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D'un homme sourd à l'Eglise balbutiante

(17.11.2002)

Marc 7

D'un homme sourd à l'Eglise balbutiante

Esaïe 35 : 1-10.            Marc 7 : 31-37

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Chères paroissiennes, chers paroissiens,

Avec le récit de la guérison du sourd qui balbutie, nous voyons Jésus à l'oeuvre auprès d'un homme dans la détresse. Cet homme est sourd, il n'entend rien, il est privé de toute communication sonore "entrante" comme on dit aujourd'hui. En plus, il parle mal, il n'est pas totalement muet, il bégaie ou prononce mal, comme c'est le cas de nombreux sourds. Il lui est donc difficile d'entrer en contact, en communication avec d'autres.

Des personnes l'amènent vers Jésus "pour qu'il pose la main sur lui" (Mc 7:32). Mais Jésus ne se contente pas de lui imposer les mains "en passant." Il le prend à l'écart. Il le touche, lui parle et le guérit. Jésus prend le temps, la peine et les moyens d'entrer véritablement en communication avec lui, en tenant compte de ses limitations. Il le prend à l'écart pour que la relation ne soit pas perturbée par tout le monde qu'il y a alentour. Jésus crée un espace d'intimité.

L'homme est sourd, comment lui parler ? Jésus lui touche les oreilles. L'homme doit saisir que Jésus a compris que c'est bien là que se situe le problème. Jésus lui touche la langue, c'est la même chose. Jésus prononce un mot que Marc nous rapporte en araméen, la langue de Jésus : "Effata". Pourquoi ne pas avoir rapporté ce mot directement en grec ? Qu'est-ce que ça change ? Ef-fa-ta. Trois syllabes qui peuvent se lire sur les lèvres, contrairement à "dianoichtheti" la traduction grecque, beaucoup trop compliquée à "entendre" !

Tout l'accent de cette guérison porte sur le soin que Jésus met à être compris, à être en communication, en relation avec cet homme. Cette guérison passe par la relation avec Jésus. Voilà la première chose que Marc nous communique en nous rapportant précisément les gestes et paroles de Jésus.

Mais Marc va plus loin. Il nous rapporte la réaction des personnes qui sont autour de Jésus. En voyant juste cet homme guéri, les gens disent de Jésus : "Tout ce qu'il fait est vraiment bien ! Il fait même entendre les sourds et parler les muets !" (Mc 7:37)

Il me semble qu'on voit là le travail de rédaction de Marc dans cette mise au pluriel. En passant du singulier plus que probable de la foule émerveillée, à un pluriel général, comme si tous les sourds et tous les muets étaient guéris, Marc nous renvoie — en connaisseurs de l'Ancien Testament — à la promesse d'Esaïe :

 

"Alors les yeux des aveugles se mettront à voir clair, et les oreilles des sourds se mettront à entendre. Alors les boiteux bondiront comme les cerfs et les muets exprimeront leur joie." (Es 35:3-4).

Cette simple mise au pluriel par le rédacteur nous invite — nous lecteurs — à ne pas nous focaliser sur Jésus "faiseur de miracle" mais à déplacer note regard, notre point de vue pour découvrir Jésus, celui qui accomplit les promesses de Dieu faites dans l'Ancien Testament.

Le livre d'Esaïe contient plusieurs annonces du Messie — dont celle-là. Mais aussi des annonces de la venue du "Serviteur souffrant". Cette figure du Serviteur souffrant préfigure le Christ crucifie, porteur des souffrances de toute l'humanité.

Le livre d'Esaïe est aussi le livre prophétique qui insiste le plus sur l'universalité de Dieu et du salut. Le salut est offert à toutes les nations.

Tous ces éléments sont extrêmement importants pour l'évangéliste Marc qui s'adresse à une communauté d'origine païenne, non-juive, située hors de Palestine.

Donc, si je récapitule, Marc à commencé par nous dire à quel point Jésus prend soin d'entrer en communication avec cet homme particulier qui est sourd et qui a des difficultés à parler, pour le guérir. Ensuite, Marc nous révèle que cet homme Jésus est le Messie annoncé, qu'il agit grâce à Dieu, comme son envoyé. Reste à dire à sa communauté que ce Messie juif est aussi leur Sauveur, que Jésus est aussi venu pour eux qui n'habitent pas la Palestine et ne sont pas directement reliés à la tradition d'Israël.

Marc a commencé à le faire en faisant allusion au prophète Esaïe et à son universalisme. Marc le fait aussi en relevant les déplacements de Jésus. Dans ce chapitre 7, Jésus a quitté le lac de Galilée pour partir au Nord. Il est allé au Liban, à Tyr et Sidon, puis il revient en passant par la Syrie actuelle (la Décapole, les Dix Villes). Jésus opère donc cette guérison en terre étrangère à Israël. Le salut et la guérison ne sont pas réservés à Israël, Jésus s'occupe aussi de ceux qui ont besoin de lui hors d'Israël.

Maintenant, la communauté de Marc peut s'identifier à l'homme sourd et balbutiant. Eux-mêmes ont été sourd au message des prophètes, sourd à la religion juive, eux-mêmes ont été balbutiant dans leur connaissance de Dieu, mais ils ont été mis à part, ils ont été approchés par Jésus. Ils ont été touchés par sa grâce, ils ont été guéris et mis en relation, déliés.

Cette Eglise sourde et balbutiante — et là, nous pouvons nous reconnaître à notre tour — c'est l'Eglise dont s'occupe Jésus, dont Jésus prend soin. Cette communauté que nous formons — ici, aujourd'hui — c'est la communauté que Jésus revitalise, que Jésus ouvre à la communication, à de nouvelles relations.

Nous faisons partie de la promesse messianique du prophète Esaïe. Nous faisons partie des hommes et des femmes dont Jésus prend soin le long du chemin, de ceux que Jésus guérit, délie et fortifie.

Comme l'homme sourd et balbutiant, mais touché par la grâce de Dieu, nous pouvons reconnaître d'où nous venons et nous mettre à louer Dieu et à proclamer ses bienfaits autour de nous, pour devenir une Eglise qui ne peut pas taire les bienfaits qu'elle a reçu.

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2022

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