Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

foi - Page 29

  • Luc 24. Nous avons plus de chance, nous aujourd'hui, que les disciples au matin de Pâques.

    Luc 24

    23.3.2008
    Nous avons plus de chance, nous aujourd'hui, que les disciples au matin de Pâques.
    Luc 18 : 31-34    Luc 24 : 1-12


    Chers amis,
    Ce matin, nous fêtons la résurrection du Christ ! Ce matin, nous nous rappelons le premier dimanche de Pâques, la première aube pascale où les femmes ont découvert le tombeau vide et ont été porter la nouvelle de la résurrection aux autres disciples !
    Nous avons raison de nous réjouir, nous avons raison de laisser éclater notre joie et notre foi en la résurrection, car nous pouvons le faire, aujourd'hui, bien mieux que les disciples au premier matin de Pâques. Oui, je crois que nous avons plus de chance, nous aujourd'hui, que les disciples au matin de Pâques. Il nous est plus facile de croire au Christ ressuscité aujourd'hui, au XXIe siècle, que le surlendemain de la mort de Jésus.
    Je sais que la plupart des gens regrettent le passé et qu'ils pensent qu'il aurait été plus facile d'être croyant, de croire à la résurrection en assistant aux apparitions de Jésus avec ses disciples. Et bien, je crois que c'est une erreur.
    D'abord, lisons les textes, tels qu'ils sont écrits, et non pas tels que nous les imaginons. Les femmes arrivent au tombeau pour embaumer un corps qu'elles ne trouvent pas. Leur réaction ? "Elles ne savent que penser"(v.4). Perplexité. Ensuite "elles sont saisies de frayeur" (v.5) lorsque deux messagers leur apparaissent. Ces femmes vont raconter aux autres disciples ce qu'elles ont vu et entendu et les disciples trouvent leurs propos "absurdes" (v.11). Les disciples ne croient pas les femmes. Pierre part vérifier ce que disent les femmes. Il voit les bandes de lin dans le tombeau et retourne "très étonné" (v.12) chez lui.
    Où est la foi ? Perplexité, peur, incrédulité, étonnement. Voilà les divers états d'esprit des proches de Jésus le jour de Pâques ! De foi ? Aucune ! Les disciples sont déstabilisés, pleins de questions. Que se passe-t-il ? Que s'est-il passé ?
    Une piste leur a été donnée : "Rappelez-vous ce qu'il vous a dit en Galilée." (v.6) La foi va naître de la mémoire, du rappel des paroles et des gestes de Jésus. Ce que Jésus a fait et dit se réalise ! Ce que Jésus a annoncé à propos de Dieu et de lui-même arrive, se passe. Une transformation s'effectue, une lumière s'allume qui donne sens à ce qui a été vécu avec Jésus, à ce qu'il a dit, à ce qu'il a fait.
    Jésus n'apparaît même pas dans le récit du tombeau vide raconté par Luc ! Ce n'est qu'après un travail de mémoire et les gestes du partage du pain que les disciples d'Emmaüs reconnaissent que Jésus a fait chemin avec eux auparavant.
    La foi ne naît pas de la vision de la résurrection (elle ne nous est jamais montrée ou décrite), la foi naît de la vision des effets de la résurrection dans la vie de tous les jours.
    C'est là notre grand avantage par rapport aux disciples. Les disciples n'ont que quelques heures, quelques jours derrière eux, pour voir les effets de la résurrection autour d'eux. Nous avons vingt siècles d'histoire du monde.
    La résurrection elle-même reste un mystère indéchiffrable, mais ses traces dans notre histoire sont lisibles. Elle laisse une trace chaque fois que ce qui devait être une fin, un terminus, ouvre à un nouveau début; chaque fois que ce qui devait être un anéantissement ouvre à un réveil, à un surgissement, à une renaissance. Chacun en a des exemples dans sa propre vie.
    La résurrection du Christ est la façon qu'a eue Dieu de mettre son sceau, sa signature sur les paroles et les gestes de Jésus. Et notre monde — malgré toute l'obscurité qu'il comporte encore — porte les marques nombreuses de la dynamique de vie des paroles et des gestes de Jésus. C'est la puissance de la résurrection dans notre monde !
    Sans la résurrection,  le message de Jésus serait tombé dans l'oubli.
    Sans la résurrection, nous ne vivrions pas sous le signe de l'égale valeur de tous les êtres humains, comme enfants d'un même Père, nous serions une société de castes avec ses hommes libres et ses esclaves ou ses parias.
    Sans la résurrection, nous ne vivrions pas la liberté individuelle, y compris celle de quitter le Père comme le fils prodigue.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas d'émancipation des femmes ou de protection des enfants.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas de combat pour la justice sociale et d'attention aux plus pauvres, aux plus démunis ou aux opprimés.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas de séparation entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique, amalgame qui a conduit Jésus sur la croix.
    Sans la résurrection, nous n'aurions pas cette attention constante au prochain qui a fait naître les hôpitaux, la Croix-Rouge et les organisations humanitaires.
    Nous ne savons toujours pas comment Jésus est ressuscité, nous ne savons pas l'expliquer et le décrire, mais nous pouvons lire dans le monde les signes, les effets, les conséquences de la résurrection.  C'est pourquoi je pense que nous avons plus de chance que les disciples au matin de Pâques. Joyeuses Pâques à tous !
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Matthieu 22. "Aime et fais ce que tu veux !"

    Matthieu 22

    9.3.2008
    "Aime et fais ce que tu veux !"
    Ga 5 : 13-15    Mt 22 : 35-40

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers catéchumènes,
    Vous avez entendu tout à l'heure les réflexions des catéchumènes sur la question de la violence, des règles, du respect des autres. On sent qu'ils ont un sens très correct d'où est le bien, où est le mal, un sens de la justice et de l'injustice. En même temps, il reste des zones floues — pour nous adultes aussi d'ailleurs.
    Un exemple : on n'aime pas la délation et on dit à nos enfants : "Ce n'est pas bien de rapporter !" Mais en même temps, on leur demande de venir nous avertir si quelque chose ne va pas, tourne mal. Où est la frontière entre "avertir en cas de danger" et "rapporter une mauvaise action" ?
    On a besoin d'un mode d'emploi de la vie, des situations concrètes. Voilà plusieurs modes d'emploi : celui d'un appareil de photo, celui d'un lecteur DVD, celui d'une photocopieuse, celui d'un programme informatique. Et voici [montrer la Bible] le mode d'emploi de la vie.
    Il est épais, mais pas tellement, si on le compare aux autres. Surtout que chacun ne concerne qu'un seul objet à la fois, alors que la Bible concerne vos 70 ou 100 années de vie !
    Comme dans tout livre-mode d'emploi, il y a des pages-résumé : le décalogue, le Sermon sur la Montagne (Mt 5—7) et le Sommaire de la Loi énoncé par Jésus :
    "Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. C'est là le commandement le plus grand et le plus important. Et voici le second commandement, qui est une importance semblable : Tu dois aimer ton prochain comme toi-même."
    Les Evangiles et toute la Bible ne sont que des illustrations pratiques de ces deux commandements.
    Les catéchumènes trouvaient qu'il y avait trop de règles. C'est vrai, seul un avocat qui en fait son métier peut connaître toutes les lois, et encore. Les maîtres de la Loi du temps de Jésus comptaient 613 commandements. 248 commandements positifs (qui obligent à faire quelque chose) et 365 commandements négatifs (qui interdisent).
    Face à ce méli-mélo, Jésus est venu dire : il y a deux commandements : Aime Dieu et Aime ton prochain et ces deux commandements sont semblables. On fait la même chose en aimant Dieu et en aimant les autres. Un pasteur de la fin de l'empire romain (saint Augustin) disait : "Aime et fais ce que tu veux !" En choisissant l'amour comme raison d'agir, on se construit une personnalité juste.
    Il y a en nous une bagarre intérieure, des tensions, des envies contradictoires. Nous savons généralement où est le bien, mais nous sommes attirés par "le côté obscure de la force." Nous connaissons la vérité, mais nous sommes tentés de mentir. Nous voyons la souffrance des autres, mais nous sommes tentés par notre propre intérêt.
    Qu'allons-nous choisir ? Voici une histoire :

    « Un vieil indien parle de la vie à un enfant : "Une guerre se déroule en nous, deux loups se battent dans nos pensées. Le loup de la colère, de la jalousie, de la tristesse, du regret, de l'envie, de l'arrogance, de la culpabilité, de l'amertume, du sentiment d'infériorité, du mensonge, de la prétention, de l'ego.
    Le loup de la joie, de la paix, de l'amour, de l'espérance, de la sérénité, de la simplicité, de la gentillesse, de la bienveillance, de la sympathie, de la générosité, de la vérité, de la compassion, de la foi."
    L'enfant réfléchit un moment et demande : "Lequel gagnera ?"
    Le vieil homme répond : "Celui que tu auras nourri." »*
    Chacun de nos choix nourrit un des deux loups, une des deux parties de nous-mêmes ! Qui voulons-nous devenir ?
    Nous ne sommes pas seuls avec le mode d'emploi de la vie qu'est la Bible. C'est une des particularité du christianisme : nous ne sommes pas guidés par un livre, mais par une personne. Le but de la vie n'est pas d'obéir à une loi — même la loi de Dieu. Le but de la vie, c'est d'être en relation et de vivre heureux dans ces relations.
    Jésus n'a jamais dit : "Suivez la Loi." Jésus nous interpelle en nous disant : "Suis-moi !" Jésus est venu accomplir et remplacer la Loi. Nous n'avons plus à obéir à 613 commandements, mais à aimer une personne — Jésus — et à s'inspirer de ce qu'il a fait pour vivre avec les autres.
    La Bible est un mode d'emploi de la vie, parce qu'elle nous raconte comment Jésus a vécu et comment d'autres hommes et d'autres femmes ont vécu en suivant Jésus.
    Chacun de nous peut découvrir et mieux connaître Jésus pour voir comment il a vécu et comment il a aimé. Ainsi nous apprendrons à aimer à notre tour pour vivre heureux.
    Amen

    * Antoine Nouïs, Les cahiers du Caté, tome 3, Ed. Olivétan, Lyon, 2004, p. 61
    © Jean-Marie Thévou, 2008

  • Jean 4. La samaritaine découvre la présence divine qui émane de Jésus

    Jean 4

    2.3.2008
    La samaritaine découvre la présence divine qui émane de Jésus
    Jn 4 : 5-15    Jn 4 :16-26 +28-30    Jn 4 : 39-42


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Jésus a rencontré une femme au bord du puits de Jacob et c'est toute la vie d'un village qui a été transformée !
    On dit que l'Evangile de Jean raconte moins de miracles que les autres Evangiles. Je dirais que Jean est plus sensible aux transformations humaines, aux changements dans les relations et c'est pourquoi il nous rapporte davantage de discours et de rencontres de Jésus que de guérisons "miraculeuses." Jean s'efforce de s'éloigner du "surnaturel" pour approcher davantage le "divin" qui émane de la présence de Jésus. Et c'est bien ce "divin", cette "présence divine" qui est à l'œuvre dans ce dialogue avec la Samaritaine.
    Nous avons entendu ce dialogue en trois sections, en trois étapes qui montrent l'évolution de la relation avec Jésus et la transformation des personnages.
    A. La première étape de la rencontre est marquée par les barrières sociales. La venue solitaire de cette femme, à midi, auprès du puits de Jacob est étrange. Ce n'est pas une heure habituelle pour venir puiser de l'eau. Le puits est un lieu de rassemblement où l'on vient se voir, échanger des nouvelles, si ce n'est des cancans. Donc, les femmes s'arrangent pour y venir à un même moment pour se retrouver entre elles.
    Cette femme fuit donc la compagnie des autres. Elle est exclue du village, ou bien elle s'en exclu en venant puiser de l'eau à midi. Isolement. Deux autres barrières sont mentionnées dans le texte : "les juifs n'ont pas de relations avec les samaritains" et les disciples sont tout étonnés de trouver Jésus parlant à une femme. Tout était en place pour que la rencontre n'ait pas lieu, mais Jésus ne tient pas compte de ces barrières, il s'adresse sans arrière-pensée à cette femme, samaritaine, isolée, peut-être exclue.
    Le dialogue d'engage sur une demande de Jésus qui donne à cette femme une position égale, voire même supérieure à celle de Jésus. Jésus se pose en demandeur dépendant du bon vouloir de la femme. Mais la femme doute de cette bienveillance. Elle n'arrive pas à croire à la bonne foi de Jésus, elle se méfie : "où est le piège ?" Et quand Jésus lui dit qu'il pourrait lui offrir mieux que Jacob, mieux que l'eau du puits, elle doute encore plus : "Es-tu plus grand que Jacob ?".
    B. En plus des barrières sociales, la femme dresse quelques barrières intérieures. La deuxième étape, pour Jésus, va être de mettre le doigt sur ces barrières intérieures, sur ces jugements intérieurs que la femme s'inflige à elle-même. D'où cette demande de Jésus qu'elle aille chercher son mari.
    Comment Jésus a-t-il eu cette intuition ?  Rien dans le texte ne nous l'indique, mais il touche juste. C'est bien le statut marital de la femme qui fait qu'elle se juge indigne, ou méprisable, et qu'elle ne se mêle pas aux autres femmes — ou encore qu'elle se sent trop blessée par les regards ou les commentaires des autres femmes.
    Jésus relève le fait — simplement comme un fait— sans y assortir aucun jugement, si ce n'est d'approuver qu'elle lui dise la vérité. Cet accueil non-jugeant de cette femme par Jésus fait tomber sa peur, sa méfiance, ses doutes ! Elle ne voit plus en Jésus un juif ennemi. Elle peut maintenant reconnaître en lui un prophète, un clairvoyant investi par Dieu. Elle est touchée par l'émanation du divin en Jésus, ce qui l'amène à poser la question du juste lieu où se trouve la présence divine.
    Remarquez que cette question vient du fait qu'elle sent en Jésus cette présence mystérieuse de Dieu et que cette Présence l'a touchée précisément au moment où Jésus se retient de tout jugement !
    La femme témoigne de sa découverte du divin en Jésus par ces mots : "Il m'a dit tout ce que j'ai fait." Jésus n'escamote pas ce que la femme a vécu, il ne le minimise pas, il ne cache rien, tout est mis sur la table et peut être vu, regardé, exposé, mais sans jugement. Et la femme peut se réapproprier son vécu, tel quel, et cela la fait avancer dans sa foi, dans sa découverte du "mystère Jésus" : "Ne serait-il pas le Messie ?"
    C. Dans la troisième étape, cette femme est mise en mouvement, elle retourne dans son village et se met à parler à tout le monde de son expérience d'avoir été touchée par le divin. "Il m'a dit tout ce que j'ai fait." Tout le village devait le savoir ! Elle en avait eu honte. Le village lui en voulait probablement. Mais là, plus de honte, le sujet n'est pas son comportement, mais le fait que ce Jésus a tout compris d'elle que ce Jésus l'a acceptée telle qu'elle est, que ce Jésus ne l'a pas jugée, ne l'a pas exclue.
    Cela a pour effet que les villageois la réintègrent à leur communauté, elle fait à nouveau partie du village et tous les villageois veulent en savoir plus sur cet homme de qui émane une présence divine.
    Jésus reste avec eux deux jours et il leur parle. On aimerait bien savoir quelque chose de leurs échanges. Ce qu'on lit dans le texte, c'est que la présence divine qui émane de Jésus se manifeste aussi auprès des villageois, puisqu'ils vivent la même transformation, le même chemin de foi que la samaritaine : ils passent des "on-dit" à une confession de foi. Ils passent de l'écoute du témoignage de cette femme à une rencontre véritable avec Jésus. "Maintenant, nous ne croyons plus seulement à cause de ce que cette femme a raconté, mais parce que nous l'avons entendu nous-mêmes et nous savons qu'il est le Sauveur du monde." (Jn 4:42)
    Cette présence de Jésus est véritablement une source jaillissante qui renouvelle nos vies. Sa parole, lue, partagée, priée est source de sa présence en nous aujourd'hui. Le pain et le vin que nous allons partager est la présence dont il nous nourrit aujourd'hui.
    Goûtons à cette divine présence, de sorte à aller ensuite la porter à tous ceux qui croiserons nos pas et toute la vie du village pourra en être transformée.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Ps 137. Comment continuer à louer Dieu dans la détresse ?

    Ps 137

    24.2.2008
    Comment continuer à louer Dieu dans la détresse ?
    2 Rois 25 : 8-12     Ps 137 : 1-9    Mt 26 : 36-46


    "Assis au bord des fleuves à Babylone, nous pleurions en évoquant Sion." Ps 137:1
    Ce Ps 137 mélancolique a inspiré les musiciens. Dans la lignée réformée, le compositeur Wolfgang Dachstein, en 1525 — donc tout au début de la réforme —  a écrit la musique de ce cantique (que nous chanterons tout à l'heure) et dont nous entendrons une variation écrite par J.S. Bach après la prédication.
    [jouer le thème] [http://www.hymnary.org/hymn/CCEH/803]
    Plus récemment, Boney M. chantait "By the rivers of Babylon" [jouer la mélodie] [http://www.youtube.com/watch?v=Nm1g8FFRArc]
    Ce Psaume est très particulier parmi les 150 psaumes de la Bible, parce qu'il est le seul psaume qui peut être daté et relié à un événement précis de l'histoire d'Israël. Il fait directement référence à l'Exil d'Israël à Babylone entre 587 et 538 av. J.-C.
    Jérusalem a été détruite comme nous le raconte la fin du livre des Rois et l'élite du peuple a été déportée à Babylone. Et là, ce psaume est comme une fenêtre ouverte sur l'histoire de cet exil, comme une signature biographique du groupe des chantres de Jérusalem à l'intérieur du psautier.
    L'Exil a été un bouleversement complet pour le peuple d'Israël, ses dirigeants et tout le personnel du Temple. C'est la fin de la royauté, c'est la fin du Temple, c'est la fin de l'unité ou de la résidence dans le pays, la terre promise, donc la fin d'une identité. Le peuple d'Israël aurait pu être rayé, non seulement des cartes de géographie, mais de l'Histoire ! Et pourtant, cet Exil a probablement été l'événement qui a fait naître le judaïsme et la Bible tels que nous les connaissons.
    Pour ne pas perdre son identité, son Dieu, son histoire, le groupe des déportés a rassemblé ses traditions, son histoire, sa liturgie dans un ensemble qui est devenu la Torah, puis notre Bible.
    Dans ce Ps 137, nous avons la trace — par ceux qui ont collecté et édité les Psaumes — d'une part de leur état d'esprit "sur les rives des fleuves de Babylone" et d'autre part de leur serment de ne jamais oublier Jérusalem, leurs traditions, leurs chants.
    Historiquement, l'évocation de ce souvenir est important, il ressemble aux signatures des tailleurs de pierre sur les blocs des cathédrales, on touche ici un signe des bâtisseurs de la Bible, le monument qui fonde notre foi.
    Spirituellement, ce Ps 137 est aussi important, parce qu'il pose la question cruciale :
    "Comment pourrions-nous chanter un cantique du Seigneur sur une terre étrangère ?" (Ps 137:4)
    Comment continuer à louer Dieu, à lui rendre un culte dans la détresse, dans le deuil, dans le malheur ? Quelle attitude, quelle foi conserver en Dieu lorsque nous sommes plongés dans le malheur ? C'est par là que ce Ps se rattache au temps de la Passion et qu'on peut le mettre en parallèle avec la nuit que Jésus passe à Gethsémané.
    Décorticons un peut les étapes du Ps :
    Il y a d'abord la situation qui provoque la tristesse.
    •    Puis le comportement inadéquat des autres "Comment osent-ils nous demander de chanter ?".
    •    Puis la question fondamentale : peut-on encore chanter ? L'interrogation profonde : est-il encore possible d'être heureux avec ce qui nous arrive… et tous les pourquoi qui accompagnent le malheur.
    •    Puis le serment de garder la mémoire du passé, garder la mémoire des temps heureux. C'est une manière de ne pas se laisser happer tout entier dans le noir du moment présent : oui, il y a eu des temps heureux, ce n'est pas toute la vie qui est malheureuse, mais le temps présent. Cela ouvre à la possibilité d'un retour des temps heureux, même si non ne voit pas encore comment.
    •    Enfin, cette fin du Ps qui nous laisse mal à l'aide avec ces appels à la revanche, à la vengeance, à la destruction totale et brutale de ses persécuteurs.
    Résumons : tristesse, inadéquation de l'entourage, interrogations, ancrage dans le souvenir, révolte et colère.
    Il est intéressant de voir à quel point on retrouve ces éléments dans le récit de Gethsémané :
    •    la tristesse et l'angoisse de Jésus
    •    l'inadéquation des disciples qui n'arrivent pas à rester réveillés
    •    l'interrogation "n'est-il pas possible d'éloigner cette coupe ?"
    •    l'ancrage en Dieu : c'est à lui que Jésus s'adresse dans la confiance de ce qui a été construit auparavant dans leur relation.
    •    la révolte et la colère contre la faiblesse humaine. Cette colère n'est cependant pas orientée dans le sens de la vengeance, mais canalisée comme la détermination d'assumer son arrestation et son destin.
    Qu'est-ce que cela nous dit sur notre rapport à Dieu lorsque nous traversons le malheur ? D'abord qu'il y a une acceptation de nos sentiments humains : tristesse, interrogations, révolte et colère, même le désir de vengeance. Nous pouvons exprimer tout cela et Dieu est assez fort pour l'entendre et le recevoir.
    Plus encore : Jésus est passé par là, il nous comprend. Tristesse, interrogations, imprécations, révolte ou même l'impossibilité de prier ne sont pas des manques de foi. Ce sont des passages, des étapes, comme l'Exil pour le peuple d'Israël, comme le sommeil des disciples, qui peuvent déboucher sur quelque chose de tout différent. C'est comme la lente germination du blé sous le gel de l'hiver.
    Mais ensuite, pour ne pas être emporté par la tempête, ne pas être submergé par la douleur, les idées noires, il est nécessaire d'avoir un ancrage.
    Les chantres, au bord des fleuves de Babylone avaient leurs souvenirs de Jérusalem, Jésus avait son ancrage dans sa relation à son Père. Il est important pour nous de trouver notre ancrage personnel — et si possible avant la tempête, avant le malheur. 
    Qu'est-ce qui compte vraiment pour nous ? Qu'est-ce que nous avons vécu de bon, de beau, d'essentiel que rien ni personne ne peut nous enlever ? Chacun possède en lui une ressource qui peut devenir son ancrage personnel pour surmonter les difficultés, les malheurs.
    A chacun d'identifier ce moment, cet événement, à chacun de lui attacher quelques mots ou images claires pour pouvoir l'évoquer, l'invoquer chaque fois qu'une situation difficile, douloureuse se présente. Avec cet ancrage, chacun peut recevoir la détermination d'affronter et d'assumer son destin.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Marc 9. Jésus lève le voile sur son identité pour affermir ses disciples

    Marc 9

    22.3.1998
    Jésus lève le voile sur son identité pour affermir ses disciples
    Ex 24:12-18    2 Pierre 1:15-19    Marc 9:1-9

    Qui est Jésus ? Qui est-il vraiment ?
    Qui peut répondre à cette question par une explication qui se tienne, par une définition? Jésus ne se laisse cerner par les mots d'aucune langue. Le définir, ce serait l'enfermer dans un espace fini, donc le défigurer. Les premiers témoins, les disciples, les évangélistes ont été confronté à des difficultés pour dire qui était Jésus. Il s'est avéré plus juste de raconter que de définir.
    Voici pourquoi nous sommes en face du récit de la transfiguration. C'est un récit pour nous aider à cerner qui est Jésus ! Evidemment, ce récit tire ses références, ses clés, d'une culture différente de la nôtre. Il va donc falloir décrypter le texte pour nous approcher de la personne de Jésus. Le récit de la transfiguration est devenu difficile à comprendre. Il fait allusion à des épisodes de l'Ancien Testament, de l'Exode, de la rencontre de Moïse avec Dieu (Ex 24). Rappelons quelques éléments :
    •    Moïse monte sur la montagne du Sinaï, emmenant avec lui un compagnon, Josué.
    •    La nuée recouvre la montagne pour signaler et masquer la présence de Dieu.
    •    Dieu parle à Moïse pour lui communiquer la loi.
    •    Lorsque Moïse redescend de la montagne, son visage resplendit ("Moïse redescendit du mont Sinaï, en tenant les deux tablettes de pierre qui constituaient le document de l'alliance; il ignorait que la peau de son visage brillait à cause de son entretien avec Dieu. Quand Aaron et les Israélites virent l'éclat de son visage, ils eurent peur de s'approcher de lui." Ex 34:29-30).
    •    Aaron, comme les disciples, sont effrayés.
    Jésus est donc présenté comme un nouveau Moïse, le dépositaire de la loi, de la volonté de Dieu. Mais le récit va plus loin encore. Jésus est plus que Moïse. On ne doit pas le confondre avec lui, c'est pourquoi Jésus est montré en dialogue avec Moïse. De même, il est plus qu'Elie, le Messie annoncé par l'Ecriture (Malachie 3:22-24).
    Jésus dépasse les grands prophètes d'Israël, Jésus dépasse la loi et les prophètes, Dieu lui-même en rend témoignage en parlant depuis le ciel : "Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le !"
    Jésus est plus que Moïse, plus qu'Elie, il est le Fils de Dieu.
    Vous aurez remarqué que la phrase qui vient du ciel est la même que celle entendue lors du baptême de Jésus... enfin, presque la même. Remarquez la différence :
    Lors du baptême, la voix dit : "Tu es mon fils bien-aimé..."
    Lors de la transfiguration, la voix dit : "Celui-ci est mon fils bien-aimé...".
    Lors de son baptême, Jésus a reçu une parole pour lui-même, pour l'affermir lui (cf. prédication du 8.3.98). Lors de la transfiguration, la voix s'adresse aux disciples, pour les affermir eux. Au moment de la transfiguration, les disciples viennent d'être éprouvés. Ils ont passé par des hauts et des bas, ils ont subi des douches écossaises.
    Imaginez plutôt ! Nous sommes à la moitié de l'Evangile de Marc, les disciples accompagnent Jésus, ils le voient prêcher et accomplir des miracles. Tout se passe merveilleusement. Ces derniers jours, ils ont vécu la multiplication des pains puis la guérison d'un aveugle à Bethsaïda, puis Jésus les a interrogé sur ce que pensent de lui les gens ? "Qui dit-on que je suis ?". Et ensuite "et vous, qui dites-vous que je suis?" et Pierre a répondu avec enthousiasme qu'il était le Messie.

    Mais voilà, Jésus prend un air sombre, et leur explique de l'avenir ne sera pas comme ils se l'imaginent, "il faut que le fils de l'Homme souffre..." (Marc 8:31) Jésus leur parle pour la première fois de sa passion. Pierre ne peut accepter cela. C'est la douche froide. Pierre se fait traiter de Satan.
    L'identité de Jésus est mystérieuse et complexe, elle allie l'eau et le feu. Il est Messie souffrant et Messie glorieux. Il faut entendre ensemble l'annonce de la souffrance et la voix de la transfiguration. Les deux vont de pairs, comme la croix et la résurrection.
    Il faut tenir ensemble — pour comprendre Jésus — la souffrance et la gloire de Dieu, dans la même personne. Celui qui va souffrir et mourir sur la croix, c'est bien lui le bien-aimé de Dieu.
    "Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le!"
    Le crucifié et le transfiguré sont une seule et même personne.
    Cette parole, cet événement n'a pas été compris sur le moment. Mais il est une pierre posé comme fondation pour plus tard. La transfiguration est une anticipation, un préfiguration pour tenir plus tard. C'est un soutien pour la foi, un soutien pour notre foi, au milieu des coups durs et des turbulences de l'existence.
    Jésus, le crucifié, est le transfiguré. Nos vies, atteintes par la douleur et la souffrance, sont transfigurées par la présence de ce Jésus, souffrant et glorieux.

    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Luc 13. Jésus fait de l'attention au prochain la vraie façon de consacrer le temps qui est réservé à Dieu.

    Luc 13

    27.1.2008
    Jésus fait de l'attention au prochain la vraie façon de consacrer le temps qui est réservé à Dieu.
    Exode 20 : 1-11        Luc 13 : 10-17

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Jésus n'a pas craint de choquer ! Jésus n'a pas craint de diviser !
    L'Evangéliste Luc nous rapporte quatre guérisons réalisées par Jésus le jour du sabbat dans des synagogues. Cela nous montre d'une part que Jésus avait l'habitude de se rendre de synagogue en synagogue pour dispenser son enseignement, et d'autre part qu'il était attentif aux situations qui se présentaient à lui.
    Jésus ne cherchait pas la polémique ou l'affrontement pour faire passer ses idées, mais il ne renonçait pas à intervenir en fonction des réactions de son entourage. C'est là qu'on voit la totale liberté que vivait Jésus : liberté d'intervenir chaque fois que le besoin se fait sentir, liberté d'intervenir quelles que soient les réactions ou les conséquences qui peuvent survenir.
    Jésus ne se laisse dicter sa conduite par personne, il ne vise que la transmission de l'amour que Dieu a pour tous les êtres humains. C'est avec cette ouverture aux autres et avec cette liberté que Jésus se retrouve dans une synagogue, un jour de sabbat, face à une femme handicapée depuis 18 ans.
    Le sabbat — jour chômé, jour de repos et de culte — est l'objet du 4e commandement du Décalogue :
    "N'oublie jamais de me consacrer le jour du sabbat. Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage. Le septième jour, c'est le sabbat qui m'est réservé, à moi, le Seigneur ton Dieu; tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni tes enfants, ni tes serviteurs ou servantes, ni ton bétail, ni l'étranger qui réside chez toi. Car en six jours j'ai créé le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, puis je me suis reposé le septième jour. C'est pourquoi moi, le Seigneur, j'ai béni le jour du sabbat et je veux qu'il me soit consacré." (Ex 20:8-11).
    Comment honorer ce commandement, comment y obéir ? La question se posait au temps de Jésus, comme elle se pose encore aujourd'hui pour nos dimanches. Mais restons au temps de Jésus. Le commandement est très affirmatif, mais pas très descriptif. Il faut consacrer, réserver ce jour-là. N'y faire aucun travail, même ne faire faire aucun travail par ses serviteurs et ses servantes, pas même par ses animaux domestiques ! Mais qu'est-ce qui relève du travail ?
    Il y a toute une jurisprudence, une casuistique qui tente de définir ce qui est du travail et ce qui n'en est pas. Jésus semble connaître cette casuistique puisqu'il reproche à ses auditeurs — qui le blâment pour cette guérison — de mener leurs bêtes à l'abreuvoir pendant le jour du sabbat. Laisser une bête assoiffée parce que c'est le jour consacré à Dieu devait être considéré comme inhumain. Et c'est justement là-dessus que Jésus va baser son argumentation pour redéfinir la volonté de Dieu contenue dans ce 4e commandement.
    Remarquez que la discussion vient après la guérison. Le récit raconte d'abord la guérison par Jésus, et il le fait d'une façon qui renvoie à Dieu et au Dieu créateur : Jésus, voyant la femme, prononce une parole affirmative : "Tu es délivrée de ta maladie." (Lc13:12). C'est la parole du Dieu créateur ou recréateur. Une parole forte et efficace, qui rappelle Genèse 1. Ensuite vient le geste, la réalisation de la guérison et la louange de la femme guérie. Jésus se pose donc en maître de la vie, ensuite, il va expliquer et enseigner pour que son geste puisse être compris et interprété correctement, c'est-à-dire comme une nouvelle façon de comprendre la Loi, la volonté de Dieu.
    Le chef de la synagogue est indigné par le geste de Jésus parce que pour lui c'est une transgression de la Loi de Dieu. Pour le chef de la synagogue, l'ordre des choses c'est : 6 jours de la semaine pour s'occuper des êtres humains et 1 jour — le sabbat — pour s'occuper de Dieu. "Revenez donc vous faire soigner pendant un jour ouvrable" et tout sera propre en ordre.
    Jésus vient déranger ce bon ordre classificateur. Il le fait violemment par la guérison, il le fait en douceur dans l'explication. En se servant de leur propre casuistique, Jésus leur fait voir qu'eux-mêmes n'arrivent pas à s'en tenir vraiment à cet ordre entre jours ouvrables et sabbat. Ils font déjà des aménagements. Lorsqu'ils trouvent quelque chose d'inhumain, ils se sont donnés la permission de faire une exception, notamment pour détacher les bêtes et les mener ou les laisser aller à l'abreuvoir.
    Jésus entre dans cette brèche pour montrer que ce qu'ils font pour leurs bêtes, ils peuvent le faire pour un être humain ! Cette femme, liée par Satan, peut être déliée le jour du sabbat. Là, Jésus va plus loin que l'exception tolérable, il en fait un devoir. Cela est visible dans le fait que ces guérisons le jour du sabbat se multiplient dans les évangiles. S'occuper de son prochain qui souffre n'est pas une exception tolérable, c'est un devoir devant Dieu. C'est même la bonne façon d'honorer Dieu. Là où les hommes voudraient séparer le service envers le prochain du service envers Dieu, Jésus les lie.
    Jésus fait de l'attention au prochain — de son relèvement — une façon, même la vraie façon, d'honorer Dieu, de lui consacrer le temps qui lui est réservé.
    Cet épisode se passe à la synagogue. Mais l'action de Jésus a une portée symbolique qui peut retentir jusque dans le Temple de Jérusalem. Le Temple était divisé en cours successives jusqu'au centre du Temple, le Saint des Saints. Les non-juifs ne pouvaient entrer que dans la première cour. Les femmes ne pouvaient entrer que dans la deuxième cour. Les hommes juifs dans la troisième où se trouvait l'autel des sacrifices. Finalement seuls les prêtres pouvaient entrer dans le lieu saint et seul le grand prêtre, une seule fois par année, dans le Saint des Saints.
    En guérissant le jour du sabbat, Jésus renverse ces barrières, Dieu lui-même s'approche de cette femme en la guérissant. Elle est — bien qu'infirme, bien que femme — en contact avec le Saint des Saints quand Jésus la touche. Toutes les barrières qui limitent l'accès à Dieu tombent par l'action de Jésus. Il en a fallu du temps pour que ces barrières détruites par Jésus le soient aussi dans nos sociétés. Peu à peu dans l'histoire, et sous la poussée des chrétiens et souvent aussi de personnes hors des Eglises — mais qui avaient saisi cette intention de Jésus — ont été abolis :
    •    l'esclavage,
    •    la ségrégation, l'apartheid, le racisme légitimé.
    Et dans nos Eglises :
    •    la discrimination envers les étrangers (tous ont le droit de vote à l'assemblée paroissiale et peuvent être élus dans les divers Conseils d'Eglise ou au Synode)
    •    la discrimination envers les femmes (elles ont accès au ministère et à tous les postes à responsabilité)
    •    et finalement — mais là l'Eglise n'est pas en avance — la reconnaissance des personnes quelle que soit leur orientation sexuelle, comme membre de notre Eglise et leur accès à des responsabilités dans l'Eglise.
    La guérison de cette femme à la synagogue par Jésus a créé une division parmi ceux qui étaient présents ce jour-là, comme nous le rapporte le récit. Jésus n'a pas craint de choquer ou de diviser pour affirmer — au prix de sa vie — que Dieu aime tout être humain et ne se laisse pas enfermer par les classifications humaines. L'amour de notre prochain — quel qu'il soit — est l'inscription dans la réalité de notre amour pour Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Ephésiens 4. Unité dans la diversité, déjà en Dieu

    13.1.2008

    Gn 18 : 1-5    Matthieu 3 : 13-17    Ephésiens 4 : 3-6

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers catéchumènes,
    Il y a 15 jours, 40'000 jeunes se réunissaient à Palexpo-Genève pour vivre une expérience de foi autour des frères de Taizé. Ces jeunes venaient de toute l'Europe, mais en majorité des pays de l'Est. Accueillis dans nos paroisses, dans nos familles, ces jeunes, catholiques, orthodoxes ou protestants, partageaient une quête spirituelle, de confiance et de paix.
    Ils se sont rassemblés au-delà des frontières que tracent autant nos pays que nos Eglises. Je les ai vu réaliser cette parole de la lettre aux Ephésiens : "Efforcez-vous de maintenir l'unité que donne l'Esprit-Saint, par la paix qui vous lie les uns aux autres." (Eph 4:3)
    Cette unité se voyait dans l'état d'esprit — pacifique et joyeux — de ces jeunes, sans qu'ils ne renoncent à leurs différences, à leur diversité. Unité dans la diversité ! Est-ce possible dans notre façon de vivre le christianisme ?
    J'aimerais parier que c'est possible ! Je pense que c'est possible, parce que cette unité et cette diversité existent déjà en Dieu lui-même !
    Ce même texte de la lettre aux Ephésiens nous décrit Dieu ainsi : "Un seul Saint-Esprit, un seul Seigneur (Jésus), un seul Dieu, le Père de tous." (Eph 4:4-6) Unité de Dieu, dans une diversité des expressions, des "extériorisations" de Dieu.
    Cette diversité est déjà présente, de la même façon, dans le récit du baptême de Jésus. Jésus reçoit le baptême des mains de Jean-Baptiste, puis l'Esprit de Dieu descend sur Jésus, la voix du Père déclare — du ciel : celui-ci est mon Fils bien-aimé (Mt 3:16). Esprit, Père, Fils. Père, Fils, Saint-Esprit. Dieu unique manifesté en trois personnes, en trois modalités.
    A. Dans le christianisme, il y a ce qu'on partage avec toutes les religions : un Dieu transcendant, c'est-à-dire un Dieu qui est au-dessus de tout, différent, supérieur à tout ce qu'on rencontre sur la terre. C'est de lui qu'on dit qu'il est "au ciel", qu'il est "l'être suprême". C'est Dieu, Père et créateur.
    B. Mais ce qui est particulier dans le christianisme, ce qui nous est propre, c'est que ce Dieu Tout-Autre — complètement différent et au-dessus de nous — a décidé de quitter le ciel pour descendre sur la terre. Il n'a pas seulement jeté un œil sur la terre et notre vie, il a vécu une vie d'être humain, de la naissance à la mort, y compris. Dieu marque sa volonté de proximité avec nous.
    C'est ce qui fait le cœur du christianisme : cet homme Jésus est le Christ, le Messie, plus encore, le Fils de Dieu, c'est-à-dire celui qui est vraiment de la même substance, de la même essence, du même être que Dieu. Pas seulement un homme inspiré, pas seulement un prophète plus proche de Dieu, vraiment Dieu lui-même dans la peau d'un homme. C'est Dieu le Fils, Jésus, le Seigneur.
    C. Et puis, on nous parle de l'Esprit ou du Saint-Esprit. Pourquoi cette troisième personne, cette troisième modalité ? Le Saint-Esprit, c'est la présence actuelle de Dieu, la forme sous laquelle Dieu est présent pour nous aujourd'hui. Jésus de Nazareth n'est plus là en tant qu'homme. Dieu créateur ne nous est pas accessible tant sa grandeur nous dépasse et nous écraserait. Dieu est présent maintenant sous la forme de son Esprit C'est lui qui nous permet de comprendre, de saisir Dieu. C'est lui qui fait le lien entre Dieu et nous.
    Dans le baptême de Jésus, il apparaît sous l'image d'une colombe; à Noël, sous la forme des anges; à Abraham, sous la forme de trois personnages qui lui rendent visite. L'Esprit-Saint est ce qui nous relie à Dieu aujourd'hui.
    Dieu sous ces trois formes, ce n'est pas un article de foi que nous sommes obligés d'apprendre et de croire. C'est aussi une réalité à vivre.
    Quand j'ai besoin de protection, Dieu est Père, il dit la Loi qui protège le faible, qui trace et délimite ce qui tue et ce qui fait vivre. Il bénit et nourrit notre vie spirituelle.
    Quand j'ai besoin de compréhension, Dieu est homme, homme souffrant en Jésus, plein de compassion, d'empathie. Il encourage, il soutient, il soulage, il pardonne.
    Quand j'ai besoin d'agir, Dieu est Saint-Esprit, il me fait comprendre les situations, trouver les repères, mobiliser mes forces dans la bonne direction.
    Dieu est un, mais il est aussi divers pour nous apporter ce dont nous avons besoin dans chaque situation de notre vie. C'est une des richesses du christianisme de pouvoir conjuguer aussi bien l'unité que la diversité.
    C'est pourquoi 40'000 jeunes, de provenances diverses, de langues diverses, de confessions diverses ont pu partager ensemble et dans le même esprit ces quatre jours de pèlerinage de confiance à Genève, autour des frères de Taizé.
    Pour continuer dans cette ligne d'unité dans la diversité, gardons le message que la voix du Père prononce lors du baptême de Jésus — et qu'il répète à chacun d'entre nous : "Tu es mon enfant bien-aimé, je mets en toi toute ma joie." (Mt 3:17)
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008