Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

romains

  • Commencement de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, le Fils de Dieu

    Marc 1

    15.1.2017

    Commencement de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, le Fils de Dieu

    Esaïe 40 : 9-11     Galates 3 : 5-9        Marc 1 : 1-8

     

    Télécharger le texte : P-2017-01-15.pdf

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Noël et l’Epiphanie nous ont successivement fait entendre les débuts des Evangiles de Luc et de Matthieu. Luc avec le récit de la crèche et Matthieu avec le récit des mages. Des récits qui ouvrent ces deux Evangiles dans le but de nous dire — dire à leurs lecteurs — qui est Jésus, d’où il vient, ce qu’il a de particulier, de spécifique.

    L’Evangile selon Marc, dont nous avons entendu les premières lignes, a la même intention : nous faire connaître Jésus-Christ, mais il le fait sans remonter à ce qui précède le ministère de Jésus. Malgré tout — dans sa première phrase, Marc nous livre un premier portrait de Jésus et de ses intentions de rédacteur du premier Evangile.

    Avant de reprendre cette première phrase en détail, quelques mots sur la chronologie entre Jésus et Marc. On entend souvent dire que les Evangiles ne peuvent pas être fiables, parce qu’ils n’ont pas été écrits du vivant de Jésus. L’Evangile selon Marc date des années 70 à 75 de l’ère chrétienne. Si Jésus est mort entre 33 et 36, cela signifie qu’il s’est écoulé entre 35 et 40 ans entre les événements et la mise par écrit de ces événements. Rapporté à notre époque, c’est comme si on écrivait aujourd’hui le récit de ce qui a été vécu, par soi-même ou par des témoins directs, entre 1975 et 1980. Ce n’est donc pas si éloigné que cela !

    Revenons au verset qui ouvre l’Evangile selon Marc : « Ici commence la bonne nouvelle de Jésus-Christ, le Fils de Dieu. » (Mc1:1) On ne peut manquer de reconnaître le parallèle avec le début de l’Ancien Testament, les premiers mots de la Genèse : « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. » Marc fait un clin d’œil au début de la Bible. Il est conscient de faire œuvre de pionnier, d’ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire divine, le début d’une nouvelle ère, ouverte par Dieu lui-même et qui marque une nouvelle création, un nouveau temps dans la révélation.

    On pourrait dire qu’avec la venue de Jésus commence l’ère spirituelle après l’ère terrestre. C’est le commencement d’une relation toute nouvelle à Dieu. Cette nouvelle ère commence avec la venue de Jésus qui est qualifiée de bonne nouvelle — évangile en grec. Pour voir en quoi cette venue est une bonne nouvelle, il faut d’abord se pencher sur celui qui vient, ce que Marc dit de ce Jésus.

    Jésus est d’abord qualifié de « Christ ». Pour nous, « Jésus-Christ » est devenu comme un prénom et un nom de famille. Mais cela n’a pas tout de suite été si familier. Cela a un sens, c’est porteur d’un message, d’une confession de foi. Dire Jésus-Christ, cela signifie dire que ce Jésus, le fils de Marie et du charpentier, qui a erré sur les routes de Galilée et qui a été exécuté comme un malfaiteur à Jérusalem, ce gars-là, et bien, il est le Messie annoncé dans la Torah, il est le Messie attendu par les juifs pratiquants, il est le Messie qu’on attendait (plutôt dans la gloire) mais qui s’est révélé serviteur souffrant, perdant pendu au bois et par conséquent maudit de Dieu (Ga 3:13).

    Ce n’est pas rien de dire que ce Jésus-là, on le reconnaît — par delà les apparences trompeuses — comme le Messie, comme l’envoyé de Dieu. Parler de Jésus-Christ, c’est rattacher ce Jésus à toute la tradition juive, à l’Ecriture sainte — de la Genèse aux Chroniques en passant par tous les prophètes. Jésus-Christ est une appellation à destination des juifs, des descendants d’Abraham, de la tradition biblique.

    Marc ajoute à ce titre celui de Fils de Dieu. Cette notion est étrangère à l’Ancien Testament (mention mythologique en Gn 6:2 où les fils de Dieu choisissent des filles des hommes), à l’idée du Dieu unique. Marc ajoute ce titre à l’attention des grecs et des romains. Eux sont familiers avec les familles de dieux et à l’idée qu’on désigne par ce terme des humains qui représentent la voix des dieux parmi les humains. Ainsi certains héros fondateurs, comme Enée pour les Romains, sont des descendants des dieux. Ces liens, ces généalogies n’ont rien de biologiques, elles marquent une proximité d’action ou de pensées.

    Pour nous aussi, il est important de renoncer à toute idée de filiation biologique dans l’usage du titre « Fils de Dieu » pour Jésus. Ce titre indique la communauté d’idée, la proximité de pensée et l’intimité, la communion de pensée.

    Lorsque Jésus nous parle de Dieu, il nous le montre avec une connaissance intime, une proximité qui fait qu’on ressent qu’il dit vrai, qu’on peut reconnaître Dieu dans ses paroles. Il exprime vraiment la pensée de Dieu, il nous transmet ce que Dieu est et ce qu’il veut nous dire. Dans ce sens ce titre — qui est devenu plutôt un obstacle pour nos contemporains — exprime la position du fils spirituel, de l’héritier.

    Dans le domaine politique — celui qui porte le message du chef, du président serait appelé plutôt : ministre ou ambassadeur ou représentant. Si le président des Etats-Unis veut dire quelque-chose à la presse, il envoie son porte-parole qui s’exprime en son nom. Ainsi, ce que Marc voulait dire par le titre de Fils de Dieu à l’attention des gréco-romains, c’est que Jésus est le porte-parole véridique de Dieu.

    Marc utilise seulement trois fois ce titre dans son Evangile. Ici dans ce premier verset. Une fois lorsque des démons s’adressent à Jésus en l’interpellant et Jésus les fait taire, parce que son heure n’est pas encore venue. Et finalement dans la bouche de l’officier romain qui garde la croix. Jésus vient de mourir et le Centurion confesse : « Cet homme était vraiment le Fils de Dieu. » Cet homme, qui meurt là dans ces conditions, était le vrai porte-parole de Dieu. Ce qui signifie que nous avons à l’écouter pour être dans la vraie relation avec Dieu.

    Et c’est là la bonne nouvelle, l’évangile : toutes les valeurs sont renversées, sont mises sens dessus-dessous. Pas besoin d’une vie de héros pour être aimé de Dieu. Pas besoin d’une vie d’obéissance stricte à la loi pour être aimé de Dieu. Il suffit de recevoir l’amour de Dieu, d’accepter de le recevoir, de reconnaître d’en avoir besoin, pour que l’amour de Dieu coule vers nous.

    L’apôtre Paul, que Marc a côtoyé dans un de ses voyages, l’exprime dans les catégories de la loi et de la foi. La loi exprime tous les efforts que nous faisons pour nous conformer à un certain modèle pour plaire aux autres et à Dieu. Cela ne peut que nous conduire à l’épuisement et à la dépression. Jamais nous ne serons parfaits et suffisants. Ce chemin est non seulement voué à l’échec, mais inutile. Ce n’est pas ce que Dieu nous demande.

    La bonne nouvelle, c’est que Dieu veut seulement que nous soyons nous-mêmes, acceptant que notre vie a déjà de la valeur à ses yeux, tels que nous sommes. Nous sommes ses enfants, ses héritiers, pas ses esclaves (Ga 3:29). Nous pouvons vivre de cette liberté, de cet héritage déjà acquis, déjà présent — souvenons-nous du fils aîné de la parabole des deux fils (Luc 15). Tout est là, autour de nous, à notre disposition. Le veau gras est là, disponible, déjà donné pour nous réjouir avec le Père. Voilà la bonne nouvelle de l’évangile. Le commencement de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, le Fils de Dieu.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2017

  • Romains 5. Dieu ne tient pas compte de nos fautes

    Romains 5
    7.9.2014
    Dieu ne tient pas compte de nos fautes

    Romains 5 : 12+15-18      2 Corinthiens  5 : 17-19

    télécharger le texte : P-2014-09-07.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Après notre parcours dans Genèse 3, il restait encore à voir quelle reprise le Nouveau Testament fait du drame de la transgression d’Adam. C’est l’apôtre Paul qui fait cette reprise en mettant en parallèle Adam et le Christ. Il en fait un parallèle, mais disons le tout de suite, un parallèle inversé. Ce qu’Adam a détruit, le Christ le rétablit, le restaure. Adam et Christ se succèdent, mais s’opposent. Adam est la figure de la désobéissance, alors que le Christ est la figure de l’obéissance. Adam est rattaché au péché et le Christ à la grâce.
    L’apôtre Paul reprend donc la figure d’Adam telle qu’elle est vue par les pharisiens d’alors, comme celui qui a fait entrer la désobéissance, le péché dans le monde. Paul montre le rôle de la Loi pour désigner les transgressions, mais abandonne — comme nous l’avons vu le dimanche 17 août — son rôle comme voie de salut. La voie du salut, pour Paul, est le Christ, en tant que nouvel Adam, Adam inversé, le vrai homme qui peut rétablir la relation brisée avec Dieu, celui qui rend effective la réconciliation (Rm 5:15), impossible depuis la sortie du jardin d’Eden.
    Ainsi le Christ rompt la chaine de la malédiction qui se perpétuait depuis Adam à travers toute l’histoire humaine. C’est pourquoi Paul peut dire : « Si la faute d’un seul, Adam, a entrainé la condamnation de tous, l’œuvre juste d’un seul, Jésus-Christ, libère tous les humains du jugement et les fait vivre » (Rm 5:18). L’œuvre du Christ brise la malédiction et prononce une parole d’acquittement envers tous les humains. Comment cela est-il possible ? Comment cela se passe-t-il ?
    Il faut d’abord comprendre ce qui se passe avec Adam, c’est-à-dire avec l’humanité. A n’en pas douter — il suffit de regarder le monde autour de soi — les humains se conduisent mal. Adam, comme notre représentant à tous, est l’homme de la transgression, l’homme coupable. Il donne l’image d’un homme écrasé par le poids de sa faute, par le poids des malédictions. Avec ce poids, Adam ne peut que se sentir mal ! Il ne peut que se dire « Je ne suis pas OK » quelque chose cloche avec moi. Cette affirmation peut être reprise par chacun d’entre nous « je ne suis pas OK ». Cette image d’Adam rejaillit sur chacun d’entre nous.
    Bien sûr, nous pouvons nous révolter la contre et nous dire : « quand même, je n’y suis pour rien dans la faute d’Adam, ce n’est pas ma faute, je n’y étais pas, je n’ai rien fait. » De cette façon, nous adoptons la position « moi je suis OK, c’est l’autre qui n’est pas OK ». C’est vrai, en quoi suis-je responsable d’avoir reçu une tare dont je ne peux pas me débarrasser ? Une tare à laquelle personne ne peut échapper ? 
    J’ai donc le choix entre « je ne suis pas OK » ou « l’autre n’est pas OK » ou je peux encore cumuler les deux « je ne suis pas OK et l’autre n’est pas OK ». C’est ce que j’ai mis dans le tableau ci-dessous, qui présente les quatre positions fondamentales* face à la vie.

    thomas a. harris,i'm ok you're ok,analyse transactionnelle,position,jeu,psychologie,

    Ces quatre positions ont été développées dans le système psychologique de l’Analyse Transactionnelle, par le docteur Thomas Harris. Il les développe à un niveau psychologique, mais c’est un bon moyen de comprendre le niveau théologique développé par Paul.
    Il faut d’abord faire une différence, que Paul fait, entre le péché (au singulier) et les péchés (au pluriel). Les péchés sont des actes de transgression de la Loi, ce sont nos fautes, nos erreurs ou nos poids. Dans les Evangiles, Jésus les pardonne systématiquement, il ne s’en préoccupe pas. Le péché, par contre, est important, et c’est ce qui importe à Jésus ; c’est du péché que Jésus est venu nous libérer, nous sortir, nous sauver. Le péché, c’est une position dans la vie, c’est une croyance fondamentale, qui nous perd. C’est croire que je ne suis pas OK, que je ne suis pas aimable, que je ne suis pas acceptable, accepté par Dieu. Ou bien, c’est croire que l’autre (les autres, ou Dieu) n’est pas OK. C’est « tout de la faute des autres » ou « la faute à Dieu ». Ou bien, on peut aussi cumuler les deux, « je ne suis pas OK et l’autre n’est pas OK », ce qui peut se résumé par « tous pourris ». On se rend compte que vivre dans l’un ou l’autre de ces positions, c’est vivre malheureux. J’ai indiqué en majuscule dans le tableau les états ou les émotions auxquelles conduisent ces positions.
    Voilà ce que l’Evangile appelle les chemins de la perdition. Ce n’est pas commettre des fautes ou des péchés. C’est perdre son estime de soi, s’enfermer dans la culpabilité, se couper de Dieu, des autres ou de soi-même. Ce sont des positions sans issue, malheureuses, c’est le chemin d’Adam dans lequel l’humanité s’enferme et que chaque être humain adopte « naturellement » depuis sa petite enfance. Il a été montré que l’enfant — qui pense que tout tourne autour de lui — pense que tout ce qui se passe autour de lui arrive par sa faute. Et c’est ainsi que, lorsqu’il va voir du malheur autour de lui, il va adopter la position « c’est ma faute » ou si cela est trop lourd « c’est tout de la faute des autres ». Et nous nous construisons comme cela, à moins d’avoir autour de nous des témoins qui nous disent que nous sommes OK.
    C’est ce que le Christ est venu nous dire. C’est sa révélation : Dieu nous dit : « Je vous considère OK, croyez-moi ! » Le salut, ou la réconciliation dans Corinthiens, c’est de nous faire migrer des cases « pas OK » vers la case « Je suis OK et l’autre est OK ». Là encore, il faut rappeler qu’être OK ne veut pas dire parfait, sans faute, irréprochable. Cela veut dire que Dieu nous considère aimables. Cela veut dire que Dieu nous considère justes, malgré nos fautes ou nos imperfections. Je n’invente rien, Paul le dit lui-même : « Par le Christ, Dieu agissait pour réconcilier tous les humains avec lui, sans tenir compte de leurs fautes. » (2 Co 5:19).
    Jésus inaugure le nouvel humain, celui qui est OK avec Dieu, et il remplace l’ancien Adam et les trois autres positions. En faisant cela il nous ouvre cette position, sans condition. Il suffit d’accepter qu’il le fait, c’est-à-dire, comme le dit le théologien américain Paul Tillich : « accepter d’être accepté ». Nous avons à accepter que Dieu nous trouve acceptables, que nous sommes OK devant ses yeux. Il n’y a pas de conditions à remplir, c’est par grâce, par le moyen de la foi (Eph 2:8), c’est-à-dire par l’acceptation que Dieu le fait, que Dieu nous accueille vraiment, tels que nous sommes.
    Cela nous sauve du désespoir sur nous-mêmes et sur les autres. Cela nous sauve de la révolte de considérer les autres tellement inacceptables alors que nous le serions. Cela nous sauve de la culpabilité de penser que nos manquements ont tellement d’importance. Cela ne nous épargnera peut-être pas de la tristesse d’avoir à accepter notre faillibilité personnelle et d’accepter les défaillances des autres, mais cette tristesse de l’imperfection nous ouvrira à une humanisation, à une nouvelle empathie et à la bienveillance.
    C’est incroyable ! Dieu nous considère justes et aimables, malgré nos défaillances et nos insuffisances, qui ne sont que poussière à ses yeux. Arriverons-nous à lui faire confiance et à nous sentir acceptés, à nous sentir OK sous son regard d’amour ?
    Amen


    * d’après Thomas A. Harris, I’m OK, You’re OK, London, Pan Books, 1973.


    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Romains 16. Les salutations de Paul dépeignent une Eglise diversifiée.

    8.7.2012
    Les salutations de Paul dépeignent une Eglise diversifiée.
    Actes 18 : 1-4+18-23   Romains 16 : 1-16

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-07-08.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Voici l'été avec les vacances et les voyages. Qui dit vacances et voyages dit envoi de cartes postales. J'ai choisi ce matin de me pencher sur une "carte postale" de l'apôtre Paul, sur les salutations qu'il envoie et qu'on trouve à la fin de sa lettre aux Romains.
    Ces salutations sont très variées et très détaillées. Paul ne nomme pas moins de 27 personnes par leurs noms plus des personnes apparentées (Rufus et sa mère) ou des "maisonnées (ceux d'Aristobule et ceux de Narcisse). Cela constitue un grand nombre de gens que Paul a rencontré dans ses divers voyages.
    Ce passage de la fin de la lettre aux Romains ne se veut pas un enseignement théologique, mais il nous apprend pas mal de choses sur Paul et sur l'Eglise de cette époque.
    On voit que Paul est un être de relation. Il faut peut-être changer l'image qui nous a été transmise par la tradition d'un personnage sévère, austère, genre père fouettard et misogyne. Ces salutations nous révèlent quelqu'un d'autre.
    1. La liste de 27 noms comporte 15 hommes et 12 femmes, dont des femmes qui ont des responsabilités importantes comme Phoebé et Priscille qui est nommée avant son mari Aquilas. Elles sont traitées au moins en égales des hommes par Paul et il souligne leurs fonctions importantes dans l'Eglise.
    2. Ces salutations sont chaleureuses et valorisantes, elles soulignent des liens de proximité — il mentionne ceux qui sont des compatriotes et ceux qui ont partagé des moments particulièrement éprouvants, la captivité, avec lui.
    Je pense qu'on ne développe pas un pareil réseau sans avoir le sens des relations, du savoir-vivre et de la chaleur. Sinon, Paul aurait été un contre-exemple de ce qu'il prêchait : des relations nouvelles en Christ.
    3. Cette mention "en Christ" ou "dans le Seigneur" revient 15 fois dans ces salutations. C'est le critère déterminant, le liant, dirais-je, de tous ces gens. C'est l'appartenance au Christ qui relie tous ces gens et qui les motive à s'entraider. Le Christ est l'origine qui les rassemble et le but qui les motive à agir en commun, il est le centre de cette Eglise. 
    Il faut accueillir Phoebé "dans le Seigneur." Priscille et Aquilas ont été collaborateur de Paul "en Christ." Andronicus et Junias sont d'éminents apôtres (homme et femme) et ont trouvé le Christ avant Paul. Ampliatos est bien-aimé de Paul "dans le Seigneur." Le Christ est le lien, le liant entre toutes ces personnes, sans le Christ, ces personnes n'auraient rien en commun.
    4. La diversité des noms cités nous renseigne sur la composition de l'Eglise. Il y a quelques juifs (Marie et des compatriotes avec des noms grecs). Il y a surtout des grecs et des romains, mais parmi ceux-ci les spécialistes reconnaissent des noms d'esclaves (Ampliatus et Stachys), des noms d'affranchis (Aristobule, Narcisse, Patrobas), et puis des noms de citoyens importants comme Phoebé, Priscille et Aquilas.
    Priscille et Aquilas sont un couple que Paul a rencontré à Corinthe (ils habitaient le port de Kenchrées). Lui est originaire du Pont (région d'Istanbul), mais il était d'abord installé à Rome avant d'avoir dû quitter la capitale de l'Empire suite à une persécution contre les juifs par l'empereur Claude. Sa femme et lui sont venus s'installer à Corinthe où Paul les a rencontrés, peut-être pour affaire, puisqu'ils étaient tous les deux dans le commerce des tentes. Un couple qui a accueilli la jeune Eglise de Corinthe chez eux.
    Et puis, il faut citer Phoebé qui vient en tête de liste des noms. C'est probablement la personne qui porte la lettre de Paul à l'Eglise de Rome. Elle est "ministre" de l'Eglise de Kenchrées (le port de Corinthe). Elle a un statut important à Corinthe, elle est "protectrice de beaucoup de monde" dit le texte, ce qui pourrait signifier soit qu'elle est avocate pour défendre des personnes devant les autorités, soit qu'elle est représentante des non citoyens devant ces mêmes autorités.  Paul la recommande chaleureusement à l'hospitalité de l'Eglise qui est à Rome. Comme chrétiens, ils doivent la recevoir comme s'ils recevaient Paul lui-même. L'appartenance commune au Christ crée des devoirs de protection, d'hospitalité, de réciprocité dans les relations.
    Ainsi, sans faire de grands discours théologiques, ces quelques lignes nous disent beaucoup de choses sur les relations et sur les Eglises de cette époque. La dispersion de l'Eglise primitive, sa vulnérabilité — elle est plongée dans un monde qui lui est hostile — renforcent ses liens, sa solidarité, tout cela autour du Christ.
    Que pouvons-nous en tirer pour nous aujourd'hui ? Quels sont nos liens ? Quel rôle notre appartenance à une même Eglise, à une paroisse joue-t-elle dans nos relations ?
    On parle beaucoup de la solitude, de chacun dans son appartement et personne à qui parler pendant la journée à part la caissière du grand magasin. Est-il possible aujourd'hui d'être isolé toute la semaine alors qu'on se retrouve ici le dimanche ? Pourquoi les liens ne se tissent-ils pas ? Où sont les barrières ? Sont-elles extérieures ou intérieures ? Comment dépasser ces barrières ?
    Il me semble que la paroisse devrait être le lieu où des contacts peuvent se nouer, des visites mutuelles se programmer, des rendez-vous se prendre. Est-ce l'aveu d'une vulnérabilité que d'essayer d'inviter quelqu'un pour un café, pour parler ? Est-ce un pas trop difficile à franchir ?
    Souvenons-nous que c'est le sentiment de vulnérabilité de la première Eglise qui a renforcé les liens et la solidarité entre ses membres. Le Christ est venu pour abattre les barrières entre les humains. C'est pourquoi Paul met tant de soin à envoyer ses salutations à chaque personne qu'il connaît. C'est une façon de dire l'amour du Christ, dans le concret, dans la réalité de tous les jours. Pensez-y en écrivant vos cartes postales.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Romains 11. Série Calvin (3). Dieu et les juifs, une alliance irrévocable.

    Romains 11

    19.7.2009
    Série Calvin (3). Dieu et les juifs, une alliance irrévocable.
    Rm 11 : 17-24    Rm 11 : 28-32

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    L'apôtre Paul est un homme partagé. Il a reçu l'éducation d'un pharisien, à Jérusalem, auprès du rabbi Gamaliel (Ac 22:3). Comme juif perfectionniste, il a persécuté les premiers chrétiens, puis s'est converti suite à une apparition du Christ sur le chemin de Damas. Il est devenu apôtre et apôtre des païens. Il n'en reste pas moins juif et il s'est beaucoup interrogé sur le sort de ses anciens coreligionnaires. Que vont devenir ceux qui refusent Jésus ?
    Paul consacre trois chapitres (Rm 9—11) de sa lettre aux Romains à ce problème. Paul est partagé, déchiré dans son âme, dans son cœur. Il prêche le salut par Jésus-Christ, offert à toute l'humanité et les païens reçoivent ce message mieux que ceux que Dieu a préparé et mis à part pendant des siècles ! Quelle place pour les juifs dans le plan de Dieu après Jésus-Christ ?
    Paul utilise d'abord la métaphore, l'image de l'olivier. Les juifs sont la racine et les branches cultivées de l'olivier. Certaines branches ont été coupées (ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ) et quelques nouvelles branches — de l'olivier sauvage — ont été greffées sur la racine. Cela donne des indications sur les relations que la greffe doit entretenir avec la racine qui la porte : ni mépris pour la racine, ni orgueil pour soi-même.
    Ensuite, l'apôtre crée une perspective historique. Le refus du Christ par les juifs a ouvert la porte de l'Eglise aux païens. C'est intéressant : Paul se rend compte que si l'ensemble des juifs avaient intégré Jésus dans leur pratique religieuse, cela aurait certes transformé le judaïsme (on aurait eu un judaïsme messianique), mais pas le monde. Les païens doivent donc leur salut au refus des juifs (Rm 11:28), sans que cela signifie que l'alliance de Dieu avec les juifs soit abolie (Rm 11:29). On voit que la position de Paul est bien balancée et conduit à une acceptation mutuelle et à un dialogue possible.
    Malheureusement, dans l'histoire et au cours des siècles, cela ne s'est pas passé ainsi ! Déjà au fil du temps, dans le Nouveau Testament, on sent un durcissement contre le judaïsme, de frères, ils deviennent frères ennemis. Cela se sent déjà dans les Evangiles et les Actes des Apôtres.
    Cela va continuer à empirer dans l'Eglise sous deux formes : la volonté de conversion des juifs au christianisme et l'antijudaïsme qui va jusqu'à la persécution. L'antijudaïsme se développe par une lecture déformée du récit de la Passion qui fait porter la responsabilité de la mort de Jésus quasi exclusivement sur les autorités juives — l'Eglise devenue romaine innocente les Romains du texte — et par extension sur tous les juifs, comme si la mort de Jésus était un accident de l'histoire : il était au mauvais endroit au mauvais moment, s'il avait été chez nous, cela ne serait pas arrivé ! On a quitté la dimension théologique qui dit que tous les humains ont renié le Christ et crié "Crucifie" à Pilate, pour une vision circonstancielle et locale qui dit : "Les coupables ce sont eux."
    Calvin naît le 10 juillet 1509, une époque marquée par la "reconquête catholique." Rappelez-vous : 17 ans avant la naissance du réformateur (1492) l'Espagne catholique avait expulsé tous les juifs, les sépharades, d'Espagne pour que l'Espagne soit uniquement et uniformément catholique.
    Quelle va être la position de Calvin dans ce contexte historique ? Quelle va être sa lecture de la Bible et de ces passages de Paul ? D'abord Calvin a étudié l'hébreu pour lire couramment l'Ancien Testament. Dans cette étude, il a été en contact avec des rabbins. Ensuite, Calvin a étudié le droit, pas la théologie catholique, à l'université. Sa théologie, il se l'est forgée en lisant les Ecritures. Et la Bible n'est pas antijuive, ni l'Ancien Testament, ni le Nouveau Testament.
    Calvin a saisi toute la valeur de l'Ancien Testament pour les chrétiens et le rôle du peuple juif dans la réception de la révélation du message divin. Sans les juifs, il n'y a pas de chrétiens. Je cite Calvin : "Ils [les juifs] étaient séparés pour un temps des autres peuples à cette condition que finalement pure connaissance de Dieu découlerait d'eux par tout le monde." (CNT* Jn 4:22, vol. II p. 78-79).
    Pour le réformateur de Genève, ce rôle du peuple juif n'est pas terminé. La première alliance et toujours valable. En bon juriste, Calvin réaffirme la validité de cette alliance : "Dieu n'a point mis en oubli l'alliance qu'il a contractée avec leurs Pères, et par laquelle il a témoigné, qu'en son conseil éternel, il avait embrassée de son amour cette nation. Ce qu'il [Paul] confirme par une fort belle sentence (Rm 11:28), disant que cette grâce de la vocation de Dieu ne peut être anéantie." (CNT, Rm 11:28, vol. III, p. 208). L'alliance avec les peuple juif est irrévocable !
    Ce qui peut arriver, c'est que certains se privent des bienfaits de cette alliance et c'est là que Calvin introduit ce que j'appellerai son "jeu de bascule," qu'il trouve déjà chez saint Paul. En effet, Calvin relève, comme l'apôtre, le risque que les chrétiens s'enorgueillissent d'être les nouveaux bénéficiaires des bontés de Dieu, contre les juifs qui s'en sont privés. Ce "jeu de bascule" c'est que dès que nous nous enorgueillissons de la grâce, nous la perdons, parce qu'elle n'est pas notre possession mais un cadeau, une grâce.
    Personne ne peut se prévaloir d'une situation, d'un état, pour juger les autres et les penser déchus. Celui qui pense cela tombe, il perd l'estime de Dieu, et devient le déchu qu'il méprisait. Calvin plaide pour l'égalité entre juifs et païens: "Si donc on fait comparaison de ces deux nations, à savoir des Juifs et des Gentils, on les trouvera égaux, en ce que d'un côté et d'autre, ils sont enfants d'Adam" (CNT Rm 11:16,vol. III, p. 202). Enfant d'Adam signifie autant pécheurs les uns que les autres.
    À tout moment, Calvin dit entre les lignes au lecteur : le peuple juif est ton reflet, ton miroir, tu as autant de risques de quitter la foi si tu te crois meilleur, tu ne peux te reposer que sur la grâce de Dieu, pas sur tes mérites. Notre histoire chrétienne peut se retourner comme la leur si l'Eglise ne remplit plus son office d'annoncer le pur évangile. D'où la nécessité, pour le réformateur, de prêcher, d'enseigner, d'ouvrir des écoles pour que l'évangile soit entendu, connu et que les Ecritures soient lues.
    Quelle portée cela a-t-il pour nous aujourd'hui ? Une première conséquence que nous devrions tirer, c'est de ne pas mépriser la lecture de l'Ancien Testament. L'Ancien Testament a une valeur pédagogique, exemplaire, même si nous n'avons plus à obéir à chaque précepte de la Loi et suivre ses cérémonies. L'Ancien Testament est une source d'inspiration théologique, psychologique et morale.
    Ensuite, l'enseignement de Calvin nous ouvre à la tolérance et à la modestie par rapport à ceux qui croient différemment. Ne jugeons pas, nous risquons de basculer dans ce que nous reprochons aux autres. Seul Dieu détient le jugement des cœurs. Enfin, gardons-nous de tout antisémitisme. Les juifs sont la racine qui nous porte, nous sommes toujours le greffon sauvage.
    Nous pouvons être fier de cet héritage calvinien. Il a fait ses preuves pendant la pire période du XXe siècle. Il a donné à la Suisse, à la France et à l'Allemagne, des gens comme Roland de Pury, André Trocmé et Dietrich Bonhoeffer qui ont résisté au nazisme pendant la Seconde guerre mondiale.
    Dans notre époque de montée des tensions entre les religions, nous avons-là un bel héritage que nous devons cultiver, adapter et ouvrir aux situations nouvelles et transmettre aux plus jeunes générations.
    Amen

    * CNT = Commentaire du Nouveau Testament de Jean Calvin. Voir au lieu de la citation biblique.
    Cette prédication doit beaucoup à l'article de Vincent Schmid : Calvin et les juifs, Bulletin du Centre Protestant d'Etudes, CPE 60(8):21-35, Décembre 2008.
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Romains 8. Série Calvin (2) - De l'énergie pour agir !

    Romains 8

    12.7.2009
    Série Calvin (2) - De l'énergie pour agir !
    Rm 8 : 1-4 Mc 10 : 13-16

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Dans notre série sur Jean Calvin de cet été, nous avons vu dimanche passé que Dieu nous aime d'un amour inconditionnel, c'est-à-dire que son amour pour nous ne dépend pas de nos résultats, de nos succès, de notre attitude, de la même manière que nous essayons, comme parents, de manifester à nos enfants un amour qui ne dépende pas de leurs notes ou de leurs comportements.
    On appelle cela en langage technique théologique "la justification par grâce." Le salut ne dépend pas de nos mérites, de nos bonnes actions, mais de la décision de Dieu, une décision qu'il prend dans son cœur, dans son amour. Cela a une conséquence pratique directe, c'est que nous pouvons cesser de nous inquiéter, cesser de vouloir nous justifier nous-mêmes, cesser de mettre notre énergie à paraître justes et bons chaque fois que nous ne le sommes pas en réalité.
    Si nous n'avons plus besoin de mettre notre énergie à paraître autre chose que ce que nous sommes, alors cette énergie devient disponible pour autre chose. Le mérite de la justification par grâce, la conséquence de cet amour inconditionnel de Dieu pour nous, est de nous libérer de la quête continuelle de plaire, de satisfaire, d'être à la hauteur.
    Calvin dit, continuellement, que vouloir plaire à Dieu est voué à l'échec. Jamais nous ne pouvons être à la hauteur de son exigence de justice et de vérité. L'exigence de Dieu ou de la Loi divine est inatteignable. C'est voué à l'échec, mais ce n'est pas désespéré, puisque Dieu lui-même a choisi de changer les choses. Jésus a accompli la Loi pour tous les humains (Rm 8 : 3) et il a libéré de l'esclavage de cette exigence. Jésus a accompli la Loi à notre place. Dieu ne se préoccupe donc plus de nous voir l'accomplir. Dieu se préoccupe de ce que nous recevions son amour.
    Dieu change de rôle. Il n'a plus envie d'être face à nous comme un expert qui nous fait passer un examen. Il se présente comme un père qui vient voir ses enfants. Il reçoit ce que nous faisons comme un père aimant. Cela change tout pour nous. Cela change notre façon de travailler et d'agir.
    Imaginez que vous aimez bricoler ou jardiner ou cuisiner. Allez-vous agir de la même manière si ce que vous faites vous allez le présenter à vos amis ou si vous devez le présenter à un examinateur, pour un examen qui va déterminer tout votre avenir ? Cela change tout.
    Calvin nous dit : abandonnez l'idée que Dieu vous fait continuellement passer un examen pour savoir si vous êtes à la hauteur. Non, changez de regard, Dieu est vis-à-vis de vous comme un père vis-à-vis de ses enfants.
    Ainsi, je cite, "il nous faut être semblables aux enfants, ne doutant point que notre Père très bon et si débonnaire [gentil] n'ait nos services pour agréables, bien qu'ils soient imparfaits" (IRC* III, 19, 5). Ne doutons plus que Dieu considère nos actions comme agréables, même si elles sont imparfaites.
    Nous sommes donc libérés du stress de l'examen à passer, du concours à réussir. Ce que nous faisons, nous le faisons sous le regard bienveillant de Dieu. Nous ne le faisons plus pour passer une barre placée trop haut. Fini l'esclavage de la perfection et de la réussite. Que d'énergie libérée. Que de stress éliminé si nous prenons cela au sérieux.
    Tout ce que nous faisons, dans la vie, nous pouvons désormais le faire d'une manière plus paisible : notre vie n'est pas en jeu, notre identité n'est pas en jeu, notre considération, l'amour des autres pour nous n'est pas en jeu.
    En déconnectant notre agir, notre travail du lien avec le salut, la réussite de notre vie, Calvin dédramatise tout notre agir, et en même temps, il lui donne un nouveau sens, une nouvelle direction. Ce que nous faisons, ce n'est plus pour gagner le ciel ou le manquer (dédramatisation), c'est pour produire quelque chose, c'est pour nous occuper, c'est pour répondre à nos élans de créativité, c'est pour rendre service à la communauté, etc…
    Le travail, le métier prend un nouveau sens. Chacun peut contribuer au bien social, au bien commun. Et Calvin croit en l'idée de progrès, progrès moral et progrès social. Il a beaucoup lutté à Genève, pour que les réfugiés huguenots venant de France puissent trouver des places de travail et produire des choses utiles à la société.
    A partir de là, Calvin développe l'idée que chacun a des talents qu'il peut mettre au service de la société ("Dieu a doué chacun de dons naturels" CNT** Mt 25:15). Chacun doit découvrir la vocation que Dieu a pour lui et mettre ce talent en œuvre, pour le bien de tous ("Christ prononce que le labeur de ceux qui s'exerceront fidèlement en leur vocation, ne sera point vain ou inutile" CNT. Mt 25:20). Le travail est valorisé, non pas pour obtenir le salut, mais comme réponse aux dons qui viennent de Dieu. Une autre idée, qui en découle, est celle de responsabilité. Chacun devra répondre de l'usage de sa vie, de sa vocation, de l'usage de son talent ("chacun rendra compte pour soi" CNT Lc 19:13).
    La sanctification de l'être humain passe par le service que chacun peut réaliser dans son travail, dans ses tâches quotidiennes. L'établi, le bureau ou l'évier de la cuisine peuvent devenir des lieux saints où l'on accomplit sa vocation de service. La vie civile, la société civile, la maison comme la rue, deviennent des lieux de sanctification.
    La vie familiale, la vie professionnelle, les loisirs deviennent des temps où l'on vit la présence bienfaisante de Dieu, où l'on exprime sa reconnaissance et le plaisir de vivre, réaliser, construire le Royaume de Dieu.
    En nous libérant du souci de nous justifier, le Christ, pense Calvin, nous libère pour servir la société et nous réaliser dans tous les gestes de la vie quotidienne. Toute notre vie prend sens et devient passionnante.
    Amen

    * IRC III, 19, 5 = Jean Calvin, Institution de la Religion Chrétienne, livre III, chap. 19, § 5.
    ** CNT Mt 25:15 = Jean Calvin, Commentaire sur le Nouveau Testament, Evangile de Matthieu 25:15
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Romains 8. Série Calvin (1) - Cesse de te justifier !

    Romains 8

    5.7.2009
    Série Calvin (1) - Cesse de te justifier !
    Rm 8 : 14-16 + 31-33    Mat 18 : 23-27

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Pendant cet été — ma collègue pendant le mois d'août et moi-même pendant ce mois de juillet — nous allons essayer de vous ouvrir quelques fenêtres sur la pensée de Calvin, dont c'est le 500e anniversaire de la naissance. Calvin, grand réformateur d'origine française, qui prend la suite de Luther, développe ses idées principalement dans la ville de Genève. Calvin, c'est l'irruption d'une nouveauté dans un moyen-âge finissant, en bout de course, c'est un dynamisme introduit dans cette Renaissance qu'est le XVIe siècle.
    Calvin introduit un nouveau langage, il simplifie et vivifie la langue française; il expose une nouvelle vision de Dieu et donc une nouvelle place pour l'être humain; il ouvre à une nouvelle espérance et une nouvelle liberté.
    Essayons de nous replacer un peu dans son époque. La vie quotidienne est très dure. La mortalité, pour cause de maladie ou de violence est considérable. Le message de l'Eglise dominante, dans ces circonstances, est de dire : "obtenez les bonnes grâces de Dieu en entrant au couvent, sinon vous devrez gagner vos mérites au purgatoire, si vous avez la chance de ne pas aller en enfer."
    Luther avait attaqué ce système en dénonçant les indulgences, ce système de rachat à l'Eglise d'années de purgatoire, contre monnaie sonnante et trébuchante.
    Calvin emboîte le pas en affirmant que l'être humain est incapable de faire le bien, dans le sens, non pas qu'il est incapable de faire une bonne action, mais dans le sens qu'il est incapable de faire le bien en continu, de manière permanente, de sorte qu'il puisse paraître innocent devant Dieu à la fin de sa vie.
    Il nous est impossible de faire un parcours sans faute, ou de penser pouvoir rattraper nos fautes, les compenser. Notre dette à l'égard du bien et du juste est immense et nous n'avons aucun espoir de pouvoir la rembourser. Ainsi Calvin nous dit, dans un premier temps : "Cesse de te justifier, c'est parfaitement inutile. Tout est perdu. Personne ne peut se dire juste devant Dieu !" C'est bien pire que le système du purgatoire, là au moins, on pouvait espérer s'en sortir.
    Mais Calvin ne s'arrête pas à ce "Tout est perdu." Tout est perdu pour les efforts humains certes, mais c'est sans compter sur Dieu lui-même. Calvin voit Dieu comme un père aimant qui procure à l'être humain ce dont il a besoin pour vivre, c'est la Providence. Il est un père aimant, Calvin, dit "miséricordieux." Et Calvin ajoute : c'est Dieu qui choisit de prendre notre destin en main, c'est lui qui — par grâce — nous justifie.
    Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que ce qui est impossible aux êtres humains, c'est Dieu qui l'accomplit. Nous sommes incapables de rembourser notre dette : il l'efface (Mt 18:27). Nos fautes nous envoient en prison : il paie la caution pour nous en faire sortir. Tout nous condamne, "c'est Dieu qui nous déclare : non-coupables !" (Rm 8:33), comme le dit l'apôtre Paul.
    Calvin appelle cela la "justification par grâce." Dieu lui-même nous acquitte, de son propre chef, sans contre partie. Cela ne vient pas de nous, cela ne vient pas de ce que nous serions meilleurs que d'autres, que nous aurions fait plus d'efforts. Non, il le fait gratuitement.
    Calvin insiste sur le fait que Dieu est un Père pour nous, que nous avons une relation filiale avec lui. Je pense que la  "justification par grâce" a son équivalent dans notre vocabulaire avec les termes : "amour inconditionnel."
    Nous essayons, comme parents, d'avoir un amour inconditionnel pour nos enfants. Nous essayons, dans nos comportements, dans notre éducation, de donner à nos enfants de l'amour en continu, un amour stable. Un amour qui ne fluctue pas en fonction de leur bon comportement ou de leurs bêtises, un amour qui ne dépende pas de leur réussite ou de leurs échecs. Ce n'est pas toujours facile ! Lorsque cela va mal, nous essayons de mettre les compteurs à zéro, de repartir d'un bon pied, pardonnant, effaçant l'ardoise, rassurant notre enfant que notre amour demeure.
    Le vrai amour n'est-il pas lié à la personne plutôt qu'à chacune de ses actions ? Le vrai amour n'est-il pas lié à l'être de la personne plutôt qu'à ses réussites ou à ses échecs ?
    L'amour est un lien, un attachement à l'être. C'est sûr, l'amour n'évite pas la tristesse de la déception, ou la réprobation face à tel comportement ou à telle action. L'amour ne renonce pas à l'exigence du respect de la loi comme norme de justice et limite de nos actions. Effacer la dette ne signifie pas renoncer à la justice et à la loi.
    L'amour inconditionnel donne à l'enfant une sécurité pour grandir, pour faire ses essais, ses erreurs et la correction de ses erreurs, ses fautes et le regret de ses fautes. L'amour inconditionnel donne un cadre pour progresser et Calvin croit à la capacité de s'améliorer, il n'est pas pessimiste vis-à-vis de l'être humain.
    Ainsi Calvin pose, comme base de la Réforme, la conviction que Dieu a pour chaque être humain un amour inconditionnel — comme un père — un amour qui donne à chaque être humain une assurance qu'il peut se lancer dans la vie avec une garantie de sa valeur.
    Calvin nous dit donc "Cesse de te justifier ! C'est Dieu lui-même qui te donne et t'assure ta valeur, ton être. Tu n'as rien à faire pour prouver à Dieu, aux autres ou à toi-même que tu es quelqu'un, que tu es digne, que tu as de la valeur. Cesse de t'inquiéter, cesse de te justifier, cesse de te préoccuper de te faire valoir."
    Cela a des conséquences énormes sur notre vie ! Toute l'énergie que chacun mettait —au XVIe siècle — à essayer de faire son salut, toute cette énergie devient disponible pour autre chose. Toute l'énergie que nous mettons aujourd'hui pour répondre aux exigences de réussite sociale, pour satisfaire à son patron, à son conjoint ou à ses parents, pour arriver à la hauteur fixée, pour prouver, à soi et aux autres qu'on vaut quelque chose, toute cette énergie peut être utilisée à autre chose si nous faisons confiance que notre être a déjà sa valeur assurée en Dieu.  Nous reparlerons de cette énergie libérée dimanche prochain.
    Aujourd'hui, laissons descendre en nous cette certitude : Dieu nous aime de manière inconditionnelle, nous n'avons rien à prouver à personne, nous n'avons plus besoin de nous justifier, notre être, notre valeur est garantie par Dieu lui-même.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Romains 5. Calvin 2009. Une Eglise réformée qui témoigne de la grâce de Dieu

    Romains 5

    18.1.2009
    Calvin 2009. Une Eglise réformée qui témoigne de la grâce de Dieu
    Jn 1 : 35-42    Rm 5 : 1-5    Rm 5 : 6-11

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Cette année 2009, nous célébrons les 500 ans de la naissance de Jean Calvin, le réformateur qui a eu le plus d'influence en Suisse romande et qui a marqué de son empreinte tout le protestantisme réformé (à côté des Luthériens et des Anglicans). Il est donc né en 1509 à Noyon (France) et mort à Genève en 1564. Je ne suis pas là pour vous dresser un portrait ou une biographie de Calvin. Si vous souhaitez entendre une conférence, saisissez l'occasion d'aller entendre la directrice du Musée International de la Réforme qui parlera mardi à St-Sulpice. *
    Ce qui nous intéresse maintenant, c'est la pensée théologique de Calvin, la nouveauté qu'il a apportée au XVIe siècle et qui continue à nous nourrir aujourd'hui. Mais l'Eglise ne prêche pas tel ou tel auteur, aussi grand soit-il. C'est à la parole biblique qu'il faut remonter.
    L'épître aux Romains a été une grande source d'inspiration pour Calvin, aussi ai-je choisi quelques versets du chapitre 5 et en particulier les mots qui me semblent particulièrement bien traduire, résumer, la pensée fondamentale de Calvin : "nous sommes maintenant en paix avec Dieu !" (Rm 5:1)
    Le sommes-nous, en fait, personnellement ? Pour l'apôtre Paul, c'est une affirmation programmatique, parfois traduite par "soyons maintenant en paix avec Dieu !" Affirmation programmatique, injonction : oui, nous pouvons, oui, nous avons la permission, la possibilité d'être en paix avec Dieu, parce que Dieu l'a rendu possible ! Dieu l'a voulu, Dieu l'a fait, Dieu l'a mis à notre portée, à notre disposition. Cette paix, il nous la donne : aurons-nous confiance et la prendrons-nous ?
    Mais nous revenons de loin ! Oui, nous revenons de loin, et Paul n'hésite pas à parler de nous comme "pécheurs" (Rm 5:8) et de parler de la "colère de Dieu" (v. 9) et d'ajouter "nous étions les ennemis de Dieu, mais il nous a réconcilié avec lui, par la mort de son fils" (v. 10).
    Cette bonne nouvelle du salut, Calvin veut la proclamer partout, en prédicateur et écrivain infatigable. Il prêchait souvent deux fois par jour à la cathédrale St-Pierre à Genève, prenant les livres bibliques un à un, versets après versets, en lecture continue; prédications que nous possédons encore grâce à un sténographe qui les relevait et les transcrivait.
    A côté de cela, Calvin a commenté tout le Nouveau Testament (hormis l'Apocalypse) et une bonne part de l'Ancien Testament; et rédigé l'Institution de la Religion Chrétienne, un résumé systématique de sa théologie qui était un petit livre dans sa première édition, puis, par remaniements et ajouts successifs, constitue aujourd'hui une suite de 4 tomes. Ces quatre livres suivent un plan précis qui nous disent beaucoup sur sa théologie et ce que je viens de vous dire sur ces quelques versets de l'épître aux Romains.
    Le premier livre, qui a pour but — dans les mots de Calvin — "de connaître Dieu en titre et en qualité de Créateur et souverain gouverneur du monde" nous place, tout petits devant la grandeur, la gloire de Dieu. Ce Dieu, maître de l'univers, aucun humain ne peut l'affronter. Personne ne peut tenir une minute debout devant lui ! Qui — s'il est sincère — pourrait laisser scanner sa vie, de la première à la dernière minute, et oser dire — sans mourir de honte ou de ridicule — "je me suis toujours bien comporté !"
    Nous sommes tous pécheurs devant la Loi et la justice de Dieu et il n'y a pas moyen d'en sortir. Est-ce désespéré ? Oui, tout a fait et complètement. Enfin, de notre côté, nous ne pouvons rien faire, mais Dieu a décidé de prendre les choses en main et de retourner la situation.
    Et c'est le deuxième livre de l'Institution de la Religion Chrétienne, intitulé "la connaissance de Dieu, en tant qu'il s'est montré rédempteur en Jésus-Christ, laquelle [connaissance] a d'abord été connue par les Père sous la Loi [Ancien Testament], et depuis nous a été manifestée en l'Evangile [Nouveau Testament]."
    Dieu a changé notre sort en nous montrant son visage à travers Jésus-Christ. Il n'a pas abandonné son exigence de justice, mais il y a ajouté sa grâce. Il n'a pas effacé la Loi, il a levé la condamnation. De sorte que si nous lui faisons confiance — la foi — nous pouvons vivre justifiés, avec la certitude de son amour et de sa bienveillance, avec la certitude que : "nous sommes maintenant en paix avec Dieu !"
    Cette certitude nous est donnée par le Saint-Esprit (Rm 5:5), "le témoignage intérieur du Saint-Esprit" dit Calvin. Le troisième livre de l'Institution de la Religion Chrétienne nous parle du Saint-Esprit et de "la manière de participer à la grâce de Jésus-Christ, des fruits qui nous en reviennent et des effets qui s'en suivent".
    Et finalement, le quatrième livre traite de l'Eglise et du gouvernement civil, comme "les moyens extérieurs ou aides dont Dieu se sert pour nous convier à Jésus-Christ son Fils et nous retenir en lui."
    En construisant —en quatre livres — le développement de sa théologie, Calvin reprend exactement le plan du Symbole des Apôtres, confession de foi ancienne et pratiquée dans l'Eglise catholique de son temps comme du nôtre. On voit là que Calvin n'a jamais souhaité établir une nouvelle Eglise, à côté de l'Eglise catholique, mais a toujours eu l'espoir de réformer toute l'Eglise et maintenir une Eglise universelle, pour tous les croyants, mais réformée sur la base de l'évangile biblique. Nous savons que, malheureusement, l'histoire n'a pas évolué dans cette direction.
    L'Eglise invisible, cependant, rassemble tous ceux qui acceptent la réconciliation offerte par Dieu en Jésus-Christ et qui peuvent dès maintenant vivre en paix avec lui. Cette Eglise n'est pas elle-même la lumière. Elle est seulement porteuse de la lumière de Dieu pour apporter ce message de paix, de réconciliation à tous les humains, à tous nos voisins et nos proches.
    A ce propos, j'aimerais partager une inquiétude. Au mois de mars, il y aura l'élection du Conseil paroissial et de divers Conseils régionaux. Avec les déménagements et les départs de conseillers et de bénévoles qui ont travaillés de nombreuses années, nous avons entre 10 et 12 places à repourvoir, dont 7 au Conseil paroissial. La relève s'annonce difficile et je vois la paroisse en danger.
    Merci de porter ce souci, cette inquiétude, dans vos prières, mais aussi dans vos réflexions personnelles et vos discussions avec votre entourage. De nouveaux disciples sont appelés, se lèveront-ils pour faire partager cette réconciliation et cette paix que Dieu nous offre ?
    Amen

    * la conférence est passée, mais on peut voir le calendrier des manifestations sur : http://www.calvin09.org/FR/home/accueil.html
    ou se référer à : Calvin sans trop se fatiguer, Christopher Elwood,  Mix & Remix, Labor et Fides, 2008
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Romains 8. La justification par la foi (II) : Nous sommes libérés du souci de nous-mêmes.

    Romains 8

    9.11.2003

    La justification par la foi (II) : Nous sommes libérés du souci de nous-mêmes.

    Rm 8 : 1-4    Eph 5 : 1-2 + 8-11


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dimanche dernier, dimanche de commémoration de la Réforme, j'ai parlé de la signification de la justification par la foi du chrétien. Le terme "justification par la foi" signifie que notre valeur — aux yeux de Dieu et des humains — ne dépend pas de nos succès ou de nos échecs, de ce que nous faisons ou ne faisons pas, mais provient de Dieu lui-même, de son amour inconditionnel pour nous.
    Nous ne sommes plus sous la pression de l'exigence inatteignable de la Loi ou des contraintes sociales, des impératifs de modes ou du regard des autres.
    L'exigence de faire quelque chose pour être quelqu'un aux yeux de Dieu ayant disparu, se pose la question : cela ne conduit-il pas au laisser-aller, au désengagement, voire ouvre la porte à toute immoralité ?
    Historiquement, le protestantisme ne s'est pas engagé dans cette voie-là — au contraire ! On a suffisamment reproché au protestantisme sa rigueur, son sérieux, son puritanisme, son sens des responsabilité, voire la culpabilisation de ses fidèles. Comme si l'exigence qui a été chassé par la porte était revenue par la fenêtre !
    Comment a-t-on pu obtenir autant de rigueur, de responsabilisation et d'engagement, tout en ayant congédié l'exigence ?
    Je vais passer par un exemple, un peu terre à terre, mais que tous connaissent, celui de la circulation routière. Se passer de la peur du gendarme et obtenir les mêmes résultats, c'est le rêve de la prévention routière. Comment faire pour que les automobilistes respectent, par exemple, les limitations de vitesse ? On peut multiplier les contrôles, les amendes, etc... jusqu'à ce que chacun ait compris qu'il y a trop de risques de se faire prendre et punir. Ou alors... faire comprendre à chacun qu'il y va de sa propre vie (de son salut) et que la loi est là — non pour l'embêter — mais pour son avantage. Faire de l'automobiliste un être responsable, non par contrainte, mais par choix personnel.
    Je reviens à la théologie. Avec la justification par la foi en Jésus-Christ, Dieu, qui représente la loi, offre à l'être humain de le regarder non pas comme celui qui contraint, mais comme celui qui sauve, celui qui nous est favorable. La foi est une conversion de notre regard sur Dieu. A travers Jésus-Christ, Dieu s'offre comme celui qui est toujours de notre côté, le Dieu amour et non pas le Dieu juge, accusateur. A travers le crucifié, Dieu nous montre qu'il n'est pas un maître, un chef ou un tyran, mais qu'en s'abaissant, il nous hisse à sa hauteur. C'est pourquoi nous ne sommes plus appelés ses serviteurs, mais ses amis (Jn 15:15).
    Dieu a fondamentalement changé notre statut. La parabole du fils perdu et retrouvé (prodigue, Luc 15) l'exprime admirablement. Le fils se considère comme un misérable, lorsqu'il a perdu tout le bien reçu de son père. Il considère que son père ne peut le recevoir que comme un serviteur. Mais le regard du père est autre. Jamais le fils ne sera serviteur, il a toujours sa place d'héritier, quoi qu'il arrive !
    Le serviteur est celui qui obéit, par crainte du maître. L'obéissance est une motivation externe, extérieure (comme la peur du gendarme pour l'automobiliste). Mais la motivation de l'employé change lorsqu'il devient un associé dans l'entreprise. Confiez des responsabilités à quelqu'un et il n'obéira plus parce qu'il le doit, mais parce qu'il le veut, parce qu'il a choisi d'assumer ces responsabilités. L'associé est mu par une motivation interne, il sait pourquoi, pour qui il travaille. Paul appelle cette motivation interne le Saint-Esprit. C'est lui qui nous meut lorsqu'il nous habite.
    Dieu a donc fait de nous des partenaires, des associés, des amis, même ! Dieu donne à l'être humain les clés du Royaume (Mt 16:19), c'est-à-dire le pouvoir de pardonner. Ce statut et cette responsabilité sont donnés également à tous les chrétiens, c'est ce qu'on appelle le sacerdoce universel.
    Pour évoquer ce changement de statut, Paul parle d'un passage de l'obscurité à la lumière :

    "Vous étiez autrefois dans l'obscurité; mais maintenant, par votre union avec le Seigneur, vous êtes dans la lumière" (Eph 5:8).
    Pourquoi ce changement est-il un passage à la lumière ? Parce qu'il y a une illumination à découvrir que Dieu n'est pas tel qu'on le pensait et à découvrir que nous sommes aussi autres que nous ne le pensions.
    Dans la justification par Dieu de notre être et de notre place, il y a une véritable libération ! Nous sommes libérés du souci de nous-mêmes. Libérés du souci de gagner notre propre valeur. Libérés du souci d'affirmer notre être. Libérés du souci de défendre notre place. Notre valeur, notre être, notre place sont garantis par Dieu lui-même.
    Alors, nous pouvons nous dé-préoccuper de nous-mêmes ! Nous pouvons abandonner toutes ces petites questions insidieuses qui reviennent sans cesse et nous taraudent : est-ce que j'en ai assez fait ? Suis-je assez bien ? Ne va-t-on pas découvrir qui je suis derrière les apparences que je me donne ? Tout cela est effacé, écarté. Que d'énergie libérée !
    Dé-préoccupés de nous-mêmes, nous avons de l'énergie pour nous tourner vers les autres, pour prendre en mains les tâches que Dieu nous confie dans la gestion de son Royaume. Et cette fois, nous ne faisons pas cela pour... plaire à Dieu, pour me faire bien voir, mais parce que... j'ai été promu par Dieu au rang d'associé, d'ami, parce que je suis reconnaissant, parce que j'ai à coeur de faire découvrir cette libération à d'autres autour de moi qui plient sous les exigences du paraître, de la mode, de l'efficacité, etc..., tous nos esclavages modernes.
    Comme Paul le dit (et on commence à comprendre mieux son vocabulaire) :

    "Maintenant donc, il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont unis à Jésus-Christ. Car la loi de l'Esprit Saint, qui donne la vie par Jésus-Christ, t'a libéré de la loi du péché et de la mort. Dieu a accompli cela pour que les exigences de la loi soient réalisées en nous qui vivons non plus selon notre propre nature, mais selon l'Esprit Saint." (Rm 8:1-2+4)
    Vivre selon l'Esprit Saint, c'est donc vivre avec la nouvelle image de Dieu que l'Esprit Saint nous révèle lorsque nous voyons le Christ sur la croix : un Dieu d'amour. C'est donc vivre libérés, dé-préoccupés de nous-mêmes. C'est donc vivre portés par l'amour de Dieu qui nous nourrit et nous réconcilie avec ceux qui nous entourent.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Romains 1. L'apôtre Paul (III) Les relations entre juifs et non-juifs, l'image de l'olivier greffé

    Romains 11

    20.7.2003

    L'apôtre Paul (III) Les relations entre juifs et non-juifs, l'image de l'olivier greffé

    Rm 10 : 1-4    Rm 11 : 1-6    Rm 11 : 17-24

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, 
    Il y a 15 jours, nous avions vécu avec Paul le Concile de Jérusalem. Un compromis entre Jacques, Pierre et Paul avait été trouvé sur l'obéissance à la Loi qui devait être demandée ou non aux non-juifs — les païens qui devenaient chrétiens. Paul est donc reparti s'occuper des Eglises d'Asie Mineure. Il a étendu son domaine à la Grèce : Thessalonique, Athènes, Corinthe. Le réseau des Eglises fondées ou stimulées par l'apôtre Paul est considérable.
    Les voyages se faisaient à pied ou en bateau, ils étaient lents et éprouvants. Alors, Paul se met à écrire des lettres pour rester en contact ou continuer à enseigner certaines communautés. Ces lettres de l'apôtre Paul nous sont conservées (probablement pas toutes) dans le Nouveau Testament. Une de ces lettres est particulière, puisqu'elle s'adresse à une communauté encore inconnue de Paul, c'est la lettre aux Romains. Paul a le projet d'aller un jour dans la capitale de l'empire ! Il prépare le terrain en écrivant à des chrétiens qui s'y trouvent déjà !
    Comme cette lettre n'est pas inspirée par des questions précises de la communauté ou des problèmes qui y ont surgi — comme les lettres aux Galates ou aux Corinthiens par. ex. — Paul dessine une fresque de sa compréhension du plan de Dieu pour tous les humains. Nous avons donc là un vrai traité de théologie paulinienne !
    Impossible, en une prédication d'en faire le tour. Je ne reteins qu'une question, attachée au vécu de l'apôtre, celle des relations entre juifs et païens. Paul peut le constater au travers de son ministère : les juifs se ferment au message de la bonne nouvelle, mais les païens s'y ouvrent et deviennent de plus en plus nombreux (même si c'est un tout petit pourcentage de la population totale) à embrasser la nouvelle foi.
    Pour le juif qu'est Paul — baigné dans l'Ancien Testament, fier d'être juif, membre du peuple d'Israël (Rm 11:1); Israël, l'héritier de la promesse divine, le peuple élu, choisi par Dieu pour le faire connaître au monde, — pour Paul, c'est une blessure, une souffrance de voir son peuple rejeter le Messie annoncé par les Ecritures. Alors, Dieu aurait-il changé son plan ? Dieu aurait-il décidé de rejeter son peuple et de s'en choisir un autre ?
    Paul est déchiré lorsqu'il écrit aux Romains : "Frères, ce que je désire de tout mon coeur, et que je demande à Dieu pour les juifs, c'est qu'ils soient sauvés." (Rm 10:1) C'est un problème personnel, mais c'est aussi une question théologique : "Je demande donc: Dieu aurait-il rejeté son peuple ? Paul ne peut que répondre NON ! Et il rappelle que cela s'est déjà produit dans l'histoire d'Israël, qu'il n'y ait plus qu'un poignée, un petit reste de fidèles, mais c'est encore le peuple d'Israël.
    Pour Paul, le refus des juifs est lié à une méconnaissance, à un manque d'information d'abord. Les juifs sont plein de zèle, mais ce zèle est mal orienté. Les juifs croient pouvoir se rendre justes devant Dieu alors que c'est impossible — nous avons vu comment l'apôtre en a fait la cruelle expérience dans son rôle de persécuteur — seul Dieu nous rend justes devant lui. Evangéliser, les juifs et les non-juifs, c'est, pour Paul, annoncer cela sans relâche. Dieu seul nous rend juste, la foi c'est de faire cette confiance à Dieu (Rm 10:3). Il faut faire confiance en cette bonté de Dieu.
    L'élection du peuple de Dieu n'est pas le fruit de bonnes actions de son peuple, mais uniquement le fuit de la bonté de Dieu (Rm 11:6). L'éloignement des juifs est dû à un manque de foi (Rm 11:20), mais il n'est que temporaire aux yeux de Paul. Et l'apôtre va développer une image magnifique pour expliquer les positions respectives des juifs héritiers de la promesse de toujours et des pagano-chrétiens qui entrent si tardivement et récemment dans cette mouvance.
    Paul compare l'histoire d'Israël à un olivier. Dieu est le jardinier qui s'occupe de cet olivier. Cela fait des années — des siècles, des millénaires — que Dieu s'en occupe et donc c'est un olivier cultivé. Ce qui se passe actuellement — pour Paul — c'est que des branches, certaines branches de cet olivier cultivé sont coupées, ôtées de l'arbre. A leur place sont greffées des branches d'olivier sauvage ! Oui, c'est vraiment le monde à l'envers ! De l'olivier sauvage remplace certaines branches d'olivier cultivé, c'est le contraire du bon sens. Mais c'est ce qui arrive et c'est ce qui permet é Paul d'expliquer à chacun quelle est sa vraie place.
    Les branches coupées, eh bien, c'est un vrai malheur. Mais ce n'est pas un rejet définitif. Paul spécifie bien que "si les juifs renoncent à leur incrédulité, ils seront greffés là où ils étaient auparavant. Car Dieu a le pouvoir de les greffer de nouveau." (Rm 11:23)
    En ce qui concerne les nouveaux venus, les branches d'olivier sauvage greffées, cela appelle à a modestie. Si l'on peut couper les branches établies, c'est aussi possible pour branches greffées. C'est un honneur, c'est une grâce d'être rattaché à la longue histoire du peuple de Dieu. C'est donc un devoir de respecter et d'honorer cette histoire et cette tradition, plus encore, cette tradition est la source de notre croissance. C'est valable pour nous aussi aujourd'hui et nous rappelle que nous n'avons pas à reléguer l'Ancien Testament au rang des antiquités.
    L'image de Paul est très forte : "Tu profites maintenant de la racine qui nourrit l'olivier cultivé (...). Ce n'est pas toi qui portes la racine, c'est la racine qui te portes !" (Rm 11:17-18).
    Ah, si seulement ces paroles de l'apôtre Paul avaient été plus souvent lues et prêchées au cours des siècles et pendant le XXe siècle, combien les relations entre chrétiens et juifs auraient été meilleures et peut-être n'auraient-elles pas abouti à la shoah. Ces paroles condamnent tout antisémitisme chrétien et interdit tous les reproches faits par les chrétiens contre les juifs d'avoir tué le Christ, d'être un peuple déicide. Tous les humains étaient inclus dans la foule qui criait "Crucifie !" à Jérusalem, comme tous les humains sont accueillis dans le salut offert par Dieu, par grâce au travers de Jésus.
    Paul nous livre ici un témoignage de conciliation entre chrétiens et juifs qui doit continuer à nous inspirer aujourd'hui. Malgré cette vision pacificatrice de Paul, nous verrons dimanche prochain comment les autorités de Jérusalem vont tout aire pour qu'il soit condamné à mort par les Romains. Heureusement, Paul dispose d'un joker qui créera un nouveau rebondissement dans son parcours...

    (à suivre...)

    Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Romains 1. Réformation : la justice de Dieu, une grâce offerte aux humains

    Romains 1
    2.11.97
    Réformation : la justice de Dieu, une grâce offerte aux humains
    Jér 31:31-34 Rm 1:16-17 Lc 18:9-14

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce premier dimanche de novembre, nous commémorons la Réformation. Le premier dimanche de novembre a probablement été choisi parce que Martin Luther avait affiché ses "95 thèses contre les indulgences" sur les portes de l'église de Wittenberg le 31 octobre 1517, voici 480 ans.
    Par ce premier acte public et provocateur, Luther dénonce vigoureusement la pratique de l'Eglise de l'époque de monnayer le salut, de remplir ses caisses en laissant croire que chacun pouvait racheter des années de purgatoire. C'est ce qu'on appelle le salut par les oeuvres.
    Luther en tant que moine avait été éduqué dans cette croyance — généralisée à l'époque — qu'en sortant du monde (en se faisant moine), en faisant pénitence et en s'appliquant à se consacrer entièrement à Dieu, on pouvait gagner son salut, la vie éternelle.
    Luther vivait — comme moine — dans l'angoisse et la terreur du jugement de Dieu. Il ne voyait Dieu que comme un juge, un Dieu comptable des bonnes et des mauvaises actions. Un Dieu impitoyable, exerçant une justice qui ne passe rien. Tous les jours, Luther se demandait avec angoisse : "Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?"
    Un jour cependant, nous dit-on, Luther médite le début de la lettre aux Romains. Aux versets 16-17, il est question de la justice de Dieu. Là, il a comme une illumination ! Cette justice qu'il comprenait comme le jugement de Dieu sur l'homme pécheur, il la rencontre comme la façon qu'a Dieu de rendre justes les humains : "Comment Dieu rend les humains justes devant lui : par la foi seule" dit la traduction de la Bible en français courant. Le tribunal terrifiant fait place à un flot de grâce. Celui qui se croyait condamné reçoit sa lettre de grâce. De la terreur, Luther passe à la reconnaissance.
    Il y a un avant et un après. Et Luther n'aura de cesse de dénoncer ceux qui entretiennent ce régime de terreur et de soumission. Et l'on comprend combien ce message libérateur a pu trouver d'échos parmi ceux qui l'entendaient.
    Luther a marqué dans l'Histoire un avant et un après. Même si un schisme a eu lieu entre catholiques et protestants, les idées de Luther et des autres réformateurs ont fait leur chemin dans toutes les Eglises. Les indulgences ont disparu. Le discours sur le salut par les oeuvres a presque disparu. Pourtant, chassé par la porte, ce discours revient par la fenêtre, sous de nouvelles formes, sécularisées, très laïques. Aujourd'hui on a de la valeur, un statut social, à travers le travail, à travers l'argent ou une vie bien rangée et organisée. Fort de ce statut — comme le pharisien ou comme certains autorités économiques dans notre pays — on se met à juger les autres, les chômeurs, les sans-abri ou les réfugiés.
    Heureusement, la justice de Dieu n'est pas la nôtre. Cette justice de Dieu ôte les étiquettes, rassemble, reconnaît chacun parce qu'il est, non pour ce qu'il fait. La justice de Dieu est évangile, Bonne Nouvelle, parce qu'elle proclame à tous les êtres humains que Dieu leur offre la dignité, une vie qui en vaut la peine. Bonne Nouvelle, parce qu'il est impossible à qui que ce soit de gagner cela par lui-même.
    Dieu lui-même prend en charge notre transformation. La transformation de tous ceux qui acceptent qu'ils ont besoin d'être rendus à leur vérité première. Cette acceptation, c'est la foi, la confiance que Dieu m'accepte tel que je suis, la confiance que Dieu me rend juste sans que j'aie à m'en occuper moi-même.
    Si l'on reprend la question de Luther "Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?" (phrase empruntée à deux récits bibliques, le jeune homme riche (Luc 18:18-23) et le bon samaritain (Luc 10:25-37)), la réponse est : RIEN.
    La bonne nouvelle de Jésus-Christ, c'est de pouvoir s'abandonner à la grâce de Dieu, pouvoir accepter d'être accepté, renoncer à tout effort pour sauver la face, pour bien faire, pour faire un bout de chemin pour rejoindre Dieu. C'est Dieu lui-même qui renouvelle son alliance (Jér. 31). C'est lui qui nous donne des coeurs de chair à la place de nos coeurs de pierre.
    La bonne nouvelle de Jésus-Christ, c'est accepter d'être totalement libéré du souci de l'effort de plaire à Dieu : la seule chose qui plaise à Dieu, c'est qu'on lui fasse confiance lorsqu'il nous dit : "cesse de te faire du souci".
    Libre de cette tâche de gagner notre paix intérieure, nous pouvons enfin diriger nos forces ailleurs, non plus vers nous-mêmes, mais vers les autres.
    Libérés, nous pouvons passer du souci à la sollicitude.
    Amen.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz