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Luc 7. L'année de faveur du Seigneur

Luc 7
12.10.97
L'année de faveur du Seigneur
Lév. 25 : 8-19 Col. 3 :12-14 Luc 7 : 36-50

Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Au début septembre, j'ai commencé une suite de prédications en partant des paroles du prophète Esaïe lues par Jésus lors de sa première prédication à Nazareth :

"L'Esprit du Seigneur est sur moi,
il m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux prisonniers
et le don de la vue aux aveugles,
pour libérer les opprimés,
pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur." Luc 4:18-19.
Aujourd'hui, nous sommes arrivés à la dernière phrase : "Annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur", une année de grâce, de bienveillance de Dieu envers nous.
Cette année de faveur à une histoire dans l'Ancien Testament. Dans le livre du Lévitique est décrit un système économique très spécial. Un premier cycle de sept ans est introduit, où la septième année, l'année sabbatique est une année de repos pour le sol. Pendant six ans tout le monde travaille, sème et récolte, la septième année est une année de repos. A ce premier cycle se superpose un deuxième cycle de sept fois sept ans, soit 49 années au total. L'année qui suit, soit la 50e est le Jubilé, l'année du Seigneur. Lors de cette 50e année, on rétablit les prersonnes dans leurs biens, dans leurs terres ou dans leur liberté pour celles qui ont été asservies pour n'avoir pas pu payer leurs dettes. Ce système économique présuppose une situation de départ équitable et juste et un monde très stable, au moins démographiquement.
Cet astucieux système économique n'a jamais été mis en place en Israël, mais il témoigne d'une tentative d'orgdonner le monde économique à la volonté divine tout en laissant de la place à la liberté humaine et en tenant compte de certaines réalités :
Ce système laisse une liberté de commerce et d'entreprise aussi grande que possible à tous pendant le cycle de 49 ans. Il ne laisse cependant pas croître les inégalités jusqu'à un point de rupture ou de non retour grâce à l'année du Jubilé qui instaure une redistribution. Enfin il tient compte du fait que la réalité est marquée par la dégradation des relations et des conditions de vie, en l'absence d'une lutte contre l'entropie naturelle ou sociale.
Jésus nous dit : "Aujourd'hui s'accomplit cette parole d'Esaïe : l'année du Seigneur, de la restauration, c'est maintenant." Pourtant Jésus n'est pas venu accomplir une révolution économique, comme il n'est pas venu pour chasser les Romains de Palestine. Il vient restaurer notre être, pas nos avoirs. Jésus est venu remplacer — dans nos modes relationnels — l'économie de marché fondé sur la pénurie, par l'économie du Royaume fondée sur l'abondance. C'était-là la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres.
Le départ équitable qui est donné à tous à la naissance, c'est de vivre dans l'abondance de l'amour. Il existe une légende juive qui dit que Dieu enseigne toute la Torah à chaque bébé dans le ventre de sa mère, de sorte qu'il sache à quel point il est aimé et capable d'amour. A la naissance, cependant, un ange pose son doit sur la bouche du nouveau-né pour qu'il se taise et laisse chacun découvrir par sa présence ce qu'il a déjà appris. La petite gouttière que nous avons entre le nez et la lèvre est la trace du doigt de l'ange.
Chaque enfant naît avec l'amour et le pardon de Dieu dans son coeur, avec une capacité d'aimer à l'infini. Ensuite, malheureusement, la situation se dégrade. Les détresses subies nous aliènent et le mal prend de l'ampleur dans nos vies et limitent nos capacités d'aimer, comme dans le Lévitique. La situation voulue au départ se dégrade. Chacun vit — sans que ce soit la faute de personne — des événements pénibles, tristes, frustrants, parce que la vie est dure, la société injuste et qu'il est impossible d'obtenir tout ce que nos désirs souhaitent.
Comme le pharisien ou comme la femme au parfum, nous sommes poussés, renfermés dans des rôles, des fonctions. Nous accumulons des dettes sous forme de culpabilités et perdons nos libertés, en façonnant nos stratégies relationnelles.
Jésus vient nous libérer de nos propres enfermements, de nos dettes, de nos culpabilités, detout ce qui nous paralyse. C'est ainsi que se réalise la parole d'Esaïe : "Dieu libère les captifs et renvoie en liberté les opprimés". Jésus vient nous délivrer du péché.
Voilà, le mot est lâché : le péché. C'est Jésus qui le prononce lorsqu'il dit à la femme "Tes péchés sont pardonnés". Le péché, c'est l'ensemble des choses qui dégradent la situation de départ pendant les 49 ans du cycle du Lévitique, jusqu'à ce que Dieu rétablisse la justice et l'équité pendant la 50e année.
Jésus ne parle du péché que lorsqu'il parle du pardon, lorsqu'il libère (la femme adultère) ou qu'il compatit et guérit (le paralytique). Pour Jésus, le péché originel n'existe pas. La seule chose qui existe pour Jésus, c'est le pardon originel.
Constamment, Jösus veut nous guérir de notre aveuglement qui nous fait voir le péché seulement comme les actes mauvias, les fautes, le mal que nous commettons et qui conduit à être jugé et à juger les autres, à être accusé et à accuser (à être lapidé ou à lapider Jean 8). Il veut nous redonner la vue sur la détresse, sur la souffrance ressentie, sur la dégradation des relations pour que nous puissions ressentir et compatir, "nous réjouir avec ceux qui se réjouissent, pleurer avec ceux qui pleurent".
L'année de faveur du Seigneur que Jésus réalise, c'est le retour à l'état de personne pardonnée, aimée. Dieu nous offre aujourd'hui d'être restaurés dans cet état premier par le pardon, ce pardon qui permet d'aimer et d'agir comme la femme au parfum. Jésus déclare à Simon, le pharisien qui se croit juste : "Je te le déclare : le grand amour que cette femme a manifesté, poruve que ses nombreux péchés ont été pardonnés." (Luc 7:47)
Les nombreux péchés de cette femme proviennent des nombreuses occasions de souffrir, d'être méprisée, d'être discriminée qu'elle a pu vivre. Le péché n'est pas souvent un acte délibéré, un délit prémédité, organisé et commis de sang froid. Plus souvent, c'est une simple réaction, réaction de défense par laquelle on tente de survivre, ou une réaction dans le sens d'une répétition, répétition du mal que nous avons subi, à la façon dont ces personnes qui ont été battues dans leur enfance, se mettent également à battre leur conjoint ou leurs enfants. Comment pourraient-elles agir différemment si elle n'ont jamais vécu dans un autre système relationnel, si elles n'ont jamais eu l'occasion d'expérimenter d'autres façons d'entrer en relation avec les autres, qu'elles ne connaissent pas d'autres règles du jeu ?
Avec l'année de faveur du Seigneur, Jésus nous offre lacompréhension pour tout ce que nous avons éprouvé et subi. En pardonnant, il prononce la parole libératrice que la femme au parfum attend : tu n'a rien fait de mal, tu es innocente, je te déclare non coupable et te restaure dans ta dignité première. Comme Jésus a dit à la femme : "Ta foi t'a sauvée, va en paix", il nous dit à nous aussi aujourd'hui : "Ta foi t'a sauvée, va en paix".
Amen.

Fait partie de la suite Prédication de Jésus à Nazareth : Luc 4 / Esaïe 58 / Luc 10 / Luc 7.

© 2006, Jean-Marie Thévoz

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