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  • Notre Père (9)

    Actes 10

    30.8.2020

    Notre Père (9)

    Actes 10 : 34-41.     Actes 10 : 44-48.      Matthieu 5 : 43-45

    télécharger le texte : P-2020-08-30.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans notre parcours du Notre Père, nous arrivons à la fin, qui est le début du Notre Père puisque je l'ai pris en commençant par la fin (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"). Cette première phrase est pour moi la plus belle et la plus significative. Elle résume à elle seule l'Evangile et le projet de Jésus : nous amener à avoir une toute nouvelle compréhensoin de Dieu, par rapport à tous les enseignements religieux de l'humanité.

    « Notre Père qui es au cieux ». Jésus est d'accord avec cet enseignement religieux sur un point, sur un seul point : il s'agit de Dieu qui est aux cieux. On parle bien du Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Moïse, de David, etc. C'est de lui qu'il s'agit.

    Comme on l'appelle « Père », qu'il soit « aux cieux » permet de différencier la paternité humaine et biologique d'avec la paternité divine et spirituelle. Parler de paternité divine en s'appuyant sur la paternité humaine est toujours risqué, puisqu'il y a de nombreuses personnes qui ont une mauvaise expérience de la paternité humaine. Si Dieu est comme leur père défaillant ou manquant, alors « non merci » crie leur cœur !

    La mention « qui es au cieux » marque la limite du modèle humain. Dieu n'a pas les défauts des humains, ni leurs limitations. La première limitation absente c'est que Dieu n'est pas genré, il n'est pas masculin ou féminin, aussi cette paternité divine doit être comprise comme incluant la maternité. Le féminin n'est pas exclu de Dieu, même s'il est trop souvent passé sous silence !

    Une prochaine révision du Notre Père devrait nous faire dire : « Notre parent qui es aux cieux » ou Notre père et mère qui es aux cieux. »

    Une nomination de Dieu avec des mots exclusivement masculins laisse trop de place à la récupération patriarchale de Dieu.

    Ceci posé, Jésus parle de Dieu comme de son père et notre prière le désigne aussi comme notre Père. Nous gardons le mot, sans oublier d'y inclure le féminin.

    Quelle est cette fonction de Père dans l'esprit de Jésus, cette fonction de parent ? Le premier rôle d'un parent vis-à-vis de son enfant, c'est de le faire grandir, lui donner un environnement et des conditions qui lui permettent de se développer harmonieusement.

    Le premier ingrédient qui fait grandir, c'est l'amour. Un amour inconditionnel et abondant. Jésus présente Dieu comme son père et notre Père, parce que c'est un Dieu d'amour qui veut une vie abondante, pleine, vraie pour les humains, pour nous.

    Cette représentation est à l'opposé de nombreuses représentations religieuses de Dieu. Cpest le contraire d'un Dieu puissant, dominateur, jugeant les comportements, punissant les déviances ou les désobéissances. Ce type de Dieu juge est très utile pour contrôler une société, c'est pourquoi les hiérarchies religieuses produisent et renforcent ces images d'un Dieu contrôlant et punissant.

    Jésus en prend le contre-pied.

    On le voit illustré dans le récit du fils prodigue (Luc 15). Le fils fait tout faux, mais il est accueilli malgré tout les bras ouverts à son retour.

    Un second aspect de cette parentalité est souligné par l'apôtre Paul lorsqu'il souligne que nous ne sommes plus esclaves de Dieu, mais ses enfants, ses fils, ses héritiers.

    La famille a ceci de particulier, c'est que c'est un système non seulement relationnel, mais économique, mais une économie non monétarisée. Il n'y a pas de Tarmed des services rendus à l'intérieur de la famille, même si on veille à des équilibres, des équilibres le plus souvent différés dans le temps.

    La famille est basée sur des services réciproques, voir des services désintéressés. C'est exactement le sens du mot amour/agapè utilisé dans les Evangiles.

    En appelant Dieu son père et notre Père, Jésus nous invite à une relation démonétarisée avec Dieu. Sortir du donnant-donnant, voir du marchandage : Si tu me donnes cela, alors je te promets ceci... C'était la situation du fils aîné dans le récit du fils prodigue.

    La relation à Dieu ne peut plus être basée sur l'obéissance et la rétribution, mais sur le don, sur l'agapè, le service désintéressé.

    La dernière fonction parentale qu'il ne faut pas oublier, c'est de faire accéder l'enfant à l'autonomie. Paradoxalement, le parent a atteint son but quand l'enfant peut le quitter et vivre sa vie loin de lui. Evidemment, l'autonomie n'exige pas de couper toutes relations, seulement la relation de dépendance.

    Venons-en au premier mot de notre prière : « Notre ». Aujourd'hui, c'est peut-être le mot le plus important de cette adresse. « Notre » est un pluriel inclusif, qui nous met tous ensemble.

    Ce « nous » nous renvoie aux premières pages de la Bible, à Adam et Eve. La Bible affirme — avec ce couple primordial — que toute l'humanité qui habite la terre provient d'un couple d'ancêtre commun. Avant que la science ne le découvre avec homo sapiens — unique souche humaine encore présente sur terre — la Bible l'affirmait comme un axiome : tous les humains font partie de la même famille.

    Toute division, toute hiérarchisation de groupes est contraire à la vision divine.

    C'est la découverte que fait l'apôtre Pierre avec Corneille, l'officier romain. Dien ne regarde pas les étiquettes, la provenance, l'appartenance pour donner son Esprit, pour bénir. Aucune barrière ne résiste devant Dieu.

    Nous, comme humains, nous dressons des barrières, elles nous rassurent, elles nous permettent de classer, de détester, de haïr. Mais elles n'ont aucune pertinence devant Dieu. Lui fait lever so soleil sur les bons comme sur les méchants (Mt 5:45). Il nous appelle à « aimer nos ennemis », c'est-à-dire à ne plus avoir de soi-disants ennemis.

    « Notre Père » est un Dieu inclusif — même s'il doit aller contre sa propre Eglise — c'est ce qui se passe avec Pierre et Corneille.

    Dieu a les idées larges, bien plus larges que nous, qui enfermons trop souvent les gens dans nos cases préfabriquées.

    J'ai un souhait pour l'Eglise, c'est qu'elle soit totalement inclusive. Hier c'était le ministère féminin qui a pu faire son entrée. Aujourd'hui, c'est l'ouverture aux LGBTQI qui doit faire son chemin. Demain, on découvrira encore ceux qu'on a laissé sur le bord du chemin.

    J'ai un souhait pour la société aussi — qui parfois devance l'Eglise, mais parfois retarde sur l'Eglise (je pense au regard sur les étrangers) — je souhaite que la société prenne aussi ce chemin d'ouverture, à l'égard des humains bien sûr, mais également des animaux, de la biodiversité et de la nature.

    Que le « nous » du Notre Père ne cesse de s'élargir !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • Marie a choisi la bonne part.

    10.11.2019

    Luc 10

    Marie a choisi la bonne part.

    Deutéronome 6 : 4-9    Luc 10 : 38-42

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Jésus est en visite chez Marthe et Marie à Béthanie. Les évangiles nous racontent trois rencontres de Jésus avec ces deux femmes. D'abord le récit dont vous avez entendu la lecture tout à l’heure, qui sera l'objet de notre réflexion de ce matin. Un second récit qui nous décrit la résurrection de Lazarre, le frère de Marthe et Marie. Enfin une troisième rencontre, six jours avant la dernière Pâque de Jésus où Marie versa du parfum de grande valeur sur les pieds de Jésus.

    Jésus semble donc être un familier de cette maison. Lorsqu'il est de passage dans la région de Jérusalem, il fait halte chez Marthe à Béthanie. Marthe est la maîtresse de maison, elle s'occupe à bien recevoir son hôte qu'elle sait être un hôte de marque. Elle fait son devoir, elle remplit bien son rôle, elle soigne le service. Et c'est cela qui l'amène à se disputer avec sa soeur, en prenant Jésus à partie.

    Pourquoi Luc nous rapporte-t-il une scène aussi banale, presque une scène de ménage ? Et il est vrai que pour nous aujourd'hui cette histoire est d'une banalité quasi désolante. On croirait entendre cette phrase commune à bien des ménages : "Chéri ne reste pas planté devant la télévision, viens m'aider à finir la vaisselle !" Pourtant ce récit a un autre sens, et cette histoire est importante pour nous aujourd'hui.

    Essayons de la comprendre dans l'environnement de l'époque de Jésus. Il faut imaginer une société proche de celle que nous voyons aujourd'hui en Arabie Saoudite ou au Pakistan. Des règles strictes régissent les relations entre les hommes et les femmes. Les hommes mènent une vie et des activités publiques. Ils vivent hors des maisons, et dirigent leurs activités comme bon leur semble. Seuls les garçons reçoivent un enseignement, vont à l'école.

    Les filles n'apprennent que ce qui leur est utile pour l'entretien de leur foyer. Les femmes restent à l'in­térieur de leur maison et n'adressent pas la parole à des inconnus. Cela se passait aussi comme cela en Grèce avec les gynécées. Elles vivent sous la protection et dépendance de leur père d'abord, de leur mari ensuite, elles ne sont jamais indépendantes.

    Dans cette situation, l'attitude de Marie est choquante. En se plaçant au pieds de Jésus, Marie prend la position de l'élève, du disciple vis-à-vis de son maître. Marie se prend pour un garçon, un homme qui attend un ensei­gnement auquel les filles n’ont pas droit. Elle usurpe un droit masculin et abandonne les tâches dévolues aux femmes. De plus Marie prend cette attitude face à un homme qui n'ap­partient pas à sa famille; même s'il n'est pas tout à fait un inconnu, cela ne se fait pas.

    Marthe réagit à ces attitudes qui sont à contre-courant de leur éducation. Elle veut remettre Marie à sa place, à sa juste place selon elle.L'attitude de Marthe n'est pas tant motivée par le fait qu'elle aurait besoin d'aide, elle assume son service, le service pour Jésus. Mais elle est choquée par la liberté que prend sa soeur par rapport aux conventions, aux usages, aux bonnes manières.

    Alors Marthe s'adresse à Jésus pour qu'il remette Marie à la place qu'elle n'aurait pas dû quitter. On peut dire que Marthe demande à Jésus de rendre Marie à son rôle de femme soumise, de la rendre aux fonctions qui sont celles des femmes dans son esprit. Marthe demande à Jésus de ne pas laisser Marie devenir un homme, de ne pas sortir de sa condition de femme, de ne pas quitter son rôle fixé par la société. Jésus doit rendre à Marie ce que Marthe pense être sa véritable identité, qu'elle soit une vraie femme.

    Or, c’est ce que Jésus va faire, mais pas de la façon dont Marthe le conçoit. Marthe veut rendre à Marie son rôle de femme, Jésus va rendre à Marie son identité personnelle.

    Avant de voir comment Jésus va s'y prendre, il faut remarquer que Jésus ne méprise pas Marthe et son service. Il reconnaît toute la peine que Marthe se donne pour lui. Il ne rejette pas ce travail, il ne le qualifie pas d’inutile ou de superflu. Il est vrai que ce travail doit être fait, et il en est reconnaissant. Mais il signale tout de même que le moment est mal choisi et qu'en cela Marie a choisi la bonne part.

    Qu'est-ce que la bonne part ? Pendant toute une époque, ce texte a été interprété comme mettant en opposition la vie besogneuse et la vie contemplative. Marthe est une travailleuse alors que Marie consacre tout son temps à l’écoute de Jésus. Et Jésus aurait tranché, la vie contemplative serait la seule forme de vie qui donne accès au salut. Tout le monde devrait avoir Marie pour idéal. Or — s'il est juste que Marie est donnée en exemple ici — ce n'est pas pour mener une vie contemplative.

    Cette opposition entre la travail et la prière n'est pas le sens de ce récit. Jésus ne méprise pas le travail de Marthe, il désire lui révéler quelque chose que Marie a déjà saisi, c'est-à-dire l'importance relative des choses selon le moment vécu. Il faut saisir l'occasion à temps.

    Marie a saisi l'importance de cette visite de Jésus. Elle a compris ce que cette rencontre pouvait avoir d'essentiel pour elle, de déterminant pour toute sa vie.

    L’important, dans ce moment, c’est le temps du passage de Jésus chez eux. Face à cet événement on peut se donner la permission de laisser tomber tout ce qui est secondaire, le service, les convenances, les contraintes sociales. Devant l'important, l'essentiel — devant Dieu — on peut devenir soi-même, exprimer et vivre le désir profond d'habiter son identité vraie.

    Marthe demandait à Jésus de rendre à Marie sa condition de femme (femme au foyer, au travail, au service); mais Jésus s'attache à favoriser l'émergence de la nouvelle identité de Marie. Jésus conforte cette femme dans cette identité personnelle qu'elle se découvre et exprime face à lui. Etre elle-même dans ce moment là, c'est vraiment avoir choisi la bonne part et elle ne lui sera pas ôtée.

    Devant Jésus, on peut se permettre d'être soi-même, d'être vrai, de laisser parler l'essentiel, de laisser vivre son désir. Marie a saisi cette occasion, elle a discerné le temps du passage de Jésus auprès d'elle et elle a profité de devenir elle-même.

    Jésus cherche à faire découvrir cela à Marthe. Il ne lui reproche pas son travail. Il désire qu'elle découvre aussi qu’il existe des occasions où s'ouvrent d'autres possibilités pour sa personnalité que les déterminismes sociaux ou les habitudes. Marie s'est libérée des choses secondaires, des choses imposées de l'extérieur, le temps de la visite de Jésus, pour se consacrer à l'essentiel.

    Nous sommes appelés à discerner, dans le temps de nos existence, ces moments importants où l'essentiel passe à notre portée. Au coeur de nos activités — et nous savons comme elles nous occupent et nous envahissent — au coeur de nos activités apprenons à mettre un temps de côté pour ne pas risquer de passer à côté de l'essentiel.

    Et pour nous tous rassemblés ici ce matin, quand Dieu nous visite, ne manquons pas l'occasion de nous asseoir à ses pieds pour écouter sa parole et faire grandir notre vraie identité à sa lumière.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • 1 Pierre 2. Bâtir sur les valeurs de justice, de compassion et de service.

    1 Pierre 2
    7.6.2015
    Bâtir sur les valeurs de justice, de compassion et de service.

    Ps 118 : 19-24      1 Pierre 2 : 4-10       Matthieu 18 : 1-5

    Télécharger le texte : P-2015-06-07.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pour fêter ensemble ces 40 ans de la construction de la Chapelle, J’ai choisi ce texte de la première lettre de Pierre qui parle justement de construction, d’édification, de matériaux à choisir ou à laisser de côté. Quand on construit, c’est évidemment essentiel de choisir les bons matériaux, les bonnes pièces qui feront que l’édifice tient debout, brave le temps et les intempéries.
    L’auteur de la lettre parle de construction et de pierre, mais c’est dans un sens symbolique, métaphorique. L’auteur ne parle pas de bâtiment, mais de communauté ou de société humaine. Lorsqu’il parle de cette pierre angulaire, il l’emploie comme une image, une image des valeurs que nous privilégions pour fonder notre vie ou la vie de notre société. Très vite on voit surgir une opposition, même un conflit, parce que cette pierre capitale est soit rejetée soit choisie et considérée comme précieuse.
    « La pierre que les bâtisseurs avaient rejetée, est devenue la pierre principale. » (Ps 118 :22) Cette phrase, tirée du Psaume 118, illustre le conflit ou le dilemme, la question : qu’est-ce qui a de la valeur ?Tout bâtiment a besoin d’une pierre angulaire. Ici dans cette Chapelle on peut penser aux blocs de béton, bien visibles à l’extérieur de la Chapelle, sur lesquels repose la charpente du toit, ces poutres qui s’entrecroisent au-dessus de nos têtes.
    Toute société a besoin de ces fondements, de ces appuis — qu’on peut appeler valeurs — pour tenir. Et voilà que notre texte nous dit que les valeurs que les bâtisseurs avaient rejetées, sont justement celles que Dieu a choisies et qu’il estime précieuses.
    « La pierre que les bâtisseurs avaient rejetée, est devenue la pierre principale. » (Ps 118 :22) Cette phrase, tirée du Psaume 118, illustre le conflit ou le dilemme, la question : qu’est-ce qui a de la valeur ?Tout bâtiment a besoin d’une pierre angulaire. Ici dans cette Chapelle on peut penser aux blocs de béton, bien visibles à l’extérieur de la Chapelle, sur lesquels repose la charpente du toit, ces poutres qui s’entrecroisent au-dessus de nos têtes.
    Toute société a besoin de ces fondements, de ces appuis — qu’on peut appeler valeurs — pour tenir. Et voilà que notre texte nous dit que les valeurs que les bâtisseurs avaient rejetées, sont justement celles que Dieu a choisies et qu’il estime précieuses.
    Ce choix et ce rejet sont illustrés par l’histoire de Jésus, racontée dans les Évangiles. Ce Jésus que Dieu a choisi pour se faire connaître, il a été rejeté par les hommes de son temps, au point qu’il a été crucifié. Mais Dieu l’a réhabilité en l’élevant à lui, en le déclarant juste malgré les diffamations à son égard. Dieu l’a choisi comme la pierre principale, comme la tête de son peuple, de son Eglise. Jésus incarne ces valeurs que Dieu souhaite voir adoptées par l’humanité. Mais l’humanité rejette ses valeurs : de justice, de compassion, de service. Cette histoire de Jésus est comme un signal qui montre les dangers que court notre société quand elle rejette ces valeurs, quand elle se construit sur l’injustice, la haine et le profit à tout prix. Dans quelle société voulons-nous vivre ? Quelle société voulons nous construire ? Quelles valeurs choisissons nous comme fondement pour notre société ?
    Clairement, Dieu marque son opposition à une société qui exploite, qui oppresse, qui détruit pour l’avantage des quelques-uns. Clairement, Dieu marque son opposition à un système économique qui rejette et abandonne sur le bord du chemin ceux qui ne sont pas au top de la performance. Dieu, au contraire, veut revaloriser chacun, tel qu’il est, même s’il est blessé par la vie, même s’il est porteur de handicap ou de faiblesse.
    J’aimerais prendre encore une autre image. Il y a une nouvelle cuisine qui devient à la mode, c’est la cuisine sans restes et sans déchets. Une cuisine qui recherche la valorisation de tout. Pas de rebut, pas de rejet des légumes qui ne sont pas standards, qui comportent des taches ou des formes bizarres. Tout est bon. Eh bien, je crois que Dieu fait cela avec l’humanité. Pour Dieu il n’y a personne « de reste ». Pour Dieu il n’y a pas de rebut de la société. Pour Dieu il n’y a personne qui ne vaille pas la peine qu’on s’occupe et se préoccupe de lui.
    Lorsque la société, des entreprises ou des groupes trouvent qu’il ne vaut pas la peine de s’occuper de certaines personnes, ce n’est pas l’avis de Dieu. Tout le monde compte pour lui, il n’y a pas de déchets, pas de rebut. Il n’y a que des êtres humains à part entière, des personne dignes d’intérêt, dignes d’avoir une place, dignes d’avoir un logement ou un travail. Nous ne pouvons accepter que les gens soient considérés comme des Kleenex que l’on jette après emploi.
    Jésus est cette pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie par Dieu, et — nous dit le texte — cette pierre devient un refuge pour les uns (un sanctuaire) et une pierre qui fait trébucher, qui fait tomber les autres. Cette ambivalence est bien présente dans le message du Christ. Il est bien refuge, accueil, soutien pour ceux qui se sentent exclus, mis en marge par la société. Ces petits sont ceux qui sont accueillis par le Christ et ceux qui deviennent figures du Christ quand on leur donne à boire, à manger, lorsqu’on leur rend visite ou qu’on leur donne un vêtement (Mt 25). Mais le Christ est aussi pierre d’achoppement, jugement pour ceux qui exploitent et détruisent. Leurs valeurs d’accaparement et de destruction sont clairement condamnées par Dieu.
    Ainsi le Christ nous invite à créer une société qui soit basée sur ces valeurs de justice, de compassion et de service. Et la communauté de l’Eglise devrait en être le premier exemple, une communauté qui se bat pour de plus de justice, une communauté ouverte et accueillante pour tous, sans exclusion, une communauté qui se place au service de la société et des plus faibles.
    C’est cette communauté, les personnes porteuses de ces valeurs que j’aimerais voir réunies ici semaine après semaine, pour s’encourager à cette mission d’humanisation de la société. C’est à cela que doit servir cette Chapelle pour toutes les années qui s’ouvrent devant nous.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz 2015

  • Jean 14. « Je suis le chemin, la vérité et la vie » dit Jésus

    Jean 14
    29.6.2014
    « Je suis le chemin, la vérité et la vie » dit Jésus
    Jean 7 : 32-38        Jean 14 : 4-11
    Télécharger le texte : P-2014-06-29.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous arrivons au terme du cycle de prédications sur l’Evangile selon Jean commencé au mois de janvier. Au fil du temps, nous avons découvert et approfondi notre connaissance de la pensée de cet évangéliste et la façon qu’il a de nous présenter Jésus.
    Nous terminons aujourd’hui sur une parole de Jésus qui résume, qui récapitule, qui condense le but de l’Evangile selon Jean : dire qui est Jésus ! dire qui il est pour les disciples, les croyants, qui il est par rapport à Dieu. Et Jean le résume dans cette parole de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie, personne ne peut accéder au Père autrement que par moi ! » (Jn 14:6).
    Deux disciples interviennent dans ce moment d’entretien avec Jésus. C’est d’abord Thomas qui prend la parole. Il est déboussolé. Jésus vient de leur dire qu’il va partir, qu’il va les quitter. Une fois Jésus leur dit qu’ils ne pourront pas le suivre (Jn 7:34) et maintenant, Jésus leur dit qu’ils connaissent le chemin pour le suivre (Jn 14:4). Alors Thomas demande à Jésus d’être plus clair et de leur dire où il va et quel est le chemin qu’ils devront prendre. Thomas veut connaître le chemin, la voie.
    Et Philippe enchaîne avec une autre revendication : « Montre-nous le Père ! » (Jn 14:8).
    Deux demandes humaines qui sont à la base de toute quête spirituelle : a) découvrir Dieu, voir Dieu, avoir accès à Dieu, c’est le but, et b) avoir une voie, un chemin pour arriver à ce but. Qui ne souhaite pas avoir un contact avec Dieu, recevoir une révélation divine, recevoir un signe de Dieu ? Et nombreux sont ceux qui proposent des chemins, des exercices, des retraites, des voies pour y accéder.
    L’Evangile selon Jean affirme que Jésus est le seul à proposer un chemin qui mène à Dieu. Jésus dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » C’est gonflé quand même ! Qui dit qu’il dit vrai ? Pourquoi devrions-nous le croire ?
    L’Evangile selon Jean tout entier, avec ses récits, avec les paroles de Jésus qu’il nous transmet, nous explique pourquoi Jésus est crédible, pourquoi on peut lui faire confiance, pourquoi il est vraiment le chemin, la vérité et la vie.
    Qu’est-ce que Jésus apporte à ses contemporains ? Lorsque Jésus intervient en Galilée et à Jérusalem, la religion est un poids pour les gens. La religion est faite d’obligations et de contraintes. Il faut suivre des commandements qui entravent la vie. Il faut faire des pèlerinages à Jérusalem et là-bas, il faut acheter de quoi faire des sacrifices et seuls ceux qui s’occupent du Temple en profitent. C’est une religion de marchandage avec Dieu : je te sacrifie cela, alors donne-moi ceci en échange.
    Jésus vient bouleverser tout cela : il chasse les marchands du Temple, il guérit le jour du sabbat, il remet la vie au centre de la relation à Dieu. Jésus rencontre les gens et il transforme leur vie. Il fait découvrir la dimension d’en haut, la dimension spirituelle à Nicodème. Il fait découvrir à la Samaritaine la présence universelle de Dieu, tout comme l’accueil inconditionnel. Il fait découvrir à ses disciples que l’amour est au centre de la relation à Dieu. Il leur montre que le service (et non le pouvoir) est la clé des relations humaines et que c’est dans l’abaissement qu’on se rapproche le plus de Dieu.
    Jésus change radicalement l’image de Dieu de tous ceux qui l’entendent. Et cette image nouvelle est encore valable pour nous aujourd’hui. Ces valeurs de rencontre, d’amour, de service ne sont pas dépassées. Elles restent la clé d’une vie heureuse aujourd’hui.
    Ce chemin que Jésus montre et qui donne accès à Dieu est bien celui qui donne de la valeur à la vie, c’est toujours un chemin vrai, authentique.
    Nous pouvons croire Jésus lorsqu’il dit « Je suis le chemin, la vérité et la vie, personne ne peut aller au Père autrement que par moi » parce qu’il est celui qui vient de laver les pieds de ses disciples, parce qu’il est celui qui va donner sa vie sur la croix pour révéler au monde le processus mortifère d’une religion (de toute religion) qui dit posséder la vérité.
    Il n’y a pas de manipulation dans la parole de Jésus parce qu’il ne cherche pas d’intérêt personnel, il ne va tirer aucun profit de sa mort prochaine. Jésus n’est pas dans une conquête de pouvoir, il est dans le renoncement à tout pouvoir.
    En disant à ses disciples qu’il est « le chemin, la vérité et la vie » Jésus dit trois choses à ses disciples : 1) il dit que le chemin ne va pas s’arrêter avec sa mort. Il y a un chemin de vie dans le fait de renoncer au pouvoir et surtout à la religion comme pouvoir.
    2) Il dit que la vérité est en lui, donc les disciples ne la possèdent pas. Ils en seront les témoins, mais elle ne leur appartiendra pas. Cette vérité leur échappera toujours.
    3) Il leur dit que la vérité est indissociable de la vie et de l’amour.
    Il est le chemin parce que Jésus a montré le chemin par ses actes, en étant un être de paix, en se mettant à la place du serviteur et du serviteur souffrant. C’est à cette place — paradoxalement — qu’il révèle le mieux le visage du Père, la nature vraie de Dieu.
    C’est donc dans la personne de ce Jésus de Nazareth que nous sommes invités à découvrir le vrai visage de Dieu, sa présence, sa parole. C’est là que nous pouvons le voir — comme le demande Philippe. Dieu se fait connaître à travers cet homme de Nazareth. Ce Jésus est le révélateur de la vérité divine. C’est dans la rencontre avec ce Jésus des Evangiles que nous avons accès à Dieu, à un Dieu qui se présente dans la faiblesse d’un Dieu qui n’a que son amour à offrir.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014.