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salut

  • Jonas 1. Un Dieu de vie !

    Jonas 1

    19.5.2019

    Un Dieu de vie !

    Jonas 1 : 1-16 et 2 : 1 et 11          Matthieu 12 : 38-41

    télécharger le texte : P-2019-05-19.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Tout à l’heure — avant de venir ici — j’ai fait un culte avec des baptêmes au Port d’Ouchy, sur le bateau historique “La Vaudoise”. On a parfois des demandes étranges, mais comment toucher les gens si on ne fait pas un pas dans la direction ?

    C’est une famille qui est engagée dans la Société de Sauvetage d’Ouchy. Le père intervient en bateau, avec un équipage, pour sauver les gens les embarcations en détresse sur le lac. Pour l’occasion, j’ai choisi un récit biblique qui pouvait les rejoindre dans cette préoccupation de sauvetage, d’où le texte de Jonas.

    Il y a dans la Bible des récits historiques, mais il y a aussi des histoires romanesques, des fictions, des histoires inventées pour nous faire découvrir d’autres facettes de Dieu, ou de nous.

    C’est le privilège de l’écrivain de pouvoir introduire des éléments bizarres ou impossibles dans un récit pour porter un message, une symbolique. Si on rate le côté romanesque, on risque de rester bloqué par le bizarre, l’invraisemblable et rater le message.

    Le livre de Jonas et donc une fiction, mais pour nous dire quelque chose d’important et de vrai ! Que nous dit ce récit ?

    Il commence avec un homme qui reçoit une mission et cette mission lui apparaît comme impossible, irréalisable.

    Cela peut nous arriver aussi :

    - L’écolier qui sent la forte attente de ses parents qu’il fasse des études qu’eux-mêmes n’ont pas pu faire.

    - L’employé qui se voit confier un projet trop ambitieux pour lui, à ses yeux.

    - Le conjoint qui ne sait plus comment faire pour répondre aux attentes de l’autre, etc…

    Face à ses missions oppressantes, l’envie de fuite est grand. C’est ce que choisit Jonas : partir le plus loin possible. Il part de Jaffa sur la côte palestinienne et cherche à atteindre Tarsis — qui est l’Espagne — le point le plus lointain sur la mer Méditerranée.

    Il a l’air d’ignorer que lorsqu’on part, on emmène ses soucis avec soi. Sur le bateau, ses soucis, sa culpabilité se manifestent sous la forme d’une tempête qui menace également ou son entourage.

    Jonas essaye bien d’ignorer la tempête en dormant, mais le capitaine le réveille. Il faut affronter la réalité, mettre au jour le problème.

    Jonas est bien conscient que les problèmes viennent de son propre comportement. Aussi propose-t-il qu’on se débarrasse de lui en le jetant à la mer. Vous aurez remarqué que la proposition vient de lui — il est d’accord de sacrifier sa vie pour sauver l’équipage—cette solution n’est pas une proposition de l’équipage.

    Effectivement Jonas est jeté à l’eau. Une issue mortelle pour sauver le bateau et les gens, mais à quel prix ?!

    C’est là qu’intervient l’incroyable, l’impossible, le surnaturel : le sauvetage.

    Nous sommes au cœur du message de ce petit roman :

    - Le sauveteur ne doit pas mourir, et- On ne peut pas gérer la faute par l’expulsion et la mort du fautif !Il y a deux aspects :

    - “Dieu ne veut pas la mort du fautif” et - “celui qui donne sa vie, la retrouvera. ”

    Dieu ne veut pas laisser la mort triompher, quelle que soit la faute, la désobéissance. Dieu est pour la vie. Et vu ce que nous sommes, il se rend bien compte que si tout fautif devait mourir, personne ne pourrait s’en sortir.

    La punition ou la mise à l’écart est une logique humaine, celle de l’équipage, ce n’est pas la logique de Dieu.

    Ce petit roman nous le dit une fois dans ce sauvetage par le grand poisson et une fois dans la suite du texte, quand Jonas ira finalement accomplir sa mission et que la ville ne sera pas détruite — grâce à son message.

    Dieu ne veut pas la destruction, le jugement, il veut la vie, le sauvetage de tous, quelles que soient nos fuites, nos dérobades ou nos manquements.

    Dieu propose toujours le sauvetage de nos vies, quand elles traversent la tempête. Ce message de Jonas, Jésus l’offre aux pharisiens quand ceux-ci lui demandent un signe, un miracle. Que veut-il leur dire ?

    Jésus veux leur dire— et à nous alors suite— que le récit de Jonas va nous aider à lire la trajectoire de vie de Jésus lui-même. Il s’agit de faire le lien entre Jonas et Jésus pour comprendre Jésus.

    Et on voit bien les parallèles :

    - Jésus est accusé de ne pas respecter la loi de Moïse, donc d’être dans la désobéissance.

    - Il passe en procès.

    - Il donne sa vie, il accepte la mort.

    - Il passe du temps au tombeau, comme Jonas dans le ventre du grand poisson.

    - Il revient la vie, comme Jonas retrouve le rivage.

    En cela Jonas est une figure annonciatrice du Christ, de la volonté constante de Dieu de rectifier son image. Il n’est pas une Dieu de punition et de mort, mais un Dieu de salut et de vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Matthieu 27. A Vendredi-saint, une condamnation qui devient salut.

    Matthieu 27

    18.3.2018

    A Vendredi-saint, une condamnation qui devient salut.

    Exode 12 : 5-7 + 12-13      Matthieu 27 : 11.27

    télécharger le texte : P-2018-03-18.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous avançons dans le temps de la Passion, nous approchons de Pâques, dimanche prochain, ce sera déjà les Rameaux.

    La lecture choisie se trouve dans le récit de la Passion dans l'évangile de Matthieu. Depuis leur arrivée à Jérusalem, les disciples ont déjà vécu l'épisode de l'onction à Béthanie, le dernier repas avec Jésus où il a mystérieusement transformé le sens du repas de la Pâque. Puis il y a eu la soirée à Gethsémané, l’arrestation et le reniement de Pierre. Maintenant, nous en sommes au procès de Jésus intenté par les autorités religieuses de Jérusalem. Ces autorités en appellent maintenant à Pilate, le procurateur romain, l'autorité politique et religieuse la plus haute de la région.

    Jésus comparaît donc devant Pilate, qui représente toute la puissance de l'empire romain. Jésus ne paraît pas impressionné, plutôt indifférent. Jésus ne répond même pas aux accusations, il ne trouve même pas nécessaire de se défendre, de se justifier. Jésus est là, tranquille, il a l'air sûr de son destin, de son innocence, comme de sa condamnation. Il ne cherche ni à y échapper, ni à confondre ses accusateurs. Il semble savoir que malgré leurs accusations, leurs cris, les manipulations de la foule — en fait — ni Pilate, ni les grands-prêtres ne peuvent modifier son destin.

    Les évangélistes —Matthieu ici — ne font pas des rapports journalistiques des événements, ils ont écrit ces textes pour que nous comprenions la signification des événements.

    Ici, la première chose à comprendre, c'est que tout est entre les mains de Dieu, plutôt qu'en celles des hommes, qu'ils soient bons ou méchants. Tout est entre les mains de Dieu et le résultat sera différent de ce que les humains ont en vue ! Il y a à la fin de ce récit du procès, une phrase terrible : pour décider Pilate à condamner Jésus, le peuple déclare : "Que les conséquences de sa mort retombent sur nous et nos enfants." (Mt 27:25) Le peuple est prêt — dit-il — à assumer les conséquences de sa volonté, que le sang de Jésus retombe sur lui !

    Le sang dans la pensée juive est le siège de la vie. Très pratiquement, lorsque quelqu'un saigne beaucoup, il meurt. Au tout début de la Bible, le sang d'Abel réclame vengeance contre Caïn. Lorsque le sang coule, il doit y avoir vengeance, réparation, quelqu'un doit payer. Le peuple dit être prêt à en payer le prix. Voilà le sens premier de cette phrase, lue du point de vue de la culpabilité.

    Mais Matthieu nous fait également un clin d'œil ironique et paradoxal ! Pour le croyant ou le lecteur averti, le sang de Jésus a coulé pour le salut de tous les humains. C'est ce que Jésus nous a fait connaître dans la sainte Cène : en donnant la coupe de vin, Jésus dit : "Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance qui est versé pour le pardon des péchés." (Mt 26:28)

    Le sang versé sur la croix, c'est le sang de l'agneau pascal, de la Pâque qui rappelle la libération d'Egypte après la dixième plaie contre le pharaon. A la Pâque, du temps de l'Exode, du sang de l'agneau a été appliqué sur les linteaux de la porte de la maison pour en interdire l'entrée à l'ange exterminateur. C'est une mesure qui sauve les habitants de la maison.

    Lorsque le peuple dit à Pilate : Que le sang de cet homme retombe sur nous et sur nos enfants", le peuple ne sait pas quelle vérité théologique il prononce. Il ne sait pas dans quelle mesure il participe, dans le savoir à l'établissement du salut.

    En une seule phrase, Matthieu exprime notre double destin à tous : tout ce que nous tentons, par nos propres efforts, ne sauraient nous rapprocher de Dieu suffisamment pour être sauvés; mais Dieu accepte et transforme nos tentatives pour accomplir sa volonté de salut.

    Dieu est le spécialiste des grands retournements, des grands renversements, des grandes conversions. Il nous surprend, il nous prend à rebrousse-poil, non pas pour nous contrarier, mais pour nous remettre dans la bonne direction, même s'il faut faire un demi-tour. C'est ainsi — et c'est le plus grand des retournements — qu'il ôte toutes nos misères, nos insuffisances et nos fautes, pour les placer sur la croix, où un innocent est pendu à notre place.

    Le procès de Jésus devant Pilate est écrit pour nous faire voir l'innocence de Jésus — l'agneau sans défaut. Il y a deux signes indirects : le silence de Jésus et l'absence de contenu aux accusations. Il y a aussi un signe direct : le message de la femme de Pilate à son mari : "N'aie rien à faire avec cet homme innocent".

    Dans les évangiles : Cherchez la femme ! C'est incroyable le nombre de fois où ce sont des femmes qui donnent la réponse vraie, le message de la foi. A Béthanie, c'est la femme au parfum qui porte témoignage du destin de Jésus. Avec Pierre, c'est une servante qui lui révèle sa vraie identité, sa vraie appartenance, malgré les circonstances difficiles et même si Pierre ne veut pas s'y reconnaître pour le moment. Ici, c'est la femme de Pilate. A Pâques, ce seront des femmes qui — les premières — découvriront le tombeau vide et comprendront l’extraordinaire de la situation.

    Ici, la femme de Pilate perçoit l’innocence de Jésus et en averti son mari qui a — en apparence — la vie de Jésus entre ses mains. Il a bien ce pouvoir « en apparence » comme tous les autres acteurs qui pensent maîtriser la situation.

    La phrase à double sens de Matthieu "Que le sang de cet homme retombe sur nous et nos enfants." (Mt 27:25) souligne que personne ne sait vraiment ce qui se passe et dans quel cercle de violence il est happé, en même temps acteur et victime. Seul Dieu voit le drame qui se déroule. Seul Dieu peut faire en sorte que le sang du malheur et de la vengeance devienne le sang du salut et de la vie. Encore une fois dans l’histoire de son peuple — cela se passe depuis Abel — Dieu va prendre le parti de la victime. Dieu va réhabiliter ce Jésus mort sur la croix en le ressuscitant.

    Cette phrase à double sens nous prépare et nous guide vers le plus grand retournement de toute l'histoire que Dieu opère : faire en sorte que celui qui était mort sur la croix ressorte vivant du tombeau.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Jean 3. Regarder le mal en face (Typologie V)


    Jean 3
    15.9.2013

    Regarder le mal en face (Typologie V)
    Nombres 21 : 4-9        Jean 3 : 12-18

    Télécherger la prédication : P-2013-09-15.pdf

    Chers frères et sœurs en Christ,
    Quand on entend cette phrase de l’Evangile de Jean : « De même que Moïse a élevé le serpent de bronze sur une perche dans le désert, de même le Fils de l’Homme doit être élevé » (Jn 3:14) c’est comme si on regardait à travers une fenêtre qui nous fait remonter de près de 2'000 ans en arrière. On y voit comment la communauté rassemblée autour de l’apôtre Jean interprétait l’Ancien Testament et comment elle comprenait le destin mystérieux de Jésus.
    Il faut bien s’imaginer que les premiers chrétiens ne disposaient pas comme nous des Evangiles, puisqu’ils étaient en train de les composer. Ils se racontaient les événements de la Passion et de la vie de Jésus, et ensemble, en communauté, ils essayaient de les comprendre, d’en saisir le sens et la portée. Ils le faisaient en puisant dans l’Ecriture disponible, c’est-à-dire l’Ancien Testament. Et c’est ainsi qu’ils ont mis en relation ce récit assez obscur du livre des Nombres avec la Passion de Jésus.
    La communauté johannique essaie de comprendre la relation entre ce qui est terrestre et ce qui est céleste. Comment Jésus fait-il le lien entre le haut et le bas, la terre et le ciel, Dieu et les humains ? Comment ces deux univers se rejoignent et en même temps se séparent ?
    Ce récit du livre des Nombres nous donne quelques pistes. Le serpent représente ce qui est terrestre, obscur, ce qui vient des profondeurs, des ténèbres, le négatif. Le serpent apporte la mort par sa morsure, comme par sa ruse et sa tromperie dans le récit d’Adam et Eve devant l’arbre.
    A l’opposé, Jésus vient du ciel, il apporte la lumière et le salut, il représente tout ce qui est positif. Et pourtant ,Jean met le serpent et Jésus en parallèle : «  de même que le serpent… de même le Fils de l’Homme doit être élevé. » Jean les superpose, qu’est-ce que cela signifie ?
    Que se passe-t-il dans le récit de l’Ancien Testament ? Si l’on essaie de sortir de l’anecdotique, de la situation matérielle, que signifie ces gestes, ce procédé ? Pour parer à une attaque du mal, Dieu demande à Moïse de placer ce mal-même sur une perche pour que tout le monde puisse le regarder, avec pour but de guérir ceux qui le regardent. C’est une façon de regarder le mal en face, pour y échapper.
    L’attitude opposée, c’est de faire comme si le mal n’existait pas, en espérant y échapper. C’est quelque chose que nous faisons facilement. On a peur d’aller chez le médecin, de crainte qu’il ne nous trouve une maladie. On refuse de voir que notre relation avec quelqu’un se dégrade, de sorte qu’on ne fait rien pour la corriger et améliorer les choses et en effet elle se détériore. Cela s’appelle le déni.
    Le récit de l’élévation du serpent au désert nous invite à sortir du déni pour embrasser les problèmes à bras-le-corps pour les corriger et les résoudre. Le salut est dans le fait de voir ce qui nous fait mal et de pouvoir le corriger. Cela à un niveau terre-à-terre, pour éviter de mettre la poussière sous le tapis.
    Comment cela se passe-t-il au niveau céleste, avec Jésus ? L’Evangile de Jean nous dit que c’est la même chose. Jésus a été élevé sur la croix pour que nous voyions le mal qui nous ronge, le mal que nous subissons et le mal que nous commettons, afin d’en être délivré.
    C’est osé pour Jean de nous dire — entre les lignes — que Jésus a été élevé sur la croix pour que nous voyions le mal en face ! Enfin quoi, Jésus n’est pas le mal !
    Non, il n’est pas le mal, mais il est le miroir de notre mal, comme le prophète Esaïe l’avait annoncé : « il s’est laissé mettre au rang des malfaiteurs, alors qu’il avait pris sur lui toutes nos fautes » (Es 53:12).
    C’est le mal que nous faisons, qui est exposé sur la croix. Jésus est la figure de toutes les victimes, de tous ceux qui sont bafoués, persécutés, blâmés. Par cette comparaison avec le serpent d’airain, Jean fait apparaître les deux faces de la croix : mort et élévation, jugement et salut, châtiment et libération, mort et résurrection.
    Sur la croix, c’est le mal, le malheur et toute la violence humaine qui est montrée au monde : voici à quoi aboutit l’accumulation de toutes nos petites fautes qui apparaissent dérisoires prises une à une, mais qui finissent par créer un monde irrespirable et invivable où le plus faible finit par être évincé, exclu, éliminé.
    Mais sur la croix se voit aussi le don de Dieu. Dieu fait don à l’humanité du remède contre le mal. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils unique… » (Jn 3:16). Dieu a accepté que son Fils descende sur la terre et prenne le risque d’être mis à mort pour révéler la nature violente de nos comportements.
    Regarder la croix de Jésus, c’est voir le mécanisme du mal qui s’abat sur lui, comment les hommes se liguent contre celui qui leur tend un miroir…
    Regarder la croix et la Passion de Jésus, c’est voir le mécanisme de la violence humaine à l’œuvre et peut-être, on l’espère, apprendre de cette vision à reconnaître ce mécanisme dans le temps présent, chaque fois que la violence s’abat sur un faible.
    Voir chaque fois que les puissances — aujourd’hui elles sont économiques — broyent des petits dans des horaires de travail impossible. Voir en notre cœur chaque fois que le blâme prend la place de la compassion. Voir chaque fois que l’institution entrave les relations interpersonnelles.
    Regarder la croix nous permet d’adopter une attitude conforme à celle de Jésus qui fait passer l’amour, l’agapè, avant toute autre considération.
    Voir la croix comme le lieu de l’élévation de Jésus comme sauveur, c’est accepter qu’il nous guérisse de tout germe de violence, de haine, de racisme, pour nous ouvrir à l’accueil et à l’amour les uns à l’égard des autres. C’est à cet amour-là — non-violent et accueillant — que le Christ nous invite.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Genèse 41. La sagesse de Joseph, anticiper pour assurer le salut de tous les habitants du pays

    Genèse 41
    16.7.2000
    La sagesse de Joseph, anticiper pour assurer le salut de tous les habitants du pays

    Genèse 41 : 14-57
    téléchargez ici la prédication : P-2000-07-16.pdf
    Chers amis,
    Dimanche dernier, nous avons laissé Joseph alors qu'il était emmené comme esclave en Egypte. Aujourd'hui, nous le retrouvons en prison ! Le destin s'acharne contre lui. Chez son maître Potifar, Joseph a été injustement accusé (relisez le chap. 39) et jeté en prison. C'est comme une descente aux enfers, la situation de Joseph ne peut guère être pire. Et pourtant, il ne désespère pas, il fait confiance en Dieu. Cette confiance ne le place pas "en attente", comme si tout devait tomber du ciel.
    En fait, Joseph ne reste pas inactif, à se plaindre de son destin et à maudire le ciel. Dans toutes les circonstances, on le voit prendre les devants, prendre des initiatives. Esclave chez Potifar, il était devenu l'intendant de la maison. Ici en prison, il se fait remarquer par le chef de la garde et se voit confier la direction des travaux des prisonniers (Gn 39:22). Joseph sait tirer parti, faire ressortir ce qu'il y a de bon de toutes les circonstances, il sait apprendre de ses malheurs. Il est celui qui sait rebondir en toutes occasions.
    C'est en cela que l'histoire de Joseph est souvent considérée comme un petit traité de sagesse. Joseph est un sage, parce qu'en toutes circonstances — même les pires — il est capable d'apprendre quelque chose, de prendre des dispositions qui améliorent son sort, de témoigner de patience, tout en se laissant interpeller par la situation et les malheurs de ses compagnons d'infortune. C'est ainsi que Joseph est remarqué et se voit offrir des responsabilités.
    Dans les responsabilités qu'il obtient, Joseph fait l'apprentissage de la direction. Il est en contact avec de hauts personnages (l'échanson et le panetier) et ne manque pas d'en tirer quelque chose, tout en se mettant à leur service, en exerçant son don d'interprétation des rêves.
    C'est ainsi qu'il va être tiré de sa prison, le jour où plus aucun magicien ne peut interpréter les rêves de Pharaon, ses rêves de vaches grasses et de gros et beaux épis.
    Dans le dialogue entre Pharaon et Joseph, il y a deux choses remarquables : 1) Joseph refuse de s'octroyer le mérite de l'interprétation des rêves. S'il possède ce don, ce don vient de Dieu seul. Tout comme le rêve de Pharaon lui-même ! C'est Dieu qui agit, qui informe Pharaon de ce que va se passer. Joseph est là l'instrument de Dieu pour que Pharaon comprenne le message et que des mesures soient prises. Dans l'évangile, Jésus parlera de "serviteurs inutiles", simples serviteurs qui n'ont fait que leur devoir (Luc 17:7-10).
    2) La deuxième chose remarquable, c'est que Joseph ne se contente pas de dire la signification des deux rêves, il prend l'initiative de dire au Pharaon ce qui peut être fait pour que le pays ne soit pas dévasté. Joseph a son plan, son projet pour l'Egypte, il en fait part à Pharaon et il attend.
    Joseph a là une attitude impressionnante. Il n'est ni inactif, face à la crise qui s'annonce, ni réactif, attendant de voir si ce qui est annoncé se réalise (alors les années d'abondance auront passé et il sera trop tard pour agir), il est ce que les psychologues appellent aujourd'hui "pro-actif". Joseph est pro-actif, ce qui signifie qu'il anticipe la situation et qu'il propose une mesure innovante pour éviter les effets catastrophiques de la famine avant que celle-ci ne s'installe.
    Maintenant, ce qu'il a appris dans la maison de Potifar, dans sa prison et plus tôt dans sa famille va lui servir ! Il est l'homme de la situation et Pharaon le remarque. C'est à Joseph qu'il va donner des rennes de l'économie de l'Egypte pendant deux septennats — un septennat d'abondance et un septennat de pénurie.
    Joseph va planifier ces 14 ans avec à coeur la problématique qu'il a emporté avec lui de sa famille : Comment les humains peuvent-ils vivre ensemble fraternellement, même en temps de crise ? C'est un véritable défi, car s'il est déjà souvent difficile de vivre pacifiquement quand tout va bien, qu'en est-il lorsque les tensions augmentent ?
    Ici, en Egypte, le domaine économique devient un lieu d'enjeu de la fraternité humaine. Joseph sait bien qu'avec la famine, la crise et les tensions vont monter et faire augmenter dangereusement le risque de la désintégration de la société, le risque des exclusions, le risque de phénomènes de boucs émissaires, le risque de mort. De par son expérience personnelle, Joseph connaît tout cela de l'intérieur, et il a décidé d'anticiper, d'agir pour éviter ces catastrophes. Il dresse un plan social pour que la famine ne fasse pas de victimes.
    Je ne ferai pas l'apologie des moyens que Joseph utilise pour parvenir à ses fins. Je ne crois pas qu'ils soient transposables dans le temps, ni qu'ils soient proposés par le narrateur de l'histoire comme un idéal. En effet, ils conduisent à une nationalisation totale des biens de tous les égyptiens en faveur de Pharaon.
    Ce qui est important ici, c'est la préoccupation de Joseph pour le bien commun de tous. Le projet social de Joseph est de faire en sorte que tous puissent se nourrir, que tous puissent vivre, que l'abondance des premières années puisse profiter à tous dans les années de disette.
    Le maintien de la fraternité humaine passe par ce partage, par cette solidarité de tous pour tous. Sans cette attention au bien commun qui passe par l'attention aux plus fragiles, aux plus vulnérables, la cohésion de la société risque de disparaître et donc aboutir à un désastre social, un désastre humain, inhumain, faudrait-il dire !
    La figure messianique de Joseph que nous évoquions dimanche dernier se marque aussi dans ce souci du salut de tous. Ce salut n'est pas seulement celui de l'âme au-delà de la mort. C'est le salut, une vie en abondance dès maintenant. La vie que Dieu veut voir changée est déjà celle que nous vivons ici et maintenant, sur cette terre. C'est donc déjà ici et maintenant que nous pouvons avoir ce souci économique des moins bien lotis et marcher ainsi dans les pas de Joseph.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013