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f) Prophètes

  • Chercher les perles d'évangile dans l'Ancien Testament

    (21.7.2002)

    Esaïe 25

    Chercher les perles d'évangile dans l'Ancien Testament

    Esaïe 24 : 21-23+25 : 6-9

    Romains 5 : 8-11

    Marc 2 : 15-17

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Si vous lisez a Bible régulièrement ou de temps en temps, vous vous êtes probablement demandé parfois si cela valait la peine de lire l'Ancien Testament. Peut-on encore lire l'Ancien Testament aujourd'hui et en tirer quelque chose pour sa vie personnelle ?

    Il y a tant de textes qui nous effraient par leur violence. Violence des hommes, violence de guerres — comme la conquête de Canaan — que Dieu semble légitimer, voire encourager. Ou même violence de Dieu dont il nous est dit qu'il juge, punit, condamne, fait mourir. Le Dieu dépeint dans l'Ancien Testament est-il vraiment le même que celui qui nous est montré par Jésus ou par Paul ?

    Aujourd'hui, où nous sommes rendus très sensibles — avec raison — à toutes les injustices, à toutes les violences, nous pouvons légitimement nous demander si nous ne devrions pas laisser l'Ancien Testament de côté, parce que la religion, et le christianisme par dessus tout, doit nous engager dans la voie de la paix et de l'amour.

    En fait, cette question n'est pas nouvelle et ne vient pas d'un surcroît de sensibilité. Cette question s'est déjà posée aux premiers chrétiens ou à la deuxième génération. Une fois le Nouveau Testament composé, ses textes rassemblés, ne pouvait-on pas laisser l'Ancien Testament au judaïsme ? L'Eglise a toujours considéré cette attitude comme une hérésie et le protestantisme a réaffirmé la valeur de l'Ancien Testament, malgré des textes difficiles, des textes qui font problèmes. Cela est dû principalement à trois considération.

    Première considération. L'Ecriture est un tout, ce n'est pas à nous de trier ce qui nous convient ou ne nous convient pas. Ce serait risquer de nous tailler un Dieu sur mesure, faire de Dieu notre idole. On pourrait peut-être relire le deuxième commandement du Décalogue comme nous disant : "Tu ne te tailleras pas une image de Dieu sur mesure, à ta convenance".

    Certains textes ne nous parlent pas aujourd'hui, ils sont pour nous incompréhensibles. Mais dans d'autres circonstances, dans d'autres situations, ils peuvent se révéler être porteurs d'un précieux message.

    Deuxième considération. L'Ecriture, prise comme un tout, nous laisse voir une message cohérent et une direction générale qui ne se laissent pas détourner par ces accrocs, ces aspérités du texte. Ce n'est pas parce qu'une route fait des lacets et nous conduit tantôt à l'est, tantôt à l'ouest que notre voyage n'aboutira pas au lieu visé. Il faut parfois des détours, des rebroussements pour atteindre son but.

    Troisième considération. Enfin, comme en peinture, il faut parfois des couleurs sombres, très sombres, pour marquer les contrastes et mettre en valeur les jeux de lumière. C'est ainsi que nous pouvons comprendre que l'apôtre mentionne "la colère de Dieu" pour nous montrer la lumière du salut, ce à quoi nous avons échappé, ou que le prophète Esaïe doive mentionner le jugement de Dieu contre tous les rois de la terre, pour mettre en évidence son invitation — pour tous les peuples — à un banquet qui manifeste son amour.

    Amour et justice ne sont pas si éloignés qu'on veut souvent le penser. Que serait un amour sans justice, sinon mièvrerie, que serait une justice sans amour, sinon dureté ?

    La justice est nécessaire pour nommer le mal et cette démarche de désignation est aussi nécessaire pour celui qui offense — afin qu'il reconnaisse le mal qu'il a commis — que pour celui qui en est la victime — afin que le mal qu'il a subi soit reconnu. Il n'y a rien de pire à faire envers quelqu'un qui a été blessé que de lui dire "ce n'est rien, ce n'est pas grave, ça ne compte pas !"

    Il doit y avoir quelqu'un qui tienne compte de cela pour que l'offenseur puisse s'amender et que la victime se sente comprise et réhabilitée.

    La justice de Dieu — au contraire de nos tribunaux — n'a pas pour but de punir et condamner le coupable, mais de rétablir la victime dans son droit et dans sa dignité. Comme le dit Esaïe :

     

    "Le Seigneur Dieu essuiera les larmes de tous les visages.

    Dans l'ensemble du pays il enlèvera l'affront que son peuple a subi.

    Voilà ce qu'a promis le Seigneur." (Es 25:8)

    Cette justice-là est bien une justice constructive, une justice empreinte d'amour. C'est bien là une marque du Dieu que Jésus-Christ nous présente. Il n'y a pas un Dieu du jugement dans l'Ancien Testament et un Dieu de miséricorde dans le Nouveau Testament.

    Ce qu'on peut reconnaître et apprécier, c'est que la révélation du Nouveau Testament nous est plus claire et plus directement compréhensible. Mais que cela ne nous empêche pas de visiter l'Ancien Testament, fort de notre connaissance du Nouveau Testament et de Jésus-Christ.

    Lorsque nous ouvrons l'Ancien Testament, prenons la peine de penser que notre connaissance de Jésus-Christ nous aide à reconnaître ce que nous cherchons, des trésors porteurs d'Evangile déjà dispersés au cours des siècles dans toute l'Ecriture.

    En ouvrant l'Ancien Testament, nous sommes comme des géologues à la recherche de géodes. Vous savez, les géodes sont ces pierres, complètement banales à l'extérieur — on dirait des boulets de canon en pierre brute — mais qui contiennent de beaux cristaux à l'intérieur.

    L'Ancien Testament est plein de géodes cachées qui nous révèlent déjà l'amour de Dieu pour son peuple, pour ses fidèles, mais aussi pour tous les peuples, pour tous les humains de la terre. Ainsi en est-il de ce festin, de ce banquet où Dieu invite tous les peuples. Un festin qui préfigure le banquet du Royaume de Dieu que Jésus est venu confirmer et que nous préfigurons dans la Cène que nous allons partager.

    Ne vous laissez donc pas décourager par la lecture de l'Ancien Testament, on y trouve des trésors et un Dieu aimant.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Etre un arbre planté au bord d'une rivière

    (10.6.2001)

    Jérémie 17

    Etre un arbre planté au bord d'une rivière

    Deutéronome 7 : 7-12.       Jérémie 17 : 5-8.      Actes 2 : 41-47

    télécharger le texte : P-2001-06-10.pdf

    Chers Amis,

    Dimanche passé, nous fêtions la Pentecôte, commémoration du don de l'Esprit saint aux disciples, et à l'Eglise. Par l'Esprit saint, Dieu se rend présent — d'une façon qui reste mystérieuse — en chacun. C'est un passage important en termes d'histoire des religions.

    Jusqu'à la Pentecôte, le Temple, celui de Jérusalem, était le lieu où Dieu était le plus proche. Les juifs déjà étaient conscients que Dieu ne pouvait pas habiter le Temple, on ne met pas un Dieu infini dans une maison, aussi vaste et belle soit-elle. Le Temple était le marchepied de Dieu sur terre.

    Mais voici qu'avec Jésus, Dieu se rapproche des humains, il marche à leurs côtés, il entre dans le corps d'un homme autant que dans notre histoire humaine. Voilà qu'à Pentecôte, Dieu affirme qu'il vient habiter en chacun de nous, en chaque être humain. L'être humain, chaque être humain devient le Temple du Saint-Esprit. Quel changement ! Quelle transformation de la relation à Dieu.

    Dans le livre du Deutéronome, nous avons entendu que Dieu avait choisi son peuple — non pour sa grandeur, pour ses mérites propres — mais simplement par amour. "Le Seigneur vous aime," c'est pourquoi il vous a choisi.

    C'est une décision unilatérale que Dieu a prise. Il n'a pas attendu pour voir qui nous serions, il n'attend pas de savoir ce que vont devenir les bébés, les enfants pour les accueillir dans le baptême. Dieu nous prend tels que nous sommes. Il n'y a pas de conditions préalables pour être accueillis par lui, pour être aimés, pour être secourus.

    Dieu fait le premier pas, il ouvre ses bras le premier. Et l'amour de Dieu n'est pas passif. Cet amour de Dieu est communicatif, actif. Dieu souhaite nous voir heureux. C'est pourquoi il a sorti de l'esclavage d'Egypte son peuple, ce qui peut signifier pour nous qu'il souhaite nous aider à sortir de nos conflits relationnels qui nous enferment dans des attitudes de repli, de déprime ou de méfiance vis-à-vis des autres.

    Dieu souhaite nous voir heureux. C'est pourquoi il nous a donné sa loi, comme points de repères pour ne pas foncer dans les impasses de la violence et de la destruction. Dieu nous offre le mode d'emploi du bonheur et ... — bien qu'il passe aujourd'hui pour démodé, dépassé ou ringard — ce mode d'emploi reste solide et plein de bon sens, si on accepte de bonne foi de le mettre en pratique.

    C'est pourquoi le prophète Jérémie peut faire cette comparaison à son auditoire — le peuple d'Israël de son époque, qui n'était pas très différent de nous : Comment préférez-vous vivre ? Comme un buisson malingre dans la steppe aride ou comme un arbre vert toute l'année parce qu'il est planté auprès d'un ruisseau ?

    A quoi ressemble votre vie ? Etes-vous toujours en quête de ce qui étanchera votre soif de satisfaction, de tendresse, d'amour, de relations véritables ? A quelle distance de vous se trouve l'eau qui vous fait vivre ? Où est l'eau de votre baptême ? Où est la vie que Dieu souhaite pour vous ?

    Qu'en est-il de notre vie ? Vivons-nous la vie que nous souhaitons vivre ? Vivons-nous la vie telle que nous l'espérons ? Si nous ne sommes pas satisfait de la vie que nous menons, des relations que nous entretenons, qu'est-ce qui nous empêche de changer, de commencer une transformation ? Qu'est-ce qui nous empêche de changer le centre de notre existence, de changer notre centre de référence ? Chacun possède sa réponse personnelle à cette question.

    Le baptême est une invitation à installer son campement auprès de cette rivière de vie et d'y plonger sa vie pour prendre racine et n'être plus jamais en manque, assoiffé.

    L'enfant baptisé ce matin a reçu quelques gouttes de cette eau, comme un semis de graines nouvelles reçoit un peu d'eau. Mais le baptême n'est pas que l'événement d'un jour. Pour que la graine germe, pour que les racines se développent et que l'arbre prenne sa pleine stature, il faut que quelqu'un en prenne soin, qu'il l'alimente, le chérisse.

    Nos vies ont besoin de ces soins, nos vies ont besoin d'être baignées dans la Parole de Dieu qui fait vivre et grandir. C'est le rôle des parents pour les enfants. C'est le rôle de l'Eglise de seconder les parents dans cet effort. C'est le rôle de chacun pour soi-même de se mettre et remettre toujours à nouveau dans le bain de la Parole, du partage, du chant et de la prière.

    Dans le livre des Actes, la première communauté chrétienne est décrite comme une communauté

    - qui écoute la Parole de Dieu,

    - qui participe au partage du pain

    - qui chante et prie ensemble.

    Toutes ces choses sont encore possible aujourd'hui, près de 2'000 ans après la première Pentecôte. C'est un énorme privilège pour nous d'avoir accès à cette eau, à cette rivière, à cette vie de Dieu.

    Nous pouvons plonger nos racines à cette source, pour grandir et déployer nos ramures, pour abriter et nourrir ceux qui nous entourent de nos fruits.

    N'est-ce pas là un grand bonheur ?

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Toute souffrance est une urgence aux yeux de Dieu

    (9.9.2001)

    Esaïe 57

    Toute souffrance est une urgence aux yeux de Dieu

    Esaïe 57 : 15-19.         Hebreux 13 : 1-3.         Luc 14 : 1-6

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    Chers amis,

    Quelle image avons-nous de Dieu, quelles qualités — ou défauts — lui attribuons-nous ? La majeur partie du travail de Jésus auprès de ses contemporains a été de leur donner une nouvelle image, une nouvelle vision de Dieu. Pas tellement que l'image donnée dans l'Ancien Testament n'était pas la bonne et devait être corrigée, mais parce que, à chaque génération, nous-mêmes, nous déformons, obscurcissons l'image qui nous est présentée.

    Ainsi à l'époque de Jésus, ce sont les Pharisiens qui sont porteurs d'une certaine image de Dieu que Jésus cherche à rectifier. Dans un souci de bien faire, les Pharisiens ont énormément codifié la relation à Dieu. Il y a ce qu'il faut faire et tout ce qu'il ne faut pas faire. Cela ressemble à notre dicton : "Tout ce qui n'est pas interdit est obligatoire, et tout ce qui n'est pas obligatoire est interdit."

    Il n'y a plus de place pour un espace de liberté, pour des exceptions et des cas particuliers, on applique la règle et tant pis si des personnes sont broyées par le système. On n'y peut rien ! Cela est particulièrement mis en évidence chaque fois que Jésus fait une guérison le jour du sabbat.

    Le sabbat, le jour du repos, c'est sacré ! Interdit de faire quoi que ce soit ! Dieu le veut ainsi ! Alors Jésus vient avec ses questions qui dérangent : "Notre loi permet-elle ou non de guérir le jour du sabbat ?" Silence des interlocuteurs de Jésus. (Dans un autre récit, il est répondu à ceux qui souffrent : "Venez vous faire soigner en semaine !") Jésus continue : "Mais, s'il est question d'un sauvetage urgent qu'on ne peut pas renvoyer au lendemain, que faites-vous ?" Silence encore ! Silence qui en dit long : Là, lorsque c'est urgent, on se le permet.

    Alors, Jésus répond lui-même aux questions qu'il pose, il n'y répond pas par des paroles, mais par des actes, il guérit l'homme malade ! (Observez a passage la discrétion du récit sur cette guérison : "Jésus prit le malade, le guérit et le renvoya" l'accent n'est pas sur le miracle, mais sur la signification de son geste.) Pour Jésus — ici porte parole de Dieu — toute souffrance est une urgence aux yeux de Dieu. Un autre jour de sabbat Jésus avait guéri une femme courbée depuis 18 ans (Luc 13:10-17). La faire attendre un jour de plus aurait été un jour de trop !

    Ce caractère d'urgence semble renverser les priorités pour Jésus. Alors que les Pharisiens placent en premier le respect dû à Dieu, dans le respect du repos du sabbat, pour ensuite — en second — se préoccuper de son prochain, Jésus met le prochain en premier et Dieu en second ! Dieu en second, à la seconde place, après l'être humain ! N'est-ce pas scandaleux ?

    Ce serait effectivement scandaleux si c'était l'être humain lui-même qui s'autoproclamait à la première place pour reléguer Dieu à la seconde. C'est scandaleux chaque fois qu'une personne fait passer ses propres intérêts individuels avant la volonté de Dieu. Mais ce n'est pas ce qui se passe ici ! Jésus rappelle ici le projet, la volonté de Dieu. Cette volonté, ce projet de Dieu si bien exprimé dans ce verset d'Esaïe :

     

    "Voici ce que déclare celui qui est plus haut que tout, dont la demeure est éternelle et dont le nom est saint : « Moi, le Dieu saint, j'habite là-haut, mais je suis avec les hommes qui se trouvent accablés et ont l'esprit d'humilité, pour rendre la vie aux humiliés, pour rendre la vie aux accablés. » (Es 57:15)

    Ce Dieu suprême, qui est plus haut que tout, décide unilatéralement, de sa propre initiative de réduire la distance entre lui et les êtres humains, de se placer délibérément aux côtés des humains : "J'habite là-haut, mais je suis avec les humains..." Dieu avec les humains, Dieu avec nous, Emmanuel (j'anticipe un peu sur Noël !)

    Dieu place en priorité la cause de l'humain, c'est pourquoi Jésus peut opérer le renversement de places, parce que Dieu lui-même a décidé que la meilleure façon de l'honorer c'est d'aller au secours de son prochain, c'est de se préoccuper du sort de ceux qui souffrent, c'est de rétablir les relations entre nous. Souvenez-vous ces autres paroles de Jésus : "Laisse ton offrande devant l'autel et va d'abord faire la paix avec ton frère; puis reviens présenter ton offrande à Dieu" (Mt 5 : 24). L'amour que nous avons pour Dieu se lit dans notre façon de nous comporter avec nos proches et ceux que nous côtoyons.

    Jésus a été ce prochain — porteur de la guérison de Dieu pour cet homme malade rencontré un jour de sabbat. Dieu a placé Jésus sur le chemin de cet homme pour que nous sachions qu'il place des hommes et des femmes sur notre propre chemin pour réaliser envers nous son projet de guérison.

    Dieu place sur notre chemin des personnes qui nous aident à passer les moments difficiles, à surmonter les obstacles, les épreuves, les deuils... De même il place sur notre route des personnes (des anges dit la lettre aux Hébreux (Hb 13: 1-3) avec qui partager nos moments de bonheur, de joie et de reconnaissance.

    Avons-nous les yeux ouverts à cette image de Dieu ? Avons-nous les yeux ouverts pour regarder le monde autour de nous, les personnes que nous rencontrons pour y voir les messagers du Dieu bienveillant qui veut notre guérison, notre bonheur ?

    Essayez cette vision pour la semaine qui vient, vous aurez peut-être des surprises !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Avec le retour de l'Exil, Esaïe présente un Dieu maître de l'Univers et un Serviteur souffrant

    (15.8.2004)

    Esaïe 40

    Avec le retour de l'Exil, Esaïe présente un Dieu maître de l'Univers et un Serviteur souffrant

    Esaïe 40 : 1-8       Esaïe 43 : 14-21      Esaïe 53 : 1-5

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    J'aborde aujourd'hui le troisième volet de l'histoire de l'Exil à Babylone et de l'impact que cet Exil a eu sur l'écriture et la théologie de la Bible, de l'Ancien Testament, mais aussi du Nouveau Testament.

    Jérémie avait annoncé l'invasion du Royaume de Juda et la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, le roi de Babylone. Il en était résulté la perte du pays, du Temple et de la royauté. Ezéchiel, déporté avec l'élite d'Israël, a montré aux exilés que Dieu — sur son char de feu — les a accompagnés dans leur malheur. Après 40 ans d'exil, Esaïe annonce le retour au pays, à Jérusalem.

    Là, je dois ouvrir une parenthèse et donner quelques explications sur le livre d'Esaïe et le prophète. Le lecteur est en effet confronté à quelques problèmes de datation. Le prophète Esaïe, tel qu'il nous est présenté au début du livre d'Esaïe, s'adresse à des rois qui règnent entre 740 et 700 av. J.-C. La voix qui s'élève pour annoncer le retour de l'Exil à Babylone proclame ce message autour de l'an 540, soit deux siècles après les premières paroles d'Esaïe.

    Clairement, le livre d'Esaïe contient des déclarations de plusieurs prophètes qui se sont exprimés à des périodes différentes. Les chapitres 1—39 viennent du prophète historique, celui dont nous avons des détails biographiques (Es 6 et parallèles dans 2 Rois). Les chapitres 40—55 proviennent d'un prophète dont nous ne savons pas le nom et que l'on appelle communément le Second Esaïe. Les chapitres 56—66 sont un peu plus tardifs et peuvent être attribués à un troisième prophète.

    Les paroles sur le retour de l'Exil appartiennent à la deuxième partie du livre d'Esaïe. C'est de cette deuxième partie, donc du Second Esaïe que je parle aujourd'hui. Je ferme la parenthèse.

    Donc, après 40 ans d'exil, voici l'annonce du retour au pays pour les déportés. Le prophète nous dit que Dieu a décidé de mettre fin à l'Exil, à la punition :

     

    "Rassurez Jérusalem, criez-lui qu'elle en a fini avec les travaux forcés et qu'elle a purgé sa peine. (Es 40:2)

    Esaïe annonce un retour grandiose avec ce texte que l'on lit généralement à Noël pour annoncer la venue du Messe :

     

    "Ouvrez une route pour notre Dieu, qu'on relève le niveau des vallées, qu'on abaisse montagnes et collines... " (Es 40:4)

    Dieu va se servir d'un conquérant étranger : le roi perse Cyrus, pour renverser le pouvoir de Babylone. Cyrus, en effet, établit sur tout le croissant fertile son pouvoir et dicte un décret qui permet aux populations déportées de retourner dans leurs pays respectifs.

    En affirmant que c'est Dieu qui envoie Cyrus (Es 45:1) Esaïe transforme, élargit l'image que les juifs déportés pouvaient avoir de Dieu. Le Dieu d'Israël n'est plus seulement le Dieu, le maître d'un seul peuple, il est le maître de tous les peuples, le maître de l'Univers. Dieu reste attaché par un lien particulier avec son peuple, mais il s'affirme comme le seul Dieu (ce que nous avons entendu dans la louange d'Esaïe (Es 40:12-26)).

    C'est lui aussi qui s'affirme comme le seul Roi d'Israël. Il est le seul qui dirige le peuple et le pays. De fait, Israël ne regagnera jamais son indépendance et ne pourra jamais rétablir une royauté politique. La royauté devra être transformée pour resurgir. La royauté politique sera transformée en attente messianique. Le messie étant celui que Dieu choisit pour réaliser sa volonté.

    Si Dieu devient le maître de l'histoire en utilisant Cyrus, il devient aussi, dans la bouche d'Esaïe, le créateur du monde — et c'est de cette époque que l'on date le grand poème de la création en six jours de Genèse 1.

    Quel effet, quel retentissement peut avoir pour le peuple d'Israël cet élargissement de la représentation de Dieu ? Le risque c'est que Dieu s'éloigne, que sa majesté et sa grandeur deviennent un obstacle dans la relation avec chacun. Ce risque d'éloignement explique peut-être la présence de quatre poèmes qui décrivent un mystérieux Serviteur de Dieu.

    Ce Serviteur est à l'opposé de la majesté divine, il a été choisi par Dieu pour instaurer le droit (Es 42:1), mais "il ne crie pas, il n'élève pas la voix (...) il n'éteint pas le lumignon qui fume" (Es 42:2-3). C'est un serviteur humble, qui va même être bafoué, rejeté, maltraité "sans rien dire, comme un agneau qu'on mène à l'abattoir" (Es 53:7).

    Cette partie du livre d'Esaïe nous présente donc deux extrêmes inconciliables avec d'un côté la majesté du Créateur et maître de l'Univers et de l'autre le dernier des méprisés. Et pourtant celui qui est méprisé de tous est celui que Dieu choisit et va réhabiliter. Est-ce une façon pour le Second Esaïe de parler du peuple en Exil ou de parler de lui-même dont le message est peut-être rejeté ? Nous ne le savons pas.

    Ce qu'on peut percevoir, c'est que Dieu se trouve à ces deux extrêmes. Au sein de ce mouvement d'éloignement possible entre la grandeur de Dieu et la petitesse humaine, les poèmes du Serviteur rappellent et raffermissent la spécificité du Dieu biblique : il est le Dieu qui rétablit les victimes : Abel contre Caïn, Joseph contre ses frères, les hébreux contre Pharaon, les exilés contres leurs oppresseurs.

    Si Dieu s'affirme comme Créateur et maître de l'Univers, il veut rester le Dieu proche qui rencontre les humains au coeur de la vie et de ses difficultés. S'il est celui qui ouvre une route dans le désert, il est celui qui se présente à Noël dans une crèche et à vendredi-saint sur la croix. Sa royauté ne s'établit pas sur les humains par la violence, mais par une approche faite de discrétion et de tendresse.

    En Jésus-Christ, les chrétiens reconnaîtront en même temps l'image de Dieu, le Seigneur, et l'image du Serviteur souffrant (le Second Esaïe est le prophète le plus cité dans le Nouveau Testament). L'image de celui qui, d'une façon que nous ne comprenons pas aujourd'hui, dirige l'univers tout en prenant soi de chacun de nous.

    Avec l'Exil, Israël a perdu sa royauté politique pour ouvrir l'espace d'une royauté nouvelle qui ne doit rien à la force mais tout à l'amour gratuit de Dieu !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Sur son char de feu, Dieu rejoint son peuple en Exil

    (8.8.2004)

    Ezéchiel 10

    Sur son char de feu, Dieu rejoint son peuple en Exil

    Ezéchiel 10:18-22 + 11:22-25       Exode 40:16-21+33-38       Ezéchiel 39:23-29

    télécharger le texte : P-2004-08-08.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Dimanche passé, nous avons entendu comment le prophète Jérémie interpellait ceux qui entraient dans le Temple de Jérusalem, pour dénoncer leur hypocrisie et annoncer la perte du pays. En 587, Jérusalem a finalement été prise par les Babyloniens. Le roi, les dirigeants et l'élite d'Israël sont déportés à Babylone. Le Temple de Jérusalem ainsi que la ville sont détruits.

    Le prophète Ezéchiel fait partie des premiers déportés et il va s'adresser à ceux qui ont été déportés avec lui, et parfois à ceux qui sont restés dans le pays. Sa grande tâche, c'est de transmettre à ses compagnons d'infortune les paroles du Dieu qui les a mis dans cette situation. Tâche difficile. En effet, soit Dieu n'a pas su défendre son peuple contre les Babyloniens et il ne vaut rien en tant que Dieu national : c'est un Dieu faible; soit Dieu a bien voulu que cela arrive, alors comment lui faire encore confiance et s'attacher à lui ?

    Jérémie, qui parlait avant la catastrophe prévisible, disait : Dieu va faire arriver cela, à moins que nous ne changiez de comportement. Il y avait l'espoir d'éviter cette catastrophe. Ezéchiel parle alors que le désastre est arrivé et il concède que Dieu a laissé faire, comme en miroir de l'attitude du peuple à son égard : vous voulez vivre sans moi, et bien voyez comment cela se passe lorsque je ne vous sauve pas ! Mais ce n'est pas le dernier mot de Dieu ! Si Dieu se détourne, ce n'est jamais pour longtemps. Ezéchiel n'est pas un prophète de malheur, comme Jérémie, il est là pour transmettre ce que Dieu veut faire pour son peuple en exil. Dieu reprend l'initiative pour renouer le dialogue.

    Le prophète Ezéchiel va avoir plusieurs visions de ce que Dieu entreprend pour les exilés. Deux visions d'Ezéchiel sont bien connues, celle du char de feu et celle de la vallée des ossements, ossements qui vont reprendre vie. La vision qui m'intéresse maintenant est celle du char de feu. C'est une vision grandiose. L'engin nous est présenté longuement dans le chapitre 1. Si Ezéchiel parlait avec le vocabulaire d'aujourd'hui, je pense qu'il parlerait en termes de vaisseau spatial scintillant — ce que n'a pas manqué de relever Erich von Däniken, le créateur du Mystery Park d'Interlaken, qui prend Dieu pour un extraterrestre !

    Au-delà de la représentation visuelle de ce mystérieux char de feu volant, c'est ce que le prophète veut nous dire de Dieu lui-même et de son attitude qui est important. Oui, le peuple d'Israël a été déporté. Oui, le Temple de Dieu a été détruit, mais Dieu n'est pas anéanti, Dieu n'est pas bloqué à Jérusalem ! Dans le passage que vous avez entendu (Ez 10), le char de feu s'élève d'abord au-dessus du Temple, puis s'oriente vers l'Est, part en direction du Mont des Oliviers, puis voyage jusqu'au lieu où se trouve le prophète, le long de la rivière Khebar. Dieu n'est pas fixé dans son Temple ! Dieu est mobile, il prend la route et il rejoint son peuple là où il se trouve, en exil. Dieu déménage, Dieu s'exile avec ceux qu'il aime !

    La destruction du Temple — aussi catastrophique qu'elle soit — est l'occasion d'un recommencement, de débuter quelque chose de neuf, de nouveau. Elle permet une nouvelle forme de présence de Dieu. Dieu devient mobile, il n'est plus lié à un lieu. Un Dieu mobile devient un Dieu qui peut nous rejoindre là où nous sommes, qui peut venir jusqu'à nous.

    En fait de Dieu mobile, c'est une nouveauté pour les habitants sédentaires de Jérusalem, mais ce n'est pas une nouveauté pour une population nomade ! Dans le livre de l'Exode, Dieu accompagne le peuple hébreu, depuis la sortie d'Egypte jusqu'à l'entrée dans le pays de Canaan, c'est déjà un Dieu qui voyage. Le char de feu n'est donc pas sans rappeler la nuée qui ouvre la route des hébreux dans le désert.

    A la fin du livre de l'Exode, il y a même la description d'un Temple fait de poteaux et de toiles, montable et démontable, pour y placer l'arche de l'alliance. Si la tradition de l'Exode et de la nuée sont très anciennes et ont sûrement inspiré Ezéchiel, on peut se demander si le sanctuaire mobile — dont le plan ressemble tellement au deuxième Temple — n'est pas inspiré des projets de reconstruction du Temple, élaborés pendant ou juste après l'Exil. Il y a dû y avoir plusieurs projets de reconstruction du Temple de Jérusalem. Ezéchiel, lui-même, fait sa propre proposition dans les chapitres 40 à 48. Mais au vu des recherches archéologiques sur le Temple construit, ce n'est pas sa proposition qui a été retenue.

    Même si Ezéchiel prévoit une reconstruction d'un Temple en pierre à Jérusalem — à cette époque on ne peut pas encore s'en passer — Ezéchiel pose les fondements d'une religion plus intérieure. Dans son chapitre de conclusion avant son plan du Temple, au chapitre 39, Ezéchiel transmet ce message de la part de Dieu : "J'animerai les Israélites de mon Esprit." (Ez 39:29). Phrase qui sera développée dans ce passage bien connu qui est souvent repris dans les liturgies de baptême :

     

    "Je vous donnerai un coeur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J'enlèvera votre coeur insensible comme une pierre et je le remplacerai par un coeur réceptif. Je mettrai en vous mon Esprit, je vous rendrai ainsi capable d'obéir à mes lois, d'observer et de pratiquer les règles que je vous ai prescrites. Alors vous pourrez habiter dans le pays que j'ai donné à vos ancêtres; vous serez mon peuple et je serai votre Dieu." (Ez 36:26-28)

    Alors que le Temple est détruit, la relation à Dieu doit passer par d'autres canaux que les gestes rituels et sacrificiels. Les déportés à Babylone — s'il veulent conserver leur foi et leur identité — ont dû inventer une nouvelle forme de relation à Dieu, de vie spirituelle. Cette nouvelle relation à Dieu passe par un engagement moral : obéir à la loi, autant à la loi morale qu'à la loi cultuelle (les fêtes).

    Cet engagement — pour Ezéchiel — devient un engagement personnel. En effet, Ezéchiel développe le principe de la responsabilité personnelle devant Dieu, notamment en critiquant un proverbe de l'époque : "Les parents ont mangé des raisons verts et ce sont les enfants qui ont mal aux dents !" (Ez 18:2). Ce ne sera plus ainsi, dit-il, chacun porte la responsabilité de son propre comportement. C'est l'obéissance personnelle aux commandements de Dieu qui est importante et cette obéissance ne peut se réaliser que dans la connaissance personnelle de Dieu. On quitte donc une simple obéissance rituelle pour accéder à une adhésion morale de tous les jours.

    Jésus portera cette adhésion à son achèvement, à son accomplissement, lorsqu'il reprend les commandements dans le Sermon sur la montagne (Mt 5—7) et les poussera jusqu'à leur extrême limite, jusqu'à l'accomplissement d'un amour total en poussant l'amour du prochain jusqu'à l'amour des ennemis.

    A ce niveau d'intériorisation de la loi et de la relation à Dieu, plus aucun Temple de pierre n'est nécessaire. Ce que Dieu attend, c'est une communauté habitée par l'Esprit et faite de pierres vivantes.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

     

     

  • Jérémie prêche la cohérence entre l'être et le faire, pour ne pas perdre le pays

    (1.8.2004)

    Jérémie 7

    Jérémie prêche la cohérence entre l'être et le faire, pour ne pas perdre le pays

    Deutéronome 12:1-5 + 16:18-20          2 Rois 21 : 10-16      Jérémie 7 : 1-15

    télécharger le texte : P-2004-08-01.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Comme j'en ai pris l'habitude pendant les derniers étés, je vais vous proposer une suite de trois prédications. Le fil conducteur en sera l'épisode historique de l'Exil à Babylone dans l'histoire du peuple d'Israël.

    Cet Exil — qu'on date de 587 avec un retour dès 540 av. J.-C. — a un rôle central dans l'histoire de la Bible, bien que, paradoxalement, la Bible en parle peu directement. En effet, les livres historiques qui nous retracent l'histoire du peuple d'Israël s'arrêtent (à la fin de 2 Rois ou 2 Chroniques) sur le départ en exil. Nous n'avons donc pas directement de récits concernant le devenir des exilés ou leur vie à Babylone. La Bible ne relate donc pas l'Exil en termes d'histoire, comme si l'histoire d'Israël s'était terminée avec la perte du pays, du Temple et de la royauté. Pourtant, l'Exil a un rôle central pour la Bible et l'Ancien Testament !

    D'abord le thème de l'Exil tient une très grande place dans le message prophétique. Les messages des trois grands prophètes — Esaïe, Jérémie et Ezéchiel — sont centrés sur cette période. La première partie d'Esaïe porte sur la perte du Royaume du Nord. Jérémie annonce l'Exil à Babylone. Ezéchiel est un prophète en exil qui parle aux exilés. La deuxième partie du livre d'Esaïe porte sur le retour de l'Exil. Si l'Exil n'a pas été raconté, il est l'objet d'une multitude de messages prophétiques et de réflexions sur la relation entre Dieu et son peuple.

    Ensuite, on peut dire que la Bible, l'Ancien Testament, est née de l'Exil et de la réflexion sur cet événement. L'ancien Testament est une longue réflexion — évolutive — sur la signification des événements historiques lorsque ceux-ci sont reçus comme des messages divins.

    Ainsi, les textes bibliques, qui nous sont parvenus, sont le résultat d'un immense travail rédactionnel où des textes anciens sont réinterprêtés, remis en perspective pour expliquer les événements récents. Il y a dans l'Ancien Testament, un travail d'interprétation et de réactualisation du message qui s'est étendu sur plusieurs siècles avant que le texte ne finisse par se stabiliser dans la forme que nous connaissons. En cela la Bible se différencie complètement du Coran, texte reçu littéralement.

    Le texte biblique est en prise constante avec l'histoire. A partir de deux sortes de sources principales, les récits tribaux (par ex. les Patriarches) et les Prophètes, et à travers les catalyseurs de l'histoire, le texte actuel de l'Ancien Testament s'est développé pour rendre compte de la foi d'un peuple qui a traversé plusieurs catastrophes, dont la perte du Royaume d'Israël du Nord en 721 et l'Exil de 587 sont les principales et les plus marquantes.

    La perte du Royaume du Nord, qui avait Samarie pour capitale et Silo comme lieu de culte a été le premier choc. Les élites du Royaume d'Israël se sont réfugiées à Jérusalem, emportant avec elles leurs traditions, leurs récits et leurs codes de lois. Les spécialistes de l'Ancien Testament pensent que le noyau du livre du Deutéronome a été une production du Royaume d'Israël, arrivé avec les réfugiés à Jérusalem. Ce noyau du Deutéronome (dont vous avez entendu quelques paroles) est très proche du message du prophète Jérémie.

    Jérémie prêche trois choses : la sincérité de la foi, la justice sociale et la confiance politique en Dieu seul. C'est pourquoi Jérémie — dans le récit que nous avons entendu — se place à l'entrée du Temple pour annoncer les oracles du Seigneur. Il interpelle directement ceux qui montent au Temple ! Il leur demande une conduite éthique qui soit en accord avec leur venue au Temple pour adorer Dieu.

    Jérémie lie la possession du pays au respect des commandements divins, c'est-à-dire le refus de l'idolâtrie et le respect du droit, de la justice, de la loi. Jérémie rappelle les événements politiques antérieurs : la chute du Royaume d'Israël (Samarie et Silo) qui préfigure ce qui peut arriver à Jérusalem et au Royaume de Juda.

    Les habitants de Jérusalem prennent le Temple — en lui-même — comme une assurance écartant tout risque pour Jérusalem. "C'est ici le Temple où demeure le Seigneur, le Temple du Seigneur, le Temple du Seigneur..." (Jér 7:3) Comme si cette litanie pouvait les sauver et leur permettre n'importe quels agissements dans leur vie privée ou dans la vie économique !

    Aussi Jérémie annonce-t-il que le Royaume de Juda connaîtra le même sort que le Royaume d'Israël, si le message et les commandements de Dieu ne sont pas respectés. Jérémie est donc un prophète de malheur — et toute sa vie il en souffrira dans sa chair. Mais c'est aussi un prophète d'espoir, puisqu'il annonce que la conversion peut tout changer. La conversion à laquelle Jérémie appelle, c'est de mettre en cohérence sa vie cultuelle avec ses comportements. Il fustige une religion qui pourrait rester extérieure, seulement rituelle, l'idée que le bon sacrifice fait au bon moment puisse rendre blanc comme neige. Cette cohérence entre culte et éthique ou justice est présente chez tous les prophètes et constitue une spécificité et une constante dans la Bible, et Jésus s'inscrit aussi dans cette longue lignée.

    Jérémie, mais aussi le Deutéronome dans ses éditions successives, vont ainsi lier le don du pays à cette obéissance, cette cohérence entre l'être et le faire. Le don du pays est lié à l'obéissance à la loi, c'est-à-dire au respect et à l'amour pour Dieu. C'est ainsi que Jérémie pourra aussi annoncer un retour, retour d'Exil et retour à Dieu — qui vont de pair.

    Il y aura un nouveau don du pays pour un reste, pour les exilés, pour ceux qui vivent cette cohérence intérieure. Le salut passe par l'intériorisation du message de Dieu, comme le dit Jérémie :

     

    "Quand le royaume de Babylone aura duré 70 ans, alors j'interviendrai pour vous et je réaliserai le bien que je vous ai promis : je vous ferai revenir ici à Jérusalem. Car moi, le Seigneur, je sais bien quels projets je forme pour vous; et je vous l'affirme : ce ne sont pas des projets de malheurs, mais des projets de bonheur. Je veux vous donner un avenir à espérer. Si vous venez alors m'appeler et me prier, je vous écouterai; si vous vous tournez vers moi, vous me retrouverez. Moi, le Seigneur, je vous le déclare : si vous me rechercher de tout votre coeur, je me laisserai trouver par vous. Je changerai votre sort, je vous ferai sortir de chez toutes les nations et de tous les endroits où je vous ai dispersés. " (Jr 29:10-14)

    Cette intériorisation finira même par prendre le pas sur le don du pays : il est possible de bénéficier des bénédictions de Dieu sans avoir une terre à soi.

    En ce 1er août, peut-être devrions-nous aussi réfléchir à ce que signifie "posséder ce pays" et les conditions éthiques, de justice, qui sont nécessaires pour que nous en soyons encore les dignes habitants et gouvernants.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Dieu a une promesse de vie pour ceux qui sont dans le deuil

    Chers paroissiennes et paroissiens,

    A nouveau les cultes ne peuvent plus avoir lieu et c'est bien triste ! Cette période est difficile en nous forçant à la distance, à la diminution des rencontres. Ne nous laissons pas tomber dans l'isolement et la désespérance.

    Je vous propose une prédication que j'ai dite pour un culte de l'espérance, pour reprendre espoir dans des temps de nuit ou de deuil. Je pense qu'elle peut nous parler dans le temps d'aujourd'hui. Bon courage à toutes et tous.

    Mes amitiés

     

    (7.11.2004) Ezéchiel 37

    Dieu a une promesse de vie pour ceux qui sont dans le deuil

    Ezéchiel 37 : 1-14.      Jean 10 : 7-11.

    télécharger le texte : P-2004-11-07.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Vous avez entendu le récit de cette vision d'Ezéchiel. Pour bien comprendre le message que Dieu nous transmet par le prophète, il faut la replacer dans son contexte historique.

    Ezéchiel est un prophète qui parle au peuple d'Israël qui a été déporté à Babylone. En 597 et 587 av. J.-C., les armées babyloniennes de Nabuchodonosor ont assiégé, puis détruit Jérusalem. Ses habitants, notamment son élite, ont été déportés à Babylone et dans ses environs (entre le Tigre et l'Euphrate).

    Ces Israélites ont donc perdu leur pays, leur roi et leur Temple. Ils sont privés de leur patrie, de leur indépendance et de leur lieu de culte. Certains pensent même que Dieu les a abandonnés, ou pire encore, que Dieu n'était pas Dieu, puisqu'il a perdu devant les dieux babyloniens.

    Les Israélites sont donc dans une situation de désarroi total. Que peuvent-ils espérer, sinon survivre tant bien que mal ? Vaut-il la peine de garder ses coutumes, son culte ? N'est-il pas préférable de s'assimiler au plus vite pour abandonner ses racines qui les rattachent à la honte des vaincus ? N'est-ce pas un peuple de morts-vivants qui survit à Babylone, des gens sans espoir semblables à ceux qui sont déjà dans la tombe ?

    Cela semble être l'atmosphère, l'état d'esprit des Israélites lorsque Dieu envoie à Ezéchiel une vision. Et quelle vision ! Une large vallée couverte de vieux ossements tout poussiéreux, un cimetière gigantesque, mais qui sous l'impulsion de la parole de Dieu — prononcée par Ezéchiel — se transforme en lieu de vie.

    Cette vision est très intéressante, car en ce temps de l'histoire d'Israël, il n'y a encore aucune croyance en la résurrection. Cette croyance en la résurrection individuelle après la mort n'entrera dans le judaïsme — et encore seulement dans une partie du judaïsme — que trois siècles plus tard.

    Cette vision ne nous dit donc pas "il y a une vie après la mort", elle nous parle de la vie présente, elle nous parle du peuple d'Israël qui vit en exil à Babylone. Elle nous dit que parfois, à certains moments, l'existence n'est plus une vie, qu'elle est tellement noire et désespérée qu'elle est semblable à être mort, être desséché comme de vieux os.

    Cette vision prend acte que nous vivons — à certains moments — des situations où le goût de la vie s'en va et que rien n'a plus de sens. Cela arrive, mais ce n'est pas l'existence que Dieu veut nous voir vivre !

    Dieu a une promesse pour ceux qui vivent cela. Dieu n'est pas indifférent à ceux qui traversent de telles situations, que ce soit au travers de la perte d'un être cher, un deuil, ou au travers d'autres pertes, comme celle de son travail.

    Dans ces situations de perte, non seulement on est dépouillé d'une partie de soi-même, mais on perd ses repères, ses points d'appui et le désespoir menace. Dans ces situations, Dieu nous fait une promesse : il vient remettre de la vie dans notre existence. Lorsqu'on se sent disloqué, lorsqu'on se sent tomber en morceaux, lorsqu'on se sent à ramasser à la petite cuillère, Dieu se met à agir et à parler :

    "Voici ce que le Seigneur Dieu vous déclare :

    Je vais vous réanimer et vous reprendrez vie." (Ez 37:5)

    Et Dieu mobilise le prophète pour redonner espoir à son peuple, comme il mobilise des proches autour de chacun pour nous remonter le moral, pour dire — de la part de Dieu :

    "J'ouvrirai vos tombes et vous en ferai remonter, je vous ferai reprendre vie par mon Esprit, je vous réinstallerai dans votre patrie." (Ez 37:13-14)

    Le Seigneur nous fait la promesse de nous reconstruire et de nous restaurer, individuellement et en communauté. Ce qui a été promis aux Israélites au travers du prophète Ezéchiel nous est répété par Jésus. Cette promesse de Dieu est aussi pour nous aujourd'hui, puisque Jésus nous dit, comme il le disait à ses disciples :

     

    "Je suis venu pour que les humains aient la vie et qu'ils l'aient en abondance.

    Je suis le bon berger." (Jn 10:10-11)

    C'est lui qui nous reconstruit, qui nous nourrit et qui nous guide sur le chemin d'une vie vraie, riche en relations, malgré les pertes, les deuils que nous traversons. Oui, il nous sort de ces situations pour nous redonner une vie de plénitude.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

     

  • Notre Père (8)

    Esaïe 6

    23.8.2020

    Notre Père (8)

    Esaïe 6 : 1-9

    1 Corinthiens 1 : 1-3

    Jean 17 : 24-26

    télécharger le texte : P-2020-08-23.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans notre suite de prédications sur le Notre Père (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"), nous arrivons aujourd'hui à la phrase : « Que ton nom soit sanctifié ». Je trouve que c'est la phrase la plus difficile à comprendre du Notre Père. Pourquoi le nom de Dieu ? Que veut dire sanctifier, quand il s'agit déjà de Dieu ? Qui doit le faire ? L'être humain peut-il rendre Dieu plus saint qu'il ne l'est déjà ? Quelle qualité l'être humain pourrait-il rajouter à Dieu ?

    Commençons par revenir à l'histoire, l'histoire d'Israël qui peut se lire en remontant le Notre Père. En commençant par la fin, le Notre Père exprime la délivrance de l'esclavage en Egypte. Puis le peuple est soutenu lors des tentations dans le désert, il est pardonné, il est nourri.

    Ensuite Dieu donne sa Loi, le Décalogue, pour exprimer sa volonté. Enfin, vient la période de la royauté où le règne des hommes est en concurrence avec le règne de Dieu. Finalement Salomon construit le Temple à Jérusalem pour manifester la présence de Dieu. Au cœur du Temple se trouve une pièce, appelée le Saint des Saints, réservée à la présence divine.

    Esaïe reçoit la vision de cette sainteté. Il voit Dieu sur son trône. Des séraphins clament la sainteté de Dieu en disant : « Saint, saint, saint est le Seigneur de l'univers, la terre entière est remplie de sa gloire. » (Es 6:3).

    Aussitôt Esaïe est renvoyé à sa petitesse et à ce qu'il perçoit comme son impureté, son indignité. La sainteté de Dieu est opposée à la bassesse humaine. C'est le grand écart, l'éloignement complet, la divergence absolue. Tout pourrait se terminer dans l'anéantissement du prophète Esaïe et de toute l'humanité.

    Mais la révélation de cette vision, c'est que cette grandeur de Dieu, cette gloire, cette sainteté est bienveillante, tournée vers le bien de l'humanité. Dieu prend l'initiative d'effacer la distance, d'anéantir, non pas l'être humain, mais l'impureté, c’est-à-dire ce qui nous sépare de Dieu.

    Dieu est toujours dans l'initiative envers l'être humain. Cela fait partie de sa sainteté, de son être profond. La sainteté de Dieu n'est pas destructrice, mais constructrice.

    C'était déjà Dieu lui-même qui avait pris l'initiative de révéler son nom à Moïse dans le buisson ardent (Ex 3). Ce nom que le Notre Père appelle à être sanctifié. Pourquoi sanctifier le nom de Dieu et pas Dieu lui-même ?

    Le nom est en même temps ce qui dévoile et ce qui voile. Le nom permet d'appeler quelqu'un et d'entrer en dialogue avec lui. Mais le nom n'est pas la personne elle-même, c'est comme un substitut, un remplaçant.

    Dans cette phrase : « Que ton nom soit sanctifié » en parlant du nom et pas de Dieu, nous affirmons que Dieu lui-même est inaccessible, hors de notre portée et que nous ne pouvons rien ajouter à Dieu. C'est une façon de refuser la possibilité d'enfermer Dieu dans une théologie particulière, dans une Eglise, dans nos désirs. Dieu nous échappera toujours.

    Par contre, s'il s'agit du nom, nous, comme êtres humains, nous pouvons lui faire une place. Une place dans nos vies et dans nos cœurs, une place dans la vie publique, une place dans le monde.

    Notre rôle, ce que nous pouvons demander dans la prière du Notre Père, c'est que le nom de Dieu soit respecté, c'est qu'une place soit faite à Dieu dans notre monde. Notamment pour que rien ne vienne occuper cette place, aucune idole.

    Or aujourd'hui, nous connaissons et voyons les veaux d'or qui sont adorés publiquement. La place de Dieu est occupée par des humains ou des idéologies.

    Comme chrétiens, nous demandons que Dieu soit remis à la première place, que son nom soit placé au-dessus de tout autre nom (Phil. 2:9). Au-dessus, cela laisse penser à une supériorité ou une suprématie. Mais il ne faut pas oublier que Jésus est venu achever la révélation du nom de Dieu.

    Dans la prière sacerdotale (Jean 17), Jésus termine sa prière en disant : « J'ai fait connaître ton nom et je le leur ferai encore connaître. » (v.26). Or l'oeuvre du Christ qui nous révèle Dieu a pour sommet le service et le don de soi. Il n'y a pas de pouvoir dans la suprématie du nom de Dieu.

    Encore une remarque sur le choix des mots. La phrase parle de sanctifier, pas de rendre sacré. Rendre sacré, faire du sacré se dit « sacrifier » fier étant une forme de faire.

    Le Notre Père nous rappelle qu'avec Dieu il n'est pas question de rendre sacré, de sacrifier, mais de rendre saint.

    Rendre saint, c'est élever l'ordinaire vers le divin. Et c'est ce que nous faisons et sommes appelés à faire. Nous prenons de l'eau du robinet et nous en faisons l'eau du baptême, Dieu la sanctifie.

    Nous prenons du pain et du vin ordinaires et ils deviennent corps et sang du Christ. Nous avons des vies ordinaires et toutes simples et nous les confions à Dieu pour qu'il les sanctifie.

    C'est en laissant nos vies être sanctifiées par le contact avec le Christ que nous faisons une place au nom de Dieu dans le monde. Nous sanctifions le nom de Dieu lorsque nous remplissons notre mission, lorsque nous accomplissons notre vocation d'être humain, lorsque nous acceptons d'être nous-mêmes dans la transparence devant Dieu.

    Nous n'ajoutons rien à Dieu, c'est lui qui ajoute de la sainteté dans nos vies, si nous le voulons bien.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • Dieu accompagne son peuple

    Ezechiel 10

    16.8.2020

    Dieu accompagne son peuple

    Ezechiel 10:18-22 + 11:22-25.   Exode 40:16-21+33-38.     Ezechiel 39:23-29. 

    télécharger le texte : P-2020-08-16.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans l'histoire d'Israël, en 587 av. J.-C., Jérusalem a été prise par les Babyloniens. Le roi, les dirigeants et l'élite d'Israël sont déportés à Babylone. Le Temple de Jérusalem ainsi que la ville sont détruits.

    Le prophète Ezéchiel fait partie des premiers déportés et il va s'adresser à ceux qui ont été exilés avec lui, et parfois à ceux qui sont restés dans le pays. Sa grande tâche, c'est de transmettre à ses compagnons d'infortune les paroles du Dieu qui les a mis dans cette situation. Tâche difficile.

    En effet, soit Dieu n'a pas su défendre son peuple contre les Babyloniens et il ne vaut rien en tant que Dieu national : c'est un Dieu faible; soit Dieu a bien voulu que cela arrive, alors comment lui faire encore confiance et s'attacher à lui ?

    Jérémie, qui parlait avant la catastrophe prévisible, disait : Dieu va faire arriver cela, à moins que nous ne changiez de comportement. Il y avait l'espoir d'éviter cette catastrophe. Ezéchiel parle alors que le désastre est arrivé et il concède que Dieu a laissé faire, comme en miroir de l'attitude du peuple à son égard : vous voulez vivre sans moi, et bien voyez comment cela se passe lorsque je ne vous sauve pas !

    Mais ce n'est pas le dernier mot de Dieu ! Si Dieu se détourne, ce n'est jamais pour longtemps. Ezéchiel n'est pas un prophète de malheur, comme Jérémie, il est là pour transmettre ce que Dieu veut faire pour son peuple en exil. Dieu reprend l'initiative pour renouer le dialogue.

    Le prophète Ezéchiel va avoir plusieurs visions de ce que Dieu entreprend pour les exilés. Deux visions d'Ezéchiel sont bien connues, celle du char de feu et celle de la vallée des ossements, ossements qui vont reprendre vie. La vision qui m'intéresse maintenant est celle du char de feu. C'est une vision grandiose. L'engin nous est présenté longuement dans le chapitre 1. Si Ezéchiel parlait avec le vocabulaire d'aujourd'hui, je pense qu'il parlerait en termes de vaisseau spatial scintillant !

    Au-delà de la représentation visuelle de ce mystérieux char de feu volant, c'est ce que le prophète veut nous dire de Dieu lui-même et de son attitude qui est important. Oui, le peuple d'Israël a été déporté. Oui, le Temple de Dieu a été détruit, mais Dieu n'est pas anéanti, Dieu n'est pas bloqué à Jérusalem ! Dans le passage que vous avez entendu (Ez 10), le char de feu s'élève d'abord au-dessus du Temple, puis s'oriente vers l'Est, part en direction du Mont des Oliviers, puis voyage jusqu'au lieu où se trouve le prophète, le long de la rivière Khebar. Dieu n'est pas fixé dans son Temple ! Dieu est mobile, il prend la route et il rejoint son peuple là où il se trouve, en exil. Dieu déménage, Dieu s'exile avec ceux qu'il aime !

    La destruction du Temple — aussi catastrophique qu'elle soit — est l'occasion d'un recommencement, de débuter quelque chose de neuf, de nouveau. Elle permet une nouvelle forme de présence de Dieu. Dieu devient mobile, il n'est plus lié à un lieu. Un Dieu mobile devient un Dieu qui peut nous rejoindre là où nous sommes, qui peut venir jusqu'à nous.

    En fait de Dieu mobile, c'est une nouveauté pour les habitants sédentaires de Jérusalem, mais ce n'est pas une nouveauté pour une population nomade ! Dans le livre de l'Exode, Dieu accompagne le peuple hébreu, depuis la sortie d'Egypte jusqu'à l'entrée dans le pays de Canaan, c'est déjà un Dieu qui voyage. Le char de feu n'est donc pas sans rappeler la nuée qui ouvre la route des hébreux dans le désert.

    A la fin du livre de l'Exode, il y a même la description d'un Temple fait de poteaux et de toiles, montable et démontable, pour y placer l'arche de l'alliance. Si la tradition de l'Exode et de la nuée sont très anciennes et ont sûrement inspiré Ezéchiel, on peut se demander si le sanctuaire mobile — dont le plan ressemble tellement au deuxième Temple — n'est pas inspiré des projets de reconstruction du Temple, élaborés pendant ou juste après l'Exil. Le texte de l'Exode serait donc aussi à lirre comme la projection d'un retour d'Exil.

    Il y a dû y avoir plusieurs projets de reconstruction du Temple de Jérusalem. Ezéchiel, lui-même, fait sa propre proposition dans les chapitres 40 à 48. Mais au vu des recherches archéologiques sur le Temple construit, ce n'est pas sa proposition qui a été retenue.

    Même si Ezéchiel prévoit une reconstruction d'un Temple en pierre à Jérusalem — à cette époque on ne peut pas encore s'en passer — Ezéchiel pose les fondements d'une religion plus intérieure. Dans son chapitre de conclusion avant son plan du Temple, au chapitre 39, Ezéchiel transmet ce message de la part de Dieu : "J'animerai les Israélites de mon Esprit." (Ez 39:29). Phrase qui sera développée dans ce passage bien connu qui est souvent repris dans les liturgies de baptême :

     

    "Je vous donnerai un coeur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J'enlèvera votre coeur insensible comme une pierre et je le remplacerai par un coeur réceptif. Je mettrai en vous mon Esprit, je vous rendrai ainsi capable d'obéir à mes lois, d'observer et de pratiquer les règles que je vous ai prescrites. Alors vous pourrez habiter dans le pays que j'ai donné à vos ancêtres; vous serez mon peuple et je serai votre Dieu." (Ez 36:26-28)

    Alors que le Temple est détruit, la relation à Dieu doit passer par d'autres canaux que les gestes rituels et sacrificiels. Les déportés à Babylone — s'il veulent conserver leur foi et leur identité — ont dû inventer une nouvelle forme de relation à Dieu, de vie spirituelle. Cette nouvelle relation à Dieu passe par un engagement moral : obéir à la loi, autant à la loi morale qu'à la loi cultuelle (les fêtes).

    Cet engagement — pour Ezéchiel — devient un engagement personnel. En effet, Ezéchiel développe le principe de la responsabilité personnelle devant Dieu, notamment en critiquant un proverbe de l'époque : "Les parents ont mangé des raisons verts et ce sont les enfants qui ont mal aux dents !" (Ez 18:2). Ce ne sera plus ainsi, dit-il, chacun porte la responsabilité de son propre comportement.

    C'est l'obéissance personnelle aux commandements de Dieu qui est importante et cette obéissance ne peut se réaliser que dans la connaissance personnelle de Dieu. On quitte donc une simple obéissance rituelle pour accéder à une adhésion morale de tous les jours.

    Jésus portera cette adhésion à son achèvement, à son accomplissement, lorsqu'il reprend les commandements dans le Sermon sur la montagne (Mt 5—7) et les poussera jusqu'à leur extrême limite, jusqu'à l'accomplissement d'un amour total en poussant l'amour du prochain jusqu'à l'amour des ennemis.

    A ce niveau d'intériorisation de la loi et de la relation à Dieu, plus aucun Temple de pierre n'est nécessaire. Ce que Dieu attend, c'est une communauté habitée par l'Esprit et faite de pierres vivantes.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • Notre Père (6)

    5.7.2020

    Amos 2

    Notre Père (6)

    Deutéronome 4:5-8.        Amos 2 : 6-10.       Matthieu 22 : 34-40

    télécharger le texte : P-2020-07-05.pdf (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père")

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans le Notre Père, nous disons : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » Que demandons-nous au juste ?

    Nous ne disons pas « Aide-nous à accomplir ta volonté » ou « Aide-nous à obéir à tes commandements ». On dirait bien que nous sommes hors course ou qu'il s'agit de plus que de l'obéissance ou de la pratique.

    Cette demande est un souhait adressé à Dieu lui-même pour que sa volonté se réalise, s'accomplisse pleinement sur la terre, comme elle est réalisée déjà dans le ciel, dans la sphère divine.

    Il y a là — de notre part — une attente, un désir, un souhait que le dessein même de Dieu s'accomplisse, se réalise pleinement dans le monde et en nous. Mais quel et ce dessein, ce plan, cette volonté ?

    J'ai suggéré depuis le début de cette série de prédications sur le Notre Père que l'on pouvait suivre le périple du peuple d'Israël en remontant les phrases du Notre Père.

    Cette phrase sur la volonté nous fait voyager depuis le désert de l'Exode, où Moïse reçoit les tables de la Loi, jusqu'à l’établissement de la royauté en Israël avec sa cohorte de prophètes.

    Tout au long du texte biblique nous rencontrons des lois et des commandements. Au point que notre lecture peut s'en trouver découragée. Lire Lévitique, Nombre et Deutéronome n'est pas très exaltant. Pourtant ces lois sont fondamentales, non pas dans leur lettre — qui est devenue caduque pour nous — mais dans l'idée qu'elles viennent de Dieu et que Dieu les donne à son peuple pour qu'il demeure libre.

    Le Décalogue commence ainsi : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays de l'esclavage » (Dt 5:6). La Loi n'est pas un retour à l'esclavage, elle est garantie de liberté et de sécurité. Le Décalogue est donné par un Dieu qui libère. Et constamment par la suite — après Moïse — Dieu envoie des prophètes pour rappeler la vocation du peuple d'Israël, la vocation des rois d'Israël.

    Le prophète Samuel met en garde le peuple, qui réclame un roi, que la royauté mettra en péril leur liberté (1 S 8). Le prophète Nathan reprendra le roi David pour dénoncer ses abus de pouvoir lorsqu'il séduira Bethsabée et fera tuer son mari (2 S 11—12). Le prophète Elie reprendra Achab et Jézabel quand ils feront tuer Naboth pour s'emparer de sa vigne (1 R 21).

    La Loi divine est là pour protéger le petit contre le puissant, le faible contre le fort, la veuve contre le juge inique.

    On retrouve ces plaidoyers chez les prophètes qui ont un livre à leur nom. Vous avez entendu le prophète Amos condamner ceux qui vendent en esclavage une famille pour récupérer le prix d'une paire de sandale, où ceux qui utilisent le manteau du pauvre pris en gage pour en faire un tapis de prière.

    Ce que Dieu demande, toujours à nouveau, c'est la droiture, la justice, l'équité contre la force et la puissance. L'entier de la Bible est un plaidoyer pour l'établissement de la justice dans les relations autant personnelles qu'institutionnelles.

    La justice est certes une contrainte, une limitation pour les puissants, mais c'est ainsi qu'elle assure la protection de tous, à commencer par les plus faibles. La justice permet des rapports sociaux apaisés. « Pas de paix sans justice » crient les manifestants des « Black lives matter » et ils ont raison. Il n'y a pas de paix sociale sans justice sociale. Et tous les prophètes de la Bible le rappellent au nom de Dieu.

     

    Le Notre Père nous est donné au cœur du Sermon sur la Montagne (Mt 5—7). Ce texte où Jésus reprend les grands commandements pour les pousser dans leurs extrémités. Il ne s'agit pas seulement de ne pas tuer, il s'agit d'aller à la racine et de bannir la source de la violence, dès les premiers mots malveillants, dès les premières injures. Il ne s'agit pas seulement de ne pas haïr, il s'agit d'aimer ses ennemis.

    Et Jésus résume l'intention de toute la Loi et les Prophètes dans les deux commandements d'amour, aimer Dieu et aimer son prochain. Il ne s'agit pas ici du sentiment d'amour, il s'agit du ressort de la Loi, faire justice, respecter l'autre dans son être en le considérant comme aussi respectable et aimable que soi-même.

    Voilà la volonté divine : que tout être humain soit respecté et considéré — dans son être et sa nature propre — comme une créature voulue par Dieu et aimée de lui.

    On voit bien que ce n'est pas le cas dans notre monde. On voit aussi, que aussi grand que soit notre effort individuel pour aimer notre prochain, que cela ne suffit pas à changer notre société, notre monde. Il y a des changements structurels qui doivent être faits, réalisés, accomplis pour que le monde change.

    Nous avons à y apporter chacun notre contribution, mais, dans notre prière du Notre Père, nous reconnaissons que la conversion du monde à la justice nous échappe. Nous demandons à Dieu ce changement.

    Fonder une société sur l'amour et la justice — en écho aux deux grands commandements — c'est vraiment changer la société dans ses fondements mêmes. On peut même dire que c'est une demande révolutionnaire ! C'est ce que nous demandons chaque fois que nous prions le Notre Père.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020.

  • Notre Père (5)

    28.6.2020

    Esaïe 55

    Notre Père (5)

    Esaïe 55 : 1-3.    Jean 6 : 25-35.   Matthieu 4 : 1-4

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans ma série de prédications sur le Notre Père (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"), nous abordons la quatrième phrase : « Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour » (Mt 6:11, Luc 11:3). Les trois phrases du début du Notre Père parlent en Tu, « ton nom, ton règne, ta volonté » et concernent Dieu, les trois phrases qui viennent ensuite s'expriment en Nous et concernent les humains.

    Ce sont des demandes pour nous, ensemble, et concernent notre vie, la vie matérielle avec le pain, la vie relationnelle avec le pardon et la vie aux prises avec le monde avec la tentation et le malheur.

    Dans notre parcours en remontant le Notre Père et en suivant le peuple d'Israël dans sa marche, après la sorite d'Egypte, nous sommes avec un pied dans le désert avec le don de la manne et un pied dans le pays où coulent le lait et le miel.

    Dans cette phrase du Notre Père, nous demandons à Dieu du pain ! Nous sommes dans une demande matérielle, une demande qui confronte le monde économique.

    Demander son pain à Dieu plutôt que d'aller chez le boulanger ? Se passer des circuits économiques ?

    La tentation est grande d'en faire rapidement une demande autre, immatérielle et spirituelle. Cette phrase, ce serait demander le pain vital, le pain divin, le pain descendu du ciel, donc soit le salut, soit la parole de Dieu, les deux étant récapitulés ensemble dans la personne de Jésus. On demanderait donc la présence de Jésus par la prière comme on le fait dans le sacrement de la Cène.

    Tout cela est juste, aussi. Mais pour moi, cela manque d'incarnation. Il y a le risque d'une sorte de fuite dans le spirituel, d'une évasion hors de notre réalité. Je pense qu'il faut faire un détour avant de voir Jésus dans le pain de chaque jour que nous demandons dans le Notre Père.

    Et c'est un détour par l'économie. Il faut se demander : Qu'est-ce que cela fait d'introduire Dieu dans une équation économique ?

    Toute l'économie se résume en une seule équation : D > O, la demande est plus grande que l'offre. Le contraire, ce serait de vouloir vendre de la glace aux Inuits ou du sable aux Touaregs.

    L'économie est basée sur la rareté, elle est fondée sur la pénurie. L'économie a besoin du sentiment de manque pour tourner. Voir les publicités disant : Attention série limitée, offre limité, soyez les premiers à en profiter. Ou bien on vous fait croire à une valeur ajoutée sur un produit abondant, comme l'eau en bouteille à la place de l'eau du robinet.

    Voyons ce qui se passe lorsqu'on introduit Dieu dans l'équation. Lisons Esaïe : « Vous tous qui avez soif, je vous offre de l'eau, même si vous n'avez pas d'argent, venez vous procurer de quoi manger, c'est gratuit. » (Es 55:1). De son côté, Jésus a multiplié les pains et les poissons. Avec Dieu, voilà l'abondance qui vient gripper la base de l'équation économique.

    En fait, à l'origine, la nature fournit tout gratuitement. Aujourd'hui, ce qu'on paie, c'est le travail de ceux qui plantent et récoltent. C'est ensuite que la pénurie peut s'installer, lorsque l'économie insiste sur la nécessité d'accumuler. Il n'y a jamais eu de pénurie de papier de toilette au mois de mars. Les rayons étaient vides parce que les armoires de chacun étaient pleines.

    Le problème est dans le sentiment du manque, c'est lui qui crée la peur, qui crée la pénurie, qui nous conforte : on a eu bien raison de faire des provisions...

    Dieu, Jésus, le Notre Père s'attaquent à notre peur de manquer, en nous rappelant que Dieu est bon, la nature généreuse et les humains solidaires. C'est donc à un changement d'attitude intérieur que nous sommes appelés.

    Le pain est pris en exemple, pour nous conduire ailleurs. Notamment pour nous signaler que le modèle économique a tendance à tout envahir. Le pain est un renvoi vers une autre réalité. « L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » répond Jésus à Satan dans les tentations (Mt 4:4).

    La critique du système économique est marginale dans la prédication de Jésus. Par contre, il utilise des images du monde économique pour critiquer notre gestion des relations. Nous avons une tendance forte à gérer nos relations — d'amitié, conjugales ou professionnelles — comme des investissements économiques. Par accumulation des relations, par le rejet (laisser tomber l'autre) quand la relation ne rapporte plus. On se désinvestit alors pour se réinvestir ailleurs, avec quelqu'un d'autre. Cela arrive chaque fois que nous pensons l'amitié ou l'amour en termes de manque, de pénurie plutôt qu'en termes d'abondance et d'infini.

    La Samaritaine avait accumulé cinq maris, mais elle était toujours en manque d'amour, jusqu'à ce que Jésus lui révèle qu'il y avait, en elle, une source d'amour infinie, la source d'eau vive.

    Lorsque Jésus parle du Royaume de Dieu, il parle de la sphère relationnelle, où Dieu injecte en continu de l'abondance, de l'amour ou de la justice sans limite.

    Voilà ce que contient la « Parole de Dieu ». Quand on en comprend le contenu, alors elle devient nourrissante, elle devient le pain de chaque jour. Quand on y a goûté, on en reveut.

    Quand on a fait le détour par l'économique et le relationnel, quand on comprend que les relations ne se gèrent pas avec les règles de l'économie — pour laquelle la pénurie est la base — mais avec les principes du Royaume de Dieu, alors on peut saisir l'aspect spirituel de la demande de pain dans le Notre Père.

    C'est un pain qui ne peut s'acheter, mais qui se reçoit. C'est un pain qui nourrit et fait du bien à l'âme, dont on a besoin chaque jour, comme chaque jour nous avons besoin d'entendre que nous sommes aimés. Besoin d'entendre que cet amour n'est pas limité, qu'il ne va pas être épuisé un jour, puisque Dieu est la source de cet amour, un amour infini, inépuisable et gratuit.

    « Venez vous procurer de quoi manger, c'est gratuit » nous transmet Esaïe. C'est le pain descendu du ciel que Dieu nous donne en abondance.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • Le bon berger

    Pour le dimanche 19 avril

    Ezéchiel 34

    Le bon berger

    Ezéchiel 34:15-24.        Jean 10:7-14a.      1 Pierre 5 : 1-5

    télécharger le texte : P-2020-04-19.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Avez-vous entendu ce qui se passe au sein du peuple d'Israël du temps d'Ezéchiel ?

    "Pourquoi certains d'entre vous ne se contentent-ils pas de paître dans le meilleur des pâturages ? (...) Pourquoi troublez-vous ce que vous n'avez pas bu ? Le reste de mon troupeau est obligé de manger l'herbe que vous avez piétinée et de boire l'eau que vous avez troublée. C'est pourquoi moi, le Seigneur Dieu, je vous déclare ceci : Je vais être juge entre les bêtes maigres et les bêtes grasses de mon troupeau. Vous avez bousculé de l'épaule et du flanc les bêtes affaiblies, vous les avez repoussées à coups de corne jusqu'à ce que vous les ayez chassées du troupeau. Je viens donc à leur secours..." (Ez 34 18-22).

    Ezéchiel dénonce ce qu'on appelle aujourd'hui une société à deux vitesses, où certains dominent et exploitent les ressources ne laissant aux autres que des miettes, où certains marchent sur les têtes des autres pour s'engraisser, s'enrichir. Aujourd'hui, une société où les pays du nord exploitent les peuples à faibles revenus, pillent les ressources de la planète et détruisent l'environnement et la biodiversité.

    Une telle division du peuple d'Israël — entre bêtes grasses et bêtes maigres, les premières exploitant les secondes — ne peut laisser Dieu indifférent.

    Dieu avertit qu'il va revêtir sa robe de juge pour mettre de l'ordre dans tout cela. Son intention est de prendre soin de son troupeau, de son troupeau tout entier, en allant rechercher la brebis qui s'est perdue ou qui a été écartée du troupeau et en demandant des comptes à ceux qui l'ont chassée du troupeau.

    Dieu met sa robe de juge pour les uns, mais surtout il prend sa houlette de berger, car rassembler est plus important, pour lui, que juger. Et Ezéchiel nous parle d'une promesse messianique : Dieu va susciter un nouveau berger de la famille de David pour secourir son peuple.

    Dans la situation d'alors du peuple d'Israël, Dieu veut planter un repère solide qui dit où est le droit et où est l'inadmissible, où est la justice et où est l'exploitation, où est la vie et où est la mort. Ce repère essentiel, c'est le Messie, l'envoyé de Dieu, celui qui est plus grand que tout prophète.

    Lorsque Jésus dit : "Je suis le bon berger" (Jn 10:11), il endosse, il assume le rôle décrit par Ezéchiel, il est celui qui va faire le travail de juge, de tri dans le troupeau, celui qui va prendre le troupeau en main pour l'appeler à faire la volonté de son Père.

    Le bon berger n'est pas un personnage mièvre et auréolé de carte postale jaunie. C'est un homme costaud, courageux, qui prend la défense du plus faible contre l'attaque du loup, contre les dents des requins dirions-nous aujourd'hui.C'est le militant qui interpelle la multinationale. Le bon berger, c'est celui qui est tellement attaché à ses brebis qu'il est prêt à risquer sa vie pour elles. Ce n'est pas un mercenaire, un salarié, un membre de conseil d'administration prêt à quitter le navire au moindre écueil.

    Le bon berger est celui qui s'est mis au service du bien et de la prospérité du troupeau. Et Jésus mérite bien ce titre-là puisqu'il n'a pas hésité à aller jusqu'à la mort, la mort sur la croix, pour sauver son troupeau de la violence des loups. Jésus est le bon berger, attaché à donner le meilleur à son troupeau, à lui donner une vie abondante, même au prix de sa propre vie.

    Les autres, tous les autres qui sont venus promettre le bonheur, la prospérité, un avenir radieux, ne sont que des voleurs, des escrocs, des arnaqueurs. Il suffit de lever les yeux sur les affiches qui tapissent nos rues. On nous promet le bonheur à l'achat des produits exposés. Mais qui peut croire que notre vie sera remplie si notre caddie est plein ? La seule chose qui se remplit, ce sont les tiroirs-caisses des marchands et les poches des actionnaires.

    La publicité nous promet ce qu'elle ne peut nous offrir, Dieu nous offre ce qu'il nous promet : une vie riche et pleine.

    "Je suis la porte de l'enclos", ajoute Jésus. C'est par lui qu'il faut passer pour avoir accès à cette vie pleine et riche, parce que c'est par un contact, une relation profondément humaine qu'on accède à ce qui fait la richesse de la vie. «C'est seulement dans la rencontre d'un être humain, grâce auquel nous trouvons notre nature profonde, que nous avons accès à Dieu.»* Jésus, en tant qu'homme, en tant qu'être humain, nous ouvre la voie vers Dieu, autrement inaccessible.

    Cette tâche de berger, de conducteur vers Dieu, Jésus l'a confiée à ses disciples, pour l'assumer après lui. Souvenez-vous de ce dialogue entre le Christ ressuscité et Pierre : (Jean 21:15-19)

    — Pierre m'aimes-tu ?

    — Tu sais bien que je t'aime.

    — Alors prends soin de mes brebis.

    Et c'est dans l'épître de Pierre que cette recommandation est donnée aux Anciens :

     

    Prenez soin, comme des bergers, du troupeau que Dieu vous a confié (...) Ne cherchez pas à dominer ceux qui ont été confiés à votre garde, mais soyez des modèles pour le troupeau" (1 P 5:2-3).

    C'est à nous tous, membres de l'Eglise de Jésus-Christ, qu'il est demandé de ne pas chercher à dominer, c'est-à-dire dans les paroles d'Ezéchiel de ne pas soutenir le développement d'une société à deux vitesses et de laisser exploiter ceux qui sont sans défense. C'est contraire à la volonté de Dieu.

    Le berger va au secours de la brebis la plus faible et la réintègre dans le troupeau. C'est la tâche qui nous est confiée. A notre tour, nous avons ce rôle à jouer, auprès des personnes que nous côtoyons. Souvenons-nous de notre maître, le bon berger, et avançons dans ses traces.

    Amen

    * Eugen Drewermann, Sermons pour le temps pascal, Paris, Albin Michel, 1994, p. 323.11

    © Jean-Marie Thévoz, 2020