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Jésus dénonce la religion qui sert le pouvoir et le pouvoir qui se sert de la religion.

(16.3.2003)

Luc 11

Jésus dénonce la religion qui sert le pouvoir et le pouvoir qui se sert de la religion.

Luc 11:52-53 — 12:1-3.       Luc 22:47-53

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Chères paroissiennes, chers paroissiens,

Nous sommes entrés dans le temps de la Passion, le temps du Carême, un temps pendant lequel nous nous souvenons, nous méditons les épisodes de la Passion de Jésus. Aujourd'hui, c'est l'épisode de l'arrestation de Jésus. Dans la semaine sainte, cela se passe le jeudi. La journée avait bien commencé avec le repas de la Pâque, l'agneau pascal, et la cène. Le soir venu, Jésus est allé prier avec ses disciples à Gethsémané.

C'est au sortir de ce jardin, au plus noir de la nuit, qu'a lieu l'arrestation de Jésus. Jésus passera ensuite la nuit, jusqu'au petit matin, à la maison du Grand-Prêtre. C'est là qu'a lieu le reniement de Pierre, avant le chant du coq.

Tous ces événements nous sont minutieusement racontés. Ces textes de la Passion ont été écrits pour nous révéler la tragédie qui se déroule, pour que nous comprenions la dimension éternelle et universelle de l'événement.

La Passion de Jésus est une tragédie — au sens théâtral ou cinématographique du terme. C'est un déroulement inéluctable, que plus rien ne peut éviter, détourner, jusqu'à son dénouement fatal, tragique. Chaque phrase du texte est là pour souligner cet aspect tragique et pour nous révéler, nous faire comprendre — point après point, minute après minute — comment la machination, comment les engrenages vont broyer l'homme Jésus, un homme qui n'a rien à se reprocher.

Le texte est donc là pour mettre le doigt sur chaque élément qui conduit à une erreur judiciaire. En fait pas tellement une erreur judiciaire, plutôt un assassinat légal, un lynchage patiemment orchestré.

Ce qui nous échappe le plus souvent, c'est "pourquoi faut-il que Jésus meurt ?" Pourquoi un tel acharnement contre Jésus, alors qu'il nous est montré comme prêchant l'amour, guérissant les malades et nourrissant les foules ? Pourquoi cherche-t-on à lui tendre des pièges (Luc 11:54) puis à le faire mourir ?

On veut le faire mourir, parce que Jésus détient une vérité et qu'il vient la révéler au monde et que cela menace fondamentalement le pouvoir religieux en place.

Je vais utiliser une image pour exprimer ce mécanisme. Dans les romans policiers, le malfaiteur ou le meurtrier se trouve rapidement confronté à des témoins de ses actes ou à un détective qui le perce à jour. Si le témoin ou le détective est sur le point de révéler, de dénoncer le meurtrier, ce dernier doit faire disparaître le témoin ou le détective pour s'en sortir. Il faut faire disparaître celui qui sait, celui qui pourrait révéler, dénoncer le crime. Celui qui détient une vérité est en danger de mort.

C'est ce qui arrive à Jésus. Il détient la vérité sur les processus de violence, ceux que la Bible déjà dénonce en prenant le parti des victimes, depuis Abel contre Caïn, Joseph contre ses frères, Urie contre David, Elie contre Jézabel, Naboth contre le roi Achab, etc. Et Jésus dénonce directement les maîtres de la loi de cacher cette clé (biblique) du savoir à l'ensemble du peuple :

"Malheur à vous, maîtres de la loi ! Vous avez pris la clé permettant d'ouvrir la porte du savoir : vous n'entrez pas vous-mêmes et vous empêchez d'entrer ceux qui le désirent." (Luc 11:52)

Et Jésus enseigne cette clé à ses disciples, il leur enseigne cela à l'avance, pour qu'ils puissent lire et comprendre ensuite sa Passion. Et Jésus insiste sur le fait que ce qui est caché sera mis au jour, mis en pleine lumière :

"Tout ce qui est caché sera découvert, et tout ce qui est secret sera connu. C'est pourquoi toute ce que vous aurez dit dans l'obscurité sera entendu à la lumière du jour, et ce que vous aurez murmuré à l'oreille d'autrui dans une chambre fermée sera crié du haut des toits." (Luc 12:2-3)

Ce qui arrive lors de l'arrestation de Jésus, c'est justement ce qui se passe dans l'obscurité, dans la nuit, et qui devra être mis en lumière par les disciples. Jésus met cette obscurité en évidence :

"— Deviez-vous venir avec des épées et des bâtons, comme si j'étais un brigand ? Tous les jours j'étais avec vous dans le temple et vous n'avez pas cherché à m'arrêter. Mais cette heure est à vous et à la puissance de l'obscurité !" (Luc 22:52-53)

Jésus, par ces mots, dénonce la violence qui est utilisée contre lui par le pouvoir religieux, une violence qui ne peut s'exercer que dans la nuit. Jésus est venu dénoncer la religion qui sert à camoufler des scandales, à approuver la violence, à attiser les rivalités. Il dénonce la religion qui sert le pouvoir et le pouvoir qui se sert de la religion. Jésus est venu révéler et dénoncer la perversion de cet usage du religieux.

Jésus va se laisser arrêter, en refusant toute violence (il guérit le serviteur victime de la violence de son groupe). En se laissant arrêter, Jésus décide d'entrer dans le jeu de la violence de cette religion pervertie, pour en révéler les rouages et toute la perversion. Il accepte d'être le témoin de la vérité qui doit être tué. Les maîtres de la loi pensent que ce meurtre les sauvera, parce qu'ils réussiront à le faire passer pour l'exécution d'un malfaiteur.

Jésus sait que sa mort servira de révélateur du mécanisme de la violence et de dénonciation des coupables parce que ses disciples ont été formés à cette révélation. Les disciples sont pour Jésus comme le récit du détective confié à un ami dans une enveloppe "à ouvrir en cas de malheur."

Avec les récits de la Passion, rapportés par les disciples, nous sommes en possession de cette enveloppe avec le récit complet, la clé des violences injustes que Dieu dénonce. La mort e Jésus a rendu inopérant le camouflage de la violence par de nouvelles violences.

Si nous sommes les disciples de Jésus, nous avons à chercher partout autour de nous et dans le monde ces situations de violences et dénoncer tous les discours qui noircissent des victimes pour mieux les attaquer et les enfoncer.

Nous sommes dépositaires d'une révélation extraordinaire, n'enfermons pas la clé de ce savoir. Au contraire, faisons-le connaître, faisons-nous témoins de cette vérité.

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2023

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