Marc 2
9.7.2006
Le pardon libère une telle énergie que le paralytique peut s'en aller debout.
Michée 7 : 7-8 + 18-20 Mc 2 : 1-12
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Il n'est pas facile dans notre monde moderne de parler des miracles de Jésus, des guérisons de Jésus. Cela ne paraît pas compatible avec les raisonnements scientifiques, la pensée rationnelle, etc. Le miracle n'existe que dans l'Antiquité ou dans les esprits crédules, pense-t-on.
C'est mettre — je crois — trop d'importance sur l'aspect matériel du miracle. Les miracles de Jésus sont avant tout des signes, qui signalent autre chose, qui attirent l'attention sur une autre réalité. Jésus n'utilise pas le miracle pour son aspect merveilleux. Il l'utilise comme une parabole, en marge de son message, pour montrer que son message s'inscrit bien dans la réalité, dans la vie.
La parole fait bouger la réalité, la transforme. Il y a des paroles efficaces, "performatives" en langage technique, qui changent la réalité. Lorsque je vous demande de vous lever pour chanter, vous vous levez; lorsqu'un président de Conseil communal dit "le vote est terminé" personne ne peut plus voter après cela, etc.
Dans le récit qui nous occupe, le miracle est marginal, il vient simplement confirmer que la parole de Jésus sur le pardon est efficace : ce qui est pardonné est vraiment pardonné. Alors, nous pouvons laisser de côté l'obstacle que représente le miracle pour comprendre vraiment le message de ce récit.
Ce récit parle d'abord de la foi et c'est ce que Jésus voit en premier : "Jésus vit la foi de ces hommes." C'est la foi des personnes qui accompagnent le paralytique. D'abord la foi qu'il se passera quelque chose de bon pour l'homme paralysé s'il pouvait approcher de Jésus, le rencontrer, le toucher. On ne nous dit pas ce que ces gens espéraient, mais ils sont prêts à affronter tous les obstacles.
Toute la foule est là pour voir et entendre Jésus et bloque tous les accès. Cela fait penser à l'interdiction pour les infirmes et les grands malades d'entrer dans le Temple de Jérusalem. Alors, là aussi le paralysé est interdit d'accès vers Jésus ? Qu'à cela ne tienne, les hommes trouvent un autre accès, ils passent par le toit. Il ne faut pas hésiter dans sa quête vers Dieu à utiliser tous les chemins possibles !
Lorsque le paralysé est enfin devant Jésus, Jésus voit la foi de ses porteurs. Oui, il est des situations où c'est la foi de la communauté qui fait le travail pour amener quelqu'un devant Jésus. On peut être bloqué, paralysé dans sa vie et accepter l'aide des autres pour avancer, pour franchir des obstacles, pour accéder à Jésus.
Jusque-là, le paralysé n'a rien dit, n'a rien demandé, n'a rien fait, mais Jésus intervient en déclarant (dans la formule traditionnelle) : "Tes péchés sont pardonnés" (Mc 2:5).
Là nous risquons d'être piégés par les ornières de la tradition et penser : les péchés sont des fautes, s'il est paralysé, c'est que ce sont des fautes terribles et l'on se met à lier faute et maladie. Non, ce que la Bible appelle le péché, c'est tout ce qui nous coupe de la relation avec Dieu ou avec les autres. Et ce qui nous coupe de cette relation, ce ne sont pas automatiquement des fautes commises.
On se coupe aussi des autres parce qu'on a le sentiment d'avoir été traité injustement ou bien parce qu'on a subi du mal ou des abus. On peut se couper de Dieu parce qu'on pense que le malheur qui nous arrive vient de lui. Combien un infirme peut-il en vouloir au ciel, s'il pense que Dieu a décidé de son handicap ? Le mal que l'on a subi nous coupe souvent des autres ou de Dieu et alors l'amour réparateur ne peut plus circuler. On vit avec des boulets aux pieds, avec de la colère ou une tristesse insurmontable.
Ce que Jésus dit à l'homme paralysé, c'est : "Tous tes boulets, tous tes fardeaux, je les écarte de ton être, ils ne viendront plus encombrer ta vie, paralyser ton existence."
Est-ce que chacun d'entre nous peut entendre que Jésus s'adresse à lui aujourd'hui ? "Je suis venu te décharger de ta hotte de souci, de rancune, de tristesse, de jalousie, d'insatisfaction. Tous les boulets que tu traînes depuis si longtemps sont écartés, supprimés. Toute l'énergie que tu mettais à les traîner derrière toi, tu peux maintenant la mettre à vivre, à avancer, à te réjouir de ta vie avec les autres."
Ne pensez-vous pas qu'après cela celui qui était paralysé se trouve transformé, revitalisé ? Le miracle est dans le pardon, dans cette énergie libérée pour la vie. Que le paralysé puisse se lever, prendre sa natte et marcher n'est que la suite logique de cette énergie libérée après avoir été bloquée pendant des années.
Le pardon que l'on reçoit, comme le pardon que l'on accorde, a un pouvoir énorme de libération et de remise en route, voilà ce que nous dit ce récit.
Que notre vie soit paralysée par des fautes que nous n'arrivons pas à nous pardonner, ou par des malheurs qui nous sont arrivés et qui creusent en nous les sentiments d'injustice, de révolte ou de tristesse sans fonds, il est possible d'accéder à Jésus et d'être déliés de ces fardeaux.
Peut-être devrons-nous demander de l'aide à quelques-uns pour nous frayer un chemin jusqu'à la guérison de notre être, peut-être faudra-t-il trouver des chemins inédits et passer par le toit, mais dans tous les cas, Jésus attend de remarquer notre foi, notre espoir d'être relevés.
Il y a pour chacun et chacune une promesse de vie, d'une vie à parcourir debout avec une énergie libérée.
Amen
© 2006, Jean-Marie Thévoz