Luc 10
Comment Jésus rend la vue aux aveugles
Dt 6 : 20-25 Luc 10 : 22-24 1 Jean 2 : 7-11
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Aujourd'hui, nous allons voir comment Jésus rend la vue aux aveugles.
Vous vous souvenez que Jésus avait annoncé son programme d'action à Nazareth en citant Esaïe:
"L'Esprit du Seigneur est sur moi,
il m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux prisonniers
et le don de la vue aux aveugles,
pour libérer les opprimés,
pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur." Luc 4:18-19.
Jésus annonce donc qu'il va faire voir les aveugles ! Que signifie être aveugle et retrouver la vue ? Essayez de fermer les yeux. Que percevez-vous de ce qui vous entoure ? Comment est le monde ? A part les bruits, le monde s'arrête au bout des bras... Que manque-t-il ? Plusieurs dimensions, les couleurs, le chatoiement de la lumière ...
Un aveugle, qui n'aurait jamais vu et qui voit, découvre un monde tout neuf, une perception toute nouvelle, une dimension supplémentaire à un monde qu'il connaissait sous un autre mode. C'est une révélation.
C'est cette révélation dont Luc dit qu'elle a été faite aux petits-enfants, pas aux sages et aux intelligents. Cette révélation, elle est pour ceux qui ne sont pas aveuglés par la raison, le calcul (de leurs intérêts), la logique du monde.
Qu'est-ce que cette révélation ? Luc nous donne deux pistes. La première, c'est la suite du texte. Juste après avoir déclaré "Heureux ceux qui voient" vient l'histoire du Bon Samaritain. La seconde piste, il faut aller la chercher plus loin dans l'évangile. Luc ne mentionne qu'une seule guérison d'aveugle dans son Evangile, et il la place juste après qu'il ait annoncé la monté à Jérusalem pour y souffrir et y mourir (lire Luc 18 : 31-38). "Aie pitié de moi", comme si l'aveugle était le seul à pouvoir voir que Jésus est celui qui comprend et qui tourne sa compassion vers ceux qui le lui demande. Comme si la souffrance de Jésus ne pouvait être regardée, vue pour ce qu'elle est, qu'après une guérison, après un miracle qui nous ouvre les yeux.
Le Bon Samaritain, c'est l'histoire d'un homme qui se laisse toucher par la souffrance de celui qui gît au bord du chemin. La souffrance du Christ sur la croix nous conduit à reconnaître la victime, là où on nous présente un coupable. Jésus a été jugé coupable et condamné par les hommes. Il n'existe de chréstiens que parce que des êtres humains y ont vu une injustice, une victime souffrant injustement.
La révélation, le nouveau regard offert par Jésus, c'est celui de la compassion, de l'empathie, de l'amour du prochain.
"Aimez-vous les uns les autres" nous rappelle Jean. C'est un vieux commandement s'il sa'git simplement de ne pas faire du tort à autreui (1 Jean 2:8). C'est un commandement nouveau, comme le dit Jean, si on le comprend comme une invitation à voir la souffrance des autres, comme le Bon Samaritain qui s'identifie au blessé.
Le judaïsme avait bien compris le lien entre la compassion et le souvenir de ses propres souffrances. "Lorsque un étranger viendra s'installer dans votre pays, ne l'exploitez pas... vous devez l'aimer comme vous-mêmes. Rappelez-vous que vous aussi avez été des térangers en Egypte." (Lév. 19:33-34).
La compassion ne peut venir que par le souvenir de notre propre souffrance. Comment pourrais-je "souffrir avec" (c'est le sens des mots 'sympathie', 'compassion', 'condoléances') si je suis fermé à ma propre souffrance , si je n'ose pas soulever le couvercle de ma propre misère ? Si je dois me protéger contre de douloureux souvenirs, je vais rester enfermé dans ma propre forteresse, je ne peux pas m'ouvrir à l'autre et compatir.
Etre guréi de son aveuglement, c'est gagner un nouveau regard sur le monde, y percevoir une nouvelle dimension, de nouvelles couleurs.
• c'est voir le mal subi (ce que ressentent les autres) avant de voir le mal commis (voir le Christ souffrant et non le Jésus coupable)
• c'est passer d'un regard qui juge à un regard qui compatit (voir que le blesssé au bord du chemin de la vie est d'abord une victime et non un imprudent coupable de sêtre mis dans cette situation).
Je crois que cela a été révélé aux petits enfants, aux tous-petits. Ils ont une façon si paerspicace de saisir l'humeur dans laquelle vous êtes, ils ont une façon si touchante de venir pour vous consoler s'ils vous voient tristes. Ils voient mieux que nous avec toute notre intelligence, ils perçoivent directement les sentiments. Ils voient la souffrance et ils compatissent.
Nous pouvons retrouver cette vision du monde et des gens. Jésus, comme Messie souffrant, est venu nous ouvrir la voie, nous indiquer le chemin vers ce tout-petit qui survit en nous. Jésus l'a dit à Nicodème : Il faut "naître de nouveau".
Fermons à nouveau les yeux, mais cette fois pour imaginer, pour essayer de se représenter la guérison, le recouvrement de la vision du coeur.
Jésus nous ouvre à un monde nouveau, où nous percevons dans nos rencontres ce que ressentent les gens derrière les mots qu'ils nous disent. Jésus nous ouvre les yeux et nous apprend à voir avec le coeur, à retrouver les yeux de l'empathie, de la compassion, pour aaccueillir, comprendre, aimer ceux qui sont autour de nous.
Amen.
Fait partie de la suite Prédication de Jésus à Nazareth : Luc 4 / Esaïe 58 / Luc 10 / Luc 7.
© 2006, Jean-Marie Thévoz