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esaïe

  • Esaïe 40. Avec le retour de l'Exil, Esaïe présente un Dieu maître de l'Univers et un Serviteur souffrant

    (15.8.2004)

    Esaïe 40

    Avec le retour de l'Exil, Esaïe présente un Dieu maître de l'Univers et un Serviteur souffrant

    Esaïe 40 : 1-8       Esaïe 43 : 14-21      Esaïe 53 : 1-5

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    J'aborde aujourd'hui le troisième volet de l'histoire de l'Exil à Babylone et de l'impact que cet Exil a eu sur l'écriture et la théologie de la Bible, de l'Ancien Testament, mais aussi du Nouveau Testament.

    Jérémie avait annoncé l'invasion du Royaume de Juda et la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, le roi de Babylone. Il en était résulté la perte du pays, du Temple et de la royauté. Ezéchiel, déporté avec l'élite d'Israël, a montré aux exilés que Dieu — sur son char de feu — les a accompagnés dans leur malheur. Après 40 ans d'exil, Esaïe annonce le retour au pays, à Jérusalem.

    Là, je dois ouvrir une parenthèse et donner quelques explications sur le livre d'Esaïe et le prophète. Le lecteur est en effet confronté à quelques problèmes de datation. Le prophète Esaïe, tel qu'il nous est présenté au début du livre d'Esaïe, s'adresse à des rois qui règnent entre 740 et 700 av. J.-C. La voix qui s'élève pour annoncer le retour de l'Exil à Babylone proclame ce message autour de l'an 540, soit deux siècles après les premières paroles d'Esaïe.

    Clairement, le livre d'Esaïe contient des déclarations de plusieurs prophètes qui se sont exprimés à des périodes différentes. Les chapitres 1—39 viennent du prophète historique, celui dont nous avons des détails biographiques (Es 6 et parallèles dans 2 Rois). Les chapitres 40—55 proviennent d'un prophète dont nous ne savons pas le nom et que l'on appelle communément le Second Esaïe. Les chapitres 56—66 sont un peu plus tardifs et peuvent être attribués à un troisième prophète.

    Les paroles sur le retour de l'Exil appartiennent à la deuxième partie du livre d'Esaïe. C'est de cette deuxième partie, donc du Second Esaïe que je parle aujourd'hui. Je ferme la parenthèse.

    Donc, après 40 ans d'exil, voici l'annonce du retour au pays pour les déportés. Le prophète nous dit que Dieu a décidé de mettre fin à l'Exil, à la punition :

     

    "Rassurez Jérusalem, criez-lui qu'elle en a fini avec les travaux forcés et qu'elle a purgé sa peine. (Es 40:2)

    Esaïe annonce un retour grandiose avec ce texte que l'on lit généralement à Noël pour annoncer la venue du Messe :

     

    "Ouvrez une route pour notre Dieu, qu'on relève le niveau des vallées, qu'on abaisse montagnes et collines... " (Es 40:4)

    Dieu va se servir d'un conquérant étranger : le roi perse Cyrus, pour renverser le pouvoir de Babylone. Cyrus, en effet, établit sur tout le croissant fertile son pouvoir et dicte un décret qui permet aux populations déportées de retourner dans leurs pays respectifs.

    En affirmant que c'est Dieu qui envoie Cyrus (Es 45:1) Esaïe transforme, élargit l'image que les juifs déportés pouvaient avoir de Dieu. Le Dieu d'Israël n'est plus seulement le Dieu, le maître d'un seul peuple, il est le maître de tous les peuples, le maître de l'Univers. Dieu reste attaché par un lien particulier avec son peuple, mais il s'affirme comme le seul Dieu (ce que nous avons entendu dans la louange d'Esaïe (Es 40:12-26)).

    C'est lui aussi qui s'affirme comme le seul Roi d'Israël. Il est le seul qui dirige le peuple et le pays. De fait, Israël ne regagnera jamais son indépendance et ne pourra jamais rétablir une royauté politique. La royauté devra être transformée pour resurgir. La royauté politique sera transformée en attente messianique. Le messie étant celui que Dieu choisit pour réaliser sa volonté.

    Si Dieu devient le maître de l'histoire en utilisant Cyrus, il devient aussi, dans la bouche d'Esaïe, le créateur du monde — et c'est de cette époque que l'on date le grand poème de la création en six jours de Genèse 1.

    Quel effet, quel retentissement peut avoir pour le peuple d'Israël cet élargissement de la représentation de Dieu ? Le risque c'est que Dieu s'éloigne, que sa majesté et sa grandeur deviennent un obstacle dans la relation avec chacun. Ce risque d'éloignement explique peut-être la présence de quatre poèmes qui décrivent un mystérieux Serviteur de Dieu.

    Ce Serviteur est à l'opposé de la majesté divine, il a été choisi par Dieu pour instaurer le droit (Es 42:1), mais "il ne crie pas, il n'élève pas la voix (...) il n'éteint pas le lumignon qui fume" (Es 42:2-3). C'est un serviteur humble, qui va même être bafoué, rejeté, maltraité "sans rien dire, comme un agneau qu'on mène à l'abattoir" (Es 53:7).

    Cette partie du livre d'Esaïe nous présente donc deux extrêmes inconciliables avec d'un côté la majesté du Créateur et maître de l'Univers et de l'autre le dernier des méprisés. Et pourtant celui qui est méprisé de tous est celui que Dieu choisit et va réhabiliter. Est-ce une façon pour le Second Esaïe de parler du peuple en Exil ou de parler de lui-même dont le message est peut-être rejeté ? Nous ne le savons pas.

    Ce qu'on peut percevoir, c'est que Dieu se trouve à ces deux extrêmes. Au sein de ce mouvement d'éloignement possible entre la grandeur de Dieu et la petitesse humaine, les poèmes du Serviteur rappellent et raffermissent la spécificité du Dieu biblique : il est le Dieu qui rétablit les victimes : Abel contre Caïn, Joseph contre ses frères, les hébreux contre Pharaon, les exilés contres leurs oppresseurs.

    Si Dieu s'affirme comme Créateur et maître de l'Univers, il veut rester le Dieu proche qui rencontre les humains au coeur de la vie et de ses difficultés. S'il est celui qui ouvre une route dans le désert, il est celui qui se présente à Noël dans une crèche et à vendredi-saint sur la croix. Sa royauté ne s'établit pas sur les humains par la violence, mais par une approche faite de discrétion et de tendresse.

    En Jésus-Christ, les chrétiens reconnaîtront en même temps l'image de Dieu, le Seigneur, et l'image du Serviteur souffrant (le Second Esaïe est le prophète le plus cité dans le Nouveau Testament). L'image de celui qui, d'une façon que nous ne comprenons pas aujourd'hui, dirige l'univers tout en prenant soi de chacun de nous.

    Avec l'Exil, Israël a perdu sa royauté politique pour ouvrir l'espace d'une royauté nouvelle qui ne doit rien à la force mais tout à l'amour gratuit de Dieu !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Esaïe 6. Notre Père (8)

    Esaïe 6

    23.8.2020

    Notre Père (8)

    Esaïe 6 : 1-9

    1 Corinthiens 1 : 1-3

    Jean 17 : 24-26

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans notre suite de prédications sur le Notre Père (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"), nous arrivons aujourd'hui à la phrase : « Que ton nom soit sanctifié ». Je trouve que c'est la phrase la plus difficile à comprendre du Notre Père. Pourquoi le nom de Dieu ? Que veut dire sanctifier, quand il s'agit déjà de Dieu ? Qui doit le faire ? L'être humain peut-il rendre Dieu plus saint qu'il ne l'est déjà ? Quelle qualité l'être humain pourrait-il rajouter à Dieu ?

    Commençons par revenir à l'histoire, l'histoire d'Israël qui peut se lire en remontant le Notre Père. En commençant par la fin, le Notre Père exprime la délivrance de l'esclavage en Egypte. Puis le peuple est soutenu lors des tentations dans le désert, il est pardonné, il est nourri.

    Ensuite Dieu donne sa Loi, le Décalogue, pour exprimer sa volonté. Enfin, vient la période de la royauté où le règne des hommes est en concurrence avec le règne de Dieu. Finalement Salomon construit le Temple à Jérusalem pour manifester la présence de Dieu. Au cœur du Temple se trouve une pièce, appelée le Saint des Saints, réservée à la présence divine.

    Esaïe reçoit la vision de cette sainteté. Il voit Dieu sur son trône. Des séraphins clament la sainteté de Dieu en disant : « Saint, saint, saint est le Seigneur de l'univers, la terre entière est remplie de sa gloire. » (Es 6:3).

    Aussitôt Esaïe est renvoyé à sa petitesse et à ce qu'il perçoit comme son impureté, son indignité. La sainteté de Dieu est opposée à la bassesse humaine. C'est le grand écart, l'éloignement complet, la divergence absolue. Tout pourrait se terminer dans l'anéantissement du prophète Esaïe et de toute l'humanité.

    Mais la révélation de cette vision, c'est que cette grandeur de Dieu, cette gloire, cette sainteté est bienveillante, tournée vers le bien de l'humanité. Dieu prend l'initiative d'effacer la distance, d'anéantir, non pas l'être humain, mais l'impureté, c’est-à-dire ce qui nous sépare de Dieu.

    Dieu est toujours dans l'initiative envers l'être humain. Cela fait partie de sa sainteté, de son être profond. La sainteté de Dieu n'est pas destructrice, mais constructrice.

    C'était déjà Dieu lui-même qui avait pris l'initiative de révéler son nom à Moïse dans le buisson ardent (Ex 3). Ce nom que le Notre Père appelle à être sanctifié. Pourquoi sanctifier le nom de Dieu et pas Dieu lui-même ?

    Le nom est en même temps ce qui dévoile et ce qui voile. Le nom permet d'appeler quelqu'un et d'entrer en dialogue avec lui. Mais le nom n'est pas la personne elle-même, c'est comme un substitut, un remplaçant.

    Dans cette phrase : « Que ton nom soit sanctifié » en parlant du nom et pas de Dieu, nous affirmons que Dieu lui-même est inaccessible, hors de notre portée et que nous ne pouvons rien ajouter à Dieu. C'est une façon de refuser la possibilité d'enfermer Dieu dans une théologie particulière, dans une Eglise, dans nos désirs. Dieu nous échappera toujours.

    Par contre, s'il s'agit du nom, nous, comme êtres humains, nous pouvons lui faire une place. Une place dans nos vies et dans nos cœurs, une place dans la vie publique, une place dans le monde.

    Notre rôle, ce que nous pouvons demander dans la prière du Notre Père, c'est que le nom de Dieu soit respecté, c'est qu'une place soit faite à Dieu dans notre monde. Notamment pour que rien ne vienne occuper cette place, aucune idole.

    Or aujourd'hui, nous connaissons et voyons les veaux d'or qui sont adorés publiquement. La place de Dieu est occupée par des humains ou des idéologies.

    Comme chrétiens, nous demandons que Dieu soit remis à la première place, que son nom soit placé au-dessus de tout autre nom (Phil. 2:9). Au-dessus, cela laisse penser à une supériorité ou une suprématie. Mais il ne faut pas oublier que Jésus est venu achever la révélation du nom de Dieu.

    Dans la prière sacerdotale (Jean 17), Jésus termine sa prière en disant : « J'ai fait connaître ton nom et je le leur ferai encore connaître. » (v.26). Or l'oeuvre du Christ qui nous révèle Dieu a pour sommet le service et le don de soi. Il n'y a pas de pouvoir dans la suprématie du nom de Dieu.

    Encore une remarque sur le choix des mots. La phrase parle de sanctifier, pas de rendre sacré. Rendre sacré, faire du sacré se dit « sacrifier » fier étant une forme de faire.

    Le Notre Père nous rappelle qu'avec Dieu il n'est pas question de rendre sacré, de sacrifier, mais de rendre saint.

    Rendre saint, c'est élever l'ordinaire vers le divin. Et c'est ce que nous faisons et sommes appelés à faire. Nous prenons de l'eau du robinet et nous en faisons l'eau du baptême, Dieu la sanctifie.

    Nous prenons du pain et du vin ordinaires et ils deviennent corps et sang du Christ. Nous avons des vies ordinaires et toutes simples et nous les confions à Dieu pour qu'il les sanctifie.

    C'est en laissant nos vies être sanctifiées par le contact avec le Christ que nous faisons une place au nom de Dieu dans le monde. Nous sanctifions le nom de Dieu lorsque nous remplissons notre mission, lorsque nous accomplissons notre vocation d'être humain, lorsque nous acceptons d'être nous-mêmes dans la transparence devant Dieu.

    Nous n'ajoutons rien à Dieu, c'est lui qui ajoute de la sainteté dans nos vies, si nous le voulons bien.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • Esaïe 55. Dieu n'est pas à notre image

    12.1.2020

    Esaïe 55

    Dieu n'est pas à notre image

    Esaïe 55 : 6-11.     1 Jean 4 : 16-21     Luc 14 : 7-14

     

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    "Mes pensées ne sont pas vos pensées" dit Dieu par la bouche du prophète Esaïe, "Vos façons d'agir ne sont pas mes façons d'agir ! Il y a autant de distance entre mes méthodes et les vôtres, entre mes pensées et les vôtres qu'entre le ciel et la terre." (Es 55:8-9).

    Voilà un verdict bien abrupt ! Cela ressemble fort à une condamnation de l'être humain, au moins à une mise à distance : chacun à sa place, Dieu dans le ciel et l'être humain sur la terre.

    Et pourtant. Pourtant, ces paroles sont dites dans un contexte qui annonce le pardon de Dieu offert aux humains, dans un appel à un retour à Dieu, souhaité, instauré par Dieu.

    "Mes pensées ne sont pas vos pensées..." Ces paroles nous invitent à cesser de regarder Dieu comme s'il était semblable à nous, avec les mêmes a priori, les mêmes mécanismes de jugements, les mêmes préjugés que nous.

    • Nous nous fâchons avec ceux qui se mettent en colère contre nous

    • Nous nous vexons, lorsque quelqu'un nous fait faux-bond.

    • Nous supportons mal que les autres ne fassent pas les choses de la même façon que nous...

    et nous projetons tout cela sur Dieu ! Il doit être fâché... il doit m'en vouloir... il doit me désapprouver... Pourquoi le ferait-il ? "Ses pensées ne sont pas nos pensées. Nos façons d'agir ne sont pas ses façons d'agir !"

    Nous ne pouvons pas deviner les pensées de Dieu en prenant nos pensées pour modèles. Ce que Dieu pense ne se trouve pas dans nos modèles humains, ce que Dieu pense se trouve dans sa Parole contenue dans l'Ecriture.

    Et la Bible ne cesse de nous dire et de nous répéter que Dieu — celui d'Abraham, Isaac, Jacob, le Dieu d'Israël et de Jésus-Christ — n'est pas celui qui attend que nous grimpions au ciel à la force de nos poignets pour le rencontrer, mais qu'il est descendu vers nous pour nous aimer.

    Dieu a renversé le sens, la direction, le mouvement de toutes les religions. La religion ordinaire dit à l'être humain comment il doit agir pour plaire à Dieu, pour se le rendre favorable, pour attirer son attention. La foi au Dieu d'Israël, la foi chrétienne est à l'opposé. Elle consiste à entendre et à accepter que Dieu nous rejoint dans notre histoire, là où nous sommes.

    Ce mouvement a commencé avec la création, a continué avec l'alliance et au travers de la libération d'Egypte et du don de la loi, puis de la libération et du retour de l'exil à Babylone, pour trouver son accomplissement dans la venue de Jésus-Christ.

    Constamment, à chaque génération, Dieu s'approche, Dieu répète son invitation. C'est pourquoi, Jean peut nous dire : "Dieu est amour." (1 Jn 4:16) Dieu nous aime en premier d'un amour inconditionnel, cela veut dire sans conditions préalables, sans conditions à remplir, indépendamment de notre agir ou de notre histoire. Nous sommes-là, il nous aime. Nous existons, il nous aime.

    Comme l'expriment les paroles de Jésus sur les invitations (Luc 14:7-14), Dieu ne cherche pas à nous rabaisser, il cherche à nous élever. C'est lui qui cherche à nous élever à lui. C'est lui qui nous invite, sans espoir de retour, sans que nos (bonnes) actions fassent jamais le poids, sans espoir que nous puissions lui retourner l'invitation.

    Il offre la meilleure place à celui qui ne peut pas s'en croire digne, parce que "ses pensées ne sont pas nos pensées." Là où nous nous accusons, il nous déclare : non coupable; là où nous nous trouvons indignes, il nous dit : Viens seulement, je t'accepte tel que tu es.

    Regardez cette table [la table de communion dressée], ce n'est pas un autel où nous avons à faire des sacrifices à Dieu; ce n'est pas une table où nous devons venir déposer des offrandes pour amadouer Dieu; cette table, c'est le Seigneur qui la dresse pour nous, pour nous y inviter. C'est lui qui nous invite à partager sa vie avec lui, c'est lui qui se donne à nous, pour que nous vivions. Nous arrivons les mains vides pour recevoir notre nourriture de Lui.

    Ce mouvement de Lui à nous est au centre de notre foi chrétienne. C'est parce que Dieu nous a aimé le premier, qu'à notre tour, nous pouvons aimer ceux qui nous entourent. L'amour, l'agapè, est le signe distinctif du christianisme, même si nous ne sommes pas les seuls à aimer !

    Le chant (Alléluia 36/24) que nous chanterons tout à l'heure a comme refrain cette phrase : : "Et le monde saura que nous sommes chrétiens par l'amour dont nos actes sont empreints."

    L'amour, la fraternité, la solidarité que nous avons les uns pour les autres, ne sont pas de nouveaux sacrifices qu'il faudrait faire pour plaire à Dieu, ce sont les gestes que nous pouvons faire parce que Dieu nous aime, et pour que le monde soit témoin que cet amour de Dieu existe. C'est là le témoignage que nous sommes appelés à donner en tant que chrétiens.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

     

     

  • De l’exclusion à l’accueil

    Actes 8

    8.2.2019

    De l’exclusion à l’accueil

    Esaïe 53 : 1-10         Actes 8 : 26-39

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Les protestants sont très attachés à la lecture de la Bible, et à faire jouer — comme en stéréo — l’Ancien et le Nouveau Testament. Comment comprendrait-on le Nouveau Testament sans une connaissance de l’Ancien Testament ?

    Nous en avons un exemple dans ce récit de la rencontre de Philippe et de l’eunuque éthiopien. Cet homme est allé “adorer Dieu à Jérusalem”. Mais comme étranger et comme eunuque, il n’a pas eu droit d’entrer dans le Temple de Jérusalem. La loi interdit l’entrée des lieux saints aux eunuques. Il n’a pu aller que jusqu’à la cour des païens. Cette rebuffade n’a pas éteint sa quête de Dieu. Il retourne dans son pays avec le rouleau du prophète Esaïe.

    Au moment où Philippe arrive — et l’entend lire à haute voix comme c’était l’habitude dans l’antiquité — cet homme est en train de lire le passage d’Esaïe que je vous ai lu. On appelle ce passage le “Poème du Serviteur souffrant”. Un passage qui a été lu par la jeune communauté chrétienne comme annonçant la Passion du Christ. Il faut imaginer que la première communauté chrétienne ne dispose pas encore du Nouveau Testament! Paul n’est même pas encore converti (cela se passe un peu plus tard dans le livre des Actes). Pour comprendre la trajectoire et la destinée de Jésus, les premiers chrétiens ne disposent que de l’Ancien Testament. Ils ont le récit des disciples qui ont vécu avec Jésus et accompagné — de loin — la Passion de Jésus. Un destin terriblement difficile à comprendre.

    Ici, le fonctionnaire éthiopien lit ce “Poème du Serviteur souffrant”. Il ne comprend pas, et il y a de quoi. Comment comprendre qu’un envoyé de Dieu soit vilipendé, accusé, maltraité, sans répondre. Sans que Dieu le sorte de là ? Il est comme l’agneau qu’on mène à l’abattoir, sans défense, sans défenseur. Philippe va expliquer au fonctionnaire éthiopien que ce Serviteur souffrant, c’est ce Jésus qui a été crucifié. Que ce Jésus est l’agneau qui porte les malheurs de l’humanité. Ce qui revient à dire que Dieu a changé de place. Il n’est pas magnifique dans un Temple érigé de main d’homme — ce Temple auquel l’eunuque n’a d’ailleurs pas eu accès — il est celui qui partage les malheurs de l’humanité, il est du côté des humiliés, des petits, des sans voix.

    L’eunuque qui a été privé d’entrée dans le Temple et qui a sûrement dû être au moins moqué, si ce n’est discriminé du fait de sa constitution, s’est senti reconnu, réhabilité. Il se sent compris, invité à s’associer avec ceux qui suivent ce Jésus accueillant. Aussi bien demande-t-il s’il y a un obstacle à être baptisé, c’est-à-dire inclus dans la communauté de ceux qui suivent le chemin de Jésus. Il n’a pu entrer dans le Temple, mais il est accueilli dans l’Eglise. Il reçoit le baptême de la main de Philippe. Dieu ne veut pas de portillon pour filtrer les entrées dans le Royaume.

    Le banquet du Royaume est ouvert à tous, d’autant plus que ceux qui avaient reçu un carton d’invitation ne se sont pas donnés la peine de venir. Se retrouvent donc à la table du Seigneur ceux qui pensaient ne pas être dignes d’être invité, d’avoir une place à sa table. Ce récit est une invitation à ne pas mettre d’obstacles — nous les humains — là où Dieu les a déjà abolis. La communauté de ceux que Dieu appelle et accueille pourrait bien nous surprendre.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Esaïe 11. L'âne et le bœuf autour de la crèche

    Esaïe 11

    11.12.2016

    L'âne et le bœuf autour de la crèche

    Es 1 : 1-3        Es 11 : 1-10       Jean 1 : 1-5 + 10-11

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Aujourd'hui, je souhaite vous parler de l'âne et du bœuf de la crèche !

    Il n'y a pas de représentations de la naissance de Jésus sans l'âne et le bœuf, ce sont des figures incontournables ! Pourtant l'âne et le bœuf ne figurent pas dans les récits de la naissance de Jésus qu'on trouve dans le Nouveau Testament. L'âne et le bœuf sont des ajouts de la tradition. Bien sûr, la crèche, qui est une mangeoire pour animaux, suggère la présence d'animaux domestiques, et le pas a été vite franchi.

    L'âne est l'animal domestique voué au transport et la tradition — de nouveau elle — montre Joseph conduisant l'âne sur lequel est assise Marie. Seule pour le voyage de Nazareth à Bethléem, avec Jésus dans ses bras pour la fuite en Egypte, c'est à cela qu'on distingue les deux épisodes sur les tableaux, les mosaïques ou les vitraux. Le bœuf, de son côté, est l'animal de trait, celui ou ceux qui sont sous le joug et qui tirent la charrue pour tracer le sillon. Deux animaux communs, ordinaires et proches de la population d'un monde rural.

    Mais l'âne et le bœuf n'ont pas été introduits dans les tableaux ou récits de la nativité "pour faire joli", "pour faire champêtre", mais pour donner du sens ! Au fil de mes recherches, j'ai découvert trois pistes, trois références ou interprétations qui donnent du sens à la présence de ces animaux.

    1) Dans la première piste, les rôles de l'âne et du bœuf sont indépendants l'un de l'autre. Le bœuf est retenu pour son aspect placide, pacifique. On trouve cet aspect dans l'annonce de la venue du Messie dans Esaïe où les animaux cohabitent en paix et où le bœuf devient l'exemple pour le lion : "Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage." (Es 11:7) Le bœuf, animal pacifique, appartient au monde futur du Messie.

    L'âne, lui, nous renvoie à l'épisode du prophète Balaam (Nombres 22), où l'âne (en fait une ânesse), chevauché par Balaam voit l'ange qui lui barre le chemin, alors que le prophète ne le voit pas. Ici l'âne est l'animal qui voit Dieu là où l'homme est encore incapable de le distinguer. L'âne de la crèche percevrait donc déjà la divinité de Jésus encore nourrisson, bien avant les humains.

    2) Deuxième interprétation. L’âne et le bœuf sont ensemble. Cette interprétation se fonde sur un verset d'Esaïe : "Un bœuf connaît son propriétaire, et un âne le maître qui lui donne à manger." (Es 1:3) Cette phrase doit être comprise dans son contexte : Esaïe a en face de lui un peuple rebelle, révolté contre son Dieu.

    Le peuple d'Israël ne reconnaît plus Dieu comme son Seigneur et son maître, comme celui qui le nourrit et lui veut du bien. Aussi Esaïe désigne-t-il les animaux comme des exemples. Même les animaux sont capables de reconnaissance envers leur maître. Vous les humains, qui n’êtes plus capables de reconnaître votre maître, Dieu, d’être reconnaissant pour tout ce qu’il vous donne, et bien vous êtes moins que des bêtes, vitupère Esaïe.

    L'âne et le bœuf dans la crèche ont là un rôle de mise en relief, de repoussoir : ils rappellent le péché humain, la distance que les humains mettent entre eux et Dieu. Ces animaux rappellent que le Christ naît dans un monde d'obscurité, de mal, de mensonge.

    L'Evangéliste Jean le dit en d'autres termes : "La lumière brille dans l'obscurité, et l'obscurité ne l'a pas reçue. Celui qui est la Parole était dans le monde. Dieu a fait le monde par lui, et pourtant le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu dans son propre pays, mais les siens ne l'ont pas reçu." (Jn 1:5+10-11).

    Avant que les bergers n’arrivent à la crèche, l'âne et le bœuf sont là, signalant l'impossibilité des humains à recevoir Dieu, sans qu'il prenne lui-même l'initiative !

    3) Troisième piste, une interprétation rabbinique à partir de la signification symbolique de ces deux animaux. Le bœuf est l'animal qui tire la charrue et trace le sillon. Il est le symbole de celui qui va droit, qui marche droit, le symbole de celui qui suit une direction. C'est donc le symbole de l'homme intègre, celui qui suit la direction de la Torah, qui marche droit en suivant la volonté divine.

    L'âne, lui, est l'animal têtu, qui résiste, qui ne se laisse pas guider s'il a une autre idée dans la tête. Il représente la nature humaine dans ce qu'elle a d'indomptable, de raide, de récalcitrant. (C'est peut-être cet âne que Jésus monte aux Rameaux et qu'il dompte (peut-être en lui-même) pour accepter la volonté divine.) Ainsi dans la crèche, au pied de Jésus se retrouvent autant l'homme droit que l'homme révolté. Tous deux sont là et ont également besoin du salut qu'apporte Jésus (comme les deux fils de la parabole du fils prodigue !).

    Voilà pour les trois pistes de réflexion. Que pouvons-nous en retenir ? Au-delà du charme champêtre, la présence de ces deux animaux près de la crèche nous rappelle les deux côtés opposés mais inséparables de l'humanité.

    D'un côté, l'âne et le bœuf sont là pour nous rappeler que nous oublions sans cesse qui est notre maître et propriétaire, qui est Dieu pour nous et qu'il nous veut du bien. Le Messie arrive dans un monde qui lui est hostile, et il ne l'est pas moins aujourd'hui qu'hier ! La venue de Dieu dans le monde amène à une confrontation, un jugement : nous ne savons pas servir Dieu convenablement (lisez tout le premier chapitre d'Esaïe).

    De l'autre côté, en présentant aux humains le signe d'un nouveau-né, Dieu n'est pas venu menacer les humains de son jugement, mais nous sauver, nous délivrer du mal pour nous réconcilier avec Lui. Que l'on soit obéissant à la Loi ou révolté, peu importe, nous avons tous besoin du salut que Jésus apporte, nous avons tous besoin de sa grâce.

    Dans les deux cas, le Christ est venu pour nous, pour nous réconcilier avec Dieu, pour que nous entrions dans sa lumière. Que l’on soit “âne” à la nuque raide, ou plutôt “bœuf” qui marche droit, nous recevons le même cadeau de la venue de Jésus. Il vient pour nous. Il vient pour tous, pour tous les humains de la terre, pour apporter son amour inconditionnel à tout humain.

    Amen  

    © Jean-Marie Thévoz, 2016

  • Esaïe 56. Quelle communauté l’Évangile construit-il ?

    Esaïe 56
    1.11.2015
    Quelle communauté l’Évangile construit-il ?

    Esaïe 56 : 1-7     Matthieu 5 : 1-10

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd’hui nous vivons un culte de reconnaissance pour toutes les personnes engagées dans la paroisse, les bénévoles qui font tourner la paroisse, qui animent des activités, qui donnent de leur temps, occasionnellement ou régulièrement. Ensemble, tous ensemble, nous formons l’Eglise, dans sa diversité et dans son unité.
    Aujourd’hui nous fêtons également le dimanche de la Réformation. Nous rappelons ainsi les événements qui ont façonné notre manière de formuler notre foi réformée. Dans deux ans, en 2017, nous allons fêter le 500e anniversaire du début de la Réforme, qu’on date du 31 octobre 1517, le jour ou Martin Luther a affiché les thèmes qu’il voulait voir débattus par les théologiens.
    Une démarche commence dès maintenant pour nous préparer à cet anniversaire. Avec le prochain Bonne Nouvelle que vous allez recevoir à la fin de la semaine, vous trouverez une petite brochure intitulée : « Réformés ? Et alors ! 40 thèmes pour agir… » Quarante thèmes sont proposés à notre réflexion dès maintenant et pour toute l’année 2016, avec pour but de transformer ses réflexions en proposition de formulations modernes et contemporaines de l’Évangile. Ces formulations actualisées seront exposées ensuite pendant toute l’année anniversaire 2017 au niveau Suisse par la FEPS. Chacun, chacune, chaque paroisse est invitée à participer à ce processus.
    Pour aujourd’hui j’ai choisi de vous présenter le thème 3 « Quelle communauté l’Évangile construit-il ? » Le texte biblique qui accompagne cette question est le texte d’Esaïe 56 que vous venez d’entendre.
    Un petit mot sur le contexte dans lequel est écrit ce texte. Cet oracle de la troisième partie du livre d’Esaïe a été prononcé après le retour de l’Exil, retour autorisé par l’empereur perse Cyrus. Les textes contemporains, dans la Bible, sont les livres d’Esdras et de Néhémie. La situation historique est la suivante : 47 ans plutôt (en 587 av. J.-C) le pays de Juda a été envahi par les babyloniens. Les élites et une partie de la population a été déportée à Babylone, le Temple et la ville de Jérusalem ont été détruits.
    Pendant ces 47 ans, dans le pays de Juda, ceux qui sont restés ont occupé les maisons et les terres de ceux qui sont partis ; d’autres personnes s’y sont aussi installées. Ceux qui ont été déportés à Babylone y ont refait leur vie, se sont mélangés à la population babylonienne et on élaboré une foi juive qui peut se vivre hors du pays et sans le Temple de Jérusalem. Après l’édit de Cyrus autorisant le retour (en 540 av. J.-C), certains reviennent au pays dans l’idée de reprendre leur vie d’avant. Mais voilà, le temps ayant passé, rien n’est comme avant. Des étrangers occupent leurs maisons et leurs terres et eux-mêmes sont considérés comme des étrangers par ceux qui sont restés sur place. Il y a deux populations qui se considèrent chacune être le peuple légitime et les autres comme des étrangers. Ils ont une origine commune, mais ont eu des chemins différents. Qui est l’étranger ? Qui occupe légitimement le pays ? Qui est le vrai peuple de Dieu ? Pour répondre à cette question nous pouvons regarder dans le livre d’Esdras ou dans le livre d’Esaïe, et trouver des réponses opposées.
    Esdras défend le maintien d’une lignée ethniquement pure et préconise le renvoi des épouses babyloniennes (Esd 9—10). Au contraire Esaïe, dans les lignes que vous avez entendues, préconise le regroupement de tous ceux qui reconnaissent Dieu et observent ses commandements, quelle que soit leur provenance, leur appartenance ethnique ou leur origine. Ce qui importe, c’est l’adhésion à la justice de Dieu, c’est la foi et le culte.
    Ce qui est intéressant, c’est qu’Esaïe ajoute à la problématique de l’étranger celle de l’eunuque. Dans la loi de Moïse (Dt 23:2; Lév 21:20-21), l’eunuque est rejeté de la communauté de foi et du sacerdoce parce qu’il ne peut pas avoir de descendance, donc son nom ne sera pas transmis, son nom va s’effacer de la surface de la terre. Et cela, c’est une une malédiction aux yeux de la loi juive. Mais voilà que, dans la bouche d’Esaïe, Dieu déclare qu’il va écrire le nom des sans-descendance sur les murs du Temple et que ceux-ci auront mieux que des fils et des filles. S’ouvre ici le thème de la vie éternelle, voire de la résurrection, une vie qui n’est pas attachée à la transmission des gènes ! Esaïe transmet ici une parole de Dieu qui ouvre à l’inclusion, qui lutte contre l’exclusion.
    Mais ce qui est intéressant à relever dans cette parole d’Esaïe, c’est qu’il n’est pas question d’une exclusion de l’étranger ou de l’eunuque par les autres, mais d’une auto-exclusion ! « Il ne faut pas que l’étranger aille s’imaginer : le Seigneur me met à l’écart ! Il ne faut pas non plus que l’eunuque se mette à penser : je suis en arbre sec ! » (v.3)
    Combien de fois n’imaginons-nous pas des jugements de la part de Dieu. Jugements qui ne sont que dans nos têtes, mais pas dans la pensée divine. Combien de fois pensons-nous être indignes d’approcher de Dieu, alors que lui nous attend et nous espère. Ne confondons pas nos pensées, nos projections et celle de Dieu.
    C’est souvent ce qui nous piège avec l’Eglise. Nous pensons à telle ou telle barrière, alors que cette barrière est dans notre tête, pas dans la pensée de Dieu. Dieu n’attend pas des gens parfaits, impeccables. Jésus n’a-t-il pas proclamé, dans les béatitudes, heureux les pauvres, heureux ceux qui sont tristes, heureux les doux-naïfs, heureux les miséricordieux, heureux les persécutés. Ce ne sont pas des héros. Heureux, non pas ceux qui baignent dans le bonheur, mais heureux parce que nous sommes pleinement accueillis par Dieu, acceptés par Dieu. L’accueil de Dieu est large, c’est pourquoi la maison de Dieu est dite être « une maison de prière pour tous les peuples » (v.7).
    Appartiennent au peuple de Dieu, non pas ceux qui sont d’une certaine condition, mais ceux qui agissent de la façon que Dieu désire. Le croyant n’est pas celui qui jouit d’une certaine condition, mais celui qui adhère, celui qui se joint au projet de Dieu.
    Nous n’avons pas d’avenir comme protestants si nous ne comptons que sur notre descendance pour maintenir vivante la foi protestante. Alors nous ne serions que des eunuques dans le nom va s’éteindre. Pourtant Dieu fait cette promesse de pérennité qui sera mieux que des fils et des filles. Nous avons une transmission spirituelle a assurer, parce que l’Évangile est un projet de vie. Jésus-Christ nous a transmis des valeurs de vie qui ont un sens et une place dans notre société.
    Au point de départ de notre réflexion de ce matin il y avait cette question : « Quelle communauté l’Évangile construit-il ? » Le Christ rassemble des hommes et des femmes avec leurs faiblesses et leurs insuffisances, leurs capacités et leurs compétences : NOUS. Nous ne sommes pas une élite ou des gens particulièrement forts, parce que Dieu ne met pas de barrière, pas de filtre, pas de tri à l’entrée des églises.
    Mais, c’est l’Évangile qui rend les gens plus forts, qui rend la communauté forte et solidaire. Ensemble nous sommes renforcés et rapprochés de Dieu. Ensemble nous pouvons ouvrir nos portes à l’image du cœur ouvert de Dieu. Ensemble nous pouvons faire de l’Eglise une maison de prière pour tous les peuples.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Conte : Adam réveille-toi !

    Esaïe 9
    22.12.2013
    Conte : Adam réveille-toi !
    Esaïe 9 : 1-2+5-6     Esaïe 7 : 10-14     Esaïe 60 : 1-5

    Télécharger le texte ici : P-2013-12-22.pdf

    Dans le pays de l’ombre, il fait tout noir ! Dans la shéol, c’est comme dans une caverne lorsque la dernière torche s’est éteinte. Tout est noir, tout est immobile. Pourtant il y a du monde dans ce séjour souterrain puisqu’il rassemble tous ceux qui ont quitté la surface de la terre. Mais tout le monde est immobile, parce que — dans le noir — si on bouge on se cogne et on se fait mal. Alors tout le monde dort, d’un sommeil qui ne respire pas, d’un sommeil qui ne bouge pas, d’un sommeil qui pèse des milliers de tonnes. Pourtant, là-bas, au bord de la frontière, une femme se met à bouger... elle lève la tête... elle se redresse... et bouscule le compagnon qui partage sa couche :
    -    Adam ! Réveille-toi ! Réveille-toi !
    -    Oh ! Laisse-moi tranquille ! Voilà des siècles que je dors ! Je ne vais quand même pas me réveiller maintenant !
    -    Si ! Adam ! Réveille-toi !
    -    Oh ! Eve ! Tu ne vas pas me refaire le coup de la pomme ! Laisse-moi tranquille !
    -    Adam ! Je t’en prie ! Regarde là-bas, la lumière ! Tu ne vois pas ? C’est comme au matin du sixième jour, quand je t’ai découvert dans le jardin, il y avait cette lumière-là au fond de tes yeux...
    -    Tu as raison... la lumière de Dieu est en train de revenir... elle illumine ton visage...

    Dans le pays de l’ombre, il y a une mer, une mer très sombre, une mer qui a l’air de vouloir engloutir tous ceux qui l’approchent. Au bord de l’eau, un homme est figé, avec sa femme et ses trois fils. Comment est-il possible de dormir au bord de ces eaux qui secouent en furie leurs tentacules de mort ?... Et soudain, les eaux s’apaisent, peu à peu... Le bruit du silence réveille la dormeuse... elle secoue son compagnon :
    -    Noé ! Ecoute !
    -    Tu es folle, ma femme ! Il n’y a aucun bruit ! Par contre, je vois...
    -    Que vois-tu ? Tu es fou, Noé ! Tu sais bien que dans cette obscurité, il n’y a rien à voir !
    -    Si, regarde, là-bas ! Du rouge... rouge comme le couple de colibris entré dans l’arche au dernier moment...
    -    Oh ! Je vois de l’orangé... orange comme la petite grenouille à trois doigts qui sautait partout... et du jaune comme les plumes des canaris...
    -    Regarde, le vert... vert comme les feuilles du rameau d’olivier rapporté par la colombe... et aussi le bleu... un bleu profond comme celui des ailes de la libellule...
    -    Et du violet... violet comme l’étrange papillon posé sur le rebord de la fenêtre de l’arche...
    -    La lumière de Dieu est en train de revenir... Regarde ce bel arc-en-ciel... l’alliance se renouvelle.

    MUSIQUE

    Dans le pays de l’ombre, il y a un ciel, un ciel très noir, un ciel déprimé et déprimant. Pourtant, tout à coup, on entend un rire, un rire de femme, un rire clair jaillissant comme une source :
    - rire de femme
    -    Sarah ! Tais-toi ! Qu’as-tu à rire pareillement ? Notre fils est grand  depuis longtemps... Tu n’es tout de même pas enceinte une nouvelle fois ?
    -    Non, Abraham ! Non ! Mais lève les yeux au ciel ! Une étoile est revenue !
    -    Une étoile ? C’est impossible, pas ici.
    -    Si, une étoile comme toutes celles que Dieu t’avait fait voir pour t’indiquer que tu serais le père d’un grand peuple.
    -    Oui ! Le père de tous les croyants... Oui, je suis le père de tous les croyants... Mais cette étoile elle est toute seule ! Mais c’est vrai qu’elle est bien plus brillante que toutes celles que j’ai vues autrefois. Tu crois que Dieu veut nous annoncer une bonne nouvelle ?
    -    Serait-ce encore une naissance ?
    -    Tu es folle, Sarah ! Rien ne naît au pays de l’ombre !
    -    Attention, Abraham, si tu doutes, tu vas perdre ton titre de « père des croyants » !

        On ne peut pas sortir du pays de l’ombre. C’est un endroit complètement clos, fermé par les portes de la mort. Jacob, lui, a trouvé un moyen : il s’évade par le haut ! Il dort, avec une échelle à côté de lui. Quand il était vivant, il avait dormi ainsi à Béthel et il avait eu un songe... le songe de sa vie : pensez donc, il avait vu Dieu !
    Une échelle était dressée sur la terre et le sommet de cette échelle atteignait le ciel... Des anges montaient et descendaient... et Dieu lui avait parlé ! Il n’est pas interdit de refaire le même rêve plusieurs fois. Alors, Jacob ne se lasse pas. Il rêve qu’il monte en gravissant les échelons de son échelle. Il monte vers le ciel, il monte dans ce royaume de lumière...
    Mais ce soir, c’est différent. Il n’a pas l’impression de dormir et pourtant il voit des anges, comme à Béthel ! Il voit des anges qui descendent vers la terre, ils se préparent à chanter pour des bergers.
    -    C’est sûr, dit-il en se redressant, si je vois des anges descendre vers la terre, c’est que Dieu va parler une nouvelle fois ! Et il entend les anges chanter : « Gloire à Dieu et Paix sur la terre. »

    MUSIQUE

    Dans le pays de l’ombre, il fait froid et il est impossible de faire du feu. Çippora, glacée comme la mort, dort à côté de Moïse... Soudain, elle se réveille... surprise par une chaleur douce qui vient lui lécher les pieds...
    -    Moïse ! Regarde ! Des bergers qui gardent leurs troupeaux ! Ils ont allumé un feu pour se réchauffer ! Regarde ! Ils ont même un petit mouton noir... comme toi quand tu faisais paître le bétail de mon père dans le pays de Madiân... Moïse, il y a si longtemps que nous n’avons pas vu un bon feu !
    -    Oh, Çippora ! Ce feu a quelque chose d’extraordinaire ! Sa chaleur est si enveloppante !... Tu sais, il me rappelle un autre feu, celui que j’avais vu sur la montagne de l’Horeb, tu sais le feu dans le buisson... Serait-ce « Je suis » qui revient ? Dieu... le Dieu de nos pères... le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob...
    -    Moïse ! Ce feu a été allumé par des bergers... pas par Dieu !
    -    Oui, ma douce ! Mais tu sais que Dieu a un petit faible pour les bergers : Il a aimé l’offrande d’Abel, il a parlé en songe à notre père Jacob, il a donné une mission importante à son fils Joseph... et à moi ! Si tu as été réveillée, ma belle, de ce sommeil glacé, c’est que Dieu va venir !

    Dans le pays de l’ombre, personne ne chante. Il n’y a pas d’oiseaux, pas de cascades, pas de brise légère pour charmer les oreilles. Il n’y a pas de musique. Pourtant, dans un coin, il y a une cithare. Un homme a posé sa main dessus et dort ainsi, profondément. Cet homme n’est pas n’importe qui : il a gardé sur la tête une couronne... qui ne lui sert pas plus que la cithare à laquelle il s’accroche. Cet homme a d’abord été le petit David musicien qui s’occupait des moutons de son père. Puis il est devenu roi d’Israël... un grand roi.
    David, tout à coup, sort de son sommeil et se met à chanter :
    « La ténèbre n’est pas ténèbre devant toi, la nuit comme le jour est lumière. » (Ps 139:12)
    Puis David se met à danser en tournoyant comme le jour où il s’est installé à Jérusalem :
    -    « Mon âme, bénis l'Éternel! Que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom!  Mon âme, bénis l'Éternel, Et n'oublie aucun de ses bienfaits ! » (Ps 103:1-2).

    MUSIQUE

    Dans le pays de l’ombre, personne ne parle. Les mots ont été tués. Il est interdit de s’exprimer. Il n’y a aucune place pour la parole venant du cœur. Quand Esaïe est arrivé dans ce pays-là, il a eu beaucoup de mal à se taire. Même couché là, au milieu des autres, il parle encore. Car Esaïe est un prophète, c’est-à-dire celui qui parle devant, au nom de Dieu. Alors, Esaïe parle en dormant... c’est à peine si on l’entend... de toutes façons, entend-on les prophètes, même quand ils sont réveillés ? Soudain, Esaïe se dresse et crie :
    -    « Pour l'amour de Sion je ne me tairai point, Pour l'amour de Jérusalem je ne prendrai point de repos. Jusqu'à ce que son salut paraisse, comme l'aurore, Et sa délivrance, comme un flambeau qui s'allume. » (Es 62:1)
    Jérémie, qui dort non loin de là le fait taire :
    -    Chut ! Esaïe ! Tu sais bien que Jérusalem passe ses nuits à pleurer, que les larmes couvrent ses joues. Personne ne la console, tous ses amis l’ont trahie.
    -    Non, Jérémie, je ne me tairai pas ! Le Seigneur vient : « Le Seigneur lui-même vous donnera un signe, Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils, Et elle lui donnera le nom d'Emmanuel. » (Es 7:14) 
Je vous le dit, à tous, à chaque habitant du pays de l’ombre : « Lève-toi, sois éclairé, car ta lumière arrive, Et la gloire de l'Éternel se lève sur toi. » (Es 60:1)

    Tandis que le prophète parlait « on entendit le bruit d’un grand remue-ménage » (Ez 37:7) et les habitant du pays de l’ombre « reprirent vie. Ils se dressèrent sur leurs pieds et ils formaient une foule nombreuse » (Ez 37:10) comme le dirait Ezéchiel.
    Et on vit Sarah et Abraham suivre une étoile, on vit Jacob écouter des anges, on vit Çippora et Moïse habillés en bergers s’avancer vers une pauvre étable avec leurs moutons.
    Et on vit Adam, Noé et David, habillés de riches vêtements et couronnés d’or apporter des cadeaux à un enfant couché dans une crèche.
    Et on entendait au loin Esaïe dire :
    - Viens Jérémie ! Je te l’ordonne ! Viens ! Tu ne vas quand même pas laisser passer la Lumière du monde sans te bouger !
    -    La Lumière du monde ?
    -    Oui ! Regarde ce bébé, là-bas, entre son père et sa mère ! Il est la Lumière du monde !
    -    Ce bébé ? Je ne comprends pas !
    -    Tu comprendras plus tard ! Viens ! Allons adorer l’enfant qui vient de naître !
    - - - - -
    d’après Marie-Françoise Chauveau, original sur : http://ursulines.union.romaine.catholique.fr/Adam-Reveille-toi
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Esaïe 4. Un reste, un germe ? Un trésor.

    Esaïe 4
    13.10.2013
    Un reste, un germe ? Un trésor.
    Esaïe 4 : 2-6      Marc 4 : 30-34
    Téléchargez la prédication ici : P-2013-10-13.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans le dernier journal Bonne Nouvelle (oct 2013, p.17) il y a un article intitulé « La religion des vaudois » accompagné de graphiques qui montrent les pourcentages confessionnels en l’an 2000 et 2010. En bref, on voit que les catholiques restent stables à 31 % quand, dans le même temps, les protestants diminuent, passant de 42 à 29 % de la population résidant dans le canton. Les sans confession doublent leur part de 13 à 26 % pendant la même période.
    Le nombre de protestants est donc en diminution… qu’en penser ? D’abord, j’aimerais vous remercier d’être là dans cette église, parce que vous êtes les protestants fidèles qui faites vivre l’Eglise. Il n’y a donc pas lieu de se culpabiliser et de sombrer dans le pessimisme et les lamentations. Je préfère être reconnaissant de votre présence. Mais nous devons tout de même réfléchir à notre situation et à notre avenir de protestants dans la société.
    J’aimerais mettre notre situation en perspective avec d’autres situations où les croyants se sont trouvés minoritaires. On trouve quelques exemples dans la Bible et dans l’histoire.
    Dans la Bible, on nous présente le peuple hébreu en Egypte, oppressé par le pharaon et obligé de fuir dans le désert vers la terre promise. On nous présente le prophète Elie, prophète minoritaire, resté fidèle, opposé aux prophètes de Baal. On nous présente les rescapés de l’Exil à Babylone, minoritaires de retour à Jérusalem et en Israël. C’est justement la situation que nous avons entendue dans le texte d’Esaïe qui nous a été lu.
    Puis, il y a eu les disciples de Jésus, dont on voit le début du parcours dans le livre des Actes des Apôtres. On peut penser ensuite à des mouvements à l’intérieur de l’Eglise, comme les franciscains, les dominicains, les vaudois de Pierre Valdo et enfin les Réformés, minoritaires, mais très influents.
    Que nous disent ces paroles d’Esaïe à propos des rescapés, du « reste » revenu de Babylone et qui a de la peine à vivre sa foi en Israël ? Esaïe parle de ce qui reste, mais il en parle en terme de « germe » qui va porter du fruit. Ils seront porteurs de la gloire de Dieu, ils pourront être fiers (Es 4:2), ils recevront le titre de « saint », de « consacrés au Seigneur » et ils verront leurs noms inscrits dans son livre de vie (v.3). Leur mémoire ne sera pas perdue, leurs noms seront sauvegardés. Ceux qui avaient l’air de n’être qu’un reste, ceux qui avaient l’air d’être délaissés, abandonnés, Esaïe nous dit que Dieu les sauvegardera, qu’ils ne seront pas oubliés.
    Dieu va procéder à une purification, par le moyen d’un vent de justice dit la traduction, mais il s’agit de l’esprit de Dieu qui va souffler, l’esprit prophétique, celui que nous nommons l’Esprit-saint qui rétablira la justice (v.4).
    Esaïe n’indique pas ce que les rescapés doivent faire. Il ne donne pas de mode d’emploi pour que le germe devienne plante et porte du fruit. Esaïe rappelle seulement l’action de Dieu (v.5). Il dit que Dieu va créer à nouveau — allusion à Genèse 1 et à la création du monde. Esaïe mentionne que Dieu va à nouveau créer la nuée qui accompagnait les hébreux pendant l’Exode le jour, et la fumée et le feu qui les accompagnaient la nuit.
    En rappelant la création et la nuée, Esaïe renvoie les fidèles de Jérusalem à leurs sources, aux récits qui décrivent l’action de Dieu pour leurs pères. Esaïe suggère de venir repuiser aux sources qui nous ont désaltérées et restaurées précédemment. 
    Revenir aux sources de la foi de la Genèse et de l’Exode, de la Bible toute entière pour nous. Le germe se trouve dans la graine. La sève se trouve dans la souche, dans les racines enfouies et qui dorment près de l’eau de source.
    Quand Esaïe parle de re-création, il mentionne qu’elle va avoir lieu sur la montagne de Sion et sur l’assemblée qu’il a convoquée. Pour désigner cette assemblée, Esaïe utilise un mot hébreu qui sera traduit ensuite en grec dans la LXX (la Septante, l’Ancien Testament traduit de l’hébreu en grec) par le mot « ekklesia » qui a donné notre mot « église » — assemblée appelée, convoquée pour écouter Dieu.
    Le message d’Esaïe s’adresse donc particulièrement à nous, petite assemblée qui avons entendu l’appel de Dieu, petit reste, petit germe que Dieu appelle et recrée toujours à nouveau. C’est à ce germe que Dieu promet d’être porteur de sa gloire, de son éclat. Comme la graine de moutarde devient un arbre dans lequel viennent habiter les oiseaux (Mc 4:32).
    Mais la promesse porte aussi sur la protection. Le dernier verset (v.6) promet une hutte, un toit qui protège aussi bien des ardeurs du soleil qui fait dépérir, que de la violence des orages qui emporte tout sur son passage.
    Même si nous sommes peu nombreux, Dieu veille sur nous et nous protège. Il nous invite à retourner aux sources de notre foi. Qu’est-ce qui nous a touché dans le message de l’Evangile ? Qu’est-ce qui nous a mobilisé, appelé, convoqué ? Qu’est-ce qui nous ressource, nous nourrit, nous enrichit ?
    Cela n’est-il pas un trésor que nous pouvons partager avec ceux qui vivent autour de nous, avec ceux que nous côtoyons ? Si l’Evangile nous nourrit, pourquoi le taire ? Pourquoi ne pas dire simplement ce que nous en retirons ? Pourquoi ne pas transmettre à nos enfants, petits-enfants, ce qui nous fait du bien, ce qui nous donne de la force, ce qui nous aide à franchir les obstacles et les difficultés de la vie ?
    Nous avons reçu un trésor, il est en germe, il promet beaucoup de fruits : contribuons à sa germination.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2013

  • Actes 11. Eglises en situations minoritaires : quels enseignements ?

    Actes 11
    1.7.2012
    Eglises en situations minoritaires : quels enseignements ?
    Esaïe 4 : 2-6      Actes 11 : 19-26

    Téléchargez la prédication ici :P-2012-07-01.pdf           

    Photo :Le clocher de l'église catholique d'Antakya


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, antioche,paul et barnabas,esaïe,antakya,actes,prédication,evangile,spiritualité,protestant,vie spirituelle,bible,nouveau testament,ancien testament,éducation,foi,amour,dieu,jésus,jésus-christ,réformé,eglise
    J'ai eu le privilège, il y a trois semaines, de faire un voyage en Turquie, dans le cadre de la formation continue des ministres. Nous avons fait une étape à Antakya, la ville d'Antioche dont parle le livre des Actes.  Le but de ce voyage était de rencontrer les minorités chrétiennes de cette région, leur apporter nos salutations et recueillir leurs enseignements par rapport à leur situation. L'entier du voyage donnera lieu à une conférence que nous organiserons cet automne dans la paroisse.
    Ce matin, c'est dans une réflexion sur le contraste des situations que j'aimerais vous conduire. Entre la situation dépeinte par Esaïe, celle d'Antioche avec Paul et Barnabas, celle d'Antakya aujourd'hui et enfin la nôtre.
    Le prophète Esaïe décrit la situation des rescapés de l'Exil. Ils sont une petite minorité, ils ont été persécutés, passés au crible et sont finalement de retour sur la terre de Jérusalem. Mais il n'y a rien de triomphant. Ils ne sont qu'un reste fragile. Mais le prophète préfère parler d'un germe plutôt que d'un reste. Il parle d'une jeune pousse qui est appelée à grandir. Ce qui se profile, ce que Dieu veut recréer, ce que Dieu veut rendre aux rescapés, c'est leur éclat, leur gloire, leur fierté, leur prestige (Es 4:2).
    Ce qui n'a aucune valeur aux yeux du monde n'est pas sans valeur aux yeux de Dieu, au contraire. Dieu assure à ce petit reste qu'ils font bien partie de l'assemblée que Dieu convoque, son Eglise. Il leur promet abri et protection, sous la même forme que pendant l'Exode : la nuée le jour et le feu la nuit pour éclairer leur chemin.
    Ce texte d'Esaïe rappelle donc qu'aucune situation n'est jamais acquise : le peuple d'Israël a été envoyé en Exil, mais il nous rappelle aussi que Dieu veille sur son peuple et qu'il rétablit ceux qui lui restent fidèles. Même s'il ne subsiste qu'un reste, Dieu en prend soin et crée les conditions d'un nouveau développement.
    Le récit des Actes nous montre ce même mouvement, mais avec le déploiement et la croissance qui suivent. Un schéma récurrent du Livre des Actes, c'est que les persécutions contre les disciples de Jésus sont toujours l'occasion d'un nouveau déploiement de la Parole, une nouvelle occasion d'annoncer l'Evangile toujours plus loin.
    La persécution autour d'Etienne conduit les chrétiens à s'enfuir de Jérusalem en Judée et en Samarie d'abord, et plus loin jusqu'à Antioche et Chypre ensuite. Une nouvelle communauté s'y développe avec l'aide de Paul et Barnabas.
    Et c'était très émouvant de se retrouver là-bas, à Antakya-Antioche, dans une rue — évidemment goudronnée et pleine de voitures — mais une rue qui suit l'axe de la route romaine de l'époque (qui doit se retrouver quelques mètres plus bas sous le goudron — une route qui passe devant la synagogue actuelle qui doit s'ériger sur les fondations de la synagogue de l'époque.
    C'est là que le message de Jésus a été annoncé. C'est dans cette ville que l'Evangile a été ouvert aux grecs, aux romains, aux non-juifs. C'est là — comme le dit le Livre des Actes — que des disciples de Jésus ont été appelés "chrétiens", "ceux du Christ, du Messie", pour la première fois.
    Une nouvelle identité accompagnée d'une extension de la prédication de l'Evangile a eu lieu là !
    Et puis, aujourd'hui, il y a à Antakya des Eglises ultra-minoritaires, mais qui ont une petite place bien à elles. Des Eglises qui ont conscience et qui disent que l'œcuménisme est une obligation pour leur survie, tout comme le dialogue interreligieux.
    Evidemment, cela nous fait réfléchir sur notre situation, sur la situation de notre Eglise — EERV cantonale et paroisse locale. Que vivons-nous aujourd'hui ici ? Notre situation est en même temps enviable et préoccupante.
    Elle est enviable parce que nous vivons dans une société tolérante et de culture chrétienne. Elle est enviable parce que nous recevons un large soutien de l'Etat, des Communes et des institutions. Imaginez seulement : si votre offrande devait couvrir les salaires de vos pasteurs, l'entretien du Temple, le défraiement des organistes, etc…
    Mais notre situation est préoccupante parce que le confort nous a endormis. Vous moins que d'autres puisque vous êtes-là et que vous avez le souci de l'Eglise. Mais tous ces "croyants pas pratiquants" qui tiennent tellement à ce que l'Eglise soit au milieu du village, mais juste pour la regarder, pas pour y entrer.
    Depuis deux décennies, le nombre de fidèles engagés diminue, le nombre de bénévoles diminue, le nombre de catéchumènes diminue, même le nombre d'enterrements diminue. Et puis, en terme de pensée, qui peut encore définir l'identité protestante, ou même l'identité chrétienne ?
    Il y a eu une défection au niveau de la transmission ! Et là, nous avons beaucoup à apprendre de ces Eglises ultra-minoritaires, sur leurs exigences vis-à-vis de ceux qui demandent un acte à leur Eglise. Un des prêtres nous disait qu'il demandait trois à six mois de fréquentation de la messe avant de pratiquer un baptême, pour l'enseignement et pour éprouver la solidité de la demande.
    Nous avons à réaliser que l'Eglise protestante est devenue minoritaire dans notre Canton. Il n'y a plus de situation acquise une fois pour toute. Nous avons besoin de mobilisation, nous avons besoin de tester notre fidélité. Nous avons à relire l'Evangile et voir combien il se démarque des discours du monde d'aujourd'hui. Pas pour nous replier sur nous-mêmes, mais parce que l'Evangile a des valeurs à offrir, des valeurs que recherchent nombre des dégoûtés du monde actuel, nombre des indignés face aux rapaces, aux prédateurs de notre économie, face aux dévastateurs de notre planète.
    Nous avons à plonger en nous-mêmes pour nous demander — non pas où sont les fautes ou les responsabilités passées — mais pour nous demander ce que nous apporte l'Evangile. Ce que m'apporte l'Evangile n'est-il pas bon aussi pour mon voisin ? La source qu'est l'Evangile pour moi ne peut-elle pas aussi être source pour d'autres ? Pourquoi est-il si difficile de le communiquer, d'en témoigner ?
    Prenons exemple sur ces Eglises ultra-minoritaires pour nous réveiller, pour être le germe dont parle Esaïe, celui qui va croître et porter du fruit, avec le soutien de Dieu. Soyons fiers — comme ceux d'Antioche — de porter le nom de chrétiens !
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Esaïe 40. La bonne nouvelle de Jésus-Christ : une libération intérieure

    Esaïe 40
    4.12.2011

    La bonne nouvelle de Jésus-Christ : une libération intérieure

    Esaie 40 : 9-11    Marc 1 : 1-8

    Pour télécharger la prédication :P-2011-12-04.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Les deux textes bibliques que vous venez d'entendre se recoupent sur l'annonce de la Bonne Nouvelle. Autant Esaïe que Marc proclament que la bonne nouvelle se fait entendre, et c'est bien ce que nous voulons vivre dans ce temps de l'Avent.
    Esaïe nous dit : "Peuple de Jérusalem… tu es chargé d'une bonne nouvelle… : « Voici ton Dieu ! »" (Es 40:9) et Marc ouvre son Evangile en disant : "Ici commence la bonne nouvelle qui parle de Jésus-Christ" (Mc 1:1).
    Ce mot "bonne nouvelle" en grec se dit Evangelion, ce qui a donné notre mot Evangile. L'Evangile est une bonne nouvelle pour le monde, une bonne nouvelle déjà annoncée au peuple d'Israël dans l'Ancien Testament. Particulièrement par le prophète Esaïe.
    Les premiers chrétiens — et nous à leur suite — ont beaucoup puisé dans le livre d'Esaïe pour comprendre le ministère de Jésus. C'est spécialement dans la deuxième partie du livre d'Esaïe (les chapitres 40—55) que nous trouvons des textes qui ont été compris comme annonciateurs du Messie, du Christ. Cette partie du livre d'Esaïe a été écrite à la fin de l'Exil à Babylone (vers 540 av. J.-C.). Le roi de Perse Cyrus a défait les Babyloniens et va permettre aux juifs exilés de retourner à Jérusalem. Le prophète Esaïe annonce ces bonnes nouvelles de libération au peuple des exilés.
    Ces paroles de consolation après le malheur, ces paroles d'annonce du libérateur, de la libération, on été reportées, plus tard, sur le Messie qui devait encore venir, et finalement sur Jésus. C'est pourquoi nous les reprenons pendant le temps de l'Avent.
    Une autre série de paroles du Second Esaïe ont été comprises comme s'appliquant à Jésus, ce sont les poèmes du Serviteur souffrant. Ces poèmes ont permis de comprendre le mystère de la croix. Ainsi, les annonces de libération sont reprises traditionnellement pendant le temps de l'Avent et de Noël et les poèmes du Serviteur souffrant sont reprises pendant le temps de la Passion.
    Revenons à notre texte d'Esaïe. Il s'adresse aux exilés et leur annonce que Dieu vient vers eux depuis Jérusalem. Dieu vient les rechercher pour les ramener dans leur pays. C'est la bonne nouvelle de leur libération et de leur retour.
    Lorsque Marc — au début de son Evangile — reprend le même vocabulaire pour annoncer Jésus-Christ, il annonce aussi une libération, mais il y a un glissement de sens. Certaines personnes, même certains disciples ont cru — au début — que Jésus allait libérer le peuple d'Israël de l'occupation romaine. Mais Jésus a beaucoup travaillé pour dissiper ce malentendu.
    Si la libération d'Esaïe était politique et extérieure, la libération apportée par Jésus n'est pas de même nature. La libération par Cyrus qu'annonçait Esaïe n'a d'ailleurs été que temporaire, elle n'a concerné qu'une seule génération. Elle ne touche pas le fond, elle ne touche pas l'aspiration profonde de l'humanité.
    Ainsi, l'Evangile nous apporte une autre forme de libération, c'est la libération d'une occupation sans soldats, c'est la libération d'une occupation intérieure, c'est la libération d'un exil intérieur, c'est la libération d'une aliénation intérieure. Chaque fois que nous avons l'impression de ne pas être nous-mêmes, de ne pas faire ce que nous aspirons à faire au fond de nous-mêmes, nous avons alors besoin de cette libération.
    Et le temps de l'Avent est ce temps où nous essayons de nous recentrer sur cette attente, sur cette aspiration profonde d'une libération intérieure, toujours à recommencer. L'aspiration à une rencontre qui fasse la lumière en nous.
    Ainsi il y a un glissement d'Esaïe à Jean Baptiste et de Jean Baptiste à Jésus-Christ et un passage de l'extérieur à l'intérieur, un passage du baptême d'eau au baptême de l'Esprit.
    Ce passage se fait par un retournement radical. Esaïe annonçait que Dieu venait avec sa force, avec son bras de domination. L'évangile de Noël nous présente un nourrisson dans une crèche ! Le retournement, c'est la substitution de la puissance de l'épée par l'impuissance de l'amour. Ce que nos contemporains — et souvent nous-mêmes — n'arrivent toujours pas à comprendre ! Pourquoi Dieu n'arrête-t-il pas les guerres ? Pourquoi Dieu n'empêche-t-il pas la mort des innocents ? Pourquoi Dieu n'intervient-il pas ? Oui, ce retournement nous reste toujours incompréhensible, parfois inacceptable.
    Pourtant, il y a aussi de la continuité entre Esaïe et l'Evangile. Esaïe annonce la venue de Dieu sous la forme d'un berger, image que Jésus reprendra dans ses discours. Et cela donne sens au choix des premiers adorateurs de Jésus dans la crèche : les bergers invités par les anges à découvrir le nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche.
    Le berger est en même temps celui qui conduit, celui qui dirige le troupeau, donc une figure forte, et en même temps— comme souligné par Esaïe — celui qui soigne son troupeau, celui qui se préoccupe des bêtes les plus faibles, les agneaux et les brebis qui allaitent.
    Force et délicatesse, ensemble, telle est l'image de ce Dieu qui vient à nous pour nous libérer, pour nous dire son amour.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2011

  • Esaïe 11. Dans l'attente d'un changement pour notre monde.

    Esaïe 11

    5.12.2010
    Dans l'attente d'un changement pour notre monde.
    Es 11 : 1-10,   Mt 3 : 1-6
    Téléchargez la prédication : P-2010-12-05.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En ce deuxième dimanche de l'Avent, nous sommes dans l'attente, dans l'impatience, dans l'espérance d'un changement pour notre monde. Cette attente d'une transformation du monde, d'un changement de vie est déjà présente dans l'Ancien Testament et particulièrement chez le prophète Esaïe. Cette attente est exprimée par la promesse d'un rejeton.
    Il faut imaginer la souche d'un arbre qui est restée en terre. L'arbre a été abattu, enlevé. Et il ne reste que la souche et les racines. Il n'y a là que souche morte, triste reste d'un arbre qui avait déployé sa ramure, mais n'est plus.
    Mais là où l'on pensait qu'il n'y avait plus rien à attendre, à espérer, surgit une pousse, un rameau, un nouvel arbre ! De ce qui était mort — cru mort — surgit la vie. "Du vieux tronc d'Isaï, un frais rameau jaillit" dit le cantique. Isaï ou Jessé, c'est le père de David. De la souche du grand roi d'Israël va surgir un nouveau Messie, qui transformera le monde.
    La transformation du monde nous est présentée sous forme d'images. Images de paires d'animaux que tout oppose : le loup et l'agneau, la panthère et le chevreau, le veau et le lionceau, la vache et l'ourse, le lion et le bœuf, le nouveau-né et la vipère, le petit garçon et l'aspic.
    Ces images nous disent que l'incompatible va coexister en paix, ensemble. Le carnivore avec l'herbivore, le prédateur avec la proie, l'innocent avec le tueur. Le changement annoncé est un bouleversement complet de l'ordre naturel, un renouveau complet, total des relations établies.
    Ces images sont des métaphores prises dans la nature pour nous parler de nos relations humaines. C'est une dénonciation de nos rapports humains quand ils s'expriment comme des rapports fondés sur la loi de la jungle, la loi du plus fort. Le bouleversement annoncé, c'est que les paires incompatibles vont pouvoir vivre ensemble. C'est l'abolition des rapports de force, de domination. C'est l'abolition de la peur, de la crainte, de la terreur.
    Qui va pouvoir vivre ensemble ? Transposons les images animales en rapports humains. Vont vivre ensemble : locataires et propriétaires, automobilistes et piétons, employés et patrons, jeunes et vieux dans les bus ou les trains, amateurs de musique bruyante et amateurs de silence, promoteurs et écolos, et pourquoi pas, allons jusque-là, Suisses et étrangers.
    Voilà qui est bien utopique. Mais le texte biblique est d'accord sur cela ! C'est utopique, c'est au-delà des forces humaines. Pour réaliser cela, il faut un nouveau Messie, il faut une intervention divine, un envoyé de Dieu.
    Le texte est réaliste. On part d'une souche qui a tout l'air d'être morte, desséchée, incapable de produire de la vie. Et pourtant, c'est le point de départ de Dieu. Dieu prend l'impossible comme point de départ, parce que c'est la situation réelle et qu'il est inutile de penser commencer ailleurs, il n'y a pas d'ailleurs. Il n'y a pas d'ailleurs que notre monde, notre société, notre nature humaine.
    C'est la souche, c'est la pâte de départ et c'est à partir de là que Dieu agit. C'est à partir de nous — hommes pécheurs — que Dieu agit. C'est nous qu'il vient transformer, mais pas sans nous ou contre nous.
    Voulons-nous que le monde change ? Commençons par nous-mêmes, commençons par accepter de nous voir tels que nous sommes : tantôt prédateurs, tantôt proies, tantôt vipères, tantôt vulnérables comme un nouveau-né. Acceptons que ce changement vient de Dieu et pas de nous-mêmes, de nos propres forces.
    Dieu envoie son Messie, le porteur de son Esprit, pour nous transformer, pour que nous le suivions, pour être inspirés. Ce Messie est le porteur de l'Esprit de Dieu, de l'Esprit de sagesse.
    Nous sommes dans le temps de l'Avent, de l'attente pour recevoir le porteur de cet Esprit, pour prendre modèle sur lui, pour apprendre la sagesse et le discernement, pour voir plus large, voir de plus haut, ne plus nous laisser pièger par les rapports de force, pour nous ouvrir à l'esprit messianique qui ne juge pas selon les apparences — Jésus dira même de ne pas juger du tout.
    Prenons du temps pendant ce mois de décembre pour voir ce que Dieu peut transformer en nous, quelle souche Dieu peut revivifier, ce qu'il peut faire renaître en nous : pour que nous soyons transformés, pour que notre vie soit changée et que le monde en soit rendu plus habitable.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • Esaïe 56. En attendant que Dieu nous rassemble tous ensemble devant Lui.

    Esaïe 56

    8.11.2009
    En attendant que Dieu nous rassemble tous ensemble devant Lui.
    Es 56 : 1-8    Jn 4 : 19-30    

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pour comprendre les paroles du livre d'Esaïe que nous venons d'entendre, il faut expliquer les circonstances qui prévalent lorsqu'elles sont dites. Ces paroles ouvrent la troisième partie du livre d'Esaïe, celle écrite après le retour de l'Exil à Babylone.
    Bref rappel des faits. En 587 av. J.-C. l'empire babylonien s'empare de Jérusalem, détruit le Temple de Salomon et déporte les élites du pays vers Babylone. Une partie des Israélites se réfugie en Egypte. C'est donc une dispersion et un exil. En 540, les Perses — avec Cyrus à leur tête — défont les babyloniens et permettent aux israélites de rentrer chez eux à Jérusalem.
    La situation au retour est difficile : (i) il s'est passé près de 50 ans entre le départ et le retour. (ii) Sur place les maisons et les terres des exilés ont été occupées, par ceux qui sont restés ou par des populations voisines, étrangères. (iii) Ceux qui arrivent d'exil de Babylone ou de leur refuge en Egypte sont des "secondos" ou des 3e générations. Ils ne sont pas bien accueillis. Ils ne sont pas reconnus comme des "autochtones", mais vus comme des étrangers.
    Il y a donc au moins trois catégories de personnes qui habitent le pays :
    - Les Israélites qui ne sont pas partis. Ils sont considérés comme des sortes de traîtres ou de collaborateurs par les exilés.
    - Les populations voisines qui ont profité du vide pour s'installer. Ils sont vus comme des étrangers et des païens.
    - Ceux qui reviennent, porteurs de leurs souffrances d'exilés ou de réfugiés, qui s'attendent à être accueillis et fêtés, mais qui sont vus comme dérangeants et quasi étrangers.
    Tout cela est générateur de tensions, tensions ethniques et tensions religieuses. Chacun essaie de justifier son droit à habiter le pays. C'est la période où chacun se construit une généalogie et des racines pour justifier sa place, son bon droit.
    C'est là que la Parole de Dieu est adressé au prophète pour dire à tous :
    "Mon salut vient pour ceux qui respectent le droit et pour ceux qui pratiquent la justice."
    Peu importe la généalogie, la provenance, l'origine, ce qui compte aux yeux de Dieu, c'est le droit, la justice et le respect du sabbat, c'est-à-dire de faire une place à Dieu dans sa vie. Et le prophète donne des exemples où la pensée de Dieu diffère de la pensée humaine : le sort de l'étranger et le sort de l'eunuque. Les deux ont une place dans le peuple de Dieu.
    C'est tout à fait choquant, c'est un retournement des positions précédentes ! Le Deutéronome (Dt 23:2) exclut les hommes mutilés de l'assemblée du culte. Il exclut même tous les handicapés du service dans le Temple (Lév 21:16-23). Et voilà que Dieu change la Loi. Même les eunuques, même les handicapés ont une place dans le peuple de Dieu, dans le service du Seigneur ! Halte à l'exclusion, à la discrimination, les exclusions sur l'apparence physique sont terminées.
    Et il en est de même avec les étrangers, continue le prophète. Ils sont inclus dans l'alliance de Dieu. Le mot d'ordre final c'est : "J'en ai déjà rassemblés, j'en rassemblerai d'autres encore." (Es 56:8).
    Et c'est bien ce qui va se passer avec Jésus. Jésus va lui-même reprendre ce passage d'Esaïe : "La maison de mon Père est une maison de prière pour tous les peuples." (Mc 11:17). Et comme toujours, Jésus le réalise en acte aussi.
    Il a toujours refusé l'exclusion par le handicap : il touche les aveugles et les sourds, il s'approche des lépreux. Il abat également les barrières des origines. Il guérit le serviteur d'un centurion romain, il va manger avec Zachée le collabo, il guérit la fille de la femme cananéenne et parle avec la Samaritaine.
    On voit par ces rencontres la liberté incroyable de Jésus. Les humains, les religieux mettent des barrières partout : entre les peuples, entre les hommes et les femmes, entre les confessions et les religions. Jésus, dans ses relations, casse toutes ces barrières. Il est libre, totalement libre. Et il nous invite à cette même liberté.
    Dans le dialogue avec la Samaritaine, il est question de lieux de culte, ceux autorisés et ceux qui ne le sont pas. Et Jésus sort de cette logique. L'important, c'est d'adorer Dieu en esprit et en vérité. Chacun peut adorer Dieu dans son lieu, ce qui se passe dans le présent n'est pas important. Chacun peut adorer Dieu dans son lieu, jusqu'à ce que la révélation finale nous rassemble tous devant le Très-Haut.
    En attendant — semble nous dire Jésus — pas de discriminations, pas de vexations inutiles, pas de limitations humiliantes. Vivons de l'espérance du grand rassemblement final, ne soyons pas des obstacles au rapprochement, dans le présent, en dressant des barrières inutiles.
    Faisons ce que Dieu nous demande : "Respectez le droit et pratiquez la justice, car le salut que j'apporte est proche." (Es 56:1)
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009