Galates 6
26.11.2006
La foi n'est pas dans le rite, mais dans la disposition du cœur et de l'esprit
Michée 4:1-4 Jean 4:19-24 Galates 6:11-16
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
En cette période de l'année, l'Eglise cantonale nous invite à prendre en compte le "fait interreligieux." Notamment au travers de l'offrande cantonale de ce jour qui est destinée à la "Maison du dialogue de l'Arzillier" à Lausanne. L'Arzillier est un lieu de discussion et de rencontre pour avancer dans le dialogue interconfessionnel et interreligieux. Cette maison est aussi le siège du Conseil des Eglises chrétiennes dans le canton de Vaud (CECCV). Ce bâtiment est la propriété de notre Eglise, les activités sont gérées et soutenues par elle. L'Arzillier est donc l'outil de travail de l'EERV dans les relations interconfessionnelles et interreligieuses.
Pourquoi faut-il s'occuper de ces choses-là, peut-on se demander ! Simplement parce que le monde, la Suisse, notre Canton ont changés. Dans notre Canton — au sein des chrétiens — les proportions ont radicalement changé. On tend vers une égalité de nombre entre protestants et catholiques. Dans le même temps, bien qu'en nombres encore très modestes, les croyants d'autres religions augmentent- Le dialogue interconfessionnel et interreligieux s'impose donc comme la voie préférable entre toutes.
Le dialogue œcuménique au sein du christianisme — même s'il n'avance pas toujours comme nous le voudrions en tant que protestants — ne pose pas de problèmes de principe. Le dialogue interreligieux, par contre, ne va pas de soi. En effet, chaque religion a une prétention à se déclarer l'unique chemin vers Dieu. Cela est plus fortement marqué encore dans les monothéismes ! Le judaïsme, le christianisme et l'islam ont chacun la prétention d'être la seule voie d'accès à Dieu. Il y a là un vrai risque de violence, comme la connaissance de l'histoire doit nous le rappeler constamment !
Que disent nos racines ? L'Ancien Testament balance constamment entre, d'un côté, l'aspiration à une "pureté identitaire" et, de l'autre, à un universalisme où toutes les nations convergent vers Jérusalem.
Du côté de la "pureté identitaire" on trouve tous les textes qui condamnent les cultes à Baal et les idoles cananéennes, babyloniennes ou égyptiennes, tous les textes contres les mariages*1 avec les gens du pays, toutes les coutumes qui exigent de se différencier des autres peuples.
Du côté de l'universalisme, il y a l'alliance avec Noé qui concerne tous les habitants de la terre et l'idée "futuriste" que tous les peuples se réuniront à Jérusalem pour faire la paix et adorer Dieu, le Dieu d'Israël. On n'est pas encore dans l'interreligieux, mais dans l'englobement de tous les autres dans sa propre religion, par conversion.
Dans le Nouveau Testament, on retrouve cette même tension entre un judaïsme simplement renouvelé par Jésus et une universalisation dans l'ouverture du christianisme aux grecs, aux romains, aux païens. Jésus semble également pris dans cette tension lorsqu'il refuse une guérison à la femme cananéenne (Mt 15:22-28) parce qu'il est envoyé en mission "auprès des enfants d'Israël." Mais d'un autre côté, il renvoie juifs et samaritains dos à dos — dans son dialogue avec la Samaritaine (Jn 4) — lorsqu'il dit que "les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit" c'est-à-dire détachés des lieux saints et de l'obéissance rituelle. La foi n'est pas dans le rite, mais dans la disposition du cœur et de l'esprit. En ce sens, Jésus n'est pas venu proposer une nouvelle religion, mais une nouvelle façon d'être devant Dieu.
Là je vais risquer une hypothèse sous forme de question : Et si cette nouvelle façon d'être en relation à Dieu — qu'apporte le Christ — pouvait être adoptée dans n'importe quelle religion, n'importe quel système religieux ?
Petite parenthèse : on pourrait en voir des modèles chaque fois qu'un théologien a transformé un courant de pensée philosophique en une théologie chrétienne : les Pères grecs et saint Augustin pour Platon, saint Thomas d'Aquin pour Aristote, Karl Barth pour Kant et Hegel, Paul Tillich pour la philosophie des sciences humaines et le marxisme. Fin de la parenthèse.
Revenons à notre hypothèse, et si Jésus n'était pas venu proposer une nouvelle religion — à mettre à côté des autres — mais une nouvelle façon d'être en relation avec Dieu ? Je pense que l'apôtre Paul en a eu l'intuition très forte lorsqu'il écrit cette phrase — de sa propre main — aux Galates (6:15) : "Etre circoncis, ou ne pas l'être, n'a aucune importance : ce qui importe, c'est d'être une nouvelle créature."*2
Etre circoncis — pour Paul, l'ancien pharisien — c'est avoir inscrit dans son corps l'appartenance à un système religieux, celui du judaïsme. C'est y être inscrit envers et contre tout. La circoncision, c'est un rite religieux, observé par les juifs, par lequel, ils se différencient des autres. Les non-circoncis se différencient aussi — en miroir — des juifs. Ils ont aussi leurs rites religieux, leurs sacrifices, par exemple à l'empereur pour les romains.
Eh bien, Paul les renvoie dos à dos : que vous pratiquiez l'obéissance à la Torah ou les sacrifices à l'empereur, cela n'a pas d'importance, "ce qui importe, c'est d'être une nouvelle créature." Paul renvoie au vestiaire toute religion, tout système religieux qui enferme l'être humain dans une pratique sensée le sauver, ou attirer sur lui les faveurs de Dieu.
Paul en appelle à l'abolition de toutes les religions qui se prétendent des échelles pour monter au ciel — ce qui signifie aussi tous les systèmes que le christianisme a fabriqué au cours des siècles pour gagner la faveur divine. Et tout cela est remplacé par la prédication du Christ crucifié, c'est-à-dire l'annonce que Dieu a déjà tout accompli en notre faveur, pour notre salut, il a déjà fait de nous de nouvelles créatures.
Il y a donc dans ces paroles de Paul un refus de la sacralisation de tout système religieux. Le système religieux en soi n'a aucune importance, puisque tout se joue dans la relation de Dieu à l'être humain.
Cela devrait nous aider dans le dialogue interreligieux. Nous aider à ne pas nous sentir menacés par les différences. Nous aider à ne pas craindre de perdre des bouts de christianisme : on peut abandonner toute la dogmatique si l'on garde le lien à Dieu. Nous aider à être tolérants envers ceux qui ont besoin de rites ou de signes visibles de différenciation — même au sein du christianisme — (ils ne sont que des accessoires, pas des conditions de la relation à Dieu).
Attention, cependant, à la tentation de transformer ce merveilleux cadeau d'amour que Dieu nous a fait en la personne du Christ en un nouveau système religieux supérieur à tous les autres. En image : ne faisons pas du Christ une nouvelle échelle pour monter vers Dieu par nos propres moyens et à imposer aux autres comme seul chemin. Ce serait une nouvelle façon d'imposer la circoncision aux païens dans le langage de Paul.
Le christianisme n'est pas une religion qui chapeaute toutes les autres, le christianisme est la voie de sortie de la religion, de toute religion, pour que l'être humain puisse adorer Dieu en esprit et en vérité, tel que Dieu se présente lui-même, descendant du ciel pour nous rejoindre au plus près de notre humanité. Ce que Jésus nous offre, c'est Dieu sans intermédiaire.
Amen
*1 voir ma prédication sur Ruth 4 du 27.8.2006 voir http://clamans.hautetfort.com/archive/2006/09/11/le-message-politique-du-livre-de-ruth.html
*2 Paul Tillich a prêché sur ce verset, voir http://www.eglise-reformee-mulhouse.org/tillich/tillich1.html
© 2006, Jean-Marie Thévoz
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Matthieu 5. La peine de mort pour Saddam Hussein ?
Matthieu 5
12.11.2006
La peine de mort pour Saddam Hussein ?
Rm 13 : 1-5 Mt 5 : 21-22
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Une fois n'est pas coutume, aujourd'hui, je vais prendre le risque de commenter un fait d'actualité. Cette semaine, la nouvelle est tombée : le Haut tribunal pénal irakien a condamné Saddam Hussein à la peine de mort. Celui-ci pourra faire appel et remettre ce verdict en question.
Deux réactions rapides, réflexes : (i) si Saddam Hussein n'est pas condamné à mort, qui pourrait encore l'être pour des crimes civils ? Ne serait-il pas injuste qu'une personne ayant tué une, deux, trois, voir même 18 personnes s'en tire moins bien que Saddam Hussein ? (ii) La peine de mort est-elle une sanction appropriée pour Saddam Hussein si l'on entre dans des considérations qui tentent de mesurer la gravité des faits et arriver à un châtiment qui soit "à la mesure" de ses crimes. A cette échelle, la peine de mort est trop clémente !
Pourtant, vous avez pu le voir et l'entendre dans la presse, Amnesty International, l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) et d'autres, dont les Eglises, demandent que la peine de mort ne soit pas appliquée, même dans ce cas !
Cette position n'est pas facile à défendre. En fait l'abolition de la peine de mort est un discours récent dans les Eglises, une idée du XXe siècle et de l'Eglise primitive. Jusqu'à la déclaration par Constantin que le christianisme devenait la religion d'Etat de l'Empire romain, l'Eglise était opposée à toute mise à mort qu'elles qu'en soient les raisons. Ensuite, en s'appuyant sur les paroles de Paul aux Romains (Rm 13:1-5) — qui dit que l'autorité a le pouvoir du glaive pour faire respecter l'ordre public — les Eglises ont soutenu les Etats et la peine de mort contre les criminels.
Des groupes marginaux dans l'histoire, les Cathares, les Vaudois, les Anabaptistes s'y sont opposés, comme ils s'opposaient à la guerre. Ce n'est qu'au XXe siècle, le théologien bâlois Karl Barth en tête, que le mouvement abolitionniste s'est développé et a gagné presque tous les pays de tradition chrétienne.
Cette opposition à la peine de mort est une opposition de principe. Elle fait valoir les arguments suivants :
- la peine de mort est irréversible. Des innocents peuvent être exécutés par erreur judiciaire.
- la peine de mort n'est pas dissuasive.
- la peine de mort frappe avant tout les minorités et les pauvres, elle est donc injuste.
Ces premiers arguments ne s'appliquent pas dans le cas de Saddam Hussein. Voyons les suivants :
- Il n'appartient pas aux êtres humains de fixer le moment de la mort, seul Dieu a ce pouvoir.
- Si coupable soit-il, un homme pour qui Jésus-Christ est mort, ne saurait être privé du temps de patience et de repentance que Dieu offre à tout pécheur.
-La peine de mort n'est pas un moyen de légitime défense puisqu'elle s'applique sur quelqu'un qui est déjà hors d'état de nuire puisqu'il est déjà en prison.
- la peine de mort s'exprime par le "même langage", c'est-à-dire avec les mêmes méthodes et moyens que l'on condamne chez le coupable.
Je ne vais pas analyser chacun de ces arguments. C'est le dernier argument qui me semble en même temps le plus "chrétien" et le plus "universel", le plus compréhensible pour toutes les cultures : La peine de mort utilise le même langage de violence que celui qui est condamné chez le coupable.
Je trouve cet argument particulièrement pertinent parce qu'il ne s'attache pas au caractère légitime ou non, légal ou non, humain ou non de la peine de mort, mais au caractère violent de la peine de mort. Quelques que soient les méthodes utilisées pour une exécution (on le voit au Etats-Unis avec la diversité de moyens engagés) la peine de mort est toujours l'application d'une violence qui contredit nos valeurs, pas seulement chrétiennes, mais les valeurs de base de toutes les démocraties.
On utilise la même violence que l'on dénonce chez le condamné. On est dans la violence du "œil pour œil, dent pour dent" même avec tout un arsenal juridique. D'ailleurs, Saddam Hussein utilisait aussi tout un arsenal juridique en Irak qui devait légitimer ses exactions !
Condamner Saddam Hussein "légalement" à mort, c'est une façon de reconnaître qu'il y a des violences légitimes. Pourquoi celles des nazis ou celles de Saddam Hussein sont-elles illégitimes en fin de compte puisqu'elles reposaient sur des lois d'Etat ? Bien sûr, on dira — après coup — que c'étaient des Etats criminels. Et on le fait en se plaçant au-dessus de ces Etats — p. ex. en se plaçant au niveau de l'ONU ou du TPI (Tribunal pénal international). On voit qu'il faut chaque fois "monter d'un étage" pour poser un jugement. Les chrétiens affirment simplement qu'à l'étage supérieur, il faut placer Dieu et surtout pas les hommes. Le dernier jugement doit être laissé à Dieu !
C'est une façon de reconnaître que les jugements humains sont toujours trop étroits, trop limités, trop faillibles. La violence est une force bien trop grande, trop explosive pour être laissée entre les mains des humains (surtout quand ils prétendent faire le bien !). Comme humains, nous sommes trop tentés par la vengeance.
Nous voudrions que la justice venge les victimes. Dans cet esprit, la peine de mort est trop clémente ! Certains ne voudraient-ils pas réintroduire les châtiments tels que la roue, l'écartèlement ou l'écorché vif ? Mais quelle violence supplémentaire améliorerait d'un cheveu le sort des victimes ? Le sort des victimes est bien la première préoccupation chrétienne. La peine de mort ne pourrait qu'assouvir — mais jamais assez — le désir de vengeance des victimes, mais on n'a jamais vu que la vengeance améliorait le sort des victimes.
Qu'est-ce qui améliorerait leur sort ? Du temps pour mener de nombreux procès, pour faire droit, pour réhabiliter les victimes, pour faire office de mémoire, de mémorial, voilà qui soulagerait les victimes ou leurs proches. Suspendre ou abolir la peine de mort pour faire droit aux victimes de réclamer une condamnation des actes qui ont été perpétrés contre eux, voilà qui serait bienfaisant.
Reste la question du jugement de Dieu. Comment Dieu allie-t-il justice et amour ? Justice pour les victimes, justice pour le coupable ? Amour pour les victimes, amour pour le coupable ? Nous n'en savons rien ! Pour moi, en tout cas, cela reste un grand mystère. Cependant, nous avons quelques indices à méditer dans la Passion de Jésus.
- Un homme désigné comme coupable par tous est condamné à la peine de mort.
- Un innocent se retrouve sur la croix. victime de la violence des hommes.
- Tous les humains coupables aux yeux de Dieu, mais Dieu qui leur offre le salut malgré tout.
- Une victime enterrée, que Dieu ressuscite le troisième jour et enlève au ciel.
- Un jugement différé pour les humains, pour faire place à un amour possible entre les humains et Dieu et entre les humains.
Aujourd'hui, ce n'est pas dans la figure de Ponce Pilate que l'on reconnaît Dieu, c'est bien dans celle de Jésus et Jésus crucifié. Si un jugement est nécessaire, c'est bien pour que justice soit rendue aux victimes. C'est bien à leur égard que Dieu allie justice et amour.
Amen
© 2006, Jean-Marie Thévoz -
2 Rois 4. A partir de nos indigences, Dieu crée de l'abondance
2 Rois 4
22.11.98
A partir de nos indigences, Dieu crée de l'abondance
2 Rois 4 : 1-7 Marc 6 : 34-44
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
L'Evangile de Jean nous rapporte cette parole de Jésus : (Jean 10:10)
"Moi, je suis venu pour que les humains aient la vie et l'aient en abondance"
Pour moi, cette phrase est une clé de lecture extrêmement importante pour comprendre nombre de récits bibliques et surtout l'intention fondamentale de Dieu à notre égard. Vous avez entendu deux récits qui manifestent cette abondance. Le récit de la veuve secourue par Elisée et celui de la multiplication des pains. On pourrait en mentionner plusieurs autres : le don de la manne ou des cailles au désert, du temps de Moïse; la veuve de Sarepta secourue par Elie; la pêche miraculeuse ou encore les noces de Cana.
Autant de miracles où de la nourriture est offerte au-delà de toute espérance. Une situation de désespoir, de misère, de mort, de pénurie est transformée en un nouveau départ. Il y a restauration, dans tous les sens du terme. La vie menacée est rétablie, restaurée et peut reprendre sur de nouvelles bases.
N'est-ce pas aussi ce qui se passe lorsque le deuil frappe ? L'unité d'un couple ou d'une famille, des liens sont brisés et une sentiment de perte, de lassitude, de peine et de malheur s'installent. Face au manque, tout semble vain, dénué de sens. C'est ce que vit cette femme au temps du prophète Elisée. Elle a perdu son mari. Elle reste avec ses deux enfants, mais une menace pèse sur cette famille : un créancier réclame le remboursement d'une vieille dette et menace de prendre les deux enfants pour les faire travailler à son service jusqu'au remboursement de cette dette.
Après son mari, cette femme pourrait perdre ses enfants, elle pourrait perdre toutes ses ressources à cause du passé. C'est alors qu'elle va chercher de l'aide auprès d'Elisée.
J'admire la réaction d'Elisée. Il dit :
"Que pourrais-je faire pour toi? Dis-moi ce que tu possèdes ! (2 R 4:2)
En deux phrases, il donne l'occasion à cette femme, d'abord d'identifier ses besoins véritables, ensuite de faire l'inventaire de ce qu'elle a, de ses possibilités, de ses atouts, de ses forces. Elle-même pense ne rien avoir du tout, d'être au bout du rouleau, dans une situation sans issue, désespérée. Ce qu'elle a — un peu d'huile au fond d'un flacon, juste de quoi se parfumer, donc de mouiller ses doigts — lui semble être négligeable, insuffisant, rien, du néant. Elle voit sa situation avec les lunettes du manque, avec une vision de pénurie. Elle se sent sans force, seule, épuisée, dans tous les sens du terme. C'est le vide autour d'elle, c'est le vide en elle...
Elisée va retourner cette situation. Il va partir du "peu" de ressource qu'elle à en elle. Il exhume ce petit peu de force, de richesse qui est en elle. Et il rameute les voisins à son aide en envoyant cette femme et ses fils chercher tous les récipients vides qu'ils peuvent trouver. Par ce mouvement, il se crée une petite communauté qui travaille au rétablissement de la situation de cette femme. Chacun peut apporter son aide, mais avec des récipients vides — donc une aide, mais pas un substitut aux ressources de la femme.
La femme reste l'acteur principal de son rétablissement. C'est à partir de sa force intérieure — son peu de force — mais la sienne propre que peu à peu elle va réussir l'incroyable, ce qu'elle-même ne pouvait croire : remplir tous les vases et se sortir de sa situation désespérée.
C'est à partir de ses propres ressources que l'abondance se met à couler. C'est à partir des 5 pains et 2 poissons que la foule avait dans ses sacs que l'abondance va surgir et les nourrir tous. C'est à partir de ce qui nous semble être nos pénuries intérieures que l'abondance et la vie véritable vont se mettre à couler.
Là où nous avons un regard qui voit le manque, l'absence, la pénurie, Dieu est capable de nous donner un regard qui voit ce qui est là, la présence, l'abondance.
"L'homme ne vivra pas de pain seulement..." (Mat. 4:4)
Si nous ne savons pas multiplier les pains ou l'huile, alors faisons-le, là où cela est possible, dans nos relations les uns avec les autres ! L'abondance de vie que Dieu veut dans nos existences n'est certainement pas une abondance de biens de consommation, mais une abondance dans nos relations. Y recevoir ce dont nous avons besoin. Y donner ce dont nos proches ont besoin, de sorte que ni nous, ni nos proches ne vivent dans une pénurie d'intimité et de tendresse, un manque de proximité et d'amour.
C'est vrai, ce n'est pas toujours facile à faire, mais c'est le miracle que Dieu souhaite introduire dans nos vies, vivre dans l'abondance de moments vrais, une abondance dont chacun peut être rassasié aussi longtemps que nécessaire, parce que l'amour ne tarit pas.
Oui, le miracle que Dieu souhaite réaliser dans la vie de chacun, Jésus nous l'a dit :
"Moi, je suis venu pour que les humains aient la vie et l'aient en abondance"
(Jean 10:10)
Amen
© 2006, Jean-Marie Thévoz -
Romains 1. Réformation : la justice de Dieu, une grâce offerte aux humains
Romains 1
2.11.97
Réformation : la justice de Dieu, une grâce offerte aux humains
Jér 31:31-34 Rm 1:16-17 Lc 18:9-14
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Ce premier dimanche de novembre, nous commémorons la Réformation. Le premier dimanche de novembre a probablement été choisi parce que Martin Luther avait affiché ses "95 thèses contre les indulgences" sur les portes de l'église de Wittenberg le 31 octobre 1517, voici 480 ans.
Par ce premier acte public et provocateur, Luther dénonce vigoureusement la pratique de l'Eglise de l'époque de monnayer le salut, de remplir ses caisses en laissant croire que chacun pouvait racheter des années de purgatoire. C'est ce qu'on appelle le salut par les oeuvres.
Luther en tant que moine avait été éduqué dans cette croyance — généralisée à l'époque — qu'en sortant du monde (en se faisant moine), en faisant pénitence et en s'appliquant à se consacrer entièrement à Dieu, on pouvait gagner son salut, la vie éternelle.
Luther vivait — comme moine — dans l'angoisse et la terreur du jugement de Dieu. Il ne voyait Dieu que comme un juge, un Dieu comptable des bonnes et des mauvaises actions. Un Dieu impitoyable, exerçant une justice qui ne passe rien. Tous les jours, Luther se demandait avec angoisse : "Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?"
Un jour cependant, nous dit-on, Luther médite le début de la lettre aux Romains. Aux versets 16-17, il est question de la justice de Dieu. Là, il a comme une illumination ! Cette justice qu'il comprenait comme le jugement de Dieu sur l'homme pécheur, il la rencontre comme la façon qu'a Dieu de rendre justes les humains : "Comment Dieu rend les humains justes devant lui : par la foi seule" dit la traduction de la Bible en français courant. Le tribunal terrifiant fait place à un flot de grâce. Celui qui se croyait condamné reçoit sa lettre de grâce. De la terreur, Luther passe à la reconnaissance.
Il y a un avant et un après. Et Luther n'aura de cesse de dénoncer ceux qui entretiennent ce régime de terreur et de soumission. Et l'on comprend combien ce message libérateur a pu trouver d'échos parmi ceux qui l'entendaient.
Luther a marqué dans l'Histoire un avant et un après. Même si un schisme a eu lieu entre catholiques et protestants, les idées de Luther et des autres réformateurs ont fait leur chemin dans toutes les Eglises. Les indulgences ont disparu. Le discours sur le salut par les oeuvres a presque disparu. Pourtant, chassé par la porte, ce discours revient par la fenêtre, sous de nouvelles formes, sécularisées, très laïques. Aujourd'hui on a de la valeur, un statut social, à travers le travail, à travers l'argent ou une vie bien rangée et organisée. Fort de ce statut — comme le pharisien ou comme certains autorités économiques dans notre pays — on se met à juger les autres, les chômeurs, les sans-abri ou les réfugiés.
Heureusement, la justice de Dieu n'est pas la nôtre. Cette justice de Dieu ôte les étiquettes, rassemble, reconnaît chacun parce qu'il est, non pour ce qu'il fait. La justice de Dieu est évangile, Bonne Nouvelle, parce qu'elle proclame à tous les êtres humains que Dieu leur offre la dignité, une vie qui en vaut la peine. Bonne Nouvelle, parce qu'il est impossible à qui que ce soit de gagner cela par lui-même.
Dieu lui-même prend en charge notre transformation. La transformation de tous ceux qui acceptent qu'ils ont besoin d'être rendus à leur vérité première. Cette acceptation, c'est la foi, la confiance que Dieu m'accepte tel que je suis, la confiance que Dieu me rend juste sans que j'aie à m'en occuper moi-même.
Si l'on reprend la question de Luther "Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?" (phrase empruntée à deux récits bibliques, le jeune homme riche (Luc 18:18-23) et le bon samaritain (Luc 10:25-37)), la réponse est : RIEN.
La bonne nouvelle de Jésus-Christ, c'est de pouvoir s'abandonner à la grâce de Dieu, pouvoir accepter d'être accepté, renoncer à tout effort pour sauver la face, pour bien faire, pour faire un bout de chemin pour rejoindre Dieu. C'est Dieu lui-même qui renouvelle son alliance (Jér. 31). C'est lui qui nous donne des coeurs de chair à la place de nos coeurs de pierre.
La bonne nouvelle de Jésus-Christ, c'est accepter d'être totalement libéré du souci de l'effort de plaire à Dieu : la seule chose qui plaise à Dieu, c'est qu'on lui fasse confiance lorsqu'il nous dit : "cesse de te faire du souci".
Libre de cette tâche de gagner notre paix intérieure, nous pouvons enfin diriger nos forces ailleurs, non plus vers nous-mêmes, mais vers les autres.
Libérés, nous pouvons passer du souci à la sollicitude.
Amen.
© 2006, Jean-Marie Thévoz -
Jean 3. Jésus, que le Nouveau Testament nomme l'Epoux, était-il marié avec Marie-Madeleine ? A propos du Da Vinci Code
Jean 3
24.7.2005
Jésus, que le Nouveau Testament nomme l'Epoux, était-il marié avec Marie-Madeleine ?
Es 62 : 1-5 Eph 5 : 25-30 Jn 3 : 25-29
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
J'ai annoncé la semaine passée que je répondrais ce dimanche à la question : Jésus était-il marié avec Marie-Madeleine ? Cette question se pose après l'affirmation du romancier Dan Brown, l'auteur du Da Vinci Code que Marie-Madeleine était l'épouse de Jésus et qu'elle lui avait même donné une fille et créé ainsi ce que le romancier appelle "une lignée de sang royal." ¨
Pour étayer sa construction du mariage de Jésus, le romancier se base sur deux citations d'un texte apocryphe (c'est-à-dire qui a été déclaré hérétique et n'est donc pas entré dans la bibliothèque du Nouveau Testament), texte qui se nomme l'Evangile de Philippe, où Marie-Madeleine est déclarée être la "compagne" de Jésus (EvPhil §32 et §55).
Nous avons vu la semaine dernière quelle place le Nouveau Testament accordait à Marie-Madeleine, c'est-à-dire une place importante de premier témoin de la résurrection, une place de quasi-apôtre — place qui est plutôt atténuée dans les Evangiles du Nouveau Testament, place qui est plutôt amplifiée dans les textes apocryphes ! En effet, les trois textes apocryphes qui parlent de Marie-Madeleine (Evangile de Philippe, Evangile de Thomas, Evangile de Marie[-Madeleine]) la mettent en scène (i) comme une rivale de Pierre pour la place de premier disciple; (ii) comme la plus aimée des disciples par Jésus (les disciples demandent même à Jésus "Pourquoi l'aimes-tu plus que nous tous ? " (EvPhil §55) mais nous n'avons malheureusement pas la réponse de Jésus); (iii) finalement comme "compagne" de Jésus. Alors, peut-on dire d'après cela que Jésus était marié, qu'il avait une épouse ? Si notre réponse est oui, Marie-Madeleine est la seule candidate plausible comme épouse.
Donc la question de base est de savoir si Jésus était marié ou non. Dans le contexte du judaïsme du temps de Jésus, tout homme avait le devoir de se marier et d'avoir des enfants. Le célibat était très mal vue et certains chercheurs pensent que si Jésus n'avait pas été marié cela aurait été dit et expliqué, pour ne pas dire excusé. Cependant, on peut observer que Paul — l'apôtre — bien que juif accompli selon ses dires, n'était pas marié. On ne nous dit rien non plus de l'état civil de Jean Baptiste. Il y avait aussi le groupe des "nazirs", des consacrés à Dieu qui ne se mariaient pas, tout comme les membres de la secte des esséniens. Il y avait donc très probablement un célibat religieux tout à fait accepté, au point qu'on n'en parlait pas.
Dans l'autre sens, on nous parle toujours de la famille de Jésus comme étant composée de sa mère et de ses frères (Mt 12:46; Ac 1:14), Si Jésus avait fondé une famille, on parlerait de sa femme et de ses enfants. Le silence des Evangiles plaide plutôt en faveur du célibat de Jésus.
Cependant, à plusieurs reprises, Jésus est identifié par les rédacteurs des Evangiles comme étant l'Epoux. Nous l'avons entendu dans la bouche de Jean Baptiste (Jn 3:29), nous le retrouvons dans la parabole des Dix vierges folles ou sages (Mt 25:1ss) et souvent dans l'Apocalypse (Ap 18:23; 21:2).
Pourquoi Jésus est-il appelé l'Epoux ? Cette appellation nous renvoie à la lecture de l'Ancien Testament, aux prophètes Osée (chap. 1—3), Esaïe (Es 54:1-8; 62:1-5), Jérémie (chap. 2 et 31) Ezéchiel (chap. 16) qui parlent de l'alliance entre Dieu et Israël ou Jérusalem comme d'un mariage (un mariage plutôt malheureux d'ailleurs où il est question d'adultère et de prostitution). Dieu y est représenté comme un fiancé, un amoureux, un mari qui souhaite faire renaître l'amour de sa fiancée, de son épouse.
Dans le Nouveau Testament, cette parabole de l'amour de Dieu avec son peuple est reportée sur Jésus et le peuple d'Israël d'abord, puis sur Jésus et l'Eglise ensuite, comme on le voit développé par le rédacteur de la lettre aux Ephésiens. Le thème du mariage entre Dieu est son peuple, reporté sur la personne de Jésus, est une façon d'affirmer la divinité de Jésus. Il est vraiment, non seulement le porteur du message de Dieu, comme un prophète, mais il est Dieu lui-même qui s'adresse à nouveau à son peuple. Une nouvelle histoire d'amour commence, Dieu à nouveau s'approche de son peuple pour lui proposer un nouvel épisode de vie commune.
Ce mariage du divin et de l'humain est repris dans divers contextes dans les premières Eglises. D'abord dans la théologie paulinienne pour en faire un exemple de vie conjugale pour les couples chrétiens. Il est repris aussi dans le monachisme, où les moines et les moniales deviennent épouses consacrées au Christ. Enfin, cette métaphore est reprise par les milieux appelés "gnostiques" qui prônent un mariage entre le Christ et la Sagesse, la "Sophia."
C'est dans ce contexte qu'ont été écrits les Evangiles apocryphes où il est dit que Marie-Madeleine est la compagne de Jésus. Un parallèle est fait entre la sagesse et Marie-Madeleine. Comme la sagesse doit devenir l'épouse du Christ, Marie-Madeleine devient la compagne, l'épouse de Jésus, mais dans un sens mystique, d'autant plus que ces textes ont été écrits bien après la mort de Marie-Madeleine.
Seuls les naïfs — ou les mystificateurs comme le sont les romanciers (pour notre plus grand plaisir d'ailleurs, car que serait un roman s'il ne nous emmenait pas sur les chemins de l'imaginaire ?) — seuls les naïfs donc font remonter ce mariage du vivant de Jésus !
Dans le Nouveau Testament, Jésus est l'époux de l'Eglise et cette métaphore définit la place et le rôle de l'Eglise. Elle se doit d'être fidèle et vigilante, elle attend le retour de son époux, le Christ ressuscité. Je pense que le déploiement de cette image, de cette métaphore du mariage de l'Eglise avec Jésus, l'Epoux, n'a été possible que parce que — justement — Jésus n'était pas marié !
Si Jésus avait été marié, il aurait été plus difficile d'en faire l'Epoux de toute l'Eglise. Si Jésus avait été marié, à cause de cette métaphore, il aurait été important et utile de différencier son mariage terrestre et son mariage mystique avec l'Eglise et cela serait apparu dans les textes.
Tous ces éléments nous persuadent de conclure que Jésus n'était pas marié et donc que Marie-Madeleine n'était pas son épouse. C'est peut-être moins romantique, c'est aussi moins dramatique puisque cela signifie — pour le roman — qu'il n'y a pas de complot des Eglises pour cacher ce mariage… à moins que je ne fasse partie moi-même du complot…!?
En bonne théologie protestante, c'est à chacun qu'incombe la responsabilité d'interroger les textes pour se faire une opinion personnelle. Les textes apocryphes sont tous accessibles en traductions à la bibliothèque universitaire.
Donner accès à chacun à la Bible — ce qu'on fait les Réformateurs — et aux autres connaissances — ce que font les facultés de théologie — est le meilleur moyen de dégonfler les idées de complots. Cela permet aussi de lire les livres chacun selon leurs genres, et maintenir les romans dans la littérature de fiction.
A chacun sa place, sans besoin de censure.
Le roman :
Dan Brown, Da Vinci Code, Paris, Ed. Jean-Claude Lattès, 2004.
Textes des Evangiles de Thomas, de Philippe et de Marie dans :
Yvonne Janssens, Evangiles gnostiques, Louvain-la-Neuve, Centre d'Histoire des Religions,1991.
Ev Thomas : pp. 46-62
Ev Philippe : pp. 100-130
Ev Marie : pp. 234-238
© 2006, Jean-Marie Thévoz -
Jean 20. Marie-Madeleine, un rôle plus important que ne le laissent voir les Evangiles. A propos du Da Vinci Code
Jean 20
17.7.2005
Marie-Madeleine, un rôle plus important que ne le laissent voir les Evangiles.
Jean 20:1+11-18 Actes 1:12-17+21-26
Chers amis,
Dans notre série sur les femmes dans la bible de cet été, j'aimerais parler ce matin de Marie de Magdala ou Marie-Madeleine. Elle est la femme du Nouveau Testament qui est à la mode depuis que le romancier Dan Brown en a fait non seulement une disciple, une apôtre cachée de Jésus, mais aussi son épouse, sa compagne, et plus encore, la mère de l'enfant de Jésus ! Aujourd'hui, nous allons voir tout ce que nous pouvons savoir sur Marie-Madeleine. Dimanche prochain, nous nous demanderons si Jésus était marié et s'il l'était à Marie-Madeleine.
Alors, que savons-nous de Marie-Madeleine ? Marie-Madeleine est la seule femme — hormis Marie la mère de Jésus — à être nommé dans les quatre Evangiles. Une douzaine de femmes sont désignées par leurs noms dans les Evangiles, mais seule Marie-Madeleine, à part Marie, est présente dans les quatre Evangiles. A première vue, cela pourrait relever du hasard. Mais si l'on regarde à quels événements Marie-Madeleine est attachée, on voit tout de suite pourquoi elle est nommée par tous, pourquoi elle est "incontournable."
Où Marie-Madeleine est-elle nommée ? Il y a une mention isolée de Marie-Madeleine dans l'Evangile de Luc, ou l'évangéliste (Luc 8:2) nomme trois disciples femmes qui suivent Jésus depuis le début de son ministère, et où il est dit qu'elle a été guérie de sept démons, j'en ai parlé il y a 15 jours. Ensuite, dans les quatre Evangiles, elle est mentionnée au sein du groupe de femme qui est présent au pied de la croix, elle est présente lors de la mise au tombeau et lors de la découverte du tombeau vide le matin de Pâques.
Les quatre Evangiles désignent en elle le premier témoin de la résurrection de Jésus, elle est la première à avoir rencontré le Christ ressuscité. Et c'est elle qui a été porter cette bonne nouvelle aux disciples. Les témoignages des quatre Evangiles concordent, sont unanimes sur la présence de Marie-Madeleine lors de ces épisodes, même si les noms des accompagnatrices de Marie-Madeleine divergent. Elle était là, elle en a témoigné et son témoignage a été reçu et enregistré par la première Eglise.
Si certains d'entre vous se souviennent de ce que j'ai montré il y a 15 jours — c'est-à-dire les diverses tentatives masculines des éditeurs des Evangiles pour minimiser le rôle des femmes dans l'entourage de Jésus — alors l'unanimité des Evangiles concernant le rôle de Marie-Madeleine nous conduit à constater la solidité historique de ces récits. Il était impossible de taire le rôle de Marie-Madeleine et le fait qu'elle ait été la première à voir le Christ ressuscité et recevoir de lui la mission d'annoncer cette nouvelle aux autres disciples.
Cela est particulièrement mis en évidence dans le récit de l'évangéliste Jean. Marie-Madeleine rencontre Jésus dans un moment très particulier, il est ressuscité, mais pas encore monté au ciel ! Dans cette étape intermédiaire — que Marie-Madeleine est la seule à contempler — Jésus donne une mission à Marie-Madeleine :
"Va dire à mes frères que je monte vers mon Père, qui est aussi votre Père, vers mon Dieu, qui est aussi votre Dieu." (Jn 20:17) Et le récit continue avec ces mots : "Alors Marie de Magdala s'en alla annoncer aux disciples : J'ai vu le Seigneur !" (Jn 20:18)
Les paroles de Jésus et la réaction de Marie-Madeleine nous disent beaucoup de choses sur sa relation à Jésus et sur le statut de Marie-Madeleine parmi les disciples. D'abord, Jésus l'envoie en mission. Si Marie-Madeleine ne dit rien, n'accomplit pas sa mission, il n'y aura pas de christianisme ! Tout peut s'arrêter là. C'est dire l'importance du rôle que Jésus donne à Marie-Madeleine et la confiance qu'il lui fait !
La nouvelle que Marie-Madeleine doit annoncer, c'est le renouvellement de l'Alliance telle qu'elle avait été conclue au Sinaï (Ex 6:7) et après le retour de l'Exil (Jr 30:22 et Ez 36:28) qui était proclamée en ces termes : "Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple." Marie-Madeleine est donc chargée de transmettre au monde la nouvelle alliance de Dieu en Jésus.
A qui doit-elle aller proclamer cela ? Là, le texte est intriguant ! Jésus a dit : "Va dire à mes frères…" (Jn 20:17) et le récit continue en disant : " Marie-Madeleine s'en alla l'annoncer aux disciples." (Jn 20:18). Ce petit décalage — qu'on pourrait juger anecdotique, mais dans les Evangiles chaque mot a sa signification — ce petit décalage nous indique — comme en code — que Marie-Madeleine connaît très bien l'enseignement de Jésus, qu'elle a suivi Jésus et entendu ses discours, qu'elle est en quelque sorte une initiée : elle sait que les vrais "frères" de Jésus ne sont pas ceux de la famille par le sang, mais ceux qui "font la volonté de son Père qui est aux cieux." (Mc 3:35; Mt 12:50).
Cela nous fait comprendre que Marie-Madeleine n'est pas là "par hasard" sous la croix, au tombeau, devant le Christ ressuscité. Elle a fait partie des disciples qui ont suivi Jésus depuis le début, elle était prête pour cette révélation particulière et pour cette mission. Cela nous permet d'affirmer avec certitude — confirmée par le témoignage de Luc (8:2) — que Marie-Madeleine était une disciple, au même titre que les Douze.
Il y avait des femmes parmi les disciples, au delà des Douze, et même certaines d'entre elles pouvaient remplir les conditions pour être apôtre. Je vous rappelle les conditions énoncées dans le livre des Actes :
"Cet homme doit être l'un de ceux qui nous ont accompagnés tout le temps que le Seigneur Jésus a parcouru le pays avec nous, à partir du moment où Jean l'a baptisé jusqu'au jour où il nous a été enlevé pour aller au ciel" (Ac 1:21-22).
Marie-Madeleine, en tant qu'accompagnatrice de Jésus et témoin privilégiée de la résurrection, pouvait être apôtre… l'a peut-être été, à la façon de Paul, au delà des Douze. Mais la tradition du Nouveau Testament n'en a pas gardé le témoignage… à moins que… ?
Une thèse audacieuse — qui ne fait pas l'unanimité, mais qui s'appuie sur une étude sérieuse des textes — suggère que Marie-Madeleine aurait bien été apôtre, qu'elle aurait même dirigé la communauté dans laquelle l'Evangile de Jean a été rédigé. Une première rédaction de cet Evangile de Jean aurait mis en avant Marie-Madeleine comme une disciple importante de Jésus. Cela aurait fortement déplu aux Eglises créées par les apôtres masculins et aurait conduit à une seconde rédaction de l'Evangile de Jean qui aurait "anonymisé" Marie-Madeleine en la cachant sous "l'habit" du "disciple que Jésus aimait" qu'on retrouve dans divers récits de l'Evangile de Jean (Jn 13:23; 19:26; 20:2; 21:7, 20).
Bien sûr, le "disciple que Jésus aimait" est présenté au masculin, mais comment mieux cacher une femme dans un texte qu'en lui donnant un rôle d'homme ? Et pourquoi ce "disciple que Jésus aimait" — que la tradition moins audacieuse identifie comme l'apôtre Jean — est-il toujours représenté avec des traits aussi féminins dans les tableaux de la sainte cène, comme l'a relevé pertinemment Dan Brown dans le Da Vinci Code ?
Ces questions donnent à réfléchir ! Il est difficile d'avoir une certitude à propos de ce rôle d'apôtre de Marie-Madeleine — les documents de l'époque sont malheureusement trop rares pour l'établir — mais la tendance à diminuer le rôle des femmes autour de Jésus étant constatable et établie, il nous est permis d'imaginer — sans pouvoir le prouver — que Marie-Madeleine a eu un rôle important au côté de Jésus et dans la première Eglise. On peut donc imaginer Marie-Madeleine au côté de Jésus pendant le dernier souper.
Ce que l'écriture voile, peut-être la peinture le dévoile-t-elle ?
Le roman :
Dan Brown, Da Vinci Code, Paris, Ed. Jean-Claude Lattès, 2004.
Sur le rôle de Marie-Madeleine dans le Nouveau Testament et la littérature apocryphe :
Esther A. de Boer, The Gospel of Mary, London, T&T Clark International, 2004.
© 2006, Jean-Marie Thévoz -
Luc 8. Le grain tombe partout. L’occasion est là à chaque instant.
Luc 8
29.10.2006
Le grain tombe partout. L’occasion est là à chaque instant.
Ps 126 : 1-6 Luc 8 : 4-8
Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers Amis,
J’ai choisi cette parabole de Jésus pour notre réflexion de ce matin parce que je crois qu’elle pose une question essentielle aujourd’hui : Que faisons-nous de notre vie ? Qu’est-ce que je fais de ma vie, de mon temps ? Est-ce que je m’occupe juste pour que le temps passe ? Est-ce que je me divertis pour ne pas m’ennuyer ?
Que vais-je faire de mes prochaines années ? Qu’est-ce que je pourrais faire grandir en moi ? Qu’est-ce que je pourrais développer pendant les années qui me restent à vivre ?
Dans la parabole du semeur, Jésus nous confronte à ces questions, il nous pousse à la réflexion, tout en posant quelques bases : il y a trois conditions pour faire une récolte. (i) du grain doit être semé. (ii) les conditions atmosphériques doivent permettre la croissance. (iii) le terrain doit être favorable.
A propos du grain, Jésus nous dit qu’il tombe déjà. Le semeur est sorti et il ne cesse de semer. Dieu est généreux, la vie est généreuse, le grain tombe partout, quel que soit l’état de la terre.
A propos des conditions atmosphériques, Jésus dit peu de choses, si ce n’est que le soleil est impitoyable. Oui, les conditions de vie sont rudes, la vie est difficile, elle est pleine d’épreuve à traverser. Autant de raisons pour se préparer à les affronter.
C’est à propos du terrain que Jésus développe ses propos. Nous sommes le terrain qui reçoit le grain. Mais nous sommes aussi le paysan qui travaille cette terre. Le paysan fait un avec sa terre. Il vit sur cette terre et de sa terre. Sa vie dépend de son travail. De son travail dépend la récolte ou la famine. La terre est ici la métaphore, l’image de notre existence et de la façon dont nous la menons, dont nous en prenons soin ou la négligeons. Chaque grain est une occasion de faire quelque chose de sa vie, de son existence.
A propos de cette terre, Jésus nous en décrit quatre types, quatre types de terrain. En faisant cela, il nous révèle trois types d’obstacles à la foi, à la vie spirituelle, trois types d’obstacles à notre croissance spirituelle.
A. Le premier type de terrain, c’est le bord du chemin sur lequel tombe le grain. Un chemin, c’est de la terre tassée par le passage, par le piétinement des gens. La terre a tellement été piétinée qu’elle n’est plus capable de s’ouvrir au grain, ni même à l’eau. Une vie aussi fermée révèle beaucoup de souffrances. Que faut-il avoir enduré pour éprouver la nécessité de se munir de boucliers ou de carapaces imperméables à toute parole généreuse, à tout geste de sympathie, à tout espoir d’être touché sans être blessé !
Pourtant le grain y tombe, Dieu a toujours un espoir. L’espoir que cette terre piétinée puisse être labourée, protégée par une clôture, et voir lever une herbe verte annonciatrice d’une belle moisson.
B. Le deuxième terrain est pierreux. J’y vois un terrain qui n’a pas été préparé pour recevoir le grain. Le paysan n’a pas jugé que l’effort d’enlever les pierres en valait la peine. C’est une attitude courante de nos jours. C’est la recherche d’un satisfaction maximale pour un effort minimal. « Tout, tout de suite et sans effort. »
Des projets germent, mais sont abandonnés par manque de motivation, d’énergie. On se lance dans diverses choses, mais on se décourage, on passe à autre chose… et on ne récolte jamais de fruits. On ne prend pas le temps ni l’énergie d’affronter les obstacles de la vie.
Et pourtant le grain est semé, il est présent et il ne demande qu’à porter du fruit. Il manque au paysan la persévérance et la confiance d’aller jusqu’au bout, jusqu’au moment de la récolte.
C. Le troisième terrain est celui envahit par les ronces. La ronce est aux plantes ce que le coucou est aux oiseaux. Elle représente tout ce qui envahit notre vie lorsqu’on ne lutte pas vigoureusement contre. C’est tout ce qui vient se loger quand on laisse du vide. Vous savez comme moi à quelle vitesse viennent les mauvaises herbes sur une plate-bande lorsqu’on la néglige. C’est pareil dans nos vies.
Pourtant le grain nous est confié et il est bien plus précieux que la ronce ou les mauvaises herbes. La ronce pousse là où le paysan est apathique, négligent, là où il baisse la garde, abandonne sa vigilance. Certains grains donnent des pousses, mais elles ne parviennent pas à maturité.
D. Enfin vient le quatrième terrain. Celui qui a su ameublir sa terre, ôter les pierres et chasser les ronces, celui-là va voir germer le grain, pousser la tige, grossir l’épi et mûrir de nouveaux grains. Il porte du fruit dit Jésus.
Là, on peut entendre dans nos têtes la liste de ce que peuvent être ces fruits : altruisme, générosité, dévouement, etc… Eh bien, Jésus ne donne aucun exemple. Jésus n’a pas ouvert d’hôpital, il n’a pas ouvert une banque de micro crédit, même s’il n’aurait pas blâmé ces attitudes. Non, Jésus a formé des disciples pour annoncer la bonne nouvelle. Il ne les a pas formés, en fait, il les a transformés.
Ce qu’il attend de nous, c’est que nous nous ouvrions à sa parole pour qu’elle nous transforme à notre tour. Cette transformation, c’est son travail, c’est le travail de Jésus. C’est lui qui sème et qui fait pousser le grain.
Notre travail, c’est de nous ouvrir en lâchant les vieilles carapaces.
Notre travail, c’est de nous préparer en ôtant les cailloux qui font obstacles à notre persévérance.
Notre travail, c’est de lutter contre ce qui nous détourne de l’appel du Christ à l’accueillir.
Avec cela, le grain de sa Parole se développera en nous, portant du fruit, sans que ce soit un effort pour nous. Le grain tombe partout. L’occasion est là à chaque instant. Sachant cela, que vais-je faire de ma vie ? Que vais-je faire grandir en moi et autour de moi ?
Jésus ne définit jamais ce que sont ces fruits. Il nous laisse à chacun le soin de découvrir ce que sont et seront les fruits particuliers de notre existence et avec qui nous les partagerons.
Amen
© 2006, Jean-Marie Thévoz