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2 Rois 24. L'Exil au centre de l'histoire d'Israël et de la rédaction de l'Ancien Testament

(20.6.2004)

2 Rois 24

L'Exil au centre de l'histoire d'Israël et de la rédaction de l'Ancien Testament

2 Rois 25 : 8-12.        1 Corinthiens 3 : 9b-16.      Jean 4 : 19-24.   

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Chères paroissiennes, chers paroissiens,

Lors de notre dernière retraite de Conseil paroissial, nous avons pris du temps pour nous pencher sur l'histoire du peuple d'Israël, du temps de la Bible. La révélation de Dieu au peuple d'Israël s'est étendue sur plusieurs siècles, et les événement politiques (géostratégiques dirions-nous aujourd'hui) de cette histoire ont été considérés par Israël comme des manifestations de la volonté même de Dieu.

Il est donc important pour comprendre l'Ancien Testament, de saisir et connaître certains de ces événements. L'Ancien Testament nous présente dans ses premiers livres (de la Genèse au 2e livre des Rois) une fresque historique qui s'étend de la création jusqu'à la fin de la royauté, environ 560 av. J.-C. Ainsi, le récit de l'histoire du peuple d'Israël se termine sur ce qu'on nomme l'Exil, l'Exil à Babylone. A ce moment, il n'y a plus de roi, plus de terre d'Israël, plus de Temple, l'élite du pays a été déportée à Babylone.

Comment en est-on arrivé là, à la perte de la terre promise ? Je vais ouvrir une page d'histoire pour comprendre cela. Sous David et Salomon, il n'y avait qu'un seul Royaume, qui a ensuite été divisé en Royaume du Nord, la Samarie et Royaume du Sud, appelé aussi Juda. En 721 (première date à retenir, il n'y en aura que deux) le Royaume du Nord tombe entre les mains des Assyriens et 20 ans plus tard Jérusalem a failli être prise par Sennacherib (2 R 18-19), on est en l'an 700. Les prophètes, Esaïe et Michée, y voient un avertissement de la part de Dieu contre la désobéissance d'Israël. Suivent 100 ans de calme relatif. Pendant cette période, le prophète Jérémie avertit cependant les autorités et le peuple que leur idolâtrie va mener à un nouveau désastre.

Autour de l'an 600, les babyloniens sont les nouveaux maîtres de l'Orient et Nabuchodonosor vient pour envahir Israël. Il y aura une première conquête (en 598) avec une première déportation, puis la prise de Jérusalem en 587 (deuxième date à retenir) avec une deuxième déportation, puis 5 ans plus tard, une troisième déportation qui est suivie d'un exil de 40 ans. Pendant 40 ans, il n'y a plus de roi, plus de terre, plus de Temple !

Si le Pentateuque (les 5 premiers livres de la Bible) et les livres historiques portent toute leur attention sur l'histoire ancienne — pré-exilique — les prophètes — les grands Esaïe, Jérémie, Ezéchiel ou les 12 petits — proclament leurs messages principalement pour avertir Israël des malheurs politiques qui vont arriver et pour digérer la perte de la royauté et l'Exil. On comprend donc mieux le message des prophètes, si l'on a en arrière-fond une connaissance de l'histoire d'Israël. On comprend également mieux le Pentateuque, lorsqu'on réalise qu'il a été écrit après l'Exil — bien sûr à partir de traditions et d'événements pré-exiliques. Ces sources anciennes sont relues et comprises à la lumière d'événements contemporains ou récents.

Les élites déportées à Babylone d'abord, puis les juifs revenus d'exil et mélangés à ceux qui sont restés, doivent reconstruire leur identité et leur rapport à Dieu. Le peuple d'Israël a subi trois pertes : son roi, sa terre, son Temple.

Ces trois pertes ont un rapport avec leur Dieu :

le roi est celui qui est oint par Dieu, choisi et sanctifié par Lui.

la terre a été promise par Dieu aux ancêtres

le Temple était la demeure de Dieu, le lieu de sa présence.

Si tout cela disparaît, cela signifie-t-il la fin de Dieu ? la fin de la promesse ?

Dieu ne peut plus être compris comme un Dieu "national" à côté d'autres dieux nationaux. Dieu ne peut plus être lié à une terre particulière, Dieu ne peut plus être lié à un Temple particulier.

Les grands prophètes — chacun à leur façon — Jérémie, Ezéchiel et le second Esaïe (Es 40-55) — proposent une nouvelle image du Dieu d'Israël qui tient compte de ces événements historiques. [Pendant le mois d'août, au cours de mes prédications, je reviendrai sur chacun de ces trois grands prophètes et l'image novatrice de Dieu qu'ils présentent.]A travers les messages de ses prophètes et du travail de compilation et d'écriture du Pentateuque, le peuple d'Israël post-exilique repense fondamentalement sa relation à Dieu et la volonté de Dieu pour son peuple.

Les textes du Pentateuque — à la lumière de l'Exil — prennent une dimension nouvelle ! Prenons le message de l'Exode, qui place dans la bouche de Dieu ces mots :

"Je suis le Seigneur ton Dieu, c'est moi qui t'ai fait sortir d'Egypte où tu étais esclave" (Ex 20:2, Lv 26:13, Nb 15:41, Dt 5:6)

Ce message n'a-t-il pas un retentissement particulier pour ceux qui sont rentrés, où dont les parents, ou les grands-parents sont rentrés de l'Exil à Babylone ? Je crois que les récits relatifs à l'Egypte prennent une actualité et un sens tout particulier après l'Exil. Les juifs qui sortent de cette épreuve peuvent véritablement s'y identifier et y reconnaître, pour eux-mêmes, la main de Dieu. Il est à noter que — sauf de très brèves périodes — depuis le retour de Babylone, la terre d'Israël a toujours été occupée (successivement par les Perses, les Grecs, puis les Romains au temps de Jésus).

Le message biblique devient une source de force pour une résistance intérieure, pour un renouvellement intérieur, communautaire et individuel. Les promesses d'un roi, d'une terre et d'un Temple se détachent de la revendication politique d'un gouvernement, d'un pays et d'un seul lieu de culte. En rappelant le séjour en esclavage, le message biblique ne nous rappelle pas seulement une période de l'histoire, un état antérieur, mais la fondamentale fragilité, vulnérabilité humaine. Un jour, quiconque peut être jeté sur les routes de l'exil. Personne n'est à l'abri, invulnérable. La Journée des Réfugiés que nous vivons aujourd'hui nous le rappelle. Ne fermons pas les yeux : notre situation n'est pas immuable. Peut-être, un jour, aurons-nous besoin de la solidarité des autres, alors aujourd'hui ne fermons pas notre coeur.

Le message biblique nous dit aussi que Dieu n'est pas attaché à un lieu géographique, il est attaché à un peuple et à des personnes. Dieu ne cherche pas un Temple fait de pierres, de mains d'hommes. Il veut habiter en nous, il fait de chaque personne son Temple. Ainsi l'apôtre Paul peut-il dire "Vous êtes le Temple du saint Esprit" et il le dit de chaque croyant.

Nous ne sommes donc pas appelés à faire des pèlerinages géographiques, pour nous rendre dans un lieu plutôt qu'un autre, comme le croit la Samaritaine. Nous sommes appelés à faire des pèlerinages historiques. Pour nous plonger dans nos racines bibliques et y trouver le vrai visage de Dieu. Pour nous plonger dans l'histoire de nos vies, pour y voir la trace que Dieu y a déjà inscrite. Pour découvrir la place qu'il veut encore prendre dans nos vies — notamment à travers les responsabilités que nous avons acceptées de prendre à son service. Mettons-nous en route ensemble sur ce chemin de découvertes.

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2023

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