Jean 1
2.2.2014
Jésus se manifeste comme le révélateur de l’être profond de chacun
Jean 1 : 35-42 Jean 1 : 43-51
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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Nous poursuivons notre redécouverte de l’Evangile selon Jean, commencée dimanche dernier, avec ces récits des appels des disciples. Comme souvent, l’évangéliste Jean écrit un texte en deux parties, deux étapes qui ont des parallèles entre eux, mais qui montrent surtout une progression dans la révélation de Jésus au monde.
Ces deux récits où Jésus rencontre, recrute de nouveaux disciples ont plusieurs similitudes. C’est chaque fois une rencontre et cette rencontre est la conséquence d’un témoignage. Jean Baptiste dit à ses propres disciples qui est Jésus « Voici l’agneau de Dieu » (Jn 1:36). André dit à son frère « Nous avons trouvé le Messie » (v.41). Philippe dit à Nathanaël « Nous avons trouvé celui dont Moïse et les prophètes parlent, c’est Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth » (v.45). La progression se voit dans le fait que le flambeau des témoignages passe des mains de Jean Baptiste dans les mains des disciples eux-mêmes.
Dans chacun des récits, un disciple en amène un autre vers Jésus. Dans chacun des récits, on trouve la même phrase : « Venez et vous verrez » dit Jésus aux deux disciples. « Viens et tu verras » dit Philippe à Nathanaël qui est plutôt sceptique.
La découverte de qui est Jésus, commence, certes, par un témoignage, une information, mais elle ne s’accomplit que dans un déplacement décidé et une observation personnelle. Il faut se décider une fois à aller voir, à aller observer, constater. Il faut un envie de découverte, ne serait-ce qu’un début de curiosité : « Où demeures-tu ? » ou le besoin de confronter son doute : « Peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth ? » A partir de là, chacun doit pouvoir constater par lui-même. C’est la liberté que donne le Christ : faites l’expérience par vous-mêmes de ce que je donne, de ce que je révèle.
La progression se marque par les paroles de Jésus à la première approche des disciples. Aux premiers il demande « Que cherchez-vous ? » Au second, il dit « Suis-moi ! »
Le dernier parallélisme que je veux relever — et qui est le plus important et le plus marquant — ce sont les paroles transformantes de Jésus.
Dans le premier récit, André amène son frère Simon à Jésus et le texte raconte : « Jésus le regarda et lui dit : — Tu es Simon, le fils de Jean, tu porteras le nom de Céphas, qui signifie Pierre. » (v.42) On sait de l’Evangile selon Marc (Mc 3:16) que Jésus a renommé Simon du nom de Pierre. Mais là, Jésus fait plus. Selon le récit, ils ne se sont jamais vus, mais Jésus regarde Simon et il lui dit qui il est et de qui il est le fils et il lui donne — j’ai envie de dire — un totem, un nom qui a une signification en rapport avec sa personne profonde. Jésus révèle à Simon qu’il est un rocher, un roc, une montagne de pierre. Il le révèle à lui-même, son être et sa vocation.
Comment puis-je dire cela à partir de cette petite phrase ? Parce que c’est justement le même phénomène qui se passe avec Nathanaël dans la deuxième partie du récit. Un parallèle et une progression en même temps.
« Jésus regarde Nathanaël qui venait à lui et il dit à son propos : « Voici un véritable Israélite en qui il n’est point d’artifice. » « D’où me connais-tu ? » lui dit Nathanaël ; et Jésus de répondre : « Avant même que Philippe ne t’appelât, alors que tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » (v.47-48)
Jésus a vu Nathanaël, il l’a regardé comme il a regardé Simon. Et Jésus a vu clair en lui. Jésus voit la vraie nature de Nathanaël et il le révèle au monde : « Voici un véritable israélite, il n’y a rien de faux en lui. » Nathanaël se reconnaît dans les paroles de Jésus, il en est bouleversé. Tout ça parce que Jésus l’a vu.
Le texte dit « sous le figuier » et on a cherché plein de significations symboliques, moi aussi dans une prédication du 2.11.2008. Aujourd’hui, je vais prendre le texte au sens littéral. Sous le figuier, sous ton figuier, cela veut dire dans la cour de ta maison, chez toi, dans ta vie quotidienne, dans ton intimité. Jésus lui dit en quelque sorte : j’ai vu qu’entre ta vie personnelle et ta vie publique, là devant moi, tu ne changes pas, tu n’as pas de façade, tu n’as pas de secret, tu es authentique. Et Nathanaël se sent reconnu, accepté, compris. Peut-être même — maintenant que Jésus l’a dit — mieux qu’il ne le percevait auparavant de lui-même.
Avec Simon, Avec Nathanaël — plus tard avec Nicodème et avec la Samaritaine — Jésus se manifeste comme le révélateur de l’être profond de chacun. L’évangéliste Jean nous montre Jésus comme ayant une connaissance profonde, intime de chacun de ses disciples. Une connaissance qui ne s’accompagne d’aucun jugement, pas même pour les cinq maris de la Samaritaine.
L’évangéliste Jean va plus loin dans sa façon de raconter, il montre que cette révélation du disciple à lui-même par Jésus conduit le disciple à reconnaître la vraie personne de Jésus. Le disciple se met à confesser sa foi en Jésus.
Nathanaël, qui doutait que quoi ce soit de bon puisse sortir de Nazareth, en vient à confesser : « Maître, tu es le Fils de Dieu » ce qui est la confession de foi la plus parfaite pour l’évangéliste Jean.
On voit donc que ces deux récits d’appel de disciples répondent à la question : « Comment devient-on chrétien ? » L’évangéliste répond qu’on devint un chrétien par un chemin qui passe par la mise en marche, par curiosité ou par quête (« Venez »), par l’observation et l’expérience (« Voyez »), mais surtout par la rencontre avec la personne de Jésus qui nous révèle à nous-mêmes dans notre vérité.
Jésus se montre comme le Révélateur, de notre personne et du Père. Et parce qu’il peut nous révéler à nous-mêmes, il peut aussi nous révéler le Père. C’est le chemin que font les disciples. Ils reconnaissent en Jésus celui qui peut leur révéler les clés de leur existence, cette existence qui est tendue entre eux-mêmes et le Père.
Jésus lui-même fait le lien entre la révélation de soi-même et la révélation du Père lorsqu’il dit à Nathanaël : « Parce que je t’ai dit que je t’avais vu sous le figuier, tu crois. Tu verras des choses bien plus grandes. » Et Jésus ajoute : « En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. » (v.50-51)
La découverte de soi mène à la découverte du Père, et vice versa. Calvin l’avait bien compris puisqu’il ouvre son Institution de la Religion Chrétienne par ces mots : « Toute la (…) sagesse est située en deux parties : c’est qu’en connaissant Dieu, chacun de nous aussi se connaisse. (IRC I, I, 1.)
La foi naît de ce sentiment d’avoir été totalement compris par le Père et d’être dorénavant englobé dans sa vie et son amour. Alors le ciel s’ouvre et nous pouvons voir le Père à travers le Fils. Cette parole sur le ciel ouvert répond à celle qui termine le prologue « Personne n’a jamais vu Dieu. Mais le Fils unique (…) l’a fait connaître » (Jn 1:18).
Le Fils unique est plus grand que Jacob sur qui montaient et descendaient les anges dans son songe (Gn 28:12) (allusion à la parole de la Samaritaine : « es-tu plus grand que Jacob ? » Jn 4:12). Par la foi, à travers le Fils de Dieu, le croyant a accès aux réalités divines et à la vraie vie. C’est ce que l’évangéliste Jean va exposer et développer dans tout son Evangile.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2014
songe
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Jean 1. Jésus se manifeste comme le révélateur de l’être profond de chacun
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Genèse 28. Les rêves dans la Bible (I). Le rêve de Jacob
Genèse 28
3.7.2011
Les rêves dans la Bible (I). Le rêve de Jacob
Gn 28 : 10-19 Mc 4 : 9-14télécharger ici la prédication : P-2011-07-03.pdf
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
J'ai choisi de vous entraîner dans le pays des rêves pendant ce mois de juillet, plus précisément d'étudier avec vous comment la Bible parle des rêves, des songes. Le texte biblique nous apporte plusieurs rêves au fil de ses pages.
Dans l'Ancien Testament, la majorité des rêves sont racontés dans le livre de la Genèse, mais on en trouve un dans Juges (7:13), le rêve de Salomon en 1 Rois 3, puis deux rêves dans le livre de Daniel (2 et 4). Dans le Nouveau Testament, l'évangéliste Matthieu présente Joseph comme recevant des instructions de Dieu en songe.
En étudiant ces différents rêves, je crois qu'on peut les classer en deux catégories :1) les rêves prémonitoires, qui annoncent de manière énigmatique un événement qui va se produire et
2) les rêves directifs, où Dieu dicte une instruction à celui qui dort. Joseph, l'époux de Marie, reçoit clairement des directives dans ses songes : "Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Égypte" (Mt 2:13). C'est en songe que Joseph est averti qu'il peut rentrer en Galilée (Mt 2:13-19). De même, les mages reçoivent l'instruction de ne pas passer chez Hérode en retournant chez eux (Mt 2:12). Dans la Genèse, Abimélec reçoit en songe l'ordre de rendre Sarah à Abraham (Gn 20:3,6).
Dans la première catégorie des rêves prémonitoires, il y a tous les rêves du cycle de Joseph :- Joseph qui rêve des gerbes de blé ou des étoiles qui se prosternent (Gn 37)
- le boulanger et l'échanson en prison qui font chacun un rêve qui devront être décrypté par Joseph et qui annoncent leur destin (Gn 40)
- les rêves de Pharaon avec les 7 vaches grasses et les 7 vaches maigres et son doublet avec les 7 épis beaux et gros et les 7 épis maigres (Gn 41).
Dans le livre de Daniel, Nabucodonosor recourt à Daniel pour interpréter ses deux rêves (Dn 2 et 4), qui eux aussi décrivent ce qui va se passer dans un avenir proche.
Et puis, il y a le rêve de Jacob dont nous avons entendu le récit et qui échappe à ces deux catégories. Ce rêve de Jacob va nous occuper ce matin. Le récit est en trois parties. D'abord ce qui se passe dans le rêve, pendant le sommeil de Jacob : l'image de l'échelle de Jacob et les paroles de Dieu, des promesses divines. Ensuite est décrit le réveil de Jacob, ce qu'il réalise et comment il interprète son rêve. Enfin, l'action qu'entreprend Jacob suite à cette interprétation. Reprenons.
A. Le rêve de Jacob, c'est d'abord une image, une image que les peintres ont essayé de représenter. C'est une échelle ou un escalier. Le terme n'apparaît qu'ici dans la Bible, c'est un terme unique, mais qu'on retrouve dans l'hébreu moderne dans le sens concret d'échelle (celle qu'on appuie contre l'arbre pour cueillir les cerises) ou bien au sens figuré d'échelle d'un graphique ou d'une carte.
Sur cette échelle, montent et descendent des messagers, des porteurs de messages, des envoyés qu'on appelle du coup des anges puisqu'ils viennent du ciel. Mais l'hébreu ne fait pas de différence entre l'ange, le facteur et l'ambassadeur porteurs d'un message. Cette échelle relie la terre et le ciel.
Cette vision est accompagnée de plusieurs paroles divines. D'abord Dieu s'identifie comme le Dieu d'Abraham et le Dieu d'Isaac. Cette façon de s'identifier n'est utilisée dans la Bible que pour les patriarches et Moïse. Ensuite, Dieu fait la liste des promesses qu'il s'engage à réaliser : donner une terre à Jacob; lui donner des descendants pour l'habiter; le bénir avec tous ses descendants; et finalement une promesse de présence et d'accompagnement : "Je serai avec toi, je te protégerai partout où tu ira et je te ramènerai dans ce pays" (Gn28:14). Souvenons-nous qu'à ce moment, Jacob fuit son pays après avoir ravi à Esaü le droit d'aînesse et la bénédiction de leur père. Il est dans la situation d'un fuyard qui va se réfugier dans un pays étranger.
B. A son réveil, Jacob se souvient de son rêve. Celui-ci lui fait prendre conscience de la présence de Dieu dans ce lieu. Jacob fait une découverte : il réalise que ce lieu est rempli de la présence de Dieu, que ce lieu devient un lieu saint pour lui. "C'est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas !" (Gn28:16) s'exclame-t-il. Jacob interprète alors son rêve comme la révélation d'un lieu spécial où terre et ciel sont en liens, où terre et ciel sont en contact, en communication. Le courant est établi entre le ciel et la terre et c'est ici que ça se passe.
C. Aussi Jacob élève-t-il un stèle et nomme-t-il ce lieu Béthel c'est-à-dire "la maison de Dieu" et dit-il que cet endroit est la porte des cieux. Jacob a comme découvert la "porte des étoiles" (Stargate). Cette action de Jacob d'ériger une stèle et de nommer le lieu où il se trouve se passe à l'extérieur de lui, mais — avec le rêve — on peut le lire comme une reconnaissance intérieure : Jacob a fait l'expérience du divin. Les cieux se sont invités dans son existence terrestre, un lien ineffaçable a été créé entre Dieu et Jacob. Une communication (des messagers transitent entre terre et ciel) s'est ouverte entre Jacob et Dieu.
Moïse a vécu la même chose à travers une vision, la vision du buisson ardent, avec des paroles et des promesses divines. Pourquoi Jacob vit-il cela dans un rêve, pas dans un vision ? Il me semble d'abord que la Bible réserve les visions aux prophètes et les rêves aux profanes. Mais au delà de cette différence de personne, je pense que cette révélation de la présence divine à Jacob, à Jacob-Israël, à l'ancêtre des 12 tribus et de tout le peuple d'Israël, c'est aussi un message théologique. En utilisant un rêve, Dieu parle de sa nature même.
Dans un contexte historique, depuis les Pharaons jusqu'aux empereurs assyriens, perses ou hellénistiques, le culte était une affaire de prestige, de magnificence et de temples grandioses. Le culte devait faire voir la supériorité du souverain sur son peuple et sur les peuples voisins. Les bâtiments devaient en imposer à tous. Ici, la révélation de Dieu, toute en délicatesse, dans le sommeil d'un homme seul, qui dort à la belle étoile, montre une différence remarquable.
Dieu ne veut pas s'imposer par la puissance, l'apparence, le bling-bling. Le Dieu de la Bible cherche à être invité, reçu, dans notre intériorité, dans le plus secret de notre être, comme un visiteur bienfaisant. A nous de l'accueillir, de le recevoir, de le découvrir, en nous exclamant avec Jacob :
"C'est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas !"
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2011