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  • Genèse 44. Joseph, artisan d'une réconciliation fraternelle

    Genèse 44
    23.7.2000
    Joseph, artisan d'une réconciliation fraternelle

    Genèse 44 : 1-34    Genèse 45:1-7
    téléchargez ici la prédication : P-2000-07-23.pdf


    Chers amis,
    Le plan qu'a mis en place Joseph pour éviter la famine en Egypte, après les rêves de vaches grasses et de vaches maigres du Pharaon, fonctionne à merveille. L'Egypte a des réserves. Le pays joue son rôle de grenier pour ses habitants, même pour ceux des pays voisins.
    C'est ainsi que les frères de Joseph viennent s'approvisionner en Egypte, par deux fois. Cependant, chaque fois, ils sont en butte à des tracasseries, ou même pire. Etrangers et vulnérables, loin de chez eux, ils sont accusés, d'abord d'être des espions, puis d'être des voleurs.
    Le récit souligne cependant deux choses à propos de ces accusations. D'abord, qu'elles sont fausses. Les dix frères sont innocents, ils sont faussement accusés. Ensuite que ces accusations sont montées de toutes pièces par Joseph. C'est lui qui tire les ficelles. Il manipule ses frères. Alors, on peut se demander : Pourquoi Joseph fait-il cela ? Est-il sadique ? Cherche-t-il à se venger de ses frères ?
    On connaît assez bien ce mécanisme aujourd'hui, où celui qui a été victime répète la même violence, soit en retour contre les mêmes personnes, sous forme de vengeance ouverte (voire ce qui se passe au Kosovo où les victimes deviennent si facilement des bourreaux), soit contre d'autres personnes, sans même le savoir comme le font les victimes de violence ou d'abus. Ainsi, en filigrane, le récit attire notre attention sur le risque du phénomène de répétition : Joseph ne le fait-il pas deux fois, lors de chaque voyage ? C'est peut-être le côté ombre de Joseph ! Il ne peut s'empêcher d'être violent à son tour.
    Mais le texte ne s'arrête pas là. Ces pièges que dresse Joseph contre ses frères ont aussi une valeur de test. Joseph veut se rendre compte dans quelle mesure l'attitude de la fratrie est restée celle du temps de son expulsion, ou si cette attitude a changé. "Joseph soumet ses frères coupables [envers lui] en somme, à une tentation qu'ils connaissent bien puisqu'ils y ont déjà succombé [une fois], celle d'abandonner impunément le plus jeune et le plus faible d'entre eux."*
    Dans son deuxième piège, Joseph, d'abord par l'intermédiaire de son intendant, puis de sa propre bouche, propose une solution simple à ses frères pour s'en sortir :

    "le coupable seul deviendra mon esclave; les autres seront libres" (Gn 44:10 et 17)
    Les frères peuvent sauver leur peau, se sortir de cette situation périlleuse s'ils abandonnent leur jeune frère ! C'est là le test. Vont-ils choisir la lâcheté ou la solidarité ? D'un côté, il y a le chemin de la répétition du mal et de la culpabilité; de l'autre, il y a le difficile chemin de risquer de perdre sa liberté pour sauver l'unité de la fratrie, pour sauver la relation et la vérité de la relation.
    C'est Juda — au nom de tous ses frères probablement — qui affronte l'égal de pharaon et tente de sauver Benjamin. Il a choisi la voie de la solidarité. Il est prêt à prendre la place de Benjamin, comme esclave, plutôt que de l'abandonner en Egypte et provoquer la mort de leur père !
    Les paroles de Juda sont celles qu'attendait Joseph ! Ses frères ont changé, découvre-t-il. Ils ont renoncé à leur attitude passée, ils sont devenus une vraie fratrie, il ne reste qu'à y réintégrer Joseph lui-même. L'heure de la réconciliation a donc sonné, heure de la révélation, du dévoilement de l'identité de ce premier ministre.
    Joseph peut pardonner pleinement à ses frères et vivre une vraie réconciliation avec eux. Il peut évoquer le passé avec eux, sans ressentiment, sans rancune. La fraternité l'a emporté sur la haine.
    Joseph va faire lui-même une relecture de sa propre histoire, non pas en termes de victime, mais avec les yeux de Dieu :

    "Dieu m'a envoyé dans ce pays avant vous, pour que vous puissiez y avoir des descendants et y survivre; c'est une merveilleuse délivrance." (Gn 45:7)
    Pas facile de relire sa propre histoire, notre propre histoire, avec ses hauts et ses bas, comme l'histoire que Dieu lui-même a dessinée pour notre vie. Certaines choses restent longtemps incompréhensibles, et pourtant, notre vie a-t-elle plus de sens si nous n'y voyons pas la main de Dieu ? Combien de coïncidences, de rencontres, d'événements ne viennent-ils pas s'intégrer dans notre vie au bon moment, comme une réponse, comme un stimulant à avancer, à découvrir une nouvelle dimension, une nouvelle direction à notre vie ?
    Une personne me disait lors d'une visite à l'hôpital : "Quand je regarde ma vie, je vois la synchronisation que Dieu met dans mes rencontres... comme il me prépare à ce qui va arriver..." Il appelait cela de la synchronisation. Combien de choses viennent à point nommé ? Savons-nous les recevoir, les interpréter comme un signe de la Providence ?
    Voir comment Dieu agit dans nos vies, nous aide également à pardonner à ceux qui nous ont fait du tort, comme Joseph le dit à ses frères :

    "Ne vous tourmentez pas et ne vous faites pas de reproches pour m'avoir vendu ainsi. C'est Dieu qui m'a envoyé ici à l'avance, pour que je puisse vous sauver la vie"
    (Gn 45:5)
    Joseph, d'abord figure du Messie rejeté, abaissé, devient le Messie qui sauve l'humanité de la mort, de la pénurie, puis, ici, finalement celui qui, par d'étranges détours — des pièges au pardon — inaugure une réconciliation fraternelle qui met fin à toute violence.
    Le repas des retrouvailles, de la paix et de l'entente peut avoir lieu, anticipation et actualisation du repas du Royaume auquel Dieu nous invite tous, sans exclusion.
    Amen

    * Citation de : René Girard, Je vois Satan
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Genèse 41. La sagesse de Joseph, anticiper pour assurer le salut de tous les habitants du pays

    Genèse 41
    16.7.2000
    La sagesse de Joseph, anticiper pour assurer le salut de tous les habitants du pays

    Genèse 41 : 14-57
    téléchargez ici la prédication : P-2000-07-16.pdf
    Chers amis,
    Dimanche dernier, nous avons laissé Joseph alors qu'il était emmené comme esclave en Egypte. Aujourd'hui, nous le retrouvons en prison ! Le destin s'acharne contre lui. Chez son maître Potifar, Joseph a été injustement accusé (relisez le chap. 39) et jeté en prison. C'est comme une descente aux enfers, la situation de Joseph ne peut guère être pire. Et pourtant, il ne désespère pas, il fait confiance en Dieu. Cette confiance ne le place pas "en attente", comme si tout devait tomber du ciel.
    En fait, Joseph ne reste pas inactif, à se plaindre de son destin et à maudire le ciel. Dans toutes les circonstances, on le voit prendre les devants, prendre des initiatives. Esclave chez Potifar, il était devenu l'intendant de la maison. Ici en prison, il se fait remarquer par le chef de la garde et se voit confier la direction des travaux des prisonniers (Gn 39:22). Joseph sait tirer parti, faire ressortir ce qu'il y a de bon de toutes les circonstances, il sait apprendre de ses malheurs. Il est celui qui sait rebondir en toutes occasions.
    C'est en cela que l'histoire de Joseph est souvent considérée comme un petit traité de sagesse. Joseph est un sage, parce qu'en toutes circonstances — même les pires — il est capable d'apprendre quelque chose, de prendre des dispositions qui améliorent son sort, de témoigner de patience, tout en se laissant interpeller par la situation et les malheurs de ses compagnons d'infortune. C'est ainsi que Joseph est remarqué et se voit offrir des responsabilités.
    Dans les responsabilités qu'il obtient, Joseph fait l'apprentissage de la direction. Il est en contact avec de hauts personnages (l'échanson et le panetier) et ne manque pas d'en tirer quelque chose, tout en se mettant à leur service, en exerçant son don d'interprétation des rêves.
    C'est ainsi qu'il va être tiré de sa prison, le jour où plus aucun magicien ne peut interpréter les rêves de Pharaon, ses rêves de vaches grasses et de gros et beaux épis.
    Dans le dialogue entre Pharaon et Joseph, il y a deux choses remarquables : 1) Joseph refuse de s'octroyer le mérite de l'interprétation des rêves. S'il possède ce don, ce don vient de Dieu seul. Tout comme le rêve de Pharaon lui-même ! C'est Dieu qui agit, qui informe Pharaon de ce que va se passer. Joseph est là l'instrument de Dieu pour que Pharaon comprenne le message et que des mesures soient prises. Dans l'évangile, Jésus parlera de "serviteurs inutiles", simples serviteurs qui n'ont fait que leur devoir (Luc 17:7-10).
    2) La deuxième chose remarquable, c'est que Joseph ne se contente pas de dire la signification des deux rêves, il prend l'initiative de dire au Pharaon ce qui peut être fait pour que le pays ne soit pas dévasté. Joseph a son plan, son projet pour l'Egypte, il en fait part à Pharaon et il attend.
    Joseph a là une attitude impressionnante. Il n'est ni inactif, face à la crise qui s'annonce, ni réactif, attendant de voir si ce qui est annoncé se réalise (alors les années d'abondance auront passé et il sera trop tard pour agir), il est ce que les psychologues appellent aujourd'hui "pro-actif". Joseph est pro-actif, ce qui signifie qu'il anticipe la situation et qu'il propose une mesure innovante pour éviter les effets catastrophiques de la famine avant que celle-ci ne s'installe.
    Maintenant, ce qu'il a appris dans la maison de Potifar, dans sa prison et plus tôt dans sa famille va lui servir ! Il est l'homme de la situation et Pharaon le remarque. C'est à Joseph qu'il va donner des rennes de l'économie de l'Egypte pendant deux septennats — un septennat d'abondance et un septennat de pénurie.
    Joseph va planifier ces 14 ans avec à coeur la problématique qu'il a emporté avec lui de sa famille : Comment les humains peuvent-ils vivre ensemble fraternellement, même en temps de crise ? C'est un véritable défi, car s'il est déjà souvent difficile de vivre pacifiquement quand tout va bien, qu'en est-il lorsque les tensions augmentent ?
    Ici, en Egypte, le domaine économique devient un lieu d'enjeu de la fraternité humaine. Joseph sait bien qu'avec la famine, la crise et les tensions vont monter et faire augmenter dangereusement le risque de la désintégration de la société, le risque des exclusions, le risque de phénomènes de boucs émissaires, le risque de mort. De par son expérience personnelle, Joseph connaît tout cela de l'intérieur, et il a décidé d'anticiper, d'agir pour éviter ces catastrophes. Il dresse un plan social pour que la famine ne fasse pas de victimes.
    Je ne ferai pas l'apologie des moyens que Joseph utilise pour parvenir à ses fins. Je ne crois pas qu'ils soient transposables dans le temps, ni qu'ils soient proposés par le narrateur de l'histoire comme un idéal. En effet, ils conduisent à une nationalisation totale des biens de tous les égyptiens en faveur de Pharaon.
    Ce qui est important ici, c'est la préoccupation de Joseph pour le bien commun de tous. Le projet social de Joseph est de faire en sorte que tous puissent se nourrir, que tous puissent vivre, que l'abondance des premières années puisse profiter à tous dans les années de disette.
    Le maintien de la fraternité humaine passe par ce partage, par cette solidarité de tous pour tous. Sans cette attention au bien commun qui passe par l'attention aux plus fragiles, aux plus vulnérables, la cohésion de la société risque de disparaître et donc aboutir à un désastre social, un désastre humain, inhumain, faudrait-il dire !
    La figure messianique de Joseph que nous évoquions dimanche dernier se marque aussi dans ce souci du salut de tous. Ce salut n'est pas seulement celui de l'âme au-delà de la mort. C'est le salut, une vie en abondance dès maintenant. La vie que Dieu veut voir changée est déjà celle que nous vivons ici et maintenant, sur cette terre. C'est donc déjà ici et maintenant que nous pouvons avoir ce souci économique des moins bien lotis et marcher ainsi dans les pas de Joseph.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Genèse 37. Joseph, figure messianique

    Genèse 37
    9.7.2000
    Joseph, figure messianique
    Genèse 37 : 2-36
    téléchargez ici la prédication : P-2000-07-09.pdf


    Chers amis,
    Pendant ce mois de juillet, je vous propose de faire un parcours suivi dans la vie de Joseph, le fils de Jacob. Aujourd'hui, vous avez entendu les trois premiers passages de sa vie que nous présente le livre de la Genèse.
    Le premier passage nous décrit la situation familiale dans la fratrie des fils de Jacob. Le deuxième nous fait part des rêves de Joseph et le troisième du complot des frères pour se débarrasser de lui.
    A. La famille de Jacob est plus compliquée qu'aucune des "familles recomposées" qu'on rencontre de nos jours. Imaginez : un père avec douze fils nés de quatre femmes différentes, dont deux sont soeurs et les deux autres leurs servantes. L'une de ces épouses, la bien-aimée de Jacob est décédée.
    Cela fait un fils aîné, Ruben, le premier-né de la première femme (Léa) et trois autres fils premiers-nés des autres femmes qui peuvent chacun réclamer une prééminence. Ce sont Dan (fils de Bila), Gad (fils de Zilpa) et Joseph (fils de Rachel) le onzième fils de Jacob. Joseph est donc le cadet, c'est-à-dire l'avant-dernier fils, le dernier étant Benjamin, le benjamin de la famille.
    Pour tout compliquer, Joseph est aussi le préféré de son père, ce qui est manifesté ostensiblement par la robe — particulièrement riche — qu'il reçoit de son père.
    Cette fratrie est donc animée de rivalités qui tiennent aux rangs réels, numériques, de chacun dans la famille et à la jalousie qui vient de la prééminence que Jacob accorde à Joseph. Dans ce sens, Jacob n'a jamais été guéri de ce que j'appellerai "sa haine contre le droit d'aînesse héréditaire." Il reporte sur ses propres enfants le problème qui l'habite ! En même temps, cette "haine contre le droit d'aînesse héréditaire" est quelque chose que Dieu partage, parce que ce prétendu droit s'apparente trop souvent au simple "droit du plus fort".
    Ainsi cette fratrie sans chef évident ("de droit divin"!) ressemble en miniature à toute société humaine. Cette famille est l'image de toute société humaine avec ses luttes de clans, ses haines et ses jalousies, ses rivalités et ses envies d'exclusion et de meurtres.
    B. Là au milieu, il y a Joseph, que l'on peut voir péjorativement — comme le voient ses frères — comme l'homme aux rêves, aux songes, dans les nuages, ou positivement comme le visionnaire, celui qui a un projet pour cette société qu'est cette fratrie, comme — plus tard — il aura un projet pour l'Egypte, un projet social pour traverser la famine sans perdre un habitant du pays.
    La problématique qui traverse toute l'histoire de Joseph est celle de la vie fraternelle de toute l'humanité. Comment vivre tous ensemble en paix ? Joseph est le porteur de cette problématique, il va vivre dans son corps toutes les étapes qui feront de cette famille divisée par la haine, une famille réconciliée et sauvée de la mort.
    La vie de Joseph ressemble à une tragédie grecque. Son destin est énoncé dans ses rêves et toutes les tentatives faites autour de lui pour l'empêcher d'accomplir son destin, seront autant de pas en direction de cet accomplissement.
    C. Ainsi le complot des frères contre Joseph est un moment nécessaire à cet accomplissement. Ici, on peut commencer à observer les parallèles avec la Passion de Jésus, notamment dans la phrase : "ils complotèrent de le faire mourir" (Gn 37:18 et Mt 26:4 et par.) et ce côté nécessaire et inéluctable du déroulement des événements.
    Les frères n'en peuvent plus de voir Joseph tourner autour d'eux. Ils trouvent Joseph extrêmement désagréable, c'est vrai, il dénonce, il rapporte à son père, il est d'un orgueil plus qu'agaçant, il est toujours du côté de son père, en un mot, il trahit ses frères, il n'a aucune loyauté à leur égard : il faut donc l'éliminer!!!
    On remarquera ici que c'est la première solution — la solution la plus primitive — que toute société envisage lorsqu'elle est confrontée à un problème : éliminer celui qui soulève le problème, désigner un bouc émissaire et l'exclure. Les frères ont pris une décision, reste à trouver le meilleur moyen. Le meilleur moyen serait qu'un animal, une bête féroce, s'en charge ou de faire comme si un animal s'en était chargé. Cette simple mention montre que le meurtre dégrade l'homme de sa dignité humaine et le réduit au rang d'animal.
    Sur l'intervention de Ruben — l'aîné qui reprend de l'autorité — la vie de Joseph est épargnée. Joseph sera finalement vendu comme esclave. Les frères devaient bien rire en eux-mêmes. Le prétentieux qui pensait les dominer tous, le voici réduit au rang d'esclave ! Mais c'est aussi ainsi que s'accomplit le destin de Joseph, ce destin qui le conduira à les dominer tous.
    Ce n'est pas sans raison qu'on prête à Joseph d'être une figure messianique. Il est — comme le sera Jésus — "la pierre rejetée des bâtisseurs qui est devenue la pierre principale" (Ps 118:22). Ce rejet, qui passe par l'esclavage, qui passera par la prison, donc par des position "basses", subalternes, voire humiliantes, sont des voies qui vont ouvrir à la vraie autorité, celle qui fait grandir au lieu d'asservir. C'est aussi une chose que Jésus va reprendre et réaffirmer, quelque chose que Joseph a vécu dans sa personne :

    "Jésus et ses disciples arrivèrent à Capernaüm. Quand il fut dans la maison, Jésus demanda à ses disciples : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Mais ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir lequel était le plus grand. Alors Jésus s'assit, il appela les douze disciples et leur dit : « Si quelqu'un veut être le premier, il doit être le dernier de tous et le serviteur de tous. »" (Marc 9:33-35).
    Mes amis, il y a dans nos vies des moments où le destin nous fait descendre d'un cran (ou de plusieurs), apprenons à avoir la foi de Joseph que cette descente n'est pas abandon, terminus, situation désespérée. Apprenons à avoir la sagesse de Joseph d'espérer en l'avenir et surtout en Dieu qui accompagne l'exclu et qui le réhabilite.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Hébreux 11. Nous avons besoin d’un horizon, d’un avenir ouvert…


    23.6.2013
    Hébreux 11

    Nous avons besoin d’un horizon, d’un avenir ouvert…


    Jérémie 29 : 10-14      Hébreux 11 :1-2+8-12
    téléchargez ici la prédication :P-2013-06-23.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans les lectures que vous venez d’entendre, il est question de foi : « La foi, c’est être sûr de ce qu’on espère, c’est être convaincu de la réalité de ce qu’on ne voit pas » (Hb 11 :1).
    De nos jours, on entend plutôt dire : « Je ne crois que ce que je peux voir ou toucher. » La foi, c’est plutôt le contraire : croire malgré l’incertitude, croire en dépit du risque, faire confiance malgré le risque d’être déçu. Dans ce sens-là, la foi est plutôt déraisonnable, incertaine, risquée.
    Mais alors, qu’en est-il de l’absence de foi ou de confiance ? Peut-on vivre dans la méfiance, dans la défiance ? N’est-ce pas plus désespérant, que de prendre le risque — de temps en temps — d’avoir fait confiance une fois de trop ?
    La défiance continuelle ferme l’avenir, c’est renoncer à penser qu’il y a une promesse qui nous tire en avant, qui nous ouvre un avenir. Or nous avons besoin d’un horizon, d’un avenir ouvert pour continuer à vivre et pour vivre heureux.
    Quel est notre moteur ? Quelle est la promesse que nous avons reçue et qui nous tire en avant ? Au fond de nous, nous avons tous reçu une promesse, transmise par nos parents, notre entourage, nos ancêtres. Une promesse qu’ils ont relayée, mais qui est ancrée dans l’infini, qui est ancrée en Dieu, dans le Dieu de la vie et des vivants. Une promesse qui dit que la vie a un sens, une direction, qu’elle ouvre sur un avenir, sur une vie possible, malgré les épreuves, les difficultés, les deuils.
    La lettre aux Hébreux fait une liste de personnages bibliques qui ont fait confiance en cette promesse de vie, qui ont été animés par cette foi en l’avenir. Dans cette liste de personnages, vous avez entendu ce qui a été dit d’Abraham et de sa femme Sarah.
    Abraham a entendu un appel à quitter le pays de ses ancêtres pour marcher vers une terre promise (Gn 12). Et Abraham s’est mis en marche vers cet inconnu, fort de cette promesse, fort de la confiance dans cet appel. A cette promesse de pays était aussi ajoutée la promesse d’une descendance avec Sarah sa femme. Et Sarah s’est accrochée à cette promesse, malgré le temps qui passe, malgré l’étiquette de stérilité qui lui a été accolée. Elle ne s’est pas résignée, elle a mis sa confiance dans cette promesse et elle a fini par enfanter leur fils Isaac.
    Et le texte dit d’Abraham et de Sarah : « Ils ont eu la foi que Dieu tiendrait sa promesse » (Hb 11 :11). Abraham et Sarah sont deux exemples d’attitudes de foi, mais des attitudes personnalisées, peut-on dire, deux expressions personnelles, différentes de la foi.
    La foi d’Abraham est une foi d’ouverture vers l’inconnu. Il a une foi qui le rend capable d’aller à la découverte, d’entreprendre, d’innover, de partir. C’est une foi qui va de l’avant, qui s’ouvre à l’inconnu.
    La foi de Sarah est plutôt dans la persévérance, la continuité : elle va mettre toutes ses forces, toute son énergie pour faire en sorte que se réalise ce qu’elle attend. Elle est dans la patience, mais jamais dans la résignation.
    Avec les autres personnages bibliques peuvent se découvrir encore d’autres modèles de foi.
    D’Abraham et Sarah, on nous dit encore qu’ils vivent sous une tente, mais qu’ils aspirent à une cité dont Dieu soit l’architecte et le fondateur. Il y a toujours une tension entre le présent et l’avenir, entre le présent et la promesse.
    Le présent — alimenté par la promesse — est toujours précaire et provisoire (c’est ce que nous dit l’image de la tente). C’est vrai que nous sommes rarement satisfait de ce que nous avons, nous attendons plus de la vie ! Justement parce que nous avons dans la tête cette promesse d’une vie qui comble, d’une vie faite de plénitude, alors que nous vivons dans le manque et dans l’inquiétude. C’est notre tension entre la tente et la cité promise.
    Interrogeons-nous sur notre insatisfaction ! Parce que cette insatisfaction révèle justement l’écart entre notre présent et la promesse dont nous attendons la réalisation, entre notre présent et notre horizon. Quelle est donc la promesse dont nous attendons la réalisation ? D’où, de qui vient cette promesse ? Cette promesse est-elle assez solide pour que nous en fassions notre horizon de vie ? Cette promesse va-t-elle nous donner le courage d’affronter l’inconnu, la nouveauté ? Cette promesse est-elle assez solide pour que nous persévérions à la poursuivre malgré tous les obstacles ? Cette promesse est-elle suffisamment belle pour que nous voulions la transmettre à nos enfants ou nos petits-enfants ?
    En un mot, avons-nous la foi dans ce que nous poursuivons, dans ce que nous recherchons ?
    « La foi, c’est être sûr de ce qu’on espère, c’est être convaincu de la réalité de ce qu’on ne voit pas » (Hb 11 :1).
    Cela vaut la peine de réaliser après quoi l’on court dans notre vie, pour nous orienter vers quelque chose qui en vaut vraiment la peine, qui vaut la peine d’y passer sa vie, d’y consacrer sa vie.
    Abraham et Sarah avaient la foi, la certitude que Dieu tiendrait sa promesse. Dieu nous fait aussi la promesse d’ouvrir devant nous un avenir. Par la bouche du prophète Jérémie, Dieu dit : « Je veux vous donner un avenir à espérer. » (Jr 29 :11). A chacun de trouver comment déployer sa foi en l’avenir.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013