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Jean 15. Donner de l'amour — pas n'importe lequel — à nos enfants

Jean 15

2.9.2007
Donner de l'amour — pas n'importe lequel — à nos enfants
Ga 5 : 22-26    Jn 15 : 9-13


Chères familles, chères paroissiennes, chers paroissiens,
Ces baptêmes ont été accompagnés et nourris d'une part d'un texte sur l'amour entre parents et enfants / enfants et parents et d'autre part par un verset biblique choisi pour E. : "Le fruit de l'Esprit est : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi." (Ga 5:22-23)
Personne ne s'étonne que l'amour soit au cœur de la relation parents-enfants (en tout cas tant que les enfants sont petits). L'amour est aussi au centre de la relation entre Dieu et les êtres humains. Le christianisme est entièrement centré sur la notion d'amour, un amour qui circule entre Dieu et Jésus, un amour que Dieu éprouve pour tous les humains. Un amour que Dieu met au centre de ses commandements : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu" (Dt 6:5); "Aime ton prochain comme toi-même" (Luc 10:27); "Aimez-vous les uns les autres, comme je vous aime" (Jn 15:12); "Dieu est amour" (1 Jn 4:8); "Le fruit de l'Esprit, c'est l'amour…" (Ga5:22).
Et pourtant à voir comment va le monde, on ne peut pas dire que l'amour soit au centre, soit le moteur de nos comportements ! En fait, l'amour est bien plus difficile à vivre qu'on ne le pense. En fait, une multitude de comportements se travestissent derrière ce vocabulaire.
Il y a des "je t'aime" qui veulent dire "aime-moi" aussi bien que "je vais te dévorer." Il y a les "si tu m'aimais vraiment, alors…" — je vous laisse compléter la phrase — qui ne sont que des formes de chantage ou de manipulation. Il y a des "j'aimerais être aimé(e)" paralysé par la peur. Il y a des "on ne peut pas m'aimer" découragés voir désespérés.
Combien de personnes ne peuvent pas se laisser aimer ? Le mécanisme est souvent assez simple, mais très retort : La personne est sûre qu'elle a un défaut intérieur qui la rend impossible à aimer. Celui qui lui dirait "je t'aime" ne peut pas être cru ou crédible tant qu'il ne connaît pas ce redoutable défaut. Mais celui qui le connaîtrait ne pourrait définitivement plus l'aimer. Mieux vaut donc refuser d'être aimé(e) plutôt que dévoiler son secret.
L'amour commence donc par l'acceptation de soi-même, l'acceptation de la possibilité d'être aimable, puis l'acceptation d'être effectivement aimable puisque déjà aimé. C'est ce que Dieu nous affirme (et nous rappelle dans le baptême) : je t'aime avant que tu en sois conscient.
Se savoir aimé ouvre les portes à aimer les autres. Aimer ceux qu'on trouve aimables dans un premier temps. Puis — c'est une grande étape sur le chemin de la sagesse et de la croissance personnelle, trouver aimables ceux que l'on croise dans la vie, de sorte à pouvoir aimer tout le monde… Mais peut-on aimer tout le monde ? (C'est ce dont nous parle la parabole du bon samaritain, Luc 10).
Là, il est important de regarder un peu le vocabulaire. Notre langue française est assez pauvre. On dit aussi bien "aimer son conjoint" que "aimer la salade" ce qui embrouille les choses. La langue du Nouveau Testament, le grec, connaît trois mots principaux pour dire "amour."
Le premier mot est "eros" qui veut dire désirer, désirer prendre, désirer s'accaparer, posséder. C'est l'amour possessif, autant celui de l'avare que celui de l'amant.
Le deuxième est "philo" qui est l'attachement émotionnel, l'amour-affinité, l'amitié, l'intérêt pour quelque chose. C'est un amour où l'on partage un même goût. Vous connaissez les philatélistes qui collectionnent les timbres-poste, les colombophiles qui élèvent des pigeons ou la philosophie qui est l'amour de la sagesse ou de la pensée.
Enfin, le terme le plus fréquent dans le Nouveau Testament est le mot "agapè" qui est l'amour altruiste, c'est-à-dire l'élan vers l'autre pour répondre à ses besoins à lui. L'amour qui fait grandir l'autre, qui donne de l'espace à l'autre, qui lui permet de devenir lui-même.
La Bible reconnaît l'existence de ces trois formes d'amour, elle n'en disqualifie aucune, mais elle nous avertit que ces trois formes d'amour n'ont pas les mêmes destinataires, ni les mêmes rôles, ni les mêmes origines.
L'amour-désir est destiné au conjoint et ne doit pas être dirigé vers ses enfants, cela mènerait à l'inceste.
L'amour-affinité intervient quand les parents jouent à des jeux avec leurs enfants. Et il faut de la complicité et de la joie dans les relations parents-enfants, mais pas seulement.
L'amour nécessaire dans l'éducation, c'est de l'amour-agapè, c'est-à-dire la préoccupation prioritaire du développement de l'enfant. Si le parent qui doit dire "non" à l'enfant pour parer à un danger a peur de ne plus être aimé de son enfant et renonce, ce parent veille à son bien être personnel et pas à celui de l'enfant. Il ne l'aime par pour lui-même, mais pour soi, pour ce qu'il reçoit de son enfant, il est dans l'amour-affinité, pas dans un amour altruiste et nuit à son enfant.
Lorsque Jésus dit : "Je vous aime comme le Père m'aime" puis "aimez-vous les uns les autres comme je vous aime" il décrit la juste circulation de l'amour qui est celui de la cascade d'eau dans la fontaine romaine. L'eau de la vasque supérieure s'écoule dans la vasque intermédiaire puis dans le bassin.
C'est aux parents qu'il revient de donner de l'amour à leurs enfants. Si les parents ont besoin d'amour, ce qui est bien compréhensible, ils ont à le chercher en dessus d'eux-mêmes, chez leurs parents ou auprès du Père qui est dans le ciel.
Qu'en est-il de l'origine de ces formes d'amour ? Si l'amour-désir est le fruit du corps, de la pulsion de survie, si l'amour-affinité est le fruit du cœur, de l'élan social, l'amour-agapè est le fruit de Dieu, le fruit de l'Esprit et répond à une aspiration spirituelle.
Dans son langage imagé, Jésus avait dit, dans l'Evangile de Jean, avant le passage que nous avons entendu sur l'amour : "Je suis le cep et vous êtes les sarments" (Jn 15:5). Une façon de nous dire que nous avons besoin d'être reliés à la sève de la vie pour donner la vie à nos enfants, d'être reliés à la source de l'amour, pour donner à nos enfants cet amour qui fait grandir.
Ne laissons pas dépendre notre vie et notre amour de la pluie et du beau temps, plaçons-nous sous la cascade de l'amour de Dieu pour que notre fontaine soit abondamment alimentée et que cet amour puisse rejaillir sur nos enfants. De cette façon, ils pourront grandir et s'émerveiller de la beauté de la vie.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2007

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