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foi - Page 28

  • Jean 21. Etre conduit par le Christ.

    Jean 21

    10.5.2009
    Etre conduit par le Christ.
    Jn 1 : 35-43    Jn 21 : 15-19

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Avec ce dialogue entre Jésus et Pierre, nous arrivons au dernier épisode de l'Evangile de Jean, au dernier entretien de Jésus avec ses disciples. Ce dialogue se déroule juste après la pêche abondante et le repas partagé avec l'inconnu qui se révèle être Jésus sur la grève du lac de Galilée. Avant de quitter ses disciples pour retourner vers son Père à l'Ascension, Jésus doit encore affermir ses disciples pour qu'ils puissent accomplir leur mission.
    Dans ce dialogue, Pierre est le représentant de tous les croyants. Jésus ne parle pas seulement à Pierre, il nous parle à nous aussi il parle à toute l'humanité. Jésus pose trois fois la même question : "Pierre, m'aimes-tu ?" (Jn 21:15-17) Toi, mon disciple, m'aimes-tu ? Pourquoi une telle insistance ?
    Une première réponse concerne Pierre personnellement. Par trois fois, il a renié Jésus avant sa Passion. Faire dire à Pierre, par trois fois, qu'il aime son Seigneur, est une façon d'effacer le reniement, de passer plus loin, d'accepter le pardon reçu et la force de dépasser la faute. Ainsi, par trois fois, Jésus répète "Fais paître mes brebis." Une façon pour Jésus de redire, trois fois aussi, à Pierre qu'il lui fait confiance, il peut accomplir sa tâche, sa mission.
    Une autre réponse à cette insistance émerge si nous considérons que cette question nous est posée à nous. Vous connaissez l'énigme antique que le sphinx pose à Œdipe : "Qu'est-ce qui a quatre pattes le matin, deux pattes à midi et trois pattes le soir ?" C'est l'être humain dans les trois périodes de sa vie : petit enfant il marche à quatre pattes, adulte il est sur ses deux pieds et vieillard, il marche avec une canne.
    Nous passons tous par ces trois stades de la vie et Jésus nous repose la question "m'aimes-tu ?" à ces différents âges. Notre foi d'enfant n'est pas la même que notre foi d'adulte. Elle doit grandir, évoluer. Elle change selon les circonstances et les épreuves que nous traversons. elle doit encore s'adapter, évoluer quand nous entrons dans les soucis de l'âge et les problèmes de santé qui en découlent.
    A chacun de ces passages, Jésus nous redemande : "m'aimes-tu ?" et renouvelle notre ordre de mission. "Prends soin de ceux qui te sont confiés." Et notre mission n'est pas forcément la même à tout âge, comme jeunes avec nos camarades, comme adultes avec nos enfants ou nos collègues, comme retraités avec nos petits-enfants ou nos contemporains.
    Jésus nous suit dans la vie, il nous accompagne et renouvelle sa présence auprès de nous, son amour. Il nous demande aussi de nouvelles choses. C'est comme cela que je comprends la fin du dialogue entre Jésus et Pierre. C'est un échange énigmatique que je vous relis : "Je te le déclare, dit Jésus, c'est la vérité : quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les bras, un autre te mettra ta ceinture et te mènera où tu ne voudras pas aller." (Jn 21:18)
    Jésus dit à Pierre : dans ta jeunesse, tu t'habillais toi-même et tu choisissais où tu voulais aller, mais maintenant ou bientôt, quelqu'un d'autre t'habillera et te conduira là où tu n'as pas choisi d'aller. Je vois trois interprétations possibles :
    •    soit le fait d'être servi : quelqu'un te tendra tes habits et te servira de chauffeur,
    •    soit l'entrée dans la dépendance : quelqu'un t'habillera, te nourrira, te conduira par la main,
    •    soit, finalement : tu ne seras plus libre de tes mouvements, mais emprisonné, ceinturé, et l'on te conduira au lieu de ton martyre. C'est comme cela que la tradition l'a interprété, parce que l'histoire l'a confirmé.
    Mais qu'est-ce que cela peut nous dire à nous, si Pierre est vraiment la figure de tous les croyants ? Je crois qu'on peut y lire notre destinée à tous. Dans un premier temps de notre existence — lorsque nous ne connaissons pas Jésus ou que nous ne le suivons pas — nous suivons notre première nature, celle d'être pécheurs. Nous faisons ce que nous voulons, nous allons là où nous voulons, c'est-à-dire là où notre nature égoïste nous dirige. Comme Adam et Eve, nous nous habillons nous-mêmes — de feuilles de figuier (Gn 3:7). Nous suivons notre propre volonté, celle qui a été troublée par le serpent.
    Mais lorsque nous nous laissons trouver par le Christ, lorsque nous nous laissons remplir par son amour, c'est lui qui nous habille d'un nouveau vêtement, le vêtement de noce (Mt 22:12), la robe de fête du Royaume de Dieu et nous nous laissons guider, conduire par lui.
    Et lorsque nous remettons la conduite de notre vie à Jésus, il nous conduit selon sa volonté, là où il le veut. Nous n'allons plus là où notre première nature voulait aller, nous suivons la voie du Christ.
    Jean-Baptiste, en voyant Jésus pour la première fois, a dit : "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde." (Jn 1:29) Jésus, par son amour, ôte notre péché pour nous revêtir de la robe du Royaume, ce qui nous permet de répondre à son appel : "Toi, suis-moi !" (Jn 1:43; 21:19) Ce qui nous permet de répondre à sa mission : "Fais paître mes brebis !"
    Dans chacune des périodes de nos vies, Jésus renouvelle sa question : "m'aimes-tu ?" A chaque période de nos vies, nous avons à répondre à l'appel de Jésus, en quittant notre première nature pour nous laisser guider par sa volonté. Lui répondons-nous — aujourd'hui comme hier — "Toi qui connais tout, tu sais bien que je t'aime !" ?
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Jean 21. "Avez-vous quelque chose à manger ?"

    Jean 21

    26.4.2009
    "Avez-vous quelque chose à manger ?"
    Jean 6 : 29-35    Jean 21 : 1-14

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Depuis Pâques, nous lisons les récits des apparitions de Jésus dans l'Evangile de Jean. Il y a d'abord eu le matin de Pâques avec Marie-Madeleine, Pierre et le disciple que Jésus aimait. Puis le soir de Pâques, Jésus est apparu à quelques disciples dans une pièce fermée où ils étaient réunis. Une semaine après cela, Jésus apparaît dans les mêmes circonstances pour se présenter à Thomas qui doutait du témoignage de ses compagnons.
    Aujourd'hui, nous avons entendu le récit d'une troisième apparition de Jésus. Si les deux premières ont eu lieu à Jérusalem ou dans les environs immédiats, cette troisième apparition a lieu au bord de la mer de Tibériade, selon l'appellation romaine, appelée lac de Galilée par les habitants du coin (comme nous disons "Lac Léman" quand les américains disent "Geneva Lake.")
    Les disciples sont donc de retour chez eux. Deux à trois semaines après Pâques et la rencontre avec le Ressuscité, le soufflé semble retomber. Chacun rentre chez soi, la fête est finie, la vie de tous les jours reprend le dessus. Pour nous aussi, le train-train a repris après les fêtes de Pâques, la joie et les réunions de famille. Alors c'est tout ? Rien n'a vraiment changé ?
    Le travail reprend, Pierre repart à la pêche, ses compagnons le suivent : on ne peut pas rester sans rien faire; il faut bien manger, donc gagner sa croûte. Mais voilà, ils ne prennent rien cette nuit-là. Toute une nuit de travail et au final : rien à se mettre sous la dent pour reprendre des forces !
    Terrible parabole de la vie, terrible répétition de la malédiction d'être chassé du paradis : "Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front." (Gn 3:19) Terrible réalité d'une vie qui nous laisse constamment sur notre faim.
    Nous ne réalisons pas ce à quoi nous aspirons. La vie ne nous rassasie pas. Nous sommes constamment en quête, en quête de nouveauté, en quête d'être comblés, à courir toujours à nouveau après on ne sait plus quoi pour être assouvis, en paix, serein. Qui comblera notre faim, notre attente ?
    Après cette nuit qui n'a enfanté que du vide dans nos filets, l'aurore se lève et un inconnu sur le rivage vient demander : "Avez-vous quelque chose à manger ?" (Jn 21:5). Jusqu'à présent j'avais toujours compris cette question comme "Avez-vous quelque chose à me donner à manger ?" Mais plus loin dans le récit, Jésus ayant renvoyé ses disciples à la pêche, il a de la nourriture qu'il fait cuire pour les disciples en attendant leur retour (Jn 21:9). Aussi, faut-il plutôt entendre la question de Jésus comme : "Avez-vous de quoi vous nourrir ?" Avez-vous ce qu'il faut pour combler votre faim, vos aspirations ? Le monde vous donne-t-il de quoi être comblé ? Et les disciples de reconnaître : "Non" (Jn 21:5). Et l'on peut deviner les explications : Nous ne cessons de chercher et nous ne trouvons rien pour nous combler !
    Et l'inconnu les renvoie à la pêche et le filet est, cette fois, plein à se rompre. Faisaient-ils tout faux auparavant ? Je crois que le récit ne met pas en avant le miracle, la pêche miraculeuse, mais la présence de Jésus. Ce récit tisse plein de liens avec le récit de la multiplication des pains (Jean 6) après laquelle Jésus déclare : "Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim et celui qui croit en moi n'aura jamais soif" (Jn 6: 35).
    Pendant que Pierre et ses compagnons sont dans leurs barques, Jésus a préparé un feu de braise et y a fait cuire du pain et des poissons (comme dans Jn 6:9) pour nourrir les disciples à leur retour. Quand les disciples s'aperçoivent qu'ils ont quantité de poissons dans leur filet, le disciple que Jésus aimait reconnaît l'inconnu. Ensuite, les autres disciples se doutent bien de quelque chose quand l'inconnu les invite à manger le repas préparé, et leurs yeux s'ouvrent complètement lorsqu'il prend le pain et le leur donne — les mêmes gestes que lors de leur dernier repas avec Jésus.
    Ce récit qui semblait nous dire : tout votre travail est vain si vous n'utilisez pas la "méthode Jésus" se transforme pour nous dire : Il n'y a pas de nourriture en dehors de Jésus. Le monde ne nous donne rien qui puisse combler notre faim, nos aspirations, notre besoin d'être aimés, soutenus, portés, pacifiés.
    Jésus est le pain de vie, la nourriture qui répond à nos aspirations, la nourriture qui répond à notre quête. Jésus vient sur le bord de la mer de Tibériade pour combler ses disciples, pour les nourrir, pour être leur nourriture : "prenez et manger, ceci est mon corps."
    Ensuite — parce que ce récit est aussi un envoi missionnaire — rassasiés, les disciples pourront porter la bonne nouvelle. Et l'on pourra lire — dans un deuxième temps — cette pêche miraculeuse comme la constitution de l'Eglise qui rassemblera tous les humains de la terre. "Je vous ferai pêcheurs d'hommes" disait Jésus (Mc 1:17) au début de son ministère. Mais il ne faut pas renverser l'ordre voulu par Jésus. C'est parce qu'il nous nourrit en premier de sa vie, que nous pouvons ensuite jeter notre filet sur le monde. Et jeter le filet, c'est annoncer la bonne nouvelle que Jésus vient nous nourrir de sa vie, qu'il vient remplir nos aspirations, qu'il vient combler nos attentes et nous donner la paix intérieure.
    Dans le récit de la multiplication des pains et des poissons, après que tous ont mangé, il reste encore des corbeilles pleines à distribuer. La bonne nouvelle, c'est que l'amour de Dieu ne s'épuise pas. Jésus est le pain de vie pour chacun, pour tous, il est là en abondance, n'ayons crainte de le partager avec tous ceux qui nous côtoyons.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Jean 20. Jésus est au milieu de nous !

    Jean 20

    19.4.2009
    Jésus est au milieu de nous !
    Mt 18 : 18-20    Jn 20 : 19-23    Jn 20 : 24-31

    Jésus est au milieu de nous !
    Voilà ce que les Evangiles nous disent dans tous les récits de Pâques : Jésus est encore au milieu de nous ! Voilà la bonne nouvelle de Pâques, de la résurrection, des apparitions de Jésus que les Evangiles nous rapportent : Jésus sera toujours au milieu de nous !
    Voilà ce que tous les récits des Evangiles nous disent en nous présentant le parcours de Jésus, de la Galilée jusqu'à la montée à Jérusalem pour la Passion. Jésus prépare ses disciples — par son enseignement — à ce moment où il ne sera plus là, à leur yeux, mais toujours présent, autrement, par la vision nouvelle que donne la foi.
    La foi — c'est tout simple — c'est de croire, avoir foi, avoir confiance que Jésus est toujours présent au milieu de nous, au centre de notre Eglise, au milieu de notre famille, au milieu de notre vie, en plein dans nos existences. Voilà, c'est ça la foi, c'est ça croire au Christ, croire en Dieu : avoir confiance dans sa présence, ici et maintenant.
    Je peux m'arrêter là et vous laisser penser à cette présence et à notre confiance dans cette présence.

    C'est vraiment l'expérience que vivent les quelques disciples qui sont rassemblés, enfermés, dans cette pièce, le dimanche soir de Pâques, remplis de peur. Les voilà qui font l'expérience de la présence de Jésus. "Jésus vint au milieu d'eux et leur dit « la paix soit sur vous ! »" (Jn 20:19) Et Jésus s'identifie en leur montrant ses mains et son côté. C'est bien celui qui a été crucifié qui se présente à eux. Et la joie monte dans leur cœur, au point que le rédacteur n'a pas besoin de dire qu'ils croient, c'est évident, puisque Jésus est là !
    Jésus répète sa salutation et les envoie en mission. Plus justement, Jésus leur transmet la mission qu'il a reçu de son Père : "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie !" (Jn 20:21).
    Il y a transmission, passage de témoin : c'est aux disciples de remplir la mission que Jésus remplissait jusqu'à maintenant. Et Jésus leur donne les moyens de le faire : il leur donne le saint Esprit. Nous avons là l'épisode de la Pentecôte dans l'Evangile de Jean. Jésus donne sa présence et son pouvoir à ses disciples, notamment le pouvoir de pardonner.
    Vous vous rappelez de ce premier miracle de Jésus dans l'Evangile de Marc : "Est-il plus facile de dire « Tes péchés sont pardonnés » ou « Lève-toi et marche » ?" (Mc 2:9) Les pharisiens contestaient à Jésus le pouvoir de pardonner et voilà que Jésus transmet ce pouvoir à chacun de ses disciples, à tous les croyants ! Voilà un changement !
    Jésus est présent au milieu de nous et nous donne des pouvoir nouveaux, celui de pardonner et celui de prier et de recevoir de Dieu ce dont nous avons besoin : "Là ou deux ou trois s'assemblent en mon nom, je suis au milieu d'eux" (Mt 18:20). Voilà ce qu'est la foi : croire à cette présence.
    Mais voilà, Thomas n'était pas là. Nous non plus, nous n'étions pas là ! Alors, comment croire en cette présence, même si des témoins nous disent "Nous avons vu le Seigneur !" (Jn 20:25).
    Ainsi, huit jours plus tard, dans le même cadre, les portes toujours fermées, Jésus vient et se présente. Il sait la difficulté de Thomas et la nôtre. Il ne porte pas de jugement, il ne gronde pas Thomas, il ne le réprimande pas, il lui fait un cadeau. Il lui montre ses mains et son côté — comme aux autres. Et il l'invite à vérifier par lui-même. Tu peux tout contrôler, semble dire Jésus, je comprends ton doute, tes questions, ça ne me fait pas problème : vérifie, "ne doute plus et crois."
    Le texte ne nous dit pas ce que fait Thomas, il ne nous dit pas qu'il pose son doigt sur les marques des mains et sur le côté de Jésus. Peut-être l'a-t-il fait ? Peut-être  la parole de Jésus, l'invitation de Jésus lui a-t-elle suffit pour se mettre à croire.
    Ce que nous rapporte le texte, c'est que Thomas confesse sa foi en reconnaissant que Jésus est bien "son Seigneur et son Dieu" (Jn 20:28) celui en qui il peut croire désormais. Et Jésus est attentif aux croyants du futur, à nous : il reconnaît qu'il n'est pas évident d'avoir la foi, que c'est un pas, un saut qui ne va pas de soi, mais quel bonheur de s'y lancer : "Heureux ceux qui croient sans m'avoir vu !" (Jn 20:29).
    C'est notre sort de croire sans avoir vu Jésus, sans avoir vu les marques sur ses mains et son côté. C'est à nous de faire le saut de la foi; c'est un saut, parce qu'on ne peut savoir ce qu'est croire sans faire le pas, sans se lancer, sans se lâcher. On ne fait l'expérience de la présence de Jésus qu'en se lançant. "Allez, j'essaie…" comme un acte de foi, de confiance, parce que Jésus nous a touché, par sa proximité, sa chaleur, son accueil, son absence de jugement.
    Voilà quelqu'un qu'on souhaite avoir à ses côtés pour toute une vie, pour cheminer dans les bons comme dans les mauvais moments de l'existence. Et voilà qu'il vient à nous, nous disant ; "Je suis-là, je suis au milieu de vous, la paix soit avec vous."
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009

  • Psaume 8. Un visage nous révèle la valeur de l'humanité.

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    Psaume 8

    VisageChrist.jpg9.11.2008
    Un visage nous révèle la valeur de l'humanité.
    Ps 8 : 2-10 Luc 9 : 46-48

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers catéchumènes,
    Ces derniers samedis, au catéchisme, nous sommes partis du poster du visage du Christ composé de visages de gens d'aujourd'hui pour découvrir qui est Jésus pour nous aujourd'hui. Mais se demander "qui est Jésus" c'est aussitôt se demander "qui est Dieu" et "qui est l'être humain" ?
    Dans le christianisme, nous affirmons que c'est Jésus, le Christ, qui nous donne l'image, la représentation la plus fidèle, la plus véridique de Dieu. Jésus est en quelque sorte notre image de Dieu. C'est pour cela que nous disons qu'il est le "fils de Dieu." Mais lorsque nous le regardons, lorsque nous lisons les textes qui nous racontent sa vie, qui il était, ce qu'il a fait, on nous décrit un être humain, un homme.
    Jésus se trouve donc être entre Dieu et nous. En même temps tout à fait comme nous : il est né, il a vécu — il a souffert, disent les confessions de foi — et il est mort. Une vie d'être humain ordinaire. En même temps, il a fait des choses qui ne sont pas en notre pouvoir, il a fait des miracles qui attestent que Dieu agissait à travers lui. Jésus est donc en même temps tout proche de nous et en même temps tout autre, tout proche de Dieu. Jésus fait donc le pont entre Dieu et nous, il nous relie à Dieu.
    Pourquoi Jésus fait-il cela ? Pourquoi Dieu ne reste-t-il pas simplement au ciel et ne laisse-t-il pas l'être humain tranquille sur la terre ? Pourquoi Dieu veut-il ce pont entre lui et nous ? Pourquoi Dieu veut-il ce rapprochement ?
    Toutes les religions veulent établir un lien entre Dieu et l'être humain, mais ce lien n'est pas le même dans toutes les religions. Le christianisme, là, est très spécial !
    Dans toutes les religions, Dieu est sacré, très élevé. Lorsqu'on dit que quelque chose est sacré, cela signifie qu'on est prêt à lui sacrifier quelque chose. Si je dis que mon match du samedi soir est sacré, c'est que je préfère sacrifier un repas familial ou une soirée entre amis plutôt que de manquer le match. Des résistants peuvent sacrifier leurs vies pour la liberté de leur pays, etc.
    Le risque avec les religions qui disent que leur dieu est sacré, c'est ce qu'il faut ensuite lui sacrifier. On sacrifiait des enfants à Moloch, des hommes aux dieux des Incas. A trop valoriser Dieu on risque de dévaloriser l'être humain, jusqu'au sacrifice.
    Les sacrifices humains ont toujours été condamnés dans la Bible, déjà dans l'Ancien Testament. Mais la Bible va plus loin. Elle valorise l'être humain au côté de Dieu. Vous avez entendu le Psaume 8. Il commence et se termine sur une exaltation, une valorisation de Dieu : "O Seigneur, notre maître, que ta gloire est grande sur toute la terre !" (Ps 8:2) Plus loin, le psalmiste pose la question de la valeur de l'être humain : "Quand je vois le ciel, ton ouvrage, la lune et les étoiles, que tu y as placées, je me demande : l'être humain a-t-il tant d'importance pour que tu penses à lui ?" (v.4-5). La réponse est étonnante : "Tu l'as fait presque l'égal des anges, tu le couronnes de gloire et d'honneur. Tu le fais régner sur tout ce que tu as créé : tu as tout mis à ses pieds." (v. 6-7).
    Clairement, il n'y a pas de difficultés à valoriser en même temps Dieu et l'être humain : l'être humain est comme un roi, il règne sur tout ce qui existe sur la terre.
    Il reste un verset étrange dans ce Psaume, c'est le v. 3 : "C'est la voix des petits enfants, des tout petits enfants que tu opposes à tes adversaires. Elle est comme un rempart que tu dresses pour réduire au silence tes ennemis les plus acharnés." Qu'est-ce que ça veut dire ? Cela fait penser à Noël, Jésus dans la crèche, voilà le signe que Dieu oppose aux puissants. Mais quelle opposition véritable est-ce ?
    Que se passe-t-il quand on voit un bébé, un nourrisson ? On se met à sourire, à lui faire des gouzi-gouzi ! Non ? On est comme désarmé ! On voit naître en soi un élan protecteur, le meilleur, le plus constructeur des sentiments naît en nous. Un visage nous révèle la valeur de l'humanité. Le christianisme, c'est ça : regarder un visage et y reconnaître l'humanité, ce qui est profondément humain en chacun, ce qui est profondément aimable en chacun.
    Le Psaume 8, comme la vie de Jésus, montre bien qu'il n'y a pas à opposer Dieu et l'être humain, la grandeur de Dieu et la grandeur de l'être humain, la gloire de Dieu (Ps 8:2.10) et la gloire de l'être humain (Ps 8:6). Il n'y a pas à les opposer. Il n'y a pas à choisir entre un monde centré sur Dieu ou un monde centré sur l'être humain. Ce que Jésus nous révèle, c'est que l'être humain et Dieu vont ensemble.
    Il n'y a pas à choisir entre l'être humain ou Dieu, mais entre accueillir ou rejeter l'être humain et Dieu. C'est ce que Jésus veut nous dire lorsqu'il dit à ses disciples : "Celui qui reçoit, qui accueille cet enfant, me reçoit moi-même, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé (Dieu)" (Luc 9:48).
    Il n'y a pas de différence entre accueillir quelqu'un et accueillir Dieu lui-même. Quand on accueille l'un, on accueille l'autre, quand on rejette l'un, on rejette l'autre. On accueille ou on rejette des deux à la fois. Chaque être humain est porteur de l'image de Dieu, comme le nourrisson est porteur de l'image de l'humanité.
    Il n'y a pas de compétition entre l'amour que je peux donner à Dieu et celui que je peux donner à mon prochain, il y a alliance des deux. C'est en aimant mon prochain que j'aime Dieu. C'est en regardant mon prochain que je regarde Dieu.
    Jésus, portrait de l'être humain souffrant, po rte notre visage en même temps que le visage de Dieu, un Dieu qui nous cherche, un Dieu qui nous grandit, un Dieu qui nous aime.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Jean 1. "Je t'ai vu quand tu étais sous le figuier !"


    Jean 1

    2.11.2008
    "Je t'ai vu quand tu étais sous le figuier !"
    Gn 3 : 1-8        Jean 1 : 43-50

    "Je t'ai vu quand tu étais sous le figuier !" dit Jésus à Nathanaël.  Voilà la phrase qui bouleverse Nathanaël. Voilà la phrase qui change sa vie, qui le fait découvrir Jésus, qui lui fait reconnaître l'être divin en Jésus.
    "Je t'ai vu quand tu étais sous le figuier !" Qu'y a-t-il là de bouleversant, d'extraordinaire pour que cela décide Nathanaël à tout abandonner pour suivre Jésus ? Pourquoi cette parole est-elle décisive ?
    Une interprétation rabbinique nous dit que "être sous le figuier" c'est étudier la Torah, l'Ecriture. Il n'y a pas de doute que Nathanaël  devait connaître les Ecritures. Son ami Philippe — pour lui présenter Jésus — lui dit avoir "trouvé celui dont Moïse a parlé dans le livre de la Loi et dont les prophètes ont aussi parlé" (Jn 1:45). Et quand Philippe lui dit que Jésus vient de Nazareth, il s'étonne — sceptique — "peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ?" (Jn 1:46) puisque Nazareth n'est jamais mentionnée dans l'Ancien Testament.
    Certainement, Nathanaël a étudié la Bible, "il a été sous le figuier," mais cela ne suffit pas pour lui faire reconnaître Jésus comme le Messie. Heureusement, Philippe l'invite à venir voir par lui-même : "Viens et vois !" Et c'est en venant, en rencontrant Jésus qu'il va entendre cette parole qui l'interpelle : "Je t'ai vu sous le figuier !"
    Dans l'Ancien Testament, le figuier (souvent avec la vigne) est évoqué comme signe de sécurité, d'un pays en paix (1 R 4:25; 2 R 8:31; Mi 4:4). La menace, c'est d'être privé de son figuier et de sa vigne, par la destruction ou la nécessité de fuir sa maison ou son pays (Jér 5:17; Os 1:12; Jl 1:7). Il semble que chaque habitant pouvait avoir un figuier et quelques plants de vigne dans son jardin. C'est là qu'on exerce l'hospitalité envers ses voisins et ses amis (Za 3:10). Viens boire un verre chez moi, sous la tonnelle, dit-on chez nous. Viens boire un verre sous mon figuier devait-on dire en Israël.
    Le figuier évoque donc le jardin de sa maison, le chez soi, l'aspect de la vie privée, son jardin secret. Lorsque Jésus dit à Nathanaël qu'il l'a "vu sous le figuier" il semble que Nathanaël comprend que Jésus l'a vu alors qu'il pensait ne pas être vu. Jésus a vu en lui quelque chose de personnel, quelque chose que Nathanaël porte en lui, sans le révéler à personne, mais que Jésus a découvert et lui révèle en retour.
    C'est à mettre en parallèle avec le récit de la Samaritaine lorsqu'elle dit de Jésus : "Il m'a dit tout ce que j'ai fait" (Jean 4:39). Jésus voit ce qu'il y a dans le cœur de Nathanaël. Cela paraît extrêmement menaçant, non ? N'avons-nous pas tous quelque chose à cacher au fond de nous-mêmes ?
    Mais il ne faut pas oublier que Jésus a abordé Nathanaël en lui disant ces mots : "Voici un véritable Israélite, il n'y a rien de faux en lui !" (Jn 1:47) Ouf pour Nathanaël, il semble qu'il n'y avait rien de noir en lui, mais en nous ? Nous qui nous connaissons de l'intérieur, n'avons-nous pas à trembler d'être percé à jour par Jésus ?
    C'est là qu'il faut revenir au premier emploi du figuier dans la Bible. Adam et Eve, découvrant leur vulnérabilité fondamentale après avoir goûté du fruit défendu dans le jardin d'Eden, s'habillent avec des feuilles de figuier.
    "Je t'ai vu sous le figuier !" pourrait aussi vouloir dire : "Je vois en toi se refléter Adam dans son égarement, le vieil homme peureux, honteux et gêné." C'est comme si Nathanaël entendait Jésus lui dire : "Je reprends avec toi l'histoire de l'humanité exactement là où elle avait déraillé."
    Jésus ne vient pas accabler Nathanaël, Jésus ne vient pas nous accabler avec son regard sur nos vies, non, comme Jean Baptiste l'a proclamé : "Jésus est l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde" (Jn 1:29).
    Si Jésus nous voit "sous le figuier" c'est-à-dire dans notre condition de vulnérabilité, de fragilité humaine, avec nos zones d'ombre et nos fautes, c'est pour nous sortir de là. Il vient à nous avec sa compréhension fondamentale de notre parcours de vie : y mettre sa lumière pour panser nos plaies, pour soigner ce qui nous fait mal, pour nous sortir de notre misère.
    Lorsque Nathanaël entend Jésus lui dire : "Je t'ai vu sous le figuier !" Nathanaël se sent compris. Il se sent compris et accepté jusqu'au fond de lui-même. Il se sent relevé. Il doit se dire : "je me sens remplis de fautes, mais il n'en tient pas compte, il ne tient compte que de mes efforts à être droit, il ôte mon péché, il me soulage de mes poids. Il me connaît jusqu'au fond de moi-même — même ce que je ne voudrais avouer à personne — mais il ne me le fait pas peser, il m'en délivre, alors je peux marcher avec lui, le suivre partout où il m'entraînera."
    Nathanaël peut mettre sa confiance en Jésus. Jésus l'a accepté tel qu'il est, il reçoit sa foi et il promet à Nathanaël de confirmer, d'affermir sa foi : il va découvrir de plus grandes choses encore.
    Jésus inaugure la nouvelle création, fondée sur le pardon (le pardon originel, comme le dit Lytta Basset) et l'amour infini de Dieu. Une création qui commence au cœur de chacun d'entre nous quand nous acceptons que Jésus nous voit sous notre figuier.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Marc 6. Laisser des restes… pour quoi ?

    Marc 6 12.10.2008
    Laisser des restes… pour quoi ?
    Jn 15 : 12-17 Mc 6 : 30-44

    — Mais que vont-ils faire de tous ces restes ? Vous pensez… douze corbeilles de pain et de poisson ! Tout ce poisson et sans frigo, quelle folie…
    Bon, là, je mets le projecteur sur un verset du texte et je pars à la dérive. C'est juste pour montrer qu'à se focaliser sur une seule chose dans un récit, on risque de passer à côté de sa richesse. C'est souvent le cas avec les récits de miracle des évangiles. On se dit : ce n'est pas possible, ce n'est pas croyable, et on jette le bébé avec l'eau du bain.
    C'est vrai que cette multiplication des pains, ce n'est pas croyable. Mais le corps du texte nous dit aussi d'autres choses. Et je pense que l'incroyable de ce récit n'est pas dans la multiplication des pains. Partons à la recherche de ces autres choses !
    D'abord le début du texte : les disciples sont de retour de mission. Jésus les avait envoyés deux par deux dans les villages pour prêcher et pour guérir. Et les disciples ont des tas de choses à raconter à Jésus. Mais les disciples ne ramènent pas que des souvenirs ou des expériences. Les gens les ont suivis, au point que les disciples n'ont pas le temps, ni l'espace de manger un morceau, de8 récupérer. Jésus est soucieux de leur fatigue et de leur faim. Il est compréhensif envers nos limitations humaines. Les disciples ont besoin de reprendre des forces, alors il les invite à se mettre à l'écart dans un endroit désert. Ils prennent leur barque pour aller accoster plus loin. Mais les gens les suivent et les précèdent sur la côte. Pas moyen de se débarrasser de la foule qui les suit. Alors Jésus met ses disciples en retrait et prend soin de la foule en enseignant.
    Car Jésus est aussi préoccupé par cette foule : "Jésus vit cette grande foule; son cœur fut rempli de pitié pour ces gens, parce qu'ils ressemblaient à un troupeau qui n'a pas de berger." (Mc 6:34)
    A la fin de la journée des disciples reviennent vers Jésus. Ce sont eux qui ont du souci, maintenant. Que va manger cette foule ? Jésus devrait la renvoyer. Les disciples se sentent démunis, débordés, ils pensent ne rien pouvoir faire. Mais ils ont le bon réflexe : ils en appellent à Jésus.
    Là, l'intervention de Jésus est intéressante : il leur remet les pieds sur terre : revenez à la réalité, faites le compte de ce qui est disponible, allez compter la nourriture. Jésus leur restitue les capacités qu'ils avaient, mais qu'ils avaient oubliées, laissées de côté. Ils font le compte de leurs moyens : cinq pains et deux poissons. Ce n'est pas beaucoup, mais ce n'est pas rien non plus. C'est de ce "peu" que Jésus va partir. C'est à partir de ce que nous avons que Jésus va faire quelque chose et des grandes choses. C'est à partir de ce que nous avons et de ce que nous sommes que Jésus agit.
    Il met les disciples au travail, il les fait rassembler ce qui est disponible, placer les gens en groupe, organiser la distribution. Là, il est remarquable d'écouter des mots que l'Evangéliste Marc utilise :
    "Jésus pris les cinq pains et les deux poissons, il leva les yeux vers le ciel et remercia Dieu. Il rompit les pains et les donna aux disciples pour qu'ils les distribuent aux gens." (Mc 6:41)
    Ce sont les mots du dernier repas de Jésus, la sainte cène. C'est là qu'on voit que ces disciples et cette foule rassemblée autour de Jésus représentent l'Eglise, le peuple de Dieu. Les douze corbeilles de restes font aussi allusion aux douze tribus d'Israël, le peuple de Dieu.
    Le miracle dans ce récit n'est pas tellement la multiplication des pains — encore qu'elle a son importance — mais le rassemblement de tant de gens autour de Jésus. En ce temps-là, on ne partageait pas son repas avec n'importe qui. Dans la société juive, il y avait des rites de purification à accomplir avant de manger et l'on risquait de se souiller si l'on mangeait avec quelqu'un d'impur. Ici, tout le monde est assis sur l'herbe verte, par groupes de 50 ou 100 personnes et l'on mange le même pain et le même poisson.
    Premier miracle : on peut manger tous ensemble, tous à la même table et c'est aussi ce que Jésus a voulu pour son dernier repas, la sainte cène où même Judas a participé. Un seul peuple rassemblé autour de Jésus, devant Dieu.
    Deuxième miracle, ce sont les disciples eux-mêmes. Ils étaient en souci, débordés par la foule. Et Jésus leur rend leurs capacités, il les met au travail, à partir du "peu de moyens" dont ils disposent, et ils y arrivent. Jésus n'attend pas des supermen ou des wonderwomen, l'Eglise accueille chacun avec le peu qu'il a, mis ensemble, cela fait beaucoup, cela fait plus qu'on ne le pensait au départ.
    Troisième miracle, le pain qui a nourrit la foule est aussi bien l'enseignement de Jésus "Aimez-vous les uns les autres, comme je vous aime" (Jn 15:12) que sa présence, sa vie donnée sur la croix. De quoi avons-nous faim avant tout dans la vie, si ce n'est d'amour, de reconnaissance, d'acceptation, d'appartenance ? De cela, Jésus nous nourrit en abondance.
    Alors, ces restes, ces douze corbeilles de restes, qu'allons-nous en faire, maintenant que nous savons que ce n'est pas une nourriture périssable ?
    Ces restes nous disent qu'il y a encore abondance de nourriture pour ceux qui ne sont pas venus, pour ceux qui sont restés dehors. Que va-t-on faire de ces restes ?
    Comme disciples, comme membres de l'Eglise de Jésus, nous pouvons apporter cette nourriture à tous ceux qui ont faim, qui restent sur leur faim dans un monde qui aiguise l'appétit, le désir et l'envie — mais qui ne nourrit pas, ne comble pas.
    Le monde n'a pas besoin de consommer plus, il a besoin d'être aimé plus. C'est ce que Jésus nous donne et nous donne en abondance.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Exode 19. Dieu descend sur le Sinaï pour se révéler

    Exode 19

    21.9.2008
    Dieu descend sur le Sinaï pour se révéler
    Ex 19 : 1-11    Ex 19 : 16-25   

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Avec ce récit de l'Exode, nous sommes au cœur de la révélation biblique : c'est le moment où Dieu se révèle à son peuple, au peuple qu'il a choisi. Le peuple se trouve au Mont Sinaï, à l'endroit où Moïse a vécu l'épisode du buisson ardent (Ex 3). Après cette révélation personnelle — où Moïse a appris que Dieu avait entendu les cris de détresse des Hébreux en Egypte et l'a envoyé en mission — c'est au tour du peuple d'Israël de rencontrer son Dieu.
    Il a fallu une préparation, un chemin pour arriver à cette révélation. Elle va se dérouler et nous allons regarder de près comment cela nous est raconté. Cette révélation va se passer en deux étapes. Pendant la première étape, il y a une remémoration de ce que Dieu a déjà fait pour le peuple, puis l'annonce et la description de ce qui va se passer.
    Dieu rappelle la délivrance d'Egypte. Le Dieu qui va se révéler est le Dieu libérateur. Cela se répétera au chapitre suivant qui nous donne le Décalogue : c'est bien le Dieu libérateur qui donne la Loi, les 10 commandements. Ce Dieu qui va se révéler offre une alliance au peuple d'Israël, alliance signifie protection de la part de Dieu et obéissance aux commandements de la part du peuple.
    Cette alliance transforme la nature même du peuple d'Israël. Le vocabulaire ici est intéressant. Le peuple qui n'était qu'une nation parmi les nations — le mot utilisé pour "nation" est le mot "goy", le mot que les juifs utilisent pour parler des non juifs, des romains autrefois — cette nation devient une "nation consacrée", devient le peuple de Dieu. Israël passe du statut de nation étrangère au statut de peuple de Dieu.
    Ensuite, Dieu annonce qu'il va descendre vers Moïse et le peuple. Dans tout ce chapitre 19, il y a un jeu entre les mots "descendre" et "monter." Moïse ne cesse de monter, puis de redescendre de la montagne. Et voilà que Dieu va descendre vers Moïse et vers le peuple.
    Il est précisé que Dieu va descendre "aux yeux de tout le peuple" (Ex 19:11). C'est très étrange, puisqu'il est interdit de voir Dieu et qu'il est encore répété au v. 21 que le peuple ne doit pas se précipiter vers la montagne "pour voir Dieu" de peur de mourir. Mais peut-être y a-t-il une différence entre "apparaître aux yeux de" et "chercher à voir" comme il y a une différence entre "être réceptif" et "chercher à percer le mystère." Une autre piste pourrait être dans une interprétation symbolique par glissement du vocabulaire. Dans certains textes (comme Ex 15:27) le mot œil est utilisé pour désigner la source : un œil d'eau est une source. Notre texte pourrait alors se comprendre comme disant : "Dieu descendra pour être la source de tout le peuple."
    Après le temps de l'annonce de la révélation, vient un intermède, un temps pour se préparer, pour se purifier. La deuxième étape, la révélation elle-même suivra. Elle est introduite (au v. 16) par ces mots : "Le troisième jour, à l'aube…" (Ex 19:16). Cela ne vous rappelle-t-il rien ? Il y a vraiment des résonances entre tous les textes bibliques. Les évangiles nous disent — dans les annonces de la Passion — que le Fils de l'Homme ressuscitera le troisième jour et les femmes se rendent au tombeau à l'aube du premier jour de la semaine. Le tombeau vide sera aussi le lieu d'une révélation étonnante !
    Mais revenons à notre récit. Le troisième jour, donc, Dieu se révèle dans le fracas du tonnerre et des éclairs, dans la nuée — qui a conduit le peuple depuis le passage de la mer Rouge— et dans un son, le son de la corne de bélier, le schophar. Cette corne est sonnée dans les fêtes du nouvel an juif et de Yom Kippour, la fête du Grand Pardon. Ce son du schophar est la voix que le peuple entend. Seul Moïse entend les paroles de Dieu (Ex 19:16).
    Et voilà que le texte nous dit que Dieu descend sur le sommet de la montagne du Sinaï (Ex 9:18, 20). Dieu descend vers Moïse, il rejoint les humains. Il y a un intéressant parallélisme de nouveau. On nous dit d'abord que Dieu descend et que la fumée monte, puis on nous répète que Dieu descend et fait monter Moïse. La fumée qui monte rappelle les sacrifices de bonne odeur qui sont entièrement brûlés et qui plaisent à Dieu. Avec le parallélisme, on peut dire que toute personne qui monte vers Dieu, qui cherche la rencontre avec Dieu est comme ce sacrifice de bonne odeur, il est une source de joie et de plaisir pour Dieu.
    Lorsque Moïse est monté rejoindre Dieu qui est descendu sur le sommet du Sinaï, il est dit : "Moïse parlait et Dieu lui répondait par une voix" (Ex 19:19). Le dialogue s'instaure, le dialogue avec Dieu est possible pour toute personne qui se met en quête de Dieu. Dieu transmet sa parole à qui s'approche de lui avec un cœur réceptif et préparé.
    Après ce dialogue, Moïse redescend vers le peuple et lui transmet ce qu'il a reçu. Il ne nous est pas dit directement ce que Moïse transmet au peuple, mais comme le chapitre suivant expose le décalogue, on peut bien penser que Moïse leur communique les 10 Paroles qui vont assurer la vie et la liberté de chacun. Le chapitre se termine donc sur cette transmission.
    Ce qui est intéressant là, c'est ce que le texte ne dit pas ! Un silence très révélateur !
    A aucun moment, le récit ne dit que Dieu est remonté du Sinaï au ciel. Le texte a dit que Dieu descendait, mais il ne dit pas qu'il remonte. Une façon indirecte de nous dire la chose la plus importante du message biblique : Dieu reste auprès de nous, il nous a donné sa Présence pour toujours. Cette présence est là, dans le son du schophar, dans la Parole et l'Alliance, dans la loi et la grâce, dans la vie du Ressuscité sorti du tombeau à l'aube du troisième jour. Dieu est descendu et sa Présence est toujours parmi nous !
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Matthieu 16. Pierre est une fois dans le juste et une fois dans le faux

    Matthieu 16

    7.9.2008
    Pierre est une fois dans le juste et une fois dans le faux
    Mt 3 : 13-17    Mt 16 : 13-20    Mt 16 : 21-23

    Les deux derniers textes que vous venez d'entendre peuvent se résumer en trois phrases de Jésus :
    - Qui croit-on que je suis ?
    - Qui croyez-vous que je suis ?
    et - Je ne suis pas celui que vous croyez !
    Du temps de Jésus, les gens pensaient qu'il pouvait être Jean-Baptiste, ou Elie, ou Jérémie : de grands prophètes, c'est-à-dire des porteurs, des transmetteurs de paroles, de messages venus de Dieu.
    Que dit-on aujourd'hui — si l'on veut remplacer le vocabulaire biblique par des mots d'aujourd'hui ? On entendra : c'était un grand homme, un humaniste ou un humanitaire, un visionnaire ou un idéaliste, ou pourquoi pas un réformateur de la religion juive, un révolutionnaire social ou un doux rêveur.
    Après les réponses de la société, Jésus retourne la question vers ses disciples, donc aujourd'hui vers son Eglise, vers nous. Qui est Jésus pour nous ? Qui est Jésus pour nous, sans utiliser de mots bibliques ? Quelqu'un veut-il risquer une réponse ?
    Je pense que je peux dire qu'il est une inspiration, un modèle, le plus humain des humains, ou celui qui nous fait découvrir en même temps ce qu'il y a de plus humain en nous et ce qu'il y a de plus divin ou universel en nous. Mais c'est difficile de se passer du vocabulaire biblique !
    Dans notre idée de Jésus, il y a ce qui vient de l'extérieur, ce qu'on nous a appris (peut-être au catéchisme), dicté, ce que nous avons entendu et enregistré. Et puis, il y a ce qui vient de l'intérieur, ce que nous avons cherché, élaboré, réfléchi. Ou ce qui s'est éclairé en nous : "Ah oui, c'est ça pour moi !"
    Lorsque Pierre répond à Jésus : "Tu es le messie" il y a une conviction qui vient de l'intérieur : Jésus est en communion avec Dieu, il parle vrai, il touche le cœur, il libère des énergies en nous ! Et dans ce même mot "messie", il y a ce qui vient de l'extérieur, de la tradition juive, de l'époque où le peuple juif attendait un libérateur militaire pour chasser les Romains.
    Jésus voit ces deux aspects, intérieur et extérieur, et il répond à Pierre ne prenant un aspect après l'autre. "Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ce n'est pas un être humain qui t'a révélé cette vérité, mais mon Père qui est dans les cieux." (Mt 16:17). Oui, Pierre peut être heureux de reconnaître ce lien entre Jésus et Dieu, cette communion. En découvrant ce lien, Pierre peut entrer dans cette communion et être lui-même en lien avec Dieu. Ce lien fait de Pierre un membre fondateur de l'Eglise.
    Mais Jésus doit aborder le second aspect, l'espérance d'une libération militaire. Jésus doit dire à ses disciples : "Je ne suis pas celui que vous croyez !" Et Jésus leur parle — dès ce moment — "ouvertement" dit l'Evangile, de ce qui doit lui arriver. Il dévoile ce qu'on a appelé sa "messianité souffrante." C'est dans la faiblesse, c'est dans l'acceptation totale de son humanité mortelle que Jésus va accomplir son destin d'envoyé de Dieu.
    Il y a là un retournement que Pierre ne peut accepter et qui lui vaudra le fameux "Vade retro Satanas" (arrière de moi Satan, Mt 16:23). Mais Pierre n'est pas le seul ! Chaque fois que quelqu'un dit : "Si Dieu existait, il ne laisserait pas faire cela, les guerres, les accidents, la souffrance des enfants, etc." Chaque fois, c'est un Pierre qui s'ignore, c'est un Pierre qui dit "Dieu t'en garde, cela n'arrivera pas !" (Mt 16:22).
    Oui, c'est incroyable, Dieu a renoncé à sa toute-puissance, Dieu a renoncé à son pouvoir, à sa suprématie. Dieu change son mode d'intervention. Il accepte la condition humaine, il accepte la fragilité, la vulnérabilité, il accepte de souffrir et de mourir.
    C'est — aujourd'hui encore — aussi inacceptable et incompréhensible pour nous que pour Pierre ! Et pourtant, il l'a fait ! Et ce même Pierre — qui était une fois dans le juste et une fois dans le faux — est resté le disciple de Jésus. Jésus ne recherche pas des gens infaillibles, invulnérables, tout-puissants. Non, Jésus a choisi l'autre voie, celle de l'acceptation de la dimension humaine pour nous servir d'inspiration, de modèle.
    Jésus nous sauve du devoir d'être capable de tout, d'être compétent en tout, d'être toujours efficace et performant, de tout prévoir et de tout réussir. Jésus nous sauve du devoir de faire le bonheur de nos enfants, de nos proches, de nos voisins.
    Jésus, comme inspiration et comme modèle, nous permet d'abord, et nous apprend ensuite, à accepter nos limites, nos vulnérabilités, nos défauts, ce qui nous permet ensuite d'accepter aussi nos compétences, nos capacités et nos points forts.
    Regardez ce qui se passe lors du baptême de Jésus : Jean Baptiste voyant Jésus venir à lui veut refuser ce qui lui est demandé. "C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi et c'est toi qui viens à moi." (Mt 3:14). Mais Jésus — voyant que Jean Baptiste est conscient de ses limites — lui redonne capacité et autorité. Jésus lie sa vie et sa destinée à des personnes faillibles, Jean Baptiste, puis Pierre, puis nous !
    Dieu — en Jésus — renonce à sa toute-puissance pour nous faire de la place, pour nous permettre d'exister, de vivre, d'agir en liberté et avec responsabilité. Nous avons à agir, nous avons à prendre nos responsabilités dans la vie et donner le meilleur de nous-mêmes, mais il ne nous est pas demandé de devenir des surhommes. Nous vivons dans une société qui voudrait que nous soyons des surhommes, que nous réussissions tout ce que nous entreprenons, que nous n'ayons jamais besoin des autres, de leur aide ou de celle de la société.
    Jésus nous appelle à reconnaître notre humanité dans la sienne : nous ne vivons pas tout seuls. Dans un temps de notre vie, nous pouvons donner aux autres, et dans un autre temps, n'ayons pas honte de demander aux autres. La vie est faite d'échanges, un temps pour donner, un temps pour recevoir, un temps pour servir et un temps pour être servi (Jn 13:8).
    N'ayons donc pas peur de montrer nos fragilités, elles sont simplement la marque de notre humanité. Cette humanité que Jésus est venu pleinement habiter.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Jean 15. "Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron," dit Jésus

    Jean 15    8.8.1999
    "Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron," dit Jésus
    Esaïe 5 : 1-7        Jean 15 : 1-9

    Les vignerons sont récompensés, la vigne est célébrée, la fête bat son plein, la Fête des Vignerons enchaîne ses spectacles. Peut-être avez-vous eu l'occasion de participer à cette fête des couleurs, du mouvement et des sons ?
    Au centre de tout cela : la vigne et le vin, le travail des hommes pour faire pousser cette plante, en recueillir le fruit et en transformer le moût en boisson de fête, en boisson enivrante.
    Tout autour de la Méditerranée, la vigne a été considérée comme un cadeau des dieux. Le spectacle de la Fête des Vignerons en rappelle les origines dans la mythologie grecque ou latine.
    Il n'est pas dit explicitement dans la Bible que la vigne est un don spécial de Dieu aux humains. Elle mentionne cependant que Noé en a été le premier cultivateur. La vigne est cependant — avec l'olivier et le figuier — rattachée à l'idée messianique. Lorsque les explorateurs que Moïse avait envoyé vers la terre promise, le pays de Canaan, sont revenus, ils ont rapporté une grappe de raisins si grande qu'il fallait deux hommes pour la porter. Vigne et vin témoignent de la générosité de Dieu envers les humains.
    Mais la vigne a aussi une autre symbolique très forte dans la Bible : elle est l'image même de la relation de Dieu avec son peuple. Dieu est un vigneron qui a défriché une parcelle, qui l'a entourée d'un mur et qui y a planté une vigne. Il l'entoure de soins attentifs, il la taille et l'émonde, il en attend le fruit. C'est l'image d'un homme amoureux de sa vigne et de son parchet. Il y passe des heures, il ne ménage pas sa peine. Il la soigne, la bichonne avec amour, avec espoir.
    ... Nous qui aimons voir le résultat immédiat de notre travail, de nos attentions, de nos démarches. Quel contraste...
    Le vigneron est un être de patience. De la Saint-Martin à la vendange, du pressoir à la bouteille, combien de temps faut-il pour apprécier le résultat de son labeur ? Dieu est patient. Il ne compte ni son temps, ni sa peine pour prendre soin de son peuple, pour l'appeler, l'éduquer, le conduire vers le bonheur et l'abondance.
    Hélas, combien souvent l'attente de Dieu reste-t-elle sans réponse ? Le fruit se fait attendre. Israël a compris certains événements de son histoire comme la réaction de Dieu à ses errements. Dieu s'est fâché contre sa vigne, il l'a laissé piétiner, envahir, il l'a laissée — temporairement — à l'abandon.
    Mais Dieu n'abandonne jamais ses projets pour l'être humain. Il s'est remis au travail. Il redonne une chance à chacun. C'est dans ce contexte d'une nouvelle chance, d'un nouveau départ, que Jésus annonce la bonne nouvelle :

    "Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron" (Jean 15:1)
    Jésus est la figure du nouvel Israël, le premier-né d'un nouveau peuple, de la nouvelle vigne du Seigneur.
    "Je suis la vraie vigne". Cette fois, la vigne sera sans défaillance, le cep est le vrai cep, établi par le Père, soigné par le Père, aimé pleinement par le Père. La relation entre le Père et le Fils est claire : Dieu a établi Jésus pour être la racine et le tronc du nouveau peuple des croyants, du nouvel Israël.
    Et cette phrase en écho, en réponse, qui nous inclus dans cette relation : "Je suis le cep et vous êtes les sarments" (Jean 15:5). Nous sommes les sarments, nous, croyants du XXe siècle, nous sommes attachés au Fils, nous sommes issus du Fils. Nous sommes les sarments, cela signifie que nous puisons notre sève, notre subsistance au coeur même du Fils.
    C'est en cela qu'il peut déclarer — comme une affirmation et non comme un simple souhait : "Vous êtes purs" (Jean 15:3). La pureté, ici, est donnée par le Christ, ce n'est pas quelque chose que nous pourrions acquérir par notre comportement. La pureté ne tient pas aux résultats de nos actions, mais à la source à laquelle nous puisons. Si l'eau de la source est pure, alors nous sommes purs, alors nous porterons de bons fruits. C'est pourquoi Jésus — dans l'Evangile de Jean — répète sans cesse : "Demeurez-en moi". Cela signifie : restez attachés au cep, restez branchés à la source, à cette source infinie qu'est l'amour du vigneron pour sa vigne :

    "Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour". (Jean 15 : 9).
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Néhémie 8. Un peuple rassemblé pour écouter la Loi.

    Néhémie 8    1.8.1999
    Un peuple rassemblé pour écouter la Loi.
    Néhémie 8 : 1-12    Deut. 4 : 25-31    Luc 15 : 1-7

    Voilà, cette année (1999), le premier août tombe un dimanche ! Dommage pour un jour qui vient d'être déclaré férié, mais aussi une chance, une occasion pour l'Eglise de réfléchir au sens d'une fête nationale, une fête où les éléments politiques, historiques et religieux sont mêlés. Le premier août, une occasion pour les habitants de ce pays, de réfléchir à l'identité suisse, aux valeurs portées — volontairement ou involontairement — par l'image de la Suisse.
    Que nous le voulions ou non, que nous soyons porteurs d'un passeport à croix blanche ou non, nous sommes solidaires des bons et des mauvais côtés de la "Suisse". Quand Piccard réussit son tour du monde, nous nous sentons proches de lui. Quand l'équipe suisse perd son match, nous nous sentons proches d'elle. Que nous le voulions ou non, nous partageons le sort de la Suisse, nous partageons ses succès comme ses fautes. Et il nous arrive de pleurer sur le sort ou les fautes de la Suisse, de ses représentants ou de ses entreprises...
    C'est ce qui arrive aussi au peuple d'Israël réuni à Jérusalem dont nous parle le récit de Néhémie. Situons ce rassemblement dans l'histoire d'Israël : après la période des rois qui ont succédé à David et Salomon, le pays d'Israël a été conquis par l'empire d'Assyrie, et le peuple — surtout ses dirigeants et ses dignitaires — ont été déplacés, exilés à Babylone. Le Temple de Jérusalem a été détruit. L'Exil a duré 50 ans, jusqu'à ce que Cyrus le roi des Perses prenne Babylone et permette le retour des Israélites à Jérusalem. C'est un petit reste qui revient et reconstitue le culte et les traditions. Plus tard, Esdras et Néhémie vont, ensemble, réorganiser la vie politique et religieuse, en faisant reconstruire la ville et le Temple et restructurer ce nouveau départ en replaçant au centre du culte la lecture de la Loi donnée à Moïse.
    Le récit que nous avons entendu nous fait revivre cet événement : le peuple assiste à la lecture de passages de la Torah. Dans ces lectures pouvait figurer le texte du Deutéronome que vous avez entendu. Cette lecture, accompagnée d'explications, produit visiblement une grande émotion auprès des auditeurs : Ils se mettent à pleurer.
    Ces pleurs sont troublants, les lévites lecteurs ne s'attendaient pas à cette réaction. Pour eux, la loi est un sujet de joie. La loi est bonne nouvelle. La loi est un message de réconfort, annonce de la bienveillance de Dieu. Pourtant, le peuple pleure... Ces larmes peuvent dire beaucoup de choses. Certes, en général, les larmes sont signes de tristesse, de chagrin, mais pas seulement.
    Le peuple d'Israël peut verser des larmes de tristesse suite au rappel des fautes commises par leurs ancêtres ou par eux-mêmes. N'est-ce pas triste de voir à quel point nous offensons Dieu ?
    Mais ces larmes peuvent aussi être le résultat de la reconnaissance de la bonté dont ils sont l'objet, le peuple racheté, sauvé, libéré du joug de l'esclavage. Reconnaître que malgré ses fautes ou ses erreurs, on est encore, toujours, aimé. Cela peut conduire aux larmes. Ces larmes sont alors, non des larmes amères, mais la redécouverte d'une source de vie qui était tapie et oubliée au fond de soi.
    Ces larmes sont un prélude à un recommencement, un nouveau départ, celui que permet le pardon. Les israélites, auditeurs de la loi, se sont reconnus personnellement dans les anciennes paroles de Moïse (Deut. 4). Ils se reconnaissent comme héritiers de la promesse, même au travers de leur parcours et de leurs fautes. Cette reconnaissance peut alors déboucher sur la fête, sur la joie.
    Les déportés revenus à Jérusalem peuvent renouer avec l'identité du peuple d'Israël, une identité qui ne fait pas l'impasse sur ses moments d'obscurité, mais qui mise sur la grâce de Dieu qui offre un nouveau départ. Ainsi, ces Israélites au coeur nouveau peuvent-ils organiser la fête et y inclure tout le monde. L'amour de Dieu n'est-il pas si grand qu'ils peuvent partager ce qu'ils ont avec ceux qui n'ont rien ?
    Ici en Suisse, nous avons aussi passé par des épreuves. Nous n'avons pas eu toujours l'occasion d'être fiers de ce que nous avons fait, dans le passé ou dans le présent. Nous avons des raisons de confesser nos fautes, de nous repentir et de pleurer. Mais ce n'est que la moitié du chemin. Tirons de nos fautes des enseignements, recevons le pardon que Dieu nous offre et préparons la fête de ce soir. Non pas dans l'esprit de "il n'y en a point comme nous", mais avec la conviction que Dieu nous invite à la joie, à la joie du berger qui a retrouvé sa brebis perdue, à la joie de Dieu lorsqu'un pécheur s'est repenti.
    Faisons la fête comme les Israélites firent la fête : "tous rentrèrent chez eux pour manger et boire; ils partagèrent leur repas avec ceux qui n'avaient rien et se livrèrent à de grandes réjouissances. Ils avaient en effet compris le sens du message qu'on leur avait communiqué". (Néh 8 : 12).
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 57. A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit d'aimer

    Esaïe 57

    17.8.2008
    A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit d'aimer
    Es 57 :14-19    Es 62 : 1-5    Luc 13 : 6-9

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous voici arrivés dans la troisième partie du livre d'Esaïe. Nous avons vu le prophète Esaïe, fils d'Amots, à l'œuvre entre 740 et 700 av. J.-C. dans la première partie du livre. Le prophète était conseiller des rois et le schéma théologique était en gros le suivant : quand les dirigeants obéissaient à Dieu, ils étaient victorieux; quand ils désobéissaient, ils perdaient face à leurs ennemis.
    120 ans plus tard, Jérusalem est dévastée par les babyloniens, le Temple détruit et le peuple et ses dirigeants emmenés en Exil. Un nouveau prophète — anonyme — encourage les exilés en leur disant, vous êtes punis, mais la punition prendra fin. Dieu vous enverra un libérateur et vous pourrez rentrer d'exil et vous établir à nouveau sur la terre promise. Cela se passe effectivement lorsque Cyrus, roi des Perses, défait Babylone en 540 av. J.-C. et permet, par décret, aux juifs de retourner sur la terre d'Israël.
    S'ouvre alors une troisième période, avec des messages contenus dans les chapitres 55 à 66 du livre d'Esaïe. Le retour se fait petit à petit, mais sans gloire. Le retour est difficile, les terres sont occupées par ceux qui sont restés. Ceux qui reviennent ne sont pas les bienvenus. Jérusalem est toujours en ruine et le pays ne retrouve pas son indépendance. Pas de gouvernement autonome, pas de nouveau Temple. La vie est plutôt misérable. La punition continue-t-elle ?
    Là au milieu, le prophète cherche à comprendre, cherche à percevoir, à discerner la volonté de Dieu. Dans la liturgie, nous avons entendu les prières que le prophète partage avec son peuple :
    - repentance et appel à Dieu "ah si tu déchirais le ciel et si tu descendais" (Es 63:15-19);
    - la grâce au travers de la mission du Messie de "remplacer les marques de tristesses par autant de marques de joie" (Es 61:1-3)
    - la louange : "le Seigneur est pour moi une source de joie débordante" (Es 61:10-11).
    Quelle est l'intention de Dieu, le sentiment de Dieu à l'égard de son peuple ?
    Et le prophète a une révélation. Et il traduit pour nous le travail de réflexion, d'introspection de Dieu lui-même. Il semble qu'on l'entend réfléchir :
    "Moi, le Dieu saint, j'habite là-haut, mais je suis avec les hommes qui se trouvent accablés et ont l'esprit d'humilité, pour rendre la vie aux humiliés, pour rendre la vie aux accablés. (…) Les torts d'Israël m'ont irrité un instant. Dams ma colère je l'ai frappé, je ne voulais plus le voir. Mais il est resté infidèle, il n'en a fait qu'à sa tête, je connais bien sa conduite.
    Or voici ce que sera ma revanche : je le guérirai, je le guiderai, je le réconforterai ! Quant à ceux qui portaient le deuil, je mettrai sur leurs lèvres des exclamations de joie. Paix pour les plus lointains, paix pour les plus proches, dit le Seigneur. Oui, je guérirai mon peuple." (Es 57:15,17-19)
    Oui, on assiste-là au travail de pensée intérieur de Dieu lui-même. On le sent à la croisée des chemins, comme le propriétaire du figuier stérile (Luc 13:6-9). Face à ce peuple récalcitrant, que faire ? Les sanctions n'ont pas porté de fruits. La punition n'a rien donné, elle n'a pas ramené son peuple à lui. Que faire ? Faut-il abattre l'arbre et le brûler ?
    Quand on se demande quoi faire — et qui n'a pas été devant une telle situation face par exemple à un enfant adolescent ou à un employé au travail ? — il est de bon conseil de se demander : au fond, qui suis-je ? Qui est-ce que je veux être dans ma vie ?
    Etre et actions sont intimement liés. Ce que je fais façonne aussi qui je suis, alors, ce que je suis, ou veux être, doit guider ce que je fais.
    Qui suis-je — se demande Dieu — ou pour être plus modeste : qui est Dieu se demande le prophète. Dieu est le Très-Haut, celui qui est saint et très élevé, le Tout-Autre. Mais il est aussi celui qui s'est révélé à Moïse, dans le buisson ardent, comme celui qui entend les cris de son peuple maltraité en Egypte (une figure de l'Exil). Dieu ne peut pas rester lui-même si son amour des humains, de son peuple, ne dirige pas ses actions.
    Et nous le voyons — dans ces mots du prophète — reconnaître qu'il a été irrité, qu'il a punit, sanctionné, et que cela n'a pas donné d'effet. Et nous le voyons revenir à son être-même, renoncer à la colère pour tendre la main et reproposer, inlassablement, son amour. A la croisée des chemins, Dieu renonce à la colère et choisit de revenir vers son peuple pour le guérir, pour lui apporter la joie et la paix.
    L'amour peut comporter des temps de colère, des actes de punition. Poser des normes, des interdits dans l'éducation est un acte d'amour. Tenir aux principes, les faire respecter, sanctionner est un acte d'amour aussi, lorsque c'est fait avec mesure et proportionnalité.
    Mais l'amour sait aussi revenir après la colère, pardonner après la transgression, réhabiliter après la sanction. Et c'est le rôle du fort de faire le premier pas, de proposer la réconciliation et d'effacer l'ardoise. Voilà ce que Dieu décide, après réflexion, un retour unilatéral vers son peuple, vers ceux qui sont accablés, humiliés. Malgré tout, il décide de guérir, guider, réconforter son peuple et de le faire avec joie.
    Dans le deuxième texte que nous avons entendu (Es 62:1-5), le prophète compare ce retour à une noce, un mariage La relation avec Dieu peut être joyeuse, un plaisir, un bonheur, comme la rencontre du marié avec la mariée. La relation à Dieu prend deux dimensions dans cette troisième partie du livre d'Esaïe.
    Une dimension personnelle, interpersonnelle d'abord. Tout en restant communautaire — l'individualisme n'as pas encore le sens et l'importance d'aujourd'hui — la relation est personnelle entre Dieu et l'être humain, c'est une relation de cœur et de volonté, une relation qui engage l'intérieur de l'être humain. On connaît les violentes diatribes des prophètes contre les signes extérieurs de religiosité qui ne sont pas accompagnés d'une justice personnelle et sociale par exemple. Voilà pour la dimension personnelle : elle demande de l'authenticité et de la sincérité.
    L'autre dimension, très présente chez le prophète, c'est l'universalité. Jérusalem devient une sorte de phare dans le monde pour faire connaître l'amour que Dieu a pour son peuple. "Les nations constateront que le Seigneur t'a délivrée, tous les rois contempleront ta gloire." (Es 62:2). Le Temple, lorsqu'il sera rebâti, sera une "maison de prière pour tous les peuples" (Es 56:7) comme le rappellera Jésus lui-même. Il y a une volonté de réconciliation de l'humanité toute entière sous la bannière de l'amour que Dieu a pour tous les humains.
    - L'amour de Dieu bien plus fort que sa colère,
    - une relation personnelle et engagée envers Dieu,
    - un amour universel et inconditionnel pour tous les humains.
    Ces trois thèmes sont exposés dans cette troisième partie du livre d'Esaïe et verront leur déploiement s'effectuer dans la personne et le message de Jésus, quelques siècles plus tard. Ils sont encore, pour nous, la manifestation vraie de l'être de Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Esaïe 53. Un prophète partagé

    Esaïe 53

    10.8.2008
    Un prophète partagé
    Es 51 : 12-16    Es 53 : 1-5    Ac 8 : 26-38

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu dimanche passé que la première partie du livre d'Esaïe s'inscrit dans l'histoire du peuple juif entre les années 740 et 700 av. J.-C. Le prophète Esaïe, fils d'Amots, conseille les rois dans leur politique, afin que Dieu leur assure la victoire, ou au moins la survie. L'idée de base est le lien entre obéissance à Dieu et victoire sur les ennemis, la désobéissance conduisant à la défaite.
    La première partie du livre d'Esaïe se termine sur la libération miraculeuse du siège de Jérusalem, ce qui confirmait le schéma d'Esaïe. Cependant, un peu plus d'un siècle plus tard, l'empire de Babylone s'empare de Jérusalem, détruit le temple et déporte les habitants vers Babylone. Une nouvelle réflexion s'impose sur le rôle d'Israël et de Dieu dans ces nouveaux événements. Le Dieu d'Israël a-t-il été battu par les dieux babyloniens ? Ou bien Dieu a-t-il abandonné son peuple ?
    Un nouveau prophète, anonyme, se lève pour encourager le peuple déporté à Babylone. Ses paroles sont recueillies et appondues au premier livre d'Esaïe. Elles forment les chapitres 40 à 55. Que nous dit ce prophète ? Il annonce la délivrance du peuple déporté. Il annonce que Dieu n'a pas abandonné son peuple, il ne l'a pas oublié, au contraire : il prépare son avenir, son retour vers la terre promise.
    Le prophète affirme que le Dieu d'Israël est le maître des éléments naturels : "il excite la mer, il fait mugir les flots" (Es 51:15), bien plus, "il a déploié le ciel et posé les bases de la terre" (Es 51:13). Dieu règne sur l'univers, il est le maître des rois et des peuples et il a déjà convoqué Cyrus, le roi des Perses pour envahir Babylone et libérer le peuple juif pour qu'il puisse retourner sur la terre promise.
    Ce langage est dans le prolongement de la pensée d'Esaïe, fils d'Amots. Un prolongement qui va un peu plus loin, puisque la souveraineté de Dieu ne s'étend pas seulement au peuple d'Israël, mais à toutes les nations, à la terre entière. L'inconvénient de cette affirmation, c'est d'éloigner Dieu de son peuple !
    Si Dieu est le maître de l'univers, pourquoi aurait-il encore à se préoccuper de ce petit peuple d'Israël ? Et pourquoi ce peuple plutôt qu'un autre ? Si Dieu est le maître de l'univers, cela renforce l'idée que tout vient de Dieu, aussi bien le bonheur et la délivrance que le malheur et l'adversité.
    Le prophète est partagé. Il ne peut pas y avoir que la voie de la puissance, de la force, de la violence. L'action de Dieu ne peut pas se voir que dans l'Histoire. Dieu n'a-t-il pas d'autres projets pour son peuple, pour les humains ?
    Le prophète est partagé parce que dans le projet de Dieu de délivrer son peuple, il voit — au-delà du projet politique — tout le cœur, tout l'attachement, tout l'amour que Dieu a pour ces gens qui souffrent. Le but de Dieu est de redonner confiance et espoir à son peuple, de lui redonner vie, d'ôter le sentiment d'abattement, de découragement, de faute.
    Le prophète découvre une autre facette de Dieu, celle du Dieu qui vit au côté de son peuple, du Dieu qui ressent ce que ressentent les humains. Le prophète découvre combien Dieu veut abolir la distance entre lui et les humains, combien Dieu veut abolir cette mécompréhension qui fausse cette relation entre humains et Dieu.
    Cela lui inspire les quatre poèmes du "serviteur souffrant" (Es 42:1-4; 49:1-6; 50:4-9; 52:13—53:12) mystérieux textes où se montre non seulement la miséricorde, la compassion de Dieu, mais où toutes les valeurs sont renversées. Où l'être humain découvre que tout ce qu'il croyait savoir de Dieu est remis en question :
    "Qui de nous a cru la nouvelle que nous avons apprise ?
    Qui de nous a reconnu que le Seigneur était intervenu ?
    Car devant le Seigneur, le serviteur a grandi comme une simple pousse, comme une pauvre plante qui sort d'un sol desséché. Il n'avait pas d'allure ni le genre de beauté qui attirent les regards. Il était trop effacé pour se faire remarquer.
    Il était celui qu'on dédaigne, celui qu'on ignore, la victime le souffre-douleur. Nous l'avons dédaigné, nous l'avons compté pour rien, comme quelqu'un qu'on n'ose pas regarder.
    Or il supportait les maladies qui auraient dû nous atteindre, il subissait la souffrance que nous méritions.
    Mais nous pensions que c'était Dieu qui le punissait ainsi, qui le frappait et l'humiliait.
    Pourtant il n'était blessé que du fait de nos fautes, il n'était accablé que par l'effet de nos propres torts. Il a subi notre punition, et nous sommes acquittés; il a reçu les coups, et nous sommes épargnés. (Es 53:1-5)
    Nous croyions que Dieu était opposé à nous et il est de notre côté. Nous croyions ne pas être digne de lui et il s'abaisse jusqu'à nous. Nous croyions qu'il nous punissait, alors qu'il souffrait notre propre souffrance !
    Ces paroles du prophète anonyme — ajoutées au livre d'Esaïe — sont comme un filon d'or qui parcourt le terreau de la Bible. Ces paroles permettront de comprendre la Passion de Jésus — qui donne sa vie à notre place, comme le serviteur souffrant.
    Comme nous l'avons entendu dans le récit de la conversion du fonctionnaire éthiopien, ces paroles d'Esaïe ont servi de catéchisme pour comprendre la mort de Jésus, le don de sa vie.
    Dieu n'est pas un Dieu lointain, un Dieu distant qui tire les ficelles d'un monde qui nous dépasse. Dieu, au contraire, se veut proche de nous, de chacun d'entre nous, du plus petit au plus âgé, du plus fort au plus faible. Dieu se place lui-même à nos côtés, dans le bonheur comme dans le malheur. Il n'est pas là pour ôter les pierres, les obstacles qui se trouvent sur notre chemin, mais pour nous aider à les contourner, les écarter ou les surmonter.
    Dieu nous soutient dans tous les moments de notre vie. Nous pouvons lui faire confiance et vivre de cette force.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008