Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dieu - Page 5

  • La prière comme un cri...

    (20.5.2001)

    Luc 18

    La prière comme un cri...

    2 Rois 20 : 1-6        Romains 8 : 26-28.       Luc 18 : 1-8

    télécharger le texte : P-2001-05-20.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Qu'est-ce qui fait de nous des chrétiens ? Qu'est-ce qui fait... ou que faisons-nous pour que nous puissions dire "je suis croyant", "je suis chrétien" ?

    Je me pose la question parce que souvent, dans mes visites, les gens que je rencontre essaient de m'expliquer qu'ils sont croyants ou chrétiens même si je ne les vois jamais au culte du dimanche ! J'entends aussi les gens me dire : "Je suis croyant mais pas pratiquant", ou "Vous savez, je fais ma prière chaque soir !".

    Autour de nous, dans notre canton, plus loin peut-être aussi, il semble que la pratique de la prière personnelle soit un "marqueur", un "indicateur" qui fait la différence entre le croyant et l'incroyant. Pourquoi pas ?

    C'est vrai que la prière est absurde pour celui qui croit que le ciel est vide, qu'il n'y a rien au-dessus de lui. La prière n'a de sens que si elle est adressée à quelqu'un ! La prière est donc bien un acte de foi, une confession de foi : il existe quelqu'un qui peut m'entendre, il existe quelqu'un à qui je peux dire mes aspirations, à qui je peux confier mes besoins.

    Je n'aimerais pas entrer — aujourd'hui — sur le terrain de l'utilité ou pas de la prière, sur son exaucement ou pas. Je ne crois pas qu'on prie "parce que c'est utile" ou parce que ça marche". La prière n'est pas un investissement dont on attende une rentabilité. La prière ne vise pas l'utilité, 'efficacité, des résultats, etc...

    Je crois qu'on prie parce qu'on en a besoin. On prie parce que nous avons des besoins, des aspirations. La prière est d'abord un cri :

    Le cri de la veuve : "Rends-moi justice contre mon adversaire !" (Luc 18:3).

    Le cri du roi malade : "Ah Seigneur ! Souviens-toi, je me suis conduit envers toi avec une entière loyauté, j'ai toujours agis de manière à te plaire !" (2 R 20:3).

    La prière est un cri, une plainte, juridique pour la veuve, de souffrance pour le roi. La prière est un cri de détresse, un cri contre l'injustice des hommes ou contre l'injustice du sort : "J'en appelle à toi, Dieu pour que tu me fasses justice, pour que tu voies mon malheur et que tu compatisses."

    C'est un cri pour être entendu dans sa vérité souffrante, comme Job. La prière est le cri légitime de l'opprimé, la dernière ressource du malheureux, de celui qui se sent désemparé, démuni, faible, prêt à disparaître ou à être écrasé.

    Il est donc important que la Bible nous montre en même temps la veuve et le roi dans cette situation. La veuve, dans la société israélite est la personne la plus isolée et démunie. Elle n'a plus aucun homme pour prendre fait et cause pour elle dans une société où la voix des femmes ne compte pas. Et Jésus la prend en exemple de prière. Parce que la prière est le cri de celui qui se sent au plus bas.

    Mais la Bible nous montre aussi les rois en prière. Plusieurs fois le roi David ou le roi Salomon. Dans le récit de ce matin, c'est le roi Ezéchias. C'est l'homme le plus puissant du royaume, qui est au-dessus de lui ? Et pourtant... Et pourtant, il suffit que sa santé soit menacée pour qu'il se retrouve aussi dépourvu que la veuve, en appelant, de la même manière, à la justice de Dieu. "J'ai été loyal, je ne mérite pas de mourir !"

    Le cri de la veuve, la prière du roi, nous montrent que personne n'est à l'abri — quel que soit sa position sociale, son rang — personne n'est à l'abri d'avoir à crier sa prière, personne n'est à l'abri de se sentir tout petit, tout démuni, absolument vulnérable.

    Etre tout petit dans la prière, en appeler à plus grand que soi pour du secours, reconnaître notre finitude, notre vulnérabilité simplement, sans sombrer dans le dénigrement de soi. On ne s'abaisse pas dans la prière, on reconnaît simplement qu'on part d'en bas et qu'on est élevé vers Dieu par son écoute, par sa compassion.

    Prier à genoux, c'est reconnaître que la prière naît de notre détresse, du sentiment d'être démuni.

    Prier debout, c'est reconnaître que Dieu nous élève du bas dont nous venons, c'est reconnaître qu'il nous remet debout, qu'il nous relève, un verbe souvent utilisé dans le Nouveau Testament pour parler de la résurrection.

    Jésus nous invite à prier, inlassablement, c'est-à-dire à répéter à Dieu nos besoins, nos aspirations, parce que la prière nous remet dans la juste perspective dans la juste position par rapport à Dieu. Si même un homme sans foi ni loi finit par répondre par lassitude d'être dérangé, combien plus quelqu'un de réceptif, d'attentif nous accueillera favorablement avec nos demandes !

    Notre Dieu est un Dieu qui répond à la prière du plus humble, parce qu'il ne regarde pas notre rang et les hiérarchies humains.

    Si la prière est une marque de foi, la marque du croyant, ce qui fait de nous des chrétiens c'est de croire que toutes les prières parviennent à Dieu, non pas parce que nos prières monteraient jusqu'à lui grâce à nos efforts et notre insistance, mais parce qu'il est lui-même descendu vers nous. Il est venu habiter la détresse criante des humains, en sorte qu'il prie véritablement en nous et que l'apôtre Paul peut dire : "Nous ne savons pas prier comme il faut, mais l'Esprit lui-même prie Dieu pour nous (Rm 8:26).

    Que cet Esprit vous habite et prie en vous.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Matthieu 9. Un regard neuf…

    (22.5.2005)

    Matthieu 9

    Un regard neuf…

    Genèse 18 : 1-8        Matthieu 9 : 9-13       Matthieu 9 : 35-36

    télécharger le texte P-2005-05-22.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Pour commencer notre réflexion sur les textes bibliques qui vous ont été lus, je vous demande de regarder les personnes qui sont autour de vous, celle qui sont proches (que vous connaissez probablement) et celle qui sont plus loin.

    Voilà, vous avez pu échanger des regards, voir des gens que vous reconnaissez, en découvrir d'autres qui vous sont inconnus. En regardant un groupe de personnes, notre esprit fait rapidement des catégories, il y a les gens connus et les inconnus, les plus jeunes et le moins jeunes que soi, les paroissiens habituels et les autres, et dans la rue, les suisses et les étrangers, les passants correctes et les marginaux douteux, etc… Toute société génère ses catégories.

    Du temps de Jésus, il y avait aussi des catégories, celles qu'on pouvait côtoyer, avec qui on pouvait partager un repas et celles qui étaient infréquentables : par exemple certains malades comme les lépreux; certaines ethnies, comme les samaritains; certaines professions, comme les collecteurs d'impôts.

    Les pharisiens étaient passés maîtres dans l'art d'établir des listes de gens fréquentables (on disait "purs") et infréquentables (on disait "impurs"). Le problème, c'est qu'ils le faisaient "au nom de Dieu." Cela, Jésus ne pouvait pas l'accepter.

    C'est pourquoi l'Evangéliste nous raconte cet épisode du repas que Jésus prend chez Matthieu, le péager, le collecteur d'impôt, l'agent du fisc romain. Jésus a passé devant Matthieu au péage. Matthieu est à son poste de travail (comme la caissière d'un péage d'autoroute française).

    Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, quand je passe au péage d'autoroute, je m'occupe d'avoir la monnaie, de tendre mon ticket et de récupérer ma monnaie. Je regarde à peine celui ou celle qui travaille. Ce n'est pas quelqu'un dont je vais faire la connaissance. C'est la même chose avec la caissière de la Coop ou le buraliste postal. Il y a des gens avec qui on a une relation purement commerciale, purement mécanique. D'ailleurs les entreprises l'ont bien compris, elles qui remplacent les employés par des automates !

    Eh bien, Jésus, lui, il a eu un autre regard pour Matthieu le péager ! Un regard de personne à personne, au point qu'il a vu en lui quelqu'un à appeler à devenir disciple ! Jésus n'a pas été retenu par des idées préconçues, il n'a pas pensé : "de toute façon, c'est un péager, de toute façon, on n'a pas le temps". Jésus a vu en Matthieu une personne. Jésus a vu au-delà des apparences, au-delà de la façade et du rôle. Jésus a regardé jusqu'au cœur de la personne.

    Il s'en est suivi un repas, un repas avec les amis de Jésus et tous les collègues de Matthieu, des gens infréquentables aux yeux des pharisiens. D'où leur question : "Pourquoi Jésus mange-t-il avec des gens de mauvaise réputation ?" (Mt 9:10)

    Vous aurez remarqué que les pharisiens parlent de ces gens en termes de groupe, pas en termes d'individu, de personne. C'est comme la question des homosexuels dans l'Eglise.
    — On ne peut pas accueillir ces gens-là !
    — Mais, tu connais Untel, il est très correct…
    — Oui, alors celui-là ça va.

    Là où les pharisiens voient une catégorie de personnes, Jésus voit des individus et des individus qui souffrent de leur exclusion, de leur stigmatisation. Et Jésus refuse de participer à leur mise à l'écart de la société. C'est pourquoi il vient partager un repas avec eux, il communie avec eux, lui qui va vivre cette exclusion jusqu'à la mort sur la croix.

    Jésus mange avec les exclus et explique à ceux qui le critiquent que les étiquettes humaines n'expriment pas la pensée de Dieu. Toute étiquette est une barrière qui nous empêche d'appréhender la réalité telle qu'elle est. Personne ne peut être réduit à une idée que nous nous faisons d'elle. L'être humain n'est pas réductible à sa profession, sa nationalité, sa couleur, son apparence ou ses gestes.

    Connaître vraiment quelqu'un, c'est dépasser toutes ces étiquettes, tous les qualificatifs pour accéder à la personne. C'est accueillir l'autre en lui laissant la place de devenir réellement qui il est et non tel que nous voudrions le voir.

    Abraham nous a laissé le souvenir d'un homme qui sait accueillir. En fait, il accueille ses visiteurs comme cela parce qu'il pense que c'est Dieu lui-même qui vient le visiter, c'est-à-dire comme des personnes dont il ne fera jamais le tour, dont il n'épuisera jamais la personnalité.

    C'est comme cela que Jésus regarde tous ceux qui se trouvent autour de lui. Même lorsque la foule l'entoure, il ne perçoit pas des anonymes, mais des êtres qui souffrent, qui portent des fardeaux — derrière l'apparence, derrière la façade que nous entretenons au mieux pour être aimés. Combien de fois pensons-nous (par exemple lorsque nous recevons un compliment) : "Ah, s'il savait qui je suis vraiment à l'intérieur de moi !" Qui n'a pas peur d'être démasqué ?

    Il y a de quoi avoir peur si nos faiblesses sont retournées contre nous pour nous démolir. Mais si c'est le contraire ? En réponse aux pharisiens, Jésus se présente comme le médecin de ces souffrances intérieures : "Les bien-portants n'ont pas besoin de médecins, ce sont les souffrants qui en ont besoin." (Mt 9:12) Jésus vient non pas pour juger selon les catégories des hommes, mais pour guérir, pour soulager.

    Jésus regarde les humains, nous regarde, avec les yeux de l'amour inconditionnel et nous invite à deux choses : d'abord, il nous invite à accepter d'être regardé ainsi, d'être accueilli, aimé, invité à vivre avec lui, partager son repas. Jésus nous appelle — comme Matthieu — à partager sa vie. Ensuite, dans les pas d'Abraham et de Jésus, nous sommes encouragés à adopter ce même regard envers les autres.

    C'est le culte que Jésus nous invite à rendre à Dieu : "Je désire la bonté, non les sacrifices." (Mt 9:13). Parce que nous avons été reçus, accueillis par Dieu, nous pouvons à notre tour accueillir notre prochain et marcher dans les pas du Christ.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • Matthieu 23. "Des choses cachées depuis la fondation du monde"

    (23.4.2000)

    Matthieu 23

    "Des choses cachées depuis la fondation du monde"

    Matthieu 13 : 34-35         Matthieu 23 : 29-35        Marc 16 : 1-8

    télécharger le texte P-2000-04-23.pdf

    Chaque fois que je relis le récit de la Passion dans l'Evangile de Marc, je suis frappé par le déséquilibre qu'il y a entre la longueur du récit de la Passion de Jésus et les quelques lignes consacrées à la résurrection, ou plus précisément au tombeau vide.

    Dans les manuscrits les plus anciens de Marc, il y a 8 versets — ceux qu'on vient d'entendre — versets qui décrivent la découverte du tombeau vide par quelques femmes. Ces femmes qui ne vont rien oser dire aux autres disciples parce qu'elles ont trop peur. Par contre, il y a 139 versets qui décrivent le processus et les événements qui conduisent à la mort de Jésus.

    Cela laisse penser que pour les évangélistes, la résurrection pose moins de problèmes de communication ou de compréhension que le fait de la mort de Jésus. Je ne sous-entends pas que le nombre de versets implique une différence d'importance entre la mort et la résurrection de Jésus, mais qu'il était probablement plus difficile de faire comprendre aux auditeurs contemporains des disciples le sens de la mort de Jésus que le sens de sa résurrection. On trouve également cet accent sur la mort de Jésus chez l'apôtre Paul, lui qui proclame prêcher Jésus-Christ, mais Jésus-Christ crucifié :

    "Quand je suis allé chez vous, frères, pour vous annoncer la vérité secrète de Dieu, je n'ai pas employé un langage compliqué ou des connaissances impressionnantes. Car j'avais décidé de ne rien savoir d'autre, durant mon séjour parmi vous, que Jésus-Christ et, plus précisément, Jésus-Christ crucifié." (1 Co 2:1-2)

    Paul parle à ce propos de "vérité secrète de Dieu". Jésus lui-même a pensé son ministère en terme de révélation, de "choses cachées depuis la fondation du monde" (Mt 13:35). Non seulement Jésus a parlé en paraboles, en langage codé, mais sa vie et sa mort est parabole, révélation d'un secret enfoui, occulté depuis la fondation des sociétés humaines. Jésus est venu révéler quelque chose et sa mort dévoile et dénonce totalement ce quelque chose. Mais de quoi s'agit-il ? Jésus l'a dit assez clairement dans les malédictions contre les maîtres de la loi et les Pharisiens :

    "Malheur à vous, maîtres de la loi et Pharisiens, hypocrites ! vous construisez de belles tombes pour les prophètes, vous décorez les tombeaux de ceux qui ont eu une vie juste, et vous dites : « Si nous avions vécu au temps de nos ancêtres, nous n'aurions pas été leurs complices pour tuer les prophètes. » (...) C'est pourquoi, écoutez : je vais vous envoyer des prophètes, des sages et des hommes instruits. Vous tuerez les uns, vous en clouerez d'autres sur des croix, vous en frapperez d'autres encore à coups de fouet dans vos synagogues et vous les poursuivrez de ville en ville. Ainsi, c'est sur vous que retombera la punition méritée pour tous les meurtres d'innocents qui ont été commis depuis le meurtre d'Abel le juste jusqu'au meurtre de Zacharie" (Mt 23 : 29ss).

    Jésus dénonce le fait que les gouvernants — cela concerne n'importe quelle société — construisent la société sur des meurtres qu'ils camouflent et pour lesquels ils rejettent toute culpabilité. Ils ne cessent de prétendre et de répéter que c'est la victime qui était coupable, sa mise à mort était nécessaire et légitime.

    C'est aujourd'hui un donné ethnographique établi que toute société est fondée sur une violence collective première qui l'unit, la rassemble, lui donne corps. Quelques exemples historiques : Romulus tue Remus et fonde Rome; Caïn tue Abel et devient le fondateur de la société Caïnite; les révolutionnaires tuent Louis XVI; Guillaume Tell tue le bailli Gessler; les Vaudois tuent le Major Davel, etc. Toutes ces victimes ont été trouvées coupables de quelque chose... Toutes ? Sauf Abel. En effet, comme je l'ai dit dans une précédente prédication (12.3.2000), la Bible se fait un point d'honneur — et c'est sa spécificité — de prendre le parti des victimes.

    Jésus, donc, dans la ligne de l'Ancien Testament, dénonce ces meurtres, d'Abel à Zacharie, du début à la fin de la Bible, de A à Z, tous... Jésus va plus loin, il dénonce le mécanisme lui-même de cette violence collective qui diabolise la victime et justifie les persécuteurs. Jésus l'a fait par ses paroles — celles entendues ce matin. Jésus l'a fait par sa mort même. La mise à mort de Jésus est la révélation ultime de ce mécanisme, de cette violence institutionnelle. C'est pourquoi les évangélistes doivent décrire cette mort et tout le processus qui y conduit avec une précision extrême, avec une exactitude de détail, sans pathos ni romantisme. Il faut que ce soit un véritable procès-verbal. Cela est fait afin que chacun puisse comprendre ce que tous ont toujours voulu cacher, dissimuler, occulter "depuis la fondation du monde".

    Ce qui est révélé, c'est la contagion de l'accusation — tous se liguent contre Jésus, même les disciples finissent par se laisser contaminer. Ce qui est révélé, c'est l'unanimité contre la victime — personne ne se dresse pour défendre Jésus, même Pierre renie son maître, même Pilate, qui ne voit rien de condamnable en Jésus, cède à la pression de la foule.

    La révélation, c'est que Jésus accepte de vivre ce processus pour qu'il soit révélé au monde et qu'il ne puisse pas se renouveler sans qu'une voix s'élève qui dise : "Regardez ! C'est comme pour Jésus, on persécute une victime innocente, on fait de celui-ci un bouc émissaire". Et c'est bien ce qui se passe aujourd'hui, en cette fin de XXe siècle.

    Bien sûr le mécanisme, hélas, se répète encore, il y a encore des victimes innocentes et des gens qui gagnent des voix en désignant des boucs émissaires. Mais aujourd'hui, il y a des voix, des centaines de voix qui s'élèvent pour dénoncer les bourreaux, les persécuteurs, les violents et pour aider, pour relever les victimes.

    Le monde est inondé de cette idée de rechercher les victimes et de partir les secourir. Le mécanisme est révélé — bien que beaucoup ne savent pas d'où vient cette révélation. Aujourd'hui, on ne peut plus voir les guerres comme justifiées par la culpabilité des victimes. Qui croit à la culpabilité des Tchétchènes [(2000) ou des Ukrainiens (2022)] pour justifier la guerre des Russes ?

    Aujourd'hui, plus que l'Eglise, ce sont les journalistes qui révèlent ce mécanisme au monde. Le monde a assimilé cette pensée où toute victime est à l'image de Jésus injustement persécuté et mis à mort. Il n'y a pas un jour où les journaux ne publient un récit similaire à la Passion du Christ, une victime injustement traitée qui a droit à une réhabilitation, à une reconnaissance de son innocence, de son besoin de justice.

    Cette réhabilitation, c'est ce que Dieu a offert à Jésus au travers de la résurrection. Une résurrection que les évangiles racontent sous la forme d'un tombeau vide. C'est l'image de la fondation nouvelle d'une société qui ne repose pas sur un cadavre dissimulé dans un tombeau, mais qui repose sur la vie, la vie de Dieu, la vie respectée du plus petit d'entre nous.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Zacharie 4. Nous croyons. La violence n'aura pas le dernier mot

    (13.3.2005)

    Zacharie 4

    Nous croyons. La violence n'aura pas le dernier mot

    Zacharie 4 : 6b          Matthieu 5 : 38-45     Jean 15 : 12-15

    télécharger le texte : P-2005-03-13.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Nous croyons. La violence n'aura pas le dernier mot.

    Voici le thème de la Campagne PPP (Pain pour le prochain) de Carême cette année (2005). Un thème axé sur la violence, ou plutôt sur la lutte contre la violence. Avec la lutte contre la violence, nous sommes en même temps au cœur du monde contemporain et au cœur du message biblique.

    Message biblique de l'Ancien Testament, depuis Abel, la première victime, jusqu'à Zacharie, le dernier prophète qui nous donne en héritage cette phrase magnifique :

    "Ce n'est pas par la violence, ni par tes propres forces, mais c'est grâce à mon Esprit que tu accompliras ta tâche." (Zach 4:6b)

    Dans le Nouveau Testament, non seulement l'enseignement de Jésus, mais sa vie et sa mort sont des plaidoyers contre la violence, toute violence.

    La violence est très présente autour de nous, même si nous pouvons être reconnaissants de ce qu'elle n'atteint pas les niveaux de la guerre militaire ou de la guerre civile.

    La violence, aujourd'hui, tout près de nous, c'est (a) la violence physique, par exemple sous la forme du racket dans les écoles ou des vols de sacs à l'arraché dans la rue. C'est (b) la violence psychologique que l'on trouve dans le dénigrement, le mépris, la violence verbale, et cela dans la rue, dans le bus, mais aussi dans les familles. C'est (c) la violence structurelle de notre société, à travers l'argent ou le travail — plutôt le manque de travail, ce "socle incompressible" de chômage. Un chômage qui touche davantage les jeunes (17%) et les plus de 50 ans. Violence structurelle et psychologique, puisqu'on a tendance à blâmer la victime, à lui faire porter la responsabilité de son chômage, alors que c'est un "jeu" de chaises musicales. Autour de ces violences, je vais faire trois constats.

    Premier constat : La violence touche les personnes les plus vulnérables.

    C'est-à-dire autant les jeunes (dans la période de construction de leur personnalité) que les plus âgés, lorsque force et autonomie diminuent. Or, la tendance générale de notre société est d'opposer jeunes et vieux, comme s'ils ne pouvaient pas se comprendre, comme s'ils n'avaient rien à s'apporter mutuellement !

    Combien serait-il plus profitable de se voir comme des partenaires plutôt que comme des adversaires. Souvent les jeunes se sentent seuls, ne savant pas avec qui partager leurs préoccupations, leurs soucis. Ils essaient de devenir autonomes et rechignent à s'adresser à leur parents ou leurs profs dont ils dépendent directement.

    C'est une chance inouïes pour les grand-parents d'offrir leur présence, de partager leur expérience et même leur désarroi par rapport à un monde en continuel changement. Les jeunes ont un cœur tendre sous leur carapace, ils sont besoin de lieux où ils peuvent cesser de jouer aux durs. Donc il ressort de ce premier constat qu'il y a un travail intergénérationnel à faire pour faire tomber la peur les uns des autre, changer de regard, ce qui s'appelle conversion (metanoia) dans l'évangile.

    Deuxième constat : On ne sait pas quoi faire lorsqu'on est en prise avec la violence.

    On est pris dans une tension entre, d'un côté, "ne pas répliquer, résister" parce que cela ne fait qu'augmenter la violence et les dégâts et de l'autre "on ne peut pas laisser passer une telle injustice", "on ne peut pas ne pas réagir, sinon on se fera toujours marcher sur les pieds." Comment vivre cette tension ? Comment éviter le piège d'entrer dans le cycle de la violence ou — à l'opposé — accepter le rôle de la victime et se laisser faire ? Il n'y a pas de recette miracle, mais on peut dégager quelques pistes.

    D'abord, vérifier l'enjeu. Qu'est-ce qui est en jeu, où sont les valeurs auxquelles nous tenons en premier lieu ? Doit-on risquer sa santé pour sauver son porte-monnaie ? Non, la santé passe avant les objets ! Apprenons à reconnaître quelles sont nos valeurs.

    Ensuite, nous vivons dans une société organisée où la justice n'est pas une affaire personnelle, mais institutionnelle. Utilisons les institutions pour décourager la violence, n'utilisons pas la vengeance personnelle.

    Enfin, le Christ nous apprend qu'il n'y a pas de honte à être la victime. Dans un processus de violence, la victime est même celle qui est "du bon côté." Il vaut mieux être la victime que l'agresseur, le violent. Cela bien sûr, c'est le bout de chemin difficile, ce que l'Evangile appelle "porter sa croix" : être conscient du phénomène violent et préférer encaisser une part de violence plutôt que la renvoyer sur autrui. C'est ce qu'a fait Jésus pour nous ouvrir les yeux.

    Troisième constat : Celui qui est isolé est une proie facile.

    Ceux qui font usage de la violence — même s'il peuvent avoir la force physique de leur côté — comptent sur l'isolement de leur victime. Le violent se sert de la peur de la victime, du silence de la victime, du retrait de la victime. Une bonne tactique — non violente — est de priver le violent de ces alliés naturels en formant un groupe, une communauté. Il ne s'agit pas de faire un autre gang pour être fort dans une guerre des gangs ! Il s'agit de faire corps, de partager les informations, les soucis, de prendre la parole dans un groupe pour rompre le silence, pour faire baisser la peur, pour se soutenir les uns les autres et reprendre confiance.

    De cette communauté des disciples est sortie l'Eglise ! Jésus nous appelle à former concrètement cette communauté pour nous entraider, pour nous soutenir et pour nous encourager lorsque nous sommes victimes d'attaques à cause de cette position de refus de la violence. Car cela peut arriver (notamment dans les cours d'école) d'être provoqué par la violence justement parce qu'on refuse la violence — pour voir jusqu'où l'on tient.

    Celui qui est seul dans cette situation est en danger ! Seule la force d'une communauté, d'un groupe ancré dans l'Esprit de Jésus peut résister en s'attachant à la parole de Zacharie :

    "Ce n'est pas par la violence, ni par tes propres forces que tu accompliras ta tâche, mais, c'est grâce à mon Esprit." (Zach 4:6b)

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • En quête de la cité de Dieu

    (27.2.2005)

    Hébreux 11

    En quête de la cité de Dieu

    Matthieu 24 : 1-2        Romains 8 : 14-17         Hébreux 11 : 1-2+8-10

    télécharger le texte P-2005-02-27.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    En cherchant les textes bibliques pour le message de ce matin, je suis tombé sur une phrase qui m'a intriguée :

     

    "Abraham habita sous des tentes, car il attendait la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur." (Hb 11:9-10).

    Cette phrase m'a intriguée parce qu'elle donne à un fait historique (Abraham vivait sous tente) une raison théologique. Dans la même phrase, on se trouve à deux niveaux différents, en déséquilibre, comme avec un pied sur le trottoir et un pied sur la route. Il y a des raisons historiques pour lesquelles Abraham vivait sous tente, c'est qu'il était nomade, qu'il avait des troupeaux qu'il devait suivre ou conduire paître en changeant constamment de lieux.

    Mais l'auteur de la lettre aux Hébreux ne se préoccupe pas d'histoire, mais de sens. Pour le suivre, il faut donc accepter de tout interpréter théologiquement, symboliquement. Au-delà du fait historique qu'Abraham vivait sous tente, c'est un choix qui devient symbolique. Abraham choisit d'habiter sous tente, dans une habitation provisoire, démontable, déplaçable, parce qu'il attend autre chose.

    Il est dans une attente, dans une quête, il a une exigence : il ne s'installera que dans la cité de Dieu, celle dont Dieu est l'architecte. Abraham est le premier personnage de l'histoire biblique, l'ancêtre du peuple d'Israël, celui qui reçoit l'appel de Dieu ("Va, quitte ton pays" Gn 12:1), celui qui reçoit la promesse d'être le père d'un grand peuple (c'est la signification de son nom), celui qui reçoit la promesse d'un pays où ses descendants s'installeront.

    C'est le roi David qui va réaliser le rêve de la cité de Dieu en choisissant Jérusalem et en y préparant les plans du Temple de Dieu, que son fils réalisera. Avec David, puis Salomon, vient le Temple, lieu de résidence de Dieu. Un étape d'installation pour le peuple.

    On pourrait croire que la cité qu'attendait Abraham est réalisée. Pourtant le Temple de Salomon sera détruit en 587 av. J.-C. et le peuple sera exilé à Babylone. Au retour de l'Exil, un deuxième Temple sera érigé, détruit à son tour. Un troisième Temple sera mis en construction par Hérode le Grand. Ce Temple n'est pas totalement achevé quand Jésus le visite avec ses disciples. Mais il est grandiose, imposant, impressionnant. tous les pélerins sont en admiration devant cette merveille architecturale. C'est du solide, il est fait pour durer mille ans. Il a la force du visible et pourtant Jésus prévoit que le ver est dans le fruit, qu'il ne représente pas la réalisation de l'attente d'Abraham. Ce Temple n'est pas l'image de Dieu sur la Terre, ce n'est pas dans ce Temple que les croyants doivent mettre leur confiance, Jésus dit à ses disciples ;

     

    "il ne restera pas ici une seule pierre posée sur une autre, tout sera renversé" (Mt 24:2)

    L'évangile nous révèle que la présence de Dieu ne réside pas dans les pierres d'un édifice — aussi beau et grandiose soit-il. Le temps de la Passion nous révèle que la présence de Dieu se trouve en Christ, dans cet homme qui va mourir sur la croix et que Dieu ressuscitera.

    La cité qu'attendait Abraham, c'est le Christ, il est la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur. En Christ, est la promesse de la vraie vie, d'une vie qui ne se contente pas du superficiel, du paraître, du visible.

    L'auteur de la lettre aux Hébreux définit la foi comme "être sûr de ce qu'on espère, être convaincu de la réalité de ce qu'on ne voit pas" (Hb 11:1). C'est la certitude qu'il y a une réalité au-delà de ce qu'on touche, de ce qu'on voit. Une réalité plus solide, plus sûre que celle que l'on voit, puisque ce qu'on voit peut s'effondrer, être détruit.

    Je crois que construire une foi comme celle-ci, c'est faire le parcours d'Abraham, David et Jésus, c'est passer par ces trois étapes.

    A. Dans un premier temps, c'est l'errance du nomade qui habite sous tente. Un temps de quête, de recherche, de voyages. On visite les croyances et les doctrines, on goûte à ceci ou cela, tout en espérant, en attendant de trouver quelque chose qui réponde à nos aspirations, à nos espoirs. C'est une collecte d'informations, d'expériences, qui peu à peu nous mène à nous fixer en un point pour y construire notre "temple".

    B. Alors on est roi chez soi, on a son système de pensées, ses certitudes. On a l'assurance d'une construction bien solide. Une double question se pose ici: cette architecture est-elle à l'épreuve des coups durs de la vie, des coups de boutoirs du malheurs ? Et cette architecture est-elle habitée d'une vraie Présence ?

    C. Ce à quoi l'évangile, le Christ nous appelle, c'est à miser davantage sur la Présence que sur les murs. Cette troisième étape que nous avons à vivre, c'est de faire grandir la Présence de Dieu, la Présence de l'amour dans l'architecture de nos convictions. Cette Présence, l'apôtre Paul la nomme l'Esprit saint.

     

    Dans les mots de Paul : "C'est l'Esprit saint qui fait de vous des fils de Dieu et qui nous permet de crier à Dieu : Papa. (…) Nous sommes ses enfants, donc nous aurons aussi part aux biens que Dieu a promis à son peuple, nous y aurons part avec le Christ." (Rm 8 : 15,17)

    Si nous partons en quête comme Abraham et vivons sous des tentes (au sens symbolique), il nous est promis aussi que nous serons accueillis dans la cité dont Dieu est l'architecte et le constructeur : la cité sans murs de sa Présence, de son amour.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Matthieu 2. "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte"

    (7.1.2001)

    Matthieu 2

    "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte"

    Deutéronome 16 : 1-3.          Matthieu 2 : 1-15

    télécharger le texte P-2001-01-07.pdf

    Chers amis,

    Vous avez sûrement mangé de la couronne des rois, le 6 janvier, date traditionnelle de la fête des Rois, aussi appelée Epiphanie. Traditionnellement, les rois mages, venus d'Orient n'arrivent pas vers Jésus le soir de sa naissance comme les bergers. Ils arrivent plus tard, car ils voient l'étoile qui paraît lors de la naissance de Jésus. Puis ils voyagent jusqu'à Jérusalem pour savoir où on peut trouver le futur roi des Juifs (tient, ce titre de "roi des Juifs" sera celui inscrit sur l'écriteau qui surmonte la croix !). Ensuite, il faut encore rassembler les autorités, les savant pour percer ce mystère. Finalement, c'est l'Ecriture sainte (Michée 5:1) qui révèle l'endroit où doit naître le Messie. La vérité ne se trouve pas dans les étoiles, mais dans l'Ecriture sainte.

    Plus on lit le récit biblique de l'avenue des mages, plus on se rend compte des différences et des contrastes qu'il y a entre la légende des rois mages — qui se raconte de Noël à l'Epiphanie — et le récit biblique qui n'a rien d'un conte de Noël.

    Matthieu ne nous raconte pas un conte où la naissance de Jésus apporte joie et paix dans le monde ! Matthieu nous montre comment — dès la naissance de Jésus — la venue de Dieu qui réclame sa royauté sur le coeur des humains crée des tensions, suscite des conflits.

    Que le règne de Dieu s'approche et le pouvoir temporel tremble de peur — ici Hérode. La venue de Jésus ne débouche pas sur un paradis, la venue de Jésus amorce un rapport de force — qui va persister tout au long du ministère de Jésus — entre les forces de la mort et les forces de vie de Dieu. Dès le moment de sa naissance, Jésus est l'objet de menaces : "Hérode cherche l'enfant pour le faire mourir" (Mt 2:13).

    Ce premier affrontement va être esquivé, car Dieu avertit Joseph de prendre l'enfant et sa mère et de fuir en Egypte. Peut-être une indication, un conseil pour les parents pour leur dire : Votre enfant devra affronter la réalité — et elle n'est pas facile — mais votre rôle pour le moment, tant que l'enfant n'est pas mûr, c'est de le protéger, en lui évitant, autant que possible, le moment de faire face au mal qui viendra bien assez tôt.

    Dieu avertit Joseph de prendre l'enfant et sa mère et de fuir en Egypte. L'Egypte — dans l'histoire et la pensée israélite — est un pays symbole. Symbole de l'esclavage et de l'oppression. C'est le pays du malheur, des dix plaies. C'est le pays du passé — où l'on a vécu — mais dont il faut sortir pour vivre vraiment.

    Il est intéressant et significatif que Matthieu nous montre que Jésus a aussi passé par l'Egypte, son Egypte intérieure, le pays de la frustration, le pays des blessures intérieures, de la violence subie — le massacre des innocents d'Hérode n'est pas sans rappeler le massacre des bébés hébreux ordonné par Pharaon autour de la naissance de Moïse !

    Personne — pas même Jésus, nous dit l'Evangile de Matthieu — personne n'échappe à un passage en Egypte, le plus souvent pendant son enfance. Malgré tous les soins, toutes les attentions que des parents peuvent porter à leurs enfants, il est impossible que l'enfant ne ressente pas des frustrations, des injustices, des malchances blessantes, des humiliations, des vexations. Le monde n'est pas le paradis... la vie n'est pas un conte de fée, malgré tous les cadeaux — et les trois rois mages en apportent d'importants — il y a une réalité qui fait que nous existons dans un monde limité où le malheur, à toutes les échelles, surgit, sans que ce soit la faute de quelqu'un en particulier. Peut-on reprocher aux mages d'avoir contacté Hérode et enflammé sa colère ?

    L'Egypte intérieure existe pour chacun. Le malheur n'est pas d'y avoir été exilé, c'est inévitable, le malheur c'est d'y rester, de ne pas en sortir, de ne pas entendre l'appel de Dieu : "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte" (Mt 2:15).

    Descendre en Egypte et remonter d'Egypte, c'est le parcours historique du peuple d'Israël, Abraham, Jacob, Moïse. Descendre et sortir d'Egypte, c'est aussi comme un parcours initiatique qui marque l'appartenance au peuple d'Israël (dans la liturgie de la Pâque, "vous vous souviendrez à jamais du jour où vous êtes sortis d'Egypte"); un parcours qui marque aussi la vie du croyant aujourd'hui; un parcours qui passe par l'association à la mort et à la résurrection de Jésus-Christ, au travers du baptême.

    Chacun, à l'âge où il se rend compte qu'il séjourne en Egypte, peut entendre l'appel de Dieu pour lui : "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte". « Je t'appelle, mon fils, ma fille, à sortir d'Egypte.»

    Nous avons accueilli, N N , aujourd'hui dans notre communauté, avec l'espérance qu'un jour il entende lui-même cette appel, et qu'à ce moment il puisse demander lui-même son baptême, pour sortir d'Egypte et entrer dans le Royaume de Dieu.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Dieu est lumière, il n'y a point trace d'obscurité en lui

    (28.12.1997)

    1 Jean 1

    Dieu est lumière, il n'y a point trace d'obscurité en lui

    Esaïe 63 : 7-9.        1 Jean 1:5-10, 2: 1-2.        Jean 1 : 14-18

    télécharger le texte : P-1997-12-28.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Jésus-Christ,

    A Noël, nous avons fêté la naissance de Jésus, la lumière qui a brillé dans nos ténèbres. Cette lumière est une image de l'action de Dieu sur nous, une image qui doit nous dire comment la présence de Dieu nous affecte directement, comment elle agit dans nos vies.

    Le texte de l'épître de Jean nous dit cela concrètement mais dans des mots et des catégories difficiles à comprendre aujourd'hui. [lire 1 Jean 1 : 5-9]

    Ce passage demande une traduction dans nos mots d'aujourd'hui. Que signifient les termes : lumière, ténèbres, communion, péché, qui reviennent à plusieurs reprise dans notre texte ?

    Pour entrer dans ce vocabulaire, il faut comprendre comment fonctionne l'être humain. L'être humain est un être de relation. Il communique pour être en relation et tirer quelque chose de positif pour lui dans la communication. Nous cherchons des échanges créateurs de chaleur humaine, d'intimité, d'émotion, par des échanges verbaux, sentimentaux, émotionnels, gestuels, corporels.

    Nous avons besoin "d'une dose quotidienne" de ces gratifications, de ces signes de reconnaissance, de ces valorisations, de ces caresses amicales pour entretenir notre être, notre estime de soi.

    Tout irait bien si nous savions formuler ces besoins en demandes directes, et si nous recevions ce que nous demanderions directement. Mais cela ne se passe justement pas comme cela (à cause du péché).

    Vous avez tous entendu dire une fois ou l'autre que le péché est une rupture de la relation. Je dirai que c'est davantage un trouble, une distorsion de la relation. On peut faire parfois plus de mal en maintenant une relation faussée, aliénante, qu'en la rompant.

    Depuis que nous sommes nés, tous nos besoins n'ont pas été comblés (cela est impossible) et nous avons grandi, dans ce que nous avons ressenti comme un manque, une pénurie. Et nous nous sommes construit avec des croyances réalistes et raisonnables dans notre environnement et face à une réalité d'un monde dure, injuste, frustrant par nature (sans que ce soit la faute de personne en particulier). Ces croyances sont la racine du péché, parce qu'elles contredisent le message d'amour de Dieu. Ces croyances ressemblent à cela.

    1) Je ne suis pas assez bien pour que les autres m'aiment. En conséquence, je dois les tromper sur le fond de mon être, en construisant une façade, afin de me faire aimer.

    2) Il n'y a pas assez d'amour pour tout le monde. En conséquence, je dois lutter contre les autres pour obtenir ma part et je dois conserver ce que j'obtiens de peur de manquer plus tard.

    3) Les autres, qui ont aussi besoin d'amour, agissent comme moi. En conséquence, je dois me méfier d'eux.

    Ces trois croyances nous conduisent dans ce que Jean appelle les ténèbres, l'obscurité, le mensonge, le péché.

    Je crois que nous avons suffisamment d'éléments pour traduire le texte de l'épître de Jean et comprendre le message de Dieu qui renverse nos croyances.

     

    v.5 Dieu est lumière,

    il n'y a pas trace d'obscurité en lui.

    Dieu offre des échanges clairs,

    il n'y a pas de sous-entendus, de chantages ou de donnant-donnant

    v. 6 Si nous disons "nous sommes en communion avec Dieu"

     

    et que nous marchons dans les ténèbres, alors nous mentons, nous ne pratiquons pas la vérité.

    Si nous disons "nous sommes branchés sur l'approvisionnement divin" (dans l'abondance de l'amour)

    et que dans nos relations nous grugeons les autres, nous faisons de faux échanges, alors nous sommes en contradiction, nous sommes dans le mensonges, loin de relations claires.

    v. 7 Si nous marchons dans la lumière

    comme lui-même est dans la lumière —

    alors nous sommes en communion avec les autres.

    Si nous avons des relations claires

    comme Dieu a des relations claires —

    alors nous pouvons être vraiment proches les uns des autres, partager une vraie intimité.

    v. 8 Si nous disons " nous n'avons pas de péchés"

     

    nous nous égarons nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous.

    Si nous disons "j'en suis a un stade où toutes mes relations sont claires, je ne fais plus de faux échanges"

    cette simple affirmation est une contrevérité, je m'égare moi-même

    v.9 Si nous confessons nos péchés

    fidèle et juste comme il est —

    il nous pardonnera nos péchés,

    et nous purifiera de toute iniquité.

    Si nous sommes prêts à voir et dire les distorsions de nos relations

    alors Dieu nous pardonne pleinement,

    et il nous aidera à nous débarrasser de nos stratégies courantes.

    Dieu nous donne une foi nouvelle pour remplacer nos vieilles croyances qui troublent nos relations.

    1) Dieu nous aime tels que nous sommes, sans rien ajouter, sans rien retrancher de nous-mêmes. Nous pouvons être tels que nous sommes et être aimés.

    2) Dieu est la source inépuisable de l'amour. Il y a assez d'amour pour tout le monde. Il n'est pas nécessaire de se la voler les uns les autres. Ce que nous donnons aux autres, Dieu nous l'avait déjà donné et nous le redonne au centuple.

    3) Les autres ont besoin d'amour et cela n'est plus un problème, même s'ils continuent à vouloir nous en prendre, puisqu'il y en a assez pour tous. Je n'ai plus besoin de me méfier des autres puisque c'est Dieu qui donne par mon intermédiaire.

    En résumé et pour terminer :

    Dieu est amour
    il nous aime chacun tel que nous sommes
    personne ne peut rien contre nous.

    Nous pouvons vivre de ces certitudes, elles sont la clé du bonheur.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Matthieu 10. Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né

    (16.12.2001)

    Matthieu 10-11

    Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né

    Esaïe 35:1-7.       Jacques 5:7-8.      Matthieu 10:40 — 11:6

    télécharger le texte : P-2001-12-16.pdf

     

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Il y a des moments où l'on voudrait bien avoir un signe clair de la présence et de l'action de Dieu dans notre monde, surtout après la période troublée que nous avons vécue cet automne.

    Il nous arrive bien quelque fois d'avoir le sentiment que les choses n'arrivent pas par hasard — ou arrivent par hasarD avec un grand D, un D majuscule — mais on se dit souvent vite : "Ce n'est qu'une coïncidence" et on tourne la page, même si on aurait bien voulu que cela soit un signe ! Recevoir un signe, un signal, et à partir de ce moment-là se sentir soutenu, encouragé, affermi.

    Savez-vous qu'aux Etats-Unis et en Europe, plusieurs millions de dollars sont investis chaque année pour financer des radars et des équipes de scientifiques qui écoutent l'univers, pour tenter de capter les émissions d'une intelligence extraterrestre !

    Mais comment reconnaître un signal intelligent parmi le brouhaha de l'univers. On ne va tout de même pas recevoir un message radio en anglais ou en français. Comment reconnaître une langue, un signal extraterrestre ?

    Pour nous se pose le même problème : Comment reconnaître, parmi tous les messages, le message qui vient de Dieu ? Comment reconnaître, parmi toutes les personnes que nous croisons, la personne porteuse d'un message divin. Comment Jean Baptiste peut-il reconnaître parmi tous ses contemporains : « celui qui doit venir » ?

    Jean Baptiste est à la recherche du Messie, de « celui qui doit venir », celui qui est annoncé, promis, par l'Ecriture. Bien qu'il soit en prison, Jean Baptiste persiste dans sa quête et envoie ses disciples questionner Jésus : "Es-tu « celui qui doit venir » ?"

    Jésus va donner une réponse indirecte à cette question : il dit en quelque sorte à Jean-Baptiste : "Observe les signes, scrute ce qui se passe ! N'est-ce pas ce qui était annoncé dans l'Ecriture ?"

    En effet, ce qui est impossible aux hommes se réalise : "les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres". (Mt 11:5)

    Jean Baptiste a vu ces signes-là, ils nous ont été transmis dans les quatre évangiles, mais lorsque j'ouvre les yeux sur notre monde, aujourd'hui, je ne vois pas ces signes-là ! Le signe que je vois aujourd'hui, c'est seulement le signe de Noël que nous attendons, une naissance, la venue d'un nouveau-né. Des enfants continuent à naître dans notre monde ! Est-ce bien raisonnable ?

    Le signe que Dieu nous donne, sa signature, c'est la venue d'un bébé dans un pays occupé par les Romains, où des rébellions se déclenchent, suivies de représailles répressives, exactement la situation de la Palestine d'aujourd'hui ! Dans ce monde d'alors, comme dans notre monde d'aujourd'hui, Dieu donne comme seul signe "un nouveau-né, emmailloté et couché dans une crèche" (Luc 2:12).

    Un signe dérisoire face à nos attentes ! Dieu se moque-t-il de nous ? Quel est son plan ? Ce bébé Jésus est-il vraiment « celui qui doit venir » ?

    C'est à douter de tout, de Dieu, de Jésus, du salut ! Probablement est-ce pour cela que Jésus ajoute cette phrase — après les signes énumérés : "Heureux celui qui n'abandonnera pas la foi en moi, ou à cause de moi" (Mt 11:6). Oui, Jésus, tel qu'il est né, tel qu'il s'est présenté, tel qu'il a vécu, tel qu'il est mort, ne vient pas remplir nos désirs de toute puissance, nos attentes de bouleversements soudains, d'anéantissement radical et rapide du mal.

    Nous voudrions bien que Dieu intervienne radicalement dans notre monde d'aujourd'hui pour mettre fin à nos guerres, à nos injustices, à nos incapacités à partager... Mais il ne le fait pas. Il n'en a pas l'intention. Ce n'est pas sa façon de nous aimer et de nous respecter.

    Dieu place dans notre monde des signes discrets, fragiles — à l'image d'un nouveau-né. Des signes qui ne s'imposent pas, qui n'éblouissent pas, qui ne retiennent pas l'attention des médias. Des signes discrets, mais qui sont partout, qui sont dans tous nos gestes, qui sont dans tous les gestes faits à notre égard.

     

    "L'homme qui vous reçoit, me reçoit; et l'homme qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé (Mt10:40) Celui qui donne même un simple verre d'eau à l'un de ces petits, recevra sa récompense." (Mt 11:42).

    Chaque geste est un signe, un signal qu'il faut recevoir comme venant de Dieu. Chaque geste que nous faisons, veillons à le faire comme un geste qui peut porter la signature de Dieu.

    Cessons de porter nos regards vers le ciel comme des radars fixés vers l'immensité vide de l'espace en attendant un signal extra-terrestre. La venue de Dieu sur la terre, que nous attendons dans cette période de l'Avent et qui se réalise à Noël, signifie que les signes de Dieu se réalisent maintenant sur notre terre, directement autour de nous et au travers de nous, à travers nos gestes, des gestes tout humains.

    Croire à l'incarnation de Dieu, c'est ouvrir les yeux sur notre réalité présente et y chercher, y voir sa trace, ses signes, sa signature.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Michée 3. Comment Dieu se révèle progressivement aux humains

    (14.11.2004)

    Michée 3

    Comment Dieu se révèle progressivement aux humains

    télécharger le texte : P-2004-11-14.pdf

    Aujourd'hui, il est recommandé de ne pas lire les textes bibliques avant la prédication !

     

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Notre connaissance de la Bible est souvent très morcelée. A part pour ceux d'entre vous qui ont lu leur Bible en entier — il est difficile d'avoir une idée du panorama biblique. Souvent, on lit un texte par ci un texte par là; le prédicateur du jour parle aussi sur l'un ou l'autre des textes bibliques, mais cela ne donne pas une idée claire de l'entier de la Bible.

    Pourtant la Bible est porteuse d'un message d'une grande cohérence — pour dire que la Bible est plutôt une bibliothèque avec des auteurs très divers, rédigés sur une durée de plusieurs siècles ! Pourtant, il y a dans le récit biblique un fil rouge, un élan, une intention que l'on peut suivre et que j'aimerais développer aujourd'hui : comment Dieu se révèle progressivement aux humains.

    Nous allons voir quelle est la méthode de Dieu pour se faire connaître à l'homme. Les lectures bibliques viendront ponctuer ce parcours au fur et à mesure pour illustrer mon propos.

    La première étape de la stratégie divine a été de choisir de se révéler à quelques individus en commençant par un chef de famille. Ainsi, Dieu a d'abord choisi un homme : Abraham. Abraham est un chef de clan. Dieu lui adresse la parole et lui fait une promesse double : la promesse d'être à la tête d'une grande descendance et de recevoir un pays.

    C'est à travers Abraham et son fils Isaac et ses petits-fils Jacob et Esaü que Dieu se fait connaître. Il se fait connaître comme un Dieu personnel, un Dieu qui entre en dialogue, qui se fait proche et qui se fait le défenseur du clan, du groupe. C'est un Dieu nomade qui accompagne des nomades (on voit Abraham, Isaac et Jacob faire d'incessants voyages entre la Mésopotamie, le pays de Canaan et l'Egypte). Ecoutons le récit d'une rencontre de Dieu avec Jacob.

    Lire : Genèse 35 : 9-15.

    Avec Jacob, le troisième patriarche, s'accomplit la promesse de devenir un grand peuple. Jacob a 12 fils et ceux-ci seront à l'origine des 12 tribus d'Israël.

    La foi des patriarches se transmet à un peuple nouveau. Ce peuple grandit en Egypte, mais il rencontre l'opposition du Pharaon qui asservit les hébreux. C'est alors que Dieu fait appel à Moïse. Nous entrons dans la deuxième phase de la stratégie divine.

    Pour communiquer avec tout un peuple, Dieu change de méthode. D'abord, il crée l'événement en libérant son peuple de l'esclavage en Egypte. Il le conduit dans le désert où va commencer une période d'apprentissage : comment user de la liberté et rester libre ?

    Dieu forme avec son peuple une alliance. Après le temps de la promesse avec les patriarches vient le temps de l'alliance avec Moïse. L'alliance est un contrat, un traité. Dieu conduit et protège son peuple. Le peuple, en échange, applique le Décalogue (les dix commandements) que Moïse reçoit de Dieu. Ecoutons comment Moïse reçoit les tables de la Loi.

    Lire : Exode 24 : 12-18.

    Dieu se révèle comme celui qui donne la Loi à Moïse pour que celui-ci l'enseigne aux Israélites. Nous entrons dans une étape de pédagogie. Le peuple doit apprendre quelles sont les règles pour vivre ensemble en bonne harmonie et préserver la liberté de tous. La Loi de Dieu est donnée à tous, y compris au roi pour que ne règne pas la loi de la jungle, la loi du plus fort. La Loi est destinée à protéger le faible, le démuni. Mais cette route est parsemée d'échecs.

    Jamais la loi n'a pu interdire efficacement sa transgression. On ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque personne ! Ainsi, les personnes et le peuple désobéissent.

    Pour rappeler à son peuple le contenu de l'Alliance, Dieu envoie des prophètes. C'est la troisième étape de la stratégie divine. A chaque époque de l'histoire d'Israël, Dieu charge des prophètes d'avertir le peuple d'Israël que Dieu ne supporte pas les injustices, les mauvais traitements, l'exploitation et l'oppression.

    Dieu menace de punir tout en rappelant les promesses qu'il a faites. Ecoutons le prophète Michée élever la voix :

    Lire Michée 3 : 9-12 et 4 : 1-4.

    Le prophète est celui qui proteste, qui répercute la protestation de Dieu chaque fois que quelqu'un est maltraité, tout en rappelant les promesses de Dieu. Avec le message des prophètes, on voit que Dieu se place aux côtés des victimes d'injustices.

    Les prophètes appellent à une intériorisation de la Loi. Chacun est responsable pour lui-même de respecter la Loi. Chacun doit décider pour lui-même et par lui-même de respecter les règles qui permettent de vivre ensemble. Le but — comme le dit Michée — est de vivre en paix. Si les gens respectent la loi alors :

     

    "De leurs épées, ils forgeront des pioches,

    de leurs lances, ils feront des faucilles,

    il n'y aura plus d'agression d'une nation contre une autre. " (Mi 4:3).

    Ce programme pour la paix est expérimenté avec le peuple d'Israël, mais il est destiné au monde entier, ce message à une visée universelle.

    C'est ce que Dieu a voulu réaliser par une quatrième étape en envoyant son Fils, Jésus, dans le monde. C'est ce que nous développerons dans le temps de l'Avent, la venue de Jésus sur la terre. Sa mission est de passer une nouvelle alliance, cette fois avec tous les humains sur la terre, une alliance fondée sur l'amour du prochain, un amour vécu et intériorisé par chacun. Il donnera sa vie pour cela, se faisant modèle universel de la victime que Dieu vient sauver.

    Dieu a commencé à se révéler à un individu, il a étendu sa révélation à un peuple, avec pour but ultime de faire une alliance universelle qui puisse à nouveau toucher tout individu. C'est ainsi que nous sommes inclus dans son alliance pour que la paix soit établie sur la terre.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Le plus fervent défenseur du christianisme a commencé comme le plus acharné de ses adversaires

    (11.11.2001

    Actes 9)

    Le plus fervent défenseur du christianisme a commencé comme le plus acharné de ses adversaires

    Télécharger le texte P-2001.11.11.pdf

     

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Qui ne connaît pas l'apôtre Paul ? L'apôtre Paul est — après Jésus — le personnage qui a eu la plus grande influence sur le développement du christianisme. Un quart des écrits du Nouveau Testament sont de sa main ou directement inspirés de sa prédication. L'apôtre Paul est celui qui a fait traverser les frontières à l'évangile. C'est lui qui a parcouru des kilomètres pour annoncer l'évangile au Liban — pour employer les nom de pays actuels — en Syrie, en Turquie, en Grèce et en Italie, jusqu'à Rome.

    Tout chrétien connaît l'apôtre Paul, mais qui connaît ses origines, le début de sa carrière ? Le plus fervent défenseur du christianisme a commencé comme le plus acharné de ses adversaires. A cette époque, il s'appelait Saul de Tarse, et Saul faisait partie des juifs qui se sont opposés aux premiers chrétiens. Il haïssait Jésus et ses disciples, il les persécutait, les jetait en prison, il leur en voulait "à mort". (On dirait aujourd'hui que c'était un intégriste qui pourchassait les infidèles).

    Dès la mort de Jésus, les disciples qui proclamaient l'évangile — la bonne nouvelle — de la croix et de la résurrection de Jésus ont été persécutés, poursuivis, parfois mis à mort, comme Etienne. Aujourd'hui encore l'Eglise est persécutée dans de nombreux pays.

    L'Eglise est persécutée lorsqu'elle demande simplement le droit de se réunir pour un culte dans les pays qui n'admettent pas d'autre forme de pensée que celle des dirigeants. L'Eglise est persécutée lorsqu'elle demande que la justice soit la même pour tous les habitants d'un pays. Des chrétiens paient de leur vie, leurs croyances, leur foi, leur désir de lire la Bible et de prier. Mais pour eux, il est plus important d'être avec Dieu que de souffrir. Ils savent à quoi ils tiennent.

    Seriez-vous là, serais-je là, si nous risquions une amende ou une semaine de prison en venant au culte ? Aujourd'hui, ici, nous ne sommes pas persécutés, nous ne risquons ni amende ni prison. Pourtant, il faut un certain courage pour être chrétien, même ici, même à notre époque ! Qui d'entre nous raconte, le lundi matin au travail, à l'école : "Dimanche, tu sais pas quoi ! j'ai été au culte, j'étais content de prier et de chanter, de rencontrer mon Dieu !".

    Il y a chez nous une pression, invisible, mais forte, qui dévalorise toute volonté de contact avec Dieu. Il y a une pression sociale, une pression de groupe qui fait qu'on peut raconter qu'on est allé faire du sport, ou au cinéma, ou surfer sur internet... mais qui fait qu'on ne peut pas dire ce qu'on pense, sauf si c'est pour démolir et critiquer ! "T'as vu ça / celui-ci, c'est nul, c'est naze, c'est un looser", etc.

    Dites des choses positives, avec des mots polis, exposez vos valeurs et vous entendez : "ça y est il recommence avec ses bondieuseries..." On n'ose plus dire : "moi j'aimerais plus de justice; moi j'aimerais écouter et apprendre; moi, je ne viendrais pas avec vous si c'est pour taper sur X ou Y." Celui qui dans son coeur veut être juste, aimable et non-violent est en butte aux moqueries des autres. C'est tellement plus "sport" d'aller piquer dans les magasins ou de tromper le fisc (pour les plus grands !).

    Les idées chrétiennes d'amour du prochain, de défense du faible, de justice, de salaire équitable ne sont pas généralisées, de loin pas, elles sont même critiquées, déconsidérées et méprisées. Ce sont les "persécutions" actuelles que nous vivons. Et il faut être courageux, tenace et volontaire pour lutter contre ce courant.

    Lutter contre le courant. C'est la tâche à laquelle Dieu ne cesse d'appeler les humains. C'est ainsi qu'il a appelé Jérémie qui se trouvait trop jeune (il dit littéralement : "Mais je n'ai pas de poil au menton" (Jér 1:6)). C'est ainsi que Jésus a appelé ses disciples, douze hommes et quelques femmes, dont Marie, Jeanne et Suzanne. C'est ainsi que Jésus a appelé Saul sur le chemin de Damas. C'est ainsi qu'il appelle chacun de vous.

    Aujourd'hui — dans un monde qui privilégie la guerre, l'injustice, l'exploitation, l'écrasement des faibles — choisissez la voie de Jésus, celle du respect, celle de l'amour, de la non-violence, de la justice. Ce n'est pas une voie facile, plus simple. En optant pour Jésus, vous allez rencontrer de nombreux obstacles sur votre route, vous serez en butte aux moqueries, aux fausses accusations de faiblesse, de couardise, de lâcheté.

    Etes-vous prêts à relever ces défis et être quelqu'un ou bien allez-vous céder à la pression sociale et vous fondre dans la masse de ceux qui ne veulent pas se mouiller, par intervenir ? Ce choix est placé devant vous !

    Lorsque Saul a entendu Jésus lui demander : "Pourquoi me persécutes-tu ?" il est tombé à terre, toutes ses convictions antérieures se sont brisées et il a réalisé qu'il avait fait fausse route jusque-là. Il a eu le courage de changer de comportement, il s'est converti. Il est devenu l'apôtre de l'amour du Christ.

    Amen

     

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Christ - visage humain - visage divin

    (12.11.2003)

    Marc 9

    Christ - visage humain - visage divin

    télécharger le texte : P-2003-10-12.pdf

     

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Qu'est-ce qui est au coeur, au centre de la foi chrétienne ?

    De nos jours, il est de bon ton de ne pas faire ressortir les différences entre les religions, d'affirmer que nous partageons tous le même Dieu, qu'il y a simplement une puissance au-dessus de nous et de taire nos différences de peur d'ouvrir de nouveaux conflits. Cette volonté de paix, d'apaisement — de renoncement à toute provocation — est une bonne chose, mais qui ne doit tout de même pas nous retenir d'approfondir notre foi et d'élargir notre compréhension de notre propre croyance.

    Qu'est-ce qui est donc au coeur de la foi chrétienne ? Je commencerai par dire que c'est une certaine vision de la relation entre Dieu et l'être humain. Une relation tout à fait particulière, propre au judaïsme et au christianisme.

    Dans l'ensemble des religions, il existe une barrière entre l'homme et Dieu. Dieu inspire le respect, la vénération et la crainte. La façon dans les religions présentent leurs dieux tend à accentuer l'écart entre la majesté divine et la petitesse de l'être humain. Les temples se font de plus en plus grand, les statues gigantesques (pensez aux statues égyptiennes d'Abou Simbel). Le christianisme n'a pas totalement échappé à cette tendance non plus, regardez nos cathédrales ou la richesse des décorations de certaines églises baroques.

    Le Dieu de la Bible a plutôt tendance à se passer de temples. C'est un Dieu qui s'approche des humains et qui les accompagne sur leur chemin. Un Dieu qui se révèle à des individus et qui dit — comme à Moïse (Ex 3) — "J'ai entendu les cris de mon peuple opprimé, je viens le délivrer." Un Dieu qui se révèle dans la personne de Jésus de Nazareth. Un Dieu qui crée l'être humain à son image.

    Pour illustrer cette idée, je vais vous demander votre participation. Je vais vous distribuer un petit morceau de carton sur lequel vous trouverez quelques figures.

     

    visage,personne,dignité,ressemblance,prédication,evangile,spiritualité,protestant,vie spirituelle,bible,nouveau testament,ancien testament,éducation,foi,amour,dieu,jésus,jésus-christ,réformé,eglise. . . . . distribution . . . . .

    Que voit-on sur ces morceaux de carton ?

     

    C'est l'humanité réunie en tableau. Si l'on fait le puzzle que constituent toutes ces pièces, on verrait ceci : le poster du puzzle est dévoilé (voir l'image en fin de document)

     

     

     

    Vous êtes assez loin pour ne plus voir le détail de chaque visage qui ensemble créent une mosaïque révélant un autre visage, le visage de l'humanité. On reconnaît un visage de Christ avec sa couronne d'épine. Cette image est à deux niveaux, les visages humains et le visage du Christ. Selon notre place, selon notre vision de près ou de loin, on voit des petits visages (ceux que vous avez dans la main) ou le visage du Christ, visage de l'humanité ou visage de Dieu, comme le confesse le centurion romain. Il voit Jésus sur la croix et dit : "Celui-ci est vraiment le Fils de Dieu." (Mc 15:39)

    Deux niveaux qui font découvrir deux réalités. C'est une parabole de notre lecture de la Bible. Lecture à raz le texte, souvent trop humain. Lecture en perspective (plusieurs textes se parlent et se répondent), mise en relief qui donne du sens et une possible interprétation. Mettons cela en pratique lorsque nous lisons la Bible.

    La Bible nous présente un Dieu à visage humain et un humain à visage divin. Déjà dans la Genèse, Dieu dit : "Faisons l'humain à notre image, selon notre ressemblance." (Gn 1:26) Et plus tard, Jésus prend un enfant au milieu de ses disciples et leur dit : "Celui qui reçoit un de ces enfants, me reçoit moi-même." (Mc 9:37). Visage de Dieu et visages humains se recoupent, se superposent. C'est ce que voit le centurion au pied de la croix !

    Si vous cherchez le visage de Dieu, l'évangile nous dit : cherchez Jésus, cherchez le Christ. Et Jésus nous dit : Si vous voulez me rencontrer, rencontrez votre prochain. Si vous voulez me voir, regardez votre voisin, regardez votre prochain, faites-lui du bien et c'est à moi que vous ferez du bien ! Dieu prend visage humain et tout être humain porte en lui le visage de Dieu. Non pas dans ses qualités et ses perfections, dans sa jeunesse ou sa beauté, comme essaient de nous le faire croire les publicités, mais dans son humanité souffrante, imparfaite et vulnérable. visage,personne,dignité,ressemblance,prédication,evangile,spiritualité,protestant,vie spirituelle,bible,nouveau testament,ancien testament,éducation,foi,amour,dieu,jésus,jésus-christ,réformé,eglise

    Le visage humain est aussi le signal, le rappel de l'éthique. Respect et protection sont dus à tout humain parce que chacun porte en lui l'empreinte de Dieu, l'empreinte du Christ. Voir le visage humain, voir le visage d'un enfant, devrait désarmer en nous toute impulsion de violence et d'agression, parce qu'au coeur de tout visage humain, il y a le visage du Christ crucifié. En lui Dieu s'est approché de nous, au plus intime de notre vie, au plus près qu'il est possible.

    Dans le christianisme, il n'y a plus de barrière entre Dieu et humain, parce que Dieu l'a voulu ainsi, ce que l'évangéliste Marc fait remarquer subtilement lorsqu'il indique — au moment de la mort de Jésus — que le voile du Temple s'est déchiré.

    Dieu s'est approché de nous, en Jésus il nous a dévoilé son vrai visage, un visage d'humanité.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

     

  • Un semeur insensé

    (17.9.2000)

    Marc 4

    Un semeur insensé

    Deutéronome 6 : 1-9.     Marc 4:1-9

    télécharger le texte : P-2000-09-17.pdf

    Chers amis,

    De nos jours de puissants tracteurs tirant des remorques perfectionnées s'occupent à semer en lignes bien droites nos champs de blé, de maïs, de tournesols ou de soja. Arrivé au bout de son champ, l'agriculteur bloque l'épandage de la semeuse avant de faire son demi-tour et repartir. Qui a l'idée de perdre du grain sur le chemin, dans les cailloux ou dans les ronces ?

    Cette attitude ne date cependant pas d'aujourd'hui et de nos puissantes machines, ou de notre désir d'efficacité. Il faut imaginer le petit paysan du temps de Jésus. Il n'a pas acheté son blé à une multinationale. Il tient son grain de la part qu'il a mise de côté dès la dernière moisson, sur sa dernière récolte. Ce grain est le fruit de ses efforts, il ne va pas le gaspiller sur le chemin, dans les cailloux ou les ronces.

    Pire encore, si la récolte de l'année a été mauvaise, il doit — avec toute sa famille — se restreindre et surtout ne pas toucher à cette partie mise à part, de peur de compromettre toute récolte future ! Qu'il est précieux le grain à semer !

    Il n'y a qu'un insensé qui peut se comporter comme le semeur dont parle Jésus ! Un insensé ou quelqu'un qui possède des ressources inépuisables. Le semeur dont Jésus parle est un mélange des deux. Il fait le pari fou que le miracle de la germination peut se produire partout, qu'il vaut la peine de semer à tout vent, qu'on ne peut pas préjuger de ce qui va se passer.

    On ne peut pas préjuger que cette personne-là sera réceptive et celle-ci non. On ne peut pas préjuger que cet individu sera touché et que celui-là ne peut pas l'être. On ne peut pas le préjuger avant d'avoir semé.

    Et Dieu se refuse à préjuger, il est assez fou et généreux pour s'adresser à chacun, à celui dont le coeur a tant été piétiné qu'il est devenu dur comme de la terre battue; autant à celui dont la vie est si remplie de malheurs qu'il ne semble pas y avoir de place pour autre chose, qu'à celui qui se sent envahi par le chagrin ou les scrupules, par la culpabilité ou les soucis.

    Aucun n'est finalement inatteignable, impénétrable à l'amour de Dieu. Dieu s'abaisse et s'approche de chacun d'eux, de nous, pour les relever et leur offrir la possibilité du bonheur.

    Ce mouvement d'approche de Dieu vers nous est léger comme un grain qui tombe sur le sol. Ce n'est pas la foudre qui frappe, ce n'est pas un tremblement de terre qui creuse une faille, ce n'est pas un vent qui déracine les arbres (allusion à 1 Rois 19: 11-13), c'est juste un grain qui tombe par terre.

    [Je lâche quelques grains de blé du haut de la chaire pour faire entendre le bruit que cela fait]

    Vous avez entendu ? Presque rien ou même rien du tout ! Ce n'est pas pour rien que Jésus commence sa parabole en disant "Ecoutez !" (Mc 4:3) et qu'il la termine par ces mots : "Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende, qu'il s'en serve !" (Mc 4:9)

    Dieu ne s'impose pas à l'être humain, il est discret comme un grain qui tombe par terre, mais ce grain est lourd d'une multitude de potentialités pour celui qui l'accueille et le laisse se développer.

    Lors du baptême, la graine de l'amour de Dieu est semée, un geste, quelques gouttes d'eau, une promesse de présence et d'amour et la possibilité d'une croissance merveilleuse.

    Comme l'enfant que Dieu confie à ses parents, le grain nous est confié. A partir de là, nous sommes investis d'une responsabilité envers nous-mêmes, envers nos proches, envers la terre entière. Cet amour reçu, allons-nous le laisser s'envoler, s'assécher, s'asphyxier ? Ou allons-nous le développer, lui faire porter du fruit, le transmettre, le faire rayonner afin que le monde en soit enrichi et élevé ?

    Que celui qui veut entendre, ouvre ses oreilles et son esprit.

    Amen

     

    © Jean-Marie Thévoz, 2021