalem ce jour-là, nous aurions été mêlé au procès; d'un côté ou d'un autre. Même les disciples ont abandonné Jésus. Pierre a déjà renié son maître dans la nuit de jeudi à vendredi.

    Le procès de Jésus, c'est aussi le procès de l'humanité. Personne n'a reconnu qui était Jésus. Tous, nous avons participé à sa mise en croix. Terrible bilan : tous coupables.

    Vendredi-Saint est donc un vendredi noir, un jour où notre culpabilité est mise au jour dans la condamnation du Juste.

    Il n'est pas question de gommer, d'atténuer notre culpabilité, notre faute, en ce jour. Pourtant ce n'est pas le mot de la fin, le verdict définitif de Dieu.

    * * *

    L'évangéliste Jean est un fin écrivain et il manie l'ironie d'une plume vive et acérée. Presque toutes ses phrases ont un double sens ! Tous les personnages de ce drame disent leur rôle parfaitement, et en même temps, jouent un anti-rôle, un contre-jeu.

    Ecoutez :

    • Pilate livre Jésus à la mort de la croix, mais il ne cesse de clamer l'innocence de Jésus (Jn 18:38). Pilate est donc en même temps le premier "chrétien" qui confesse l'erreur judiciaire en cours.

    • La foule demande la libération de Barabbas, un bandit et la condamnation du Roi des Juifs. Mais par un jeu de mot hébreu, la foule condamne le Messie politique et demande la libération de "Bar-abbas", littéralement le fils du père, de Abba, Père, comme Jésus aimait à appeler Dieu son père.

    • Les soldats habillent Jésus en roi, et ainsi deviennent les premiers "adorateurs" du Christ.

    • Les prêtres accusent Pilate d'être un ennemi de César et ensuite confessent "Nous n'avons pas d'autre roi que César" (Jn 19:15). Triste affirmation, au second degré, de ce qui est véritablement en train de sa passer : les juifs abandonnent Dieu pour les idoles!

    Tout le texte de Jean est ainsi à lire au second degré. Tout est fausseté et vérité suprême. Toutes les moqueries deviennent des confessions de foi ! Même l'écriteau placé sur la croix de Jésus !

    Ces jeux de bascule du sens appuient le renversement fondamental, significatif de la Passion de Jésus : innocence et culpabilité sont irrémédiablement brouillés, entremêlés, indiscernables. Qui est innocent ? Qui est coupable ? Qu'est-ce que la vérité ? comme le demande Pilate (Jn 18:38).

    * * *

    Tous nos jugements sont anéantis ("Pardonne-leur, ils ne savent ce qu'ils font" Luc 23:34). Devant la croix, tout jugement humain s'effondre. Nous pouvons nous juger coupables, impliqués dans la mort de Jésus, mais cette mort même est celle qui nous acquitte.

    "Il a subi notre punition

    et nous sommes acquittés.

    Il a reçu des coups

    et nous sommes épargnés." Esaïe 53:5 b.

    La mort de Jésus nous libère d'un enfermement constant dans la culpabilité, que ce soit la nôtre ou celle des autres. Là où nous voyons des fautes et jugeons, Dieu voit le malheur, la souffrance et il compatit. Là où nous jugeons, Dieu pardonne.

    Lorsqu'on parle de la toute-puissance de Dieu, et ces termes reviennent souvent dans la liturgie pascale, il ne faut pas y voir de la force musculaire ou de la puissance mécanique. C'est le pouvoir d'inclure tout le monde dans son pardon, dans son amour. C'est cette puissance de pardon qui est révélée sur la croix.

    La puissance de la croix est même anticipée. Jésus donne sa vie pour le salut, la libération de tout homme, mais c'est Barabbas, le premier, qui en profite. Le criminel, le coupable est acquitté, libéré grâce à Jésus ! Paradoxalement, en condamnant Jésus, la foule accomplit le plan de Dieu : libérer tout être humain.

    Nous sommes tous des Barabbas, des personnes qui transportons des sacs de culpabilité — réels ou imaginaires peu importe.

    Jésus ne juge pas, ne nous impute pas de fautes. Il laisse la foule crier en faveur de la libération de tout coupable (encore une confession de la vérité). Non-jugement, pardon, acquittement, libération, voici les termes de l'action de Dieu envers nous, aujourd'hui.

    Tous coupables ? Oui, mais tous acquittés !

    Amen.

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • Ezéchiel 34. Dieu juge !

    23.11.2014
    Ezéchiel 34
    Dieu juge !

    Ezéchiel 34 : 15-24      Matthieu 25 : 31-46

    Télécharger la prédication : P-2014-11-23.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    C’est aujourd’hui le dernier dimanche de l’année ecclésiastique. Dimanche prochain, nous commençons le temps de l’Avent, la montée vers Noël. Pour ce dernier dimanche de l’année, les lectures bibliques proposées portent sur le jugement dernier, sur la fonction de Dieu juge. Dieu comme juge, cela ramène peut-être certains des années en arrière, lorsque parents ou pasteurs nous faisaient peur avec un Dieu juge, un Dieu qui punit, un Dieu qui gronde.
    On pourrait bien sûr laisser cette image aux oubliettes de l’Histoire… et se dire qu’il faut tourner la page. Alors oui, il y a une page à tourner, mais faisons-le consciemment, sans jeter le bébé avec l’eau du bain.
    La Bible nous présente, de temps en temps, un Dieu qui juge. Et on le verra dans le programme d’Exploration biblique de l’hiver, dès janvier prochain, autour des Psaumes, parce que la figure du Dieu juge est très présente dans les Psaumes.
    Alors, comment comprendre que la Bible nous présente en même temps un Dieu juge et un Dieu d’amour ? Est-ce compatible, et comment ? Je vais montrer que c’est compatible à une condition : il ne faut pas confondre le droit biblique et le droit romain.
     Notre culture occidentale est bâtie sur le droit romain. Encore aujourd’hui, les étudiants qui font le droit à l’université ne coupent pas au cours de droit romain et à un peu de latin. Le droit romain, figuré par une statue aux yeux bandés (pour ne pas faire de différences entre les personnes) avec une balance dans une main (pour l’équité) et une épée dans l’autre (pour la punition), est un droit qui tranche, qui recherche le coupable et qui le punit.
    Le but du juge est d’envoyer le méchant en prison quand la loi le lui permet. Le tribunal ne s’occupe que du coupable. La victime doit faire un second procès, au civil, si elle veut obtenir une réparation.
    Le droit biblique est tout différent. Le droit biblique est un droit fondé sur la réparation, sur la réhabilitation de la victime. Regardez ce qui se passe avec Zachée, lorsqu’il est confronté à Jésus. Zachée était un homme malhonnête et il veut changer du tout au tout. Et bien, il indemnise ses victimes. Aucune punition n’est proposée par Jésus. Zachée a fait ce qu’il fallait, il est juste aux yeux de Jésus en s’occupant des victimes.
    Prenons un autre jugement, celui de Salomon. Pas de recherche de cause, de coupable, de faute. Ce qui est recherché, c’est « à qui rendre l’enfant vivant » ! Il s’agit d’éviter de rajouter une injustice à un malheur. Ce qui est recherché, c’est comment rendre justice à la mère de l’enfant vivant.
    C’est ce que nous est décrit aussi Ezéchiel lorsqu’il dépeint Dieu comme le berger, juge de son troupeau. Celui qui juge est le berger, celui qui prend soin du troupeau, celui qui est le propriétaire et qui veut que son troupeau soit florissant, en bonne santé et en bonne entente.
    Ici il est bien dit que juger, c’est veiller sur les plus faibles. On a déjà là l’esquisse de la parabole de la brebis perdue. Il y a un parti pris pour le faible, pour la victime potentielle, pour le vulnérable et le fragile. Le juge est là pour les protéger contre les menées des forts, des puissants, des sans-gêne, des violents. On a même une touche contre les pollueurs qui gâchent l’herbe et l’eau de leurs voisins.
    Le juge contrôle, limite, met des barrières aux comportements de ceux qui pensent pouvoir empiéter sur les droits de tous. Ce sont des mesures de protection, et c’est bien le rôle de la justice, du droit, des lois, de limiter le pouvoir des forts pour que les moins bien lotis, les minorités puissent vivre sans être opprimés ou lésés.
    Le jugement, dans le droit biblique, est vraiment de porter secours, de sauver le faible des griffes du pouvoir des puissants. Et c’est bien ce qu’on lit dans les Psaumes lorsqu’il est question d’un Dieu juge. Il juge ceux qui empiètent sur les droits des plus faibles. C’est pourquoi la Bible peut associer la fonction de juge et de berger, parce que « juge » pourrait être remplacé par le mot « protecteur ». C’est tout le contraire du juge inique de la parabole, du juge qui méprise ou qui écrase.
    Comme il n’y a pas beaucoup de bergers dans notre cadre de vie, on pourrait prendre l’image de l’enseignant qui doit veiller à ce que les élèves qui ont le plus de peine aient toute leur place dans la classe, en faisant taire les élèves qui ont toujours la bonne réponse et en accordant plus d’attention à ceux qui ont plus de peine.
    Le jugement présenté dans l’Evangile selon Matthieu (Mt 25:31-46) s’inspire largement des images d’Ezéchiel et du droit biblique. Mais ce jugement opère un glissement intéressant de la fonction de juge dans le sens de protecteur.
    On a vu que dans le droit romain, il faut trouver un coupable. Avec un tel système, si on ne veut pas tomber dans la chasse aux sorcières, il faut des juges professionnels. La justice, la recherche et la punition des coupables, ne peut pas être l’affaire de tous, sinon il serait question de vengeance ou de vendetta. La justice romaine doit être étatisée pour être juste.
    Il en va autrement de la justice biblique et c’est ce que met en avant cette parabole du jugement. La réhabilitation de la victime, l’attention au plus faible, le soutien du plus pauvre, sont les critères pour départager les moutons des chèvres. C’est pourquoi — autant d’un côté que de l’autre — la réaction est l’étonnement : Quand avons-nous… ? Cette justice n’est plus l’apanage seulement du juge, du berger, du Messie, du protecteur.
    Cette justice est l’affaire de tous ! Tout le monde, à son niveau de vie et de compétence peut intervenir autour de lui pour faire appliquer la justice biblique.
    La justice biblique est l’affaire de tous ! Elle devient notre affaire dès que nous sommes en contact avec le Christ qui nous la transmet. Mais par un retournement incroyable, cette justice dans les plus petits gestes devient le moyen par lequel nous entrons au contact du Christ. « Chaque fois que vous l’avez fait, c’est à moi que vous l’avez fait » dit Jésus.
    La justice biblique est l’affaire de tous ! C’est la mise en pratique de l’amour reçu de Dieu, la charité (caritas en latin, agapè en grec), mais c’est aussi le canal par lequel nous nous approchons directement du Christ. Comme chaque humain est une figure du Christ, chaque humain est une occasion de rencontrer le Christ.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Matthieu 26. Le reniement de Pierre

    Matthieu 26
    14.3.1999
    Le reniement de Pierre
    Matthieu 26 : 31-35    Matthieu 26 : 69-75


    Téléchargez la prédication ici : P-1999-03-14.pdf

    Ce matin, j'étais juste réveillé de ce week end de cauchemar, quand deux des femmes de notre groupe, Marie de Magdala et l'autre Marie, ont brusquement fait irruption chez moi. Elles étaient dans un de ces états d'excitation, vous ne pouvez pas savoir. Elle ne cessaient de répéter :
    "Pierre, Pierre, Le tombeau est vide... le tombeau est vide..."
    Mais peut-on croire ces femmes. Elles étaient visiblement en état de choc. Elles sont noyées de chagrin. Ne se sont-elles pas trompées de tombe ? Il y a sûrement une explication logique à cela. Elles doivent être victimes d'une illusion due à leur peine. Nous sommes tous sous le coup de ce qui est arrivé il y a trois jours.

    Mais tout cela a commencé bien plus tôt.

    Vous vous souvenez, la dernière fois que je vous ai parlé, je me demandais si j'allais continuer à suivre Jésus ou retourner à mon bateau de pêche. Eh bien, il s'en est passé des choses depuis ce temps-là. Oui, j'ai continué à suivre Jésus...

    Encore deux fois, dans les mois qui ont suivi, il nous a dit que le Fils de l'homme devait souffrir, être rejeté et mourir. Je me demande comment Jésus pouvait vivre avec cette idée. Moi je n'arrivais pas à m'y faire. J'étais prêt à tout pour le protéger, pour le sauver.

    Enfin, ce qui est sûr, c'est que Jésus avait son plan. C'est ainsi qu'il y a quelques jours, il s'est dirigé vers Jérusalem. Il voulait être à Jérusalem pour le repas de la Pâque.

    Une fois arrivé à Jérusalem, je ne sais pas ce qui l'a pris. Je ne l'avais jamais vu comme cela. Vous savez, en Galilée, il accueillait tout le monde, on le voyait écouter tous ceux qui venaient vers lui, compatir aux misères de chacun, en guérir plusieurs. Là, à Jérusalem, il semblait avoir complétement changé. La dernière guérison qu'il ait faite, c'était un aveugle à la sortie de Jéricho. Dès qu'il est entré à Jérusalem, il est devenu agressif, violent même.

    Lorsque nous sommes monté au Temple pour la première fois de notre séjour, eh bien il s'est emparé de quelques cordages qui trainaient vers les marchands de bétail, il en a fait un fouet et il s'est mis à le faire tournoyer autour de lui. Quelle pagaie cela a mis ! Les agneaux et les chèvres couraient appeurés dans tous les sens. Le fouet brisait les cages des pigeons et des tourterelles, renversait les barrières des enclos. Vous auriez dû voir ça. Ensuite, il est allé vers les tables où des banquiers faisaient du change, il a renversé leurs tables avec toute la monnaie. La foule s'est précipitée pour ramasser ce qu'elle pouvait. Je n'ai jamais vu Jésus aussi en colère, c'était terrible. Il traitait tout le monde de voleurs et de profiteur. Si j'ai bien compris, il trouvait que les autorités avaient laissé ce Temple devenir une caverne de voleurs, alors que Dieu voulait que ce soit une maison de prière.

    Mais les jours suivants Jésus est quand même retourné au Temple. Chaque fois, devant la foule, il condamnait l'hypocrisie des chefs et des maîtres de la loi qui exigent des choses inaccessibles des gens. Il a été jusqu'à annoncer que ce Temple bâtit de main d'homme serait détruit ! Vous ne pouvez pas imaginer la fureur des gardiens du Temple.

    Ce tombeau vide, il doit bien y avoir une explication logique. Peut-être les gardiens du Temple sont-ils venu reprendre le cadavre pour le montrer à la populace. Pour bien montrer au peuple ce qui arrive à ceux qui menacent l'ordre établi.

    Ce tombeau vide, on dirait l'image de ce que nous sommes tous, aujourd'hui. Vidés, lessivés, fatigués par ce qui s'est passé ces trois derniers jours.

    Imaginez. Jeudi soir, nous avons tous soupé avec Jésus. Bon l'atmosphère était tendue. Nous étions de nouveau à Jérusalem et nous savions que toutes les autorités voulaient s'emparer de Jésus. Ils avaient peur d'une rébellion.
    Après avoir soupé, Jésus a pris du pain, il a remercié Dieu, il l'a rompu et nous l'a distribué en disant "prenez en tous, ceci est mon corps, donné pour vous". Après cela il a pris un coupe de vin, et après avoir remercié Dieu il nous l'a passée en disant : " Ceci est ma vie, donnée pour vous, buvez-en tous. Je ne boirai plus de vin, jusqu'à ce que je le boive nouveau avec vous dans le Royaume de Dieu". Nous avons mangé de ce pain, bu de cette coupe et nous nous sommes sentis tellement unis à lui. Nous faisions corps. Nous pensions que nous ne serions plus jamais séparés les uns des autres et surtout de Lui.

    Pourtant, c'est cette nuit-là, que Judas a trahit. Jésus l'avait d'ailleurs prévu. A la fin de ce repas il a dit : "L'un de vous me trahira !"  C'est à ce moment que Judas est parti brusquement. Alors moi je me suis levé et je me suis mis critiquer le comportement de Judas, et j'ai déclaré à Jésus que je ne l'abandonnerai jamais. Mais Jésus m'a alors dit : "Avant que le coq ne chante, tu me renieras trois fois.

    Juste après ce repas, Jésus nous a emmené pour prier avec lui au jardin de Gethsémané. Eh bien, je me suis endormi, une première fois. Jésus m'a réveillé et m'a dit : Pierre, tu ne peux pas prier une heure avec moi ? J'ai essayé, mais je me suis rendormi. Ce que je m'en veux. Mes prières n'auraient-elles pas pu modifier le cours des choses ?

    Ensuite, toute une troupe de soldat, avec Judas en tête, est venue arrêter Jésus. J'ai sorti mon épée, je voulais me rattraper, me racheter. J'étais prêt à mourir au combat pour Jésus. Mais Jésus m'a regardé, de son regard si chaleureux. Il m'a regardé comme s'il était touché de mes efforts pour le défendre, mais il m'a dit : "Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent les armes mourront par les armes". J'ai obéis, mais bien à contre coeur. Quand est-ce que je pourrai enfin montrer que je suis au côté de Jésus, que je ne l'abandonnerai jamais ?

    J'ai suivi — de loin — la troupe qui emmenait Jésus. Ils ont emmené Jésus à la maison de Caïphe, le grand-prêtre. Je suis entré dans la cour pour voir ce qu'il se passerait. Là, il y avait des gardes et des serviteurs qui se tenaient prêt d'un feu. Je me suis mêlé à eux. Je les entendaient parler entre eux. Ils calomniaient Jésus, ils disaient que ces révolutionnaires il fallait les éliminer du pays et toute leur bande avec. Tout à coup, l'un de ces soldats m'a demandé si je n'avais pas des sympathies pour ce Jésus puisque j'étais Galiléen. Alors j'ai eu peur et j'ai dit que je ne le connaissait pas. Je me suis éloigné d'eux. Mais une servante qui était-là m'a encore demandé, par deux fois, si je ne faisait pas partie de la bande de Jésus. J'ai encore dit non. J'ai même juré que je ne le connaissais pas. Moi, Pierre, moi qui me croyait le meilleur des disciples, j'ai fait comme si je ne le connaissais pas. A ce moment-là un coq a chanté et je me suis souvenu que Jésus m'avait dit : "Avant que le coq ne chante tu m'aura renié trois fois". Là, je me suis écroulé, abattu par ma lâcheté, ma trahison. J'ai pleuré.

    Lorsqu'ils ont emmené Jésus sur le lieu de son exécution, j'ai suivi de loin, en me cachant. Ils l'ont cloué sur une croix — c'est la façon ordinaire d'appliquer la peine de mort pour les Romains. Je suis resté-là, à voir mes espoirs de vie meilleure mourir. Il y avait là quelques personnes et des soldats romains qui gardaient le lieu. Tout était fini.

    Pourtant, avant de mourir Jésus a prononcé une parole qui me revient. Il a dit :
    "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font".
    Ce pardon, n'est-il pas aussi pour moi ? Mon abandon n'est-il pas moins grave que le geste de ses bourreaux ? Oui, Jésus est capable de me pardonner à moi aussi.

    Un homme qui est capable de pardonner à ses bourreaux peut-il être abandonné de Dieu ?
    Comment Dieu peut-il rester indifférent à cette injustice ? Dieu ne pourrait-il pas décider de l'arracher à son tombeau ? Le tombeau vide ! Les femmes n'ont rien inventé ! Comment n'ai-je pas compris plus tôt. Excusez ! Je vous laisse ! Je veux aller voir de mes propres yeux ce qu'il en est de ce tombeau!

    (sortir en courant) - Jeu d'orgue.
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Marc 15. La neutralité vis-à-vis de Jésus conduit à l'opposition à Jésus.

    Marc 15

    14.3.2010

    La neutralité vis-à-vis de Jésus conduit à l'opposition à Jésus.

    Télécharger en pdf : P-2010-3-14.pdf

    1 Co 1 : 21-25    Mc 15 : 1-15

    Chers catéchumènes, chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Le procès de Jésus, sa mise en accusation, son jugement, sa condamnation et son exécution, sont au cœur du christianisme. Si nous sommes chrétiens, c'est que nous croyons que cet homme, Jésus, condamné par tous et exécuté est bien le Christ, l'envoyé de Dieu, le révélateur de Dieu.

    Alors qu'est-ce qui se passe dans ce jugement, de procès qui est si important pour les chrétiens ? Si important, que la croix — un instrument de supplice — est devenu le signe du christianisme ?

    Nous allons accompagner Pilate dans son jugement, suivre son parcours pour comprendre ce qui arrive à Jésus et voir où nous nous situons dans ce parcours. Nous allons voir ce qui nous rapproche ou nous éloigne de Pilate.

    Pilate est appelé à juger une cause, un homme. Il n'a rien cherché, il est l'autorité suprême en tant que chef des romains à Jérusalem. Comme procurateur romain, il a seul le pouvoir de décider de la peine de mort C'est son boulot et il veut l'exercer au mieux.

    Ainsi donc, il entend ceux qui accusent et ensuite il interroge le prisonnier sur l'accusation qui est portée : "Es-tu le roi des juifs ?" (Mc 15:2). Je crois que c'est une question honnête de Pilate, une question factuelle. La réponse de Jésus n'est pas claire : "Tu le dis." Est-ce que c'est "Tu le dis, c'est juste" ou "Tu le dis, mais c'est faux" ? Ou encore : "Est-ce que c'est toi qui le dis ?"

    Alors Pilate se fâche devant ce silence de Jésus. Pilate se fâche parce qu'il a l'impression que Jésus ne voit pas tout le pouvoir que Pilate possède, un pouvoir de vie et de mort sur Jésus. Ce silence est une contestation du pouvoir de Pilate : une façon pour Jésus de dire : "Tu n'as aucun pouvoir, tu ne peux rien contre moi parce que j'ai déjà accepté de mourir, c'est moi qui ai déjà choisi et tu ne peux rien faire, ni me perdre, ni me sauver." Rien n'est plus vexant pour Pilate, lui le chef d'une province romaine !

    Mais Jésus reste toujours silencieux. Alors là, Pilate est vraiment ébranlé. Les traductions disent "étonné", mais c'est la même attitude décrite pour les gens qui sont étonnés, déconcertés, devant un miracle, devant quelque chose qui ébranle toutes nos certitudes, qui remet en cause tout ce qu'on a cru depuis toujours.

    Oui, Pilate est désarçonné devant cet accusé qui ne se défend pas, qui ne supplie pas, qui n'implore pas. C'est le monde à l'envers, Jésus est plein d'assurance et Pilate perd la sienne. Pilate perd pied et se demande comment sortir de cette situation. Une porte de sortie s'offre à lui avec la coutume de relâcher un prisonnier à Pâque.

    Pilate va proposer de relâcher Jésus plutôt que Barrabas, un meurtrier. Pilate entre dans un marchandage avec la foule : "Qui voulez-vous que je relâche ?" (Mc 15:9). Pilate croit garder le contrôle du pouvoir en proposant cet échange, mais en fait il est en train de donner son pouvoir à la foule. Pilate veut gouverner selon les sondages.

    Combien de fois agissons-nous aussi comme cela ? Que vont penser les autres si je dis cela ? Que vont penser les autres si je fais cela ? Mes amis, mes copains pensent cela, je ne vais pas dire le contraire, Suivons la mode, soyons tendances… suivons la foule.

    Alors Pilate fait son sondage pour se décider : "Que voulez-vous que je fasse de celui que vous appelez le roi des juifs ?" (Mc 15:12). Pilate a vraiment abdiqué. Il va se faire dicter sa conduite par la foule.

    De quoi dépend notre attitude face à Jésus ? Est-ce un choix personnel ou bien sommes-nous comme Pilate, dépendant de l'avis de la foule ?

    Jésus n'est pas à la mode. L'Eglise n'est pas tendance. Qu'est qui est tendance aujourd'hui ? Gagner des millions en écrasant les autres. Placer sa liberté avant celle des autres. Jouer à des jeux violents parce que c'est cool. S'éclater sans penser à l'avenir, sans penser à la planète. Alors : tous avec la foule, laissons tomber les responsabilités, replions-nous dans notre maison et que chacun se débrouille de son côté ? Et crions tous ensemble à Pilate ce qu'il doit faire : débarrasse-nous de ce Jésus, cloue-le sur une croix !

    Vous n'êtes pas tout à fait d'accord ? Ça vous gène un peu ? Je vous comprends, ça gène même un peu Pilate ! Oui, même Pilate trouve cela excessif. Il ne comprend pas les raisons de la foule, alors il leur demande quand même : "Qu'a-t-il fait de mal ?" (Mc 15:14). Pilate a un doute, plus qu'un doute. Pilate pense que Jésus est innocent de ce qu'on lui reproche. Pilate essaie de sauver Jésus. Pilate se rend compte de l'injustice qui se profile.

    Pilate essaie d'être neutre dans cette affaire. Il essaie de sauver Jésus, mais il ne peut pas prendre parti. Il ne veut pas risquer de contrarier la foule. Il ne peut pas risquer de se mettre le peuple à dos. Non, Pilate ne veut pas prendre de risque pour lui-même. Alors Pilate se soumet à la foule, il ne veut pas prendre le risque de s'engager pour Jésus. Il n'est pas contre Jésus, mais il ne veut pas s'engager pour lui, alors il l'abandonne à la mort.

    La neutralité vis-à-vis de Jésus conduit à l'opposition à Jésus. Ne rien faire, c'est faire quelque chose, laisser couler. Ne rien faire, c'est abandonner son pouvoir et sa liberté à la foule qui veut la mort de Jésus.

    Comme Pilate, plus que Pilate même, nous avons toutes les pièces en main pour juger Jésus et prendre parti. Sommes-nous avec lui ou contre lui ? Sommes-nous à ses côtés — avec les risques que cela comporte ? Sommes-nous à ses côtés pour lutter contre la violence aveugle, contre les violations des droits humains, contre l'exploitation, contre les injustices, contre la torture, contre la loi du plus fort.

    La croix au centre du christianisme, c'est ces luttes-là au sein de notre monde. Le procès de Jésus, c'est le rappel qu'on ne peut pas rester neutre — en dehors. On doit prendre parti, pour ou contre l'humanité qui souffre, pour ou contre l'individu condamné.

    Amen