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  • Notre Père (9)

    Actes 10

    30.8.2020

    Notre Père (9)

    Actes 10 : 34-41.     Actes 10 : 44-48.      Matthieu 5 : 43-45

    télécharger le texte : P-2020-08-30.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans notre parcours du Notre Père, nous arrivons à la fin, qui est le début du Notre Père puisque je l'ai pris en commençant par la fin (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"). Cette première phrase est pour moi la plus belle et la plus significative. Elle résume à elle seule l'Evangile et le projet de Jésus : nous amener à avoir une toute nouvelle compréhensoin de Dieu, par rapport à tous les enseignements religieux de l'humanité.

    « Notre Père qui es au cieux ». Jésus est d'accord avec cet enseignement religieux sur un point, sur un seul point : il s'agit de Dieu qui est aux cieux. On parle bien du Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Moïse, de David, etc. C'est de lui qu'il s'agit.

    Comme on l'appelle « Père », qu'il soit « aux cieux » permet de différencier la paternité humaine et biologique d'avec la paternité divine et spirituelle. Parler de paternité divine en s'appuyant sur la paternité humaine est toujours risqué, puisqu'il y a de nombreuses personnes qui ont une mauvaise expérience de la paternité humaine. Si Dieu est comme leur père défaillant ou manquant, alors « non merci » crie leur cœur !

    La mention « qui es au cieux » marque la limite du modèle humain. Dieu n'a pas les défauts des humains, ni leurs limitations. La première limitation absente c'est que Dieu n'est pas genré, il n'est pas masculin ou féminin, aussi cette paternité divine doit être comprise comme incluant la maternité. Le féminin n'est pas exclu de Dieu, même s'il est trop souvent passé sous silence !

    Une prochaine révision du Notre Père devrait nous faire dire : « Notre parent qui es aux cieux » ou Notre père et mère qui es aux cieux. »

    Une nomination de Dieu avec des mots exclusivement masculins laisse trop de place à la récupération patriarchale de Dieu.

    Ceci posé, Jésus parle de Dieu comme de son père et notre prière le désigne aussi comme notre Père. Nous gardons le mot, sans oublier d'y inclure le féminin.

    Quelle est cette fonction de Père dans l'esprit de Jésus, cette fonction de parent ? Le premier rôle d'un parent vis-à-vis de son enfant, c'est de le faire grandir, lui donner un environnement et des conditions qui lui permettent de se développer harmonieusement.

    Le premier ingrédient qui fait grandir, c'est l'amour. Un amour inconditionnel et abondant. Jésus présente Dieu comme son père et notre Père, parce que c'est un Dieu d'amour qui veut une vie abondante, pleine, vraie pour les humains, pour nous.

    Cette représentation est à l'opposé de nombreuses représentations religieuses de Dieu. Cpest le contraire d'un Dieu puissant, dominateur, jugeant les comportements, punissant les déviances ou les désobéissances. Ce type de Dieu juge est très utile pour contrôler une société, c'est pourquoi les hiérarchies religieuses produisent et renforcent ces images d'un Dieu contrôlant et punissant.

    Jésus en prend le contre-pied.

    On le voit illustré dans le récit du fils prodigue (Luc 15). Le fils fait tout faux, mais il est accueilli malgré tout les bras ouverts à son retour.

    Un second aspect de cette parentalité est souligné par l'apôtre Paul lorsqu'il souligne que nous ne sommes plus esclaves de Dieu, mais ses enfants, ses fils, ses héritiers.

    La famille a ceci de particulier, c'est que c'est un système non seulement relationnel, mais économique, mais une économie non monétarisée. Il n'y a pas de Tarmed des services rendus à l'intérieur de la famille, même si on veille à des équilibres, des équilibres le plus souvent différés dans le temps.

    La famille est basée sur des services réciproques, voir des services désintéressés. C'est exactement le sens du mot amour/agapè utilisé dans les Evangiles.

    En appelant Dieu son père et notre Père, Jésus nous invite à une relation démonétarisée avec Dieu. Sortir du donnant-donnant, voir du marchandage : Si tu me donnes cela, alors je te promets ceci... C'était la situation du fils aîné dans le récit du fils prodigue.

    La relation à Dieu ne peut plus être basée sur l'obéissance et la rétribution, mais sur le don, sur l'agapè, le service désintéressé.

    La dernière fonction parentale qu'il ne faut pas oublier, c'est de faire accéder l'enfant à l'autonomie. Paradoxalement, le parent a atteint son but quand l'enfant peut le quitter et vivre sa vie loin de lui. Evidemment, l'autonomie n'exige pas de couper toutes relations, seulement la relation de dépendance.

    Venons-en au premier mot de notre prière : « Notre ». Aujourd'hui, c'est peut-être le mot le plus important de cette adresse. « Notre » est un pluriel inclusif, qui nous met tous ensemble.

    Ce « nous » nous renvoie aux premières pages de la Bible, à Adam et Eve. La Bible affirme — avec ce couple primordial — que toute l'humanité qui habite la terre provient d'un couple d'ancêtre commun. Avant que la science ne le découvre avec homo sapiens — unique souche humaine encore présente sur terre — la Bible l'affirmait comme un axiome : tous les humains font partie de la même famille.

    Toute division, toute hiérarchisation de groupes est contraire à la vision divine.

    C'est la découverte que fait l'apôtre Pierre avec Corneille, l'officier romain. Dien ne regarde pas les étiquettes, la provenance, l'appartenance pour donner son Esprit, pour bénir. Aucune barrière ne résiste devant Dieu.

    Nous, comme humains, nous dressons des barrières, elles nous rassurent, elles nous permettent de classer, de détester, de haïr. Mais elles n'ont aucune pertinence devant Dieu. Lui fait lever so soleil sur les bons comme sur les méchants (Mt 5:45). Il nous appelle à « aimer nos ennemis », c'est-à-dire à ne plus avoir de soi-disants ennemis.

    « Notre Père » est un Dieu inclusif — même s'il doit aller contre sa propre Eglise — c'est ce qui se passe avec Pierre et Corneille.

    Dieu a les idées larges, bien plus larges que nous, qui enfermons trop souvent les gens dans nos cases préfabriquées.

    J'ai un souhait pour l'Eglise, c'est qu'elle soit totalement inclusive. Hier c'était le ministère féminin qui a pu faire son entrée. Aujourd'hui, c'est l'ouverture aux LGBTQI qui doit faire son chemin. Demain, on découvrira encore ceux qu'on a laissé sur le bord du chemin.

    J'ai un souhait pour la société aussi — qui parfois devance l'Eglise, mais parfois retarde sur l'Eglise (je pense au regard sur les étrangers) — je souhaite que la société prenne aussi ce chemin d'ouverture, à l'égard des humains bien sûr, mais également des animaux, de la biodiversité et de la nature.

    Que le « nous » du Notre Père ne cesse de s'élargir !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • Un parcours de vie

    Luc 15

    10.2.2019

    Un parcours de vie

    Colossiens 3 : 12-17        Luc 15 : 11-24

    Télécharger le texte : P-2019-02-10.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Cette parabole de Jésus intitulée le "Fils prodigue" est probablement la parabole la plus connue de l'évangile. C'est aussi celle qui résume avec le plus d'intensité la bonne nouvelle de l'évangile : Dieu nous accepte inconditionnellement.

    Un danger nous guette cependant lorsque nous entendons et méditons cette parabole, c'est de "noircir" le premier fils pour faire ressortir avec plus de relief la bonté du père.

    Le père n'est-il pas d'autant meilleur que le fils est un fieffé vaurien, un gaspilleur de fortune et coureur de jupon ? Attention, cela n'est pas dans notre récit, c'est dans la suite, dans la bouche du frère aîné qui essaie de dénigrer son frère.

    Ne tombons pas dans le piège — contraire à l'évangile — de faire de cette parabole une morale pour tenir tranquille les enfants et vanter la sagesse anticipatrice des parents. Cette parabole ne nous est pas donnée comme instrument de pouvoir parental, mais comme parole libératrice pour tous ! Cherchons à entendre la parabole sans trop de parasites !

    Cette parabole nous expose un parcours de vie assez ordinaire, en raccourci.

    1) Première étape. Arrivé à l'âge adulte, un fils décide de prendre son envol, de quitter le nid familial. Il demande sa part d'héritage à son père. Rien ne nous indique qu'il y ait de la part du fils de l'agressivité dans sa demande, ou de la réticence à y répondre de la part du père. Le père partage entre ses deux fils et le cadet prend la part qui lui revient et s'en va.

    Quitter le père, la famille pour chercher son autonomie, ses propres valeurs, son propre accomplissement, sa propre personnalité, c'est le chemin normal de tout individu.

    2) Deuxième étape, le fils fait sa vie là-bas et dépense l'avoir, les biens qu'il avait reçu. Ici on pourrait bien sûr faire le reproche de n'avoir pas été prudent, économe, etc. Mais n'est-ce pas dans la nature des choses, des biens de consommation, d'être consommés. Chez nous aussi le frigo se vide chaque semaine. Le problème n'est pas qu'il se vide, c'est comment faire pour pouvoir le remplir à nouveau chaque semaine !

    En plus là-bas, la famine survient, c'est-à-dire la pénurie de tous les biens, même à acheter. Ici se joue — dans la vie du fils, mais dans toute vie, je crois — la lutte entre l'être et l'avoir. Le fils a eu l'illusion — en demandant sa part à son père — de recevoir assez pour vivre toute sa vie, comme si ces biens allaient combler les besoins de son être toute sa vie.

    Une publicité disait : "Il y a des choses qui ne s'achètent pas, pour tout le reste, il y a notre carte de crédit." Le passage que vit le fils et que nous avons tous un jour à traverser est de découvrir ce qui s'achète et ce qui ne s'achète pas, ce qui relève de l'avoir et ce qui relève de l'être. Souvent nous sommes dans la confusion, parce que tout notre environnement — un environnement essentiellement commercial — nous dit : "Consomme et tu seras heureux" c'est-à-dire : satisfais tous tes besoins d'avoir et ton être sera comblé !

    Le fils découvre qu'il a épuisé son avoir sans que son être en soit comblé. Il se découvre seul, éloigné des siens, avec un manque intérieur terrible, exprimé par la faim qu'il éprouve en regardant les porcs se gaver.

    3) Alors il se met à réfléchir. C’est la troisième étape. Il fait un voyage intérieur à la recherche de ses vrais besoins. Il réalise son manque, son vide intérieur, et là se passe en lui un double mécanisme.

    D'un côté, il s'auto-accuse et se culpabilise de son chemin. Il passe de la découverte de son vide intérieur à un sentiment d'indignité. Il retourne le mal qu'il vit contre lui, pour en conclure qu'il a perdu son être. Il se trouve indigne.

    D'un autre côté, il remonte à la source où a commencé son malheur et où est la source où il pourrait retrouver à nourrir son être intérieur. C'est ainsi qu'il décide de retourner vers son père tout en lui demandant un statut d'ouvrier, parce qu'il pense avoir perdu sa dignité de fils.

    4) Dernière étape du parcours : rien ne se passe comme l'avait prévu le fils. Le père ne porte aucun jugement. Le père ne fait pas la morale à son fils. Le père ne cherche pas une faute ou des erreurs. Il coupe court à toute accusation d'indignité. Il ne veut aucun arrangement autour d'un statut inférieur qui permettrait — aux yeux du fils — une réintégration.

    Jamais, dans les yeux du père, le fils n'a changé de statut. Jamais, il n'a cessé d'être précieux, important, plein de valeur. Le père ne voit que le parcours malheureux, il ne voit aucune indignité. Il n'y a pas de reproches, seulement la joie des retrouvailles. Le fils a fait son parcours de vie, il a été par le chemin qu'il avait choisi et il a découvert ce dont il avait besoin.

    Le père accepte ce parcours et se réjouit de ce que son fils qui était près de la mort intérieure a retrouvé le chemin de la vie. Un grand festin marque ces retrouvailles, une grande fête est nécessaire pour marquer cette renaissance de l'être du fils à la vie.

    Chaque être humain est engagé dans ce parcours où il doit trouver son chemin personnel pour retrouver son être intérieur et participer à ce repas de fête que Dieu nous offre.

    Aujourd'hui, Dieu nous ouvre les bras, il nous invite à la fête dans son Royaume. Laissons-nous accueillir comme les vrais enfants du Père.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • La découverte de soi mène à la découverte du Père

    Jean 1

    24.9.2017

    La découverte de soi mène à la découverte du Père

    Jean 1 : 35-42        Jean 1 : 43-51

     

    Télécharger la prédication : P-2017-09-24.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous poursuivons notre redécouverte de l’Evangile selon Jean, avec ces récits des appels des disciples. Comme souvent, l’évangéliste Jean écrit un texte en deux parties, deux étapes qui ont des parallèles entre eux, mais qui montrent surtout une progression dans la révélation de Jésus au monde.

    Ces deux récits où Jésus rencontre, recrute de nouveaux disciples ont plusieurs similitudes. C’est chaque fois une rencontre et cette rencontre est la conséquence d’un témoignage. Jean Baptiste dit à ses propres disciples qui est Jésus « Voici l’agneau de Dieu » (Jn 1:36). André dit à son frère « Nous avons trouvé le Messie » (v.41). Philippe dit à Nathanaël « Nous avons trouvé celui dont Moïse et les prophètes parlent, c’est Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth » (v.45). La progression se voit dans le fait que le flambeau des témoignages passe des mains de Jean Baptiste dans les mains des disciples eux-mêmes. Dans chacun des récits, un disciple en amène un autre vers Jésus.

    Dans chacun des récits, on trouve la même phrase : —« Venez et vous verrez » dit Jésus aux deux disciples. « Viens et tu verras » dit Philippe à Nathanaël qui est plutôt sceptique. La découverte de qui est Jésus, commence, certes, par un témoignage, une information, mais elle ne s’accomplit que dans un déplacement décidé et une observation personnelle. Il faut se décider une fois à aller voir, à aller observer, constater. Il faut une envie de découverte, ne serait-ce qu’un début de curiosité : « Où demeures-tu ? » ou le besoin de confronter son doute : « Peut-il sortir quelque chose de bon de Nazareth ? » A partir de là, chacun doit pouvoir constater par lui-même. C’est la liberté que donne le Christ : faites l’expérience par vous-mêmes de ce que je donne, de ce que je révèle. La progression se marque aussi par les paroles de Jésus à la première approche des disciples. Aux premiers il demande « Que cherchez-vous ? » Au second, il dit « Suis-moi ! »

    Le dernier parallélisme que je veux relever — et qui est le plus important et le plus marquant — ce sont les paroles transformatrices de Jésus. Dans le premier récit, André amène son frère Simon à Jésus et le texte raconte : « Jésus le regarda et lui dit : Tu es Simon, le fils de Jean, tu porteras le nom de Céphas, qui signifie Pierre. » (v.42)

    On sait de l’Evangile selon Marc (Mc 3:16) que Jésus a renommé Simon du nom de Pierre. Mais là, Jésus fait plus. Selon le récit, ils ne se sont jamais vus, mais Jésus regarde Simon et il lui dit qui il est et de qui il est le fils et il lui donne — j’ai envie de dire — un totem, un nom qui a une signification en rapport avec sa personne profonde. Jésus révèle à Simon qu’il est un rocher, un roc, une montagne de pierre. Il lui révèle à lui-même son être et sa vocation.

    Comment puis-je dire cela à partir de cette petite phrase ? Parce que c’est justement le même phénomène qui se passe avec Nathanaël dans la deuxième partie du récit. Un parallèle et une progression en même temps.

    « Jésus regarde Nathanaël qui venait à lui et il dit à son propos : « Voici un véritable Israélite en qui il n’est point d’artifice. » « D’où me connais-tu ? » lui dit Nathanaël ; et Jésus de répondre : « Avant même que Philippe ne t’appelât, alors que tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » (v.47-48)

    Jésus a vu Nathanaël, il l’a regardé comme il a regardé Simon. Et Jésus a vu clair en lui. Jésus voit la vraie nature de Nathanaël et il le révèle au monde : « Voici un véritable israélite, il n’y a rien de faux en lui. » Nathanaël se reconnaît dans les paroles de Jésus, il en est bouleversé. Tout ça parce que Jésus l’a vu. Le texte dit « Je t’ai vu sous le figuier » et je vous en ai déjà parlé en juin dernier (P-2017-06-25).

    Aujourd’hui, je vais prendre le texte au sens littéral. Sous le figuier, sous ton figuier, cela veut dire dans la cour de ta maison, chez toi, dans ta vie quotidienne, dans ton intimité. Jésus lui dit en quelque sorte : j’ai vu qu’entre ta vie personnelle et ta vie publique, là devant moi, tu ne changes pas, tu n’as pas de façade, tu n’as pas de secret, tu es authentique. Et Nathanaël se sent reconnu, accepté, compris. Peut-être même — maintenant que Jésus l’a dit — mieux compris qu’il ne se percevait lui-même auparavant.

    Avec Simon, avec Nathanaël — plus tard avec Nicodème et avec la Samaritaine — Jésus se manifeste comme le révélateur de l’être profond de chacun. L’évangéliste Jean nous montre Jésus comme ayant une connaissance profonde, intime de chacun de ses disciples. Une connaissance qui ne s’accompagne d’aucun jugement, pas même pour les cinq maris de la Samaritaine.

    L’évangéliste Jean va plus loin dans sa façon de raconter, il montre que cette révélation du disciple à lui-même par Jésus conduit le disciple à reconnaître la vraie personne de Jésus. Alors, le disciple se met à confesser sa foi en Jésus. Nathanaël, qui doutait que quoi ce soit de bon puisse sortir de Nazareth, en vient à confesser : « Maître, tu es le Fils de Dieu » ce qui est la confession de foi la plus parfaite pour l’évangéliste Jean.

    On voit donc que ces deux récits d’appel de disciples répondent à la question : « Comment devient-on chrétien ? » L’évangéliste répond qu’on devint chrétien par un chemin qui passe par la mise en marche, par curiosité ou par quête (« Venez »), par l’observation et l’expérience (« Voyez »), mais surtout par la rencontre avec la personne de Jésus qui nous révèle à nous-mêmes dans notre vérité.

    Jésus se montre comme le Révélateur, de notre personne et du Père. Et parce qu’il peut nous révéler à nous-mêmes, il peut aussi nous révéler le Père. C’est le chemin que font les disciples. Ils reconnaissent en Jésus celui qui peut leur révéler les clés de leur existence, cette existence qui est tendue entre eux-mêmes et le Père.

    Jésus lui-même fait le lien entre la révélation de soi-même et la révélation du Père lorsqu’il dit à Nathanaël : « Parce que je t’ai dit que je t’avais vu sous le figuier, tu crois. Tu verras des choses bien plus grandes. » Et Jésus ajoute : « En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. » (v.50-51)

    La découverte de soi mène à la découverte du Père, et vice versa. Calvin l’avait bien compris puisqu’il ouvre son Institution de la Religion Chrétienne par ces mots : « Toute la (…) sagesse est située en deux parties : c’est qu’en connaissant Dieu, chacun de nous aussi se connaisse. (IRC I, I, 1.) La foi naît de ce sentiment d’avoir été totalement compris par le Père et d’être dorénavant englobé dans sa vie et son amour. Alors le ciel s’ouvre et nous pouvons voir le Père à travers le Fils.

    Cette parole sur le ciel ouvert répond à celle qui termine le prologue « Personne n’a jamais vu Dieu. Mais le Fils unique (…) l’a fait connaître » (Jn 1:18). Le Fils unique est plus grand que Jacob sur qui montaient et descendaient les anges dans son songe (Gn 28:12) (allusion à la parole de la Samaritaine : « es-tu plus grand que Jacob ? » Jn 4:12). Par la foi, à travers le Fils de Dieu, le croyant a accès aux réalités divines et à la vraie vie. C’est ce que l’évangéliste Jean expose et développe dans tout son Evangile.

    Amen 

    © Jean-Marie Thévoz, 2017

  • Jésus accepte toutes les facettes de son humanité

    30.10.2016

    Jean 4

    Jésus accepte toutes les facettes de son humanité 

    Mat 3 : 13-17       Jean 4 : 1-10

    télécharger le texte : P-2016-10-30.pdf

    Chères frères et sœurs en Christ,

    Vous avez entendu le récit du baptême de Jésus —selon l'évangéliste Matthieu — et le début de la rencontre de Jésus avec la femme samaritaine — dans l'évangile de Jean. Ces deux récits sont bien différents, puisqu'ils racontent des événements et des rencontres dissemblables, mais deux choses les réunissent : ils ont l'eau en commun et chaque écrit tourne autour d'une demande de Jésus.

    - Jésus demande à Jean Baptiste de le baptiser et

    - Jésus demande à la femme samaritaine de lui donner à boire.

    Cela paraît évident que, dans la vie, on demande certains services, certaines choses. Cela va de soi ! Pourtant, ici, cela ne va pas de soi, puisque les deux fois, Jésus rencontre une résistance.

    Jean Baptiste s'oppose. Il ne veut pas baptiser Jésus, il trouverait plus normal d'être baptisé par Jésus ! Jean Baptiste voudrait donc inverser les rôles. En disant cela, Jean Baptiste reconnaît, confesse en Jésus un être supérieur à lui, plus proche de Dieu, un être auquel il n'a rien à donner, mais tout à recevoir. Pourtant, Jésus demande ce baptême à Jean Baptiste, même si "théoriquement" Jésus n'a pas à être purifié, pardonné. (Mais les évangiles ne nous présentent pas un Jésus "théorique"). Mais Jésus — bien que Fils de Dieu, comme la voix dans le ciel le proclame lors de son baptême — ne veut pas être élevé au-dessus de sa condition d'être humain, en tout cas pas avant sa mort sur la croix.

    C'est ce que nous retrouvons sous la plume de l'évangéliste Jean dans la rencontre avec la Samaritaine : un Jésus tout humain.

    - Il est en voyage, en marche de la Judée vers la Galilée.

    - Il est midi, il a envoyé ses disciples acheter des provisions au village.

    - Il est fatigué, comme un homme qui a marché toute la matinée sous un soleil de plus en plus chaud. Il s'est assis sur la margelle du puits de Jacob.

    - Il a soif. (Notez que c’est aussi la parole de Jésus sur la croix que l’évangéliste Jean relève dans son Evangile, donnant ainsi à cette rencontre et à cette demande une importance particulière.)

    Jésus a soif, comme tout homme qui a marché longtemps sous le soleil. Jésus est montré comme ayant des besoins humains, il vit une vie d'homme avec tout ce que cela représente de finitude, de soif et de faim à calmer, de fatigue à compenser, de repos à trouver. Et lorsque Jésus a soif, il demande à boire, et il le demande à la personne qui se trouve là, en l'occurrence une femme, une étrangère de surcroît.

    En lui adressant la parole, Jésus brise deux tabous : celui d'un homme qui s'adresse à une femme et celui d'un juif qui s'adresse à un samaritain. Mais Jésus n'a rien à faire de ces tabous, ce qui est important, c'est qu'il manifeste qu'il n'est pas autosuffisant, qu'il ne vit pas de manière autarcique. Jésus manifeste que — comme tout être humain — il a besoin des autres. Pas seulement de ses amis, de ses disciples, qu'il a envoyé chercher à manger. Non, Jésus a besoin de chacun, même des inconnus et il n'a pas peur de le faire savoir. Il demande comme un enfant demande, en toute innocence, en toute confiance.

    Il demande comme nous ne savons souvent pas demander. Je ne sais pas si vous réalisez comme on a peur de demander dans ce Canton, tellement on a peur de déranger, tellement on a appris qu'il fallait y arriver tout seul, par ses propres moyens.

    Il y a souvent de la honte à demander de l'aide.

    - Combien de personnes ici à Lausanne ou dans le Canton se passent d'aide sociale ou de prestations complémentaires d'AVS, parce qu'il faut les demander !

    - Combien sommes-nous à éviter de déranger notre voisine pour lui demander un œuf ou du sucre et à préférer prendre sa voiture pour aller à la station-service pour en acheter le soir ou le dimanche ?

    Cela me rappelle une rencontre que j’ai faite à l’EMS, une ancienne infirmière, qui me disait combien elle trouvait gênant, voir humiliant de devoir demander de l’aider pour se lever, pour sa toilette, pour s’habiller. Elle qui avait consacré sa vie à faire cela pour les autres, qui avait dû trouver valorisant d’exercer ce métier d’aide et de soutien, elle ne supportait pas de se trouver de l’autre côté !

    Demander, c’est difficile, c'est dévoiler un manque, une vulnérabilité, une imprévoyance, voire une faiblesse. C'est avouer : "je ne suis pas autosuffisant", "je ne suis pas parfait, parce que je n'ai pas prévu d'avoir assez de sucre ou d'œuf." “Je ne suis plus autonome.” Ah ! comme c'est plus facile de proposer de l'aide que d'en demander !

    Eh bien, voilà que Jésus se présente avec ses demandes, avec ses limites d'être humain, pour nous dire : "Il n'y a pas de honte à être humain, à être imparfait, à être vulnérable, à dépendre d'autrui." Dans la demande même, Jésus nous fait cadeau de son humanité, de son acceptation paisible de toutes les limites humaines. Non, nous n'avons pas à être des surhommes, ou des super-women, à être partout à la fois, à faire trois choses à la fois, à être parfait(e)s. Accepter d'avoir besoin des autres, c'est aussi un cadeau que nous leur faisons.

    Regardez ces petits enfants qui attendent tout de leurs parents, ne sont-ils pas des cadeaux dans leur façon ingénue de demander ? Ne nous apprennent-ils pas la vraie vie ? Jésus a dit une fois "Le Royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent" (Mt 19:14) Le Royaume de Dieu n'est pas pour ceux qui pensent avoir accompli la perfection dans leur vie, mais pour ceux qui ont soif, pour ceux qui se savent fatigués, limités et s'offrent aux autres avec leurs demandes et leurs possibilités.

    Jésus a demandé le baptême à Jean Baptiste parce qu'il savait qu'une vie d'être humain a besoin du soutien, de l'aide de Dieu et des autres. Il savait que chaque être humain a besoin de la grâce et de l'amour de Dieu pour avancer et qu'il en avait besoin lui aussi. C'est ce qui nous est offert chaque jour par la présence de Dieu dans votre vie. Il suffit de le demander !

    Amen  

    © Jean-Marie Thévoz 2016