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matthieu - Page 4

  • Matthieu 5. La peine de mort pour Saddam Hussein ?

    Matthieu 5
    12.11.2006
    La peine de mort pour Saddam Hussein ?
    Rm 13 : 1-5 Mt 5 : 21-22

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Une fois n'est pas coutume, aujourd'hui, je vais prendre le risque de commenter un fait d'actualité. Cette semaine, la nouvelle est tombée : le Haut tribunal pénal irakien a condamné Saddam Hussein à la peine de mort. Celui-ci pourra faire appel et remettre ce verdict en question.
    Deux réactions rapides, réflexes : (i) si Saddam Hussein n'est pas condamné à mort, qui pourrait encore l'être pour des crimes civils ? Ne serait-il pas injuste qu'une personne ayant tué une, deux, trois, voir même 18 personnes s'en tire moins bien que Saddam Hussein ? (ii) La peine de mort est-elle une sanction appropriée pour Saddam Hussein si l'on entre dans des considérations qui tentent de mesurer la gravité des faits et arriver à un châtiment qui soit "à la mesure" de ses crimes. A cette échelle, la peine de mort est trop clémente !
    Pourtant, vous avez pu le voir et l'entendre dans la presse, Amnesty International, l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) et d'autres, dont les Eglises, demandent que la peine de mort ne soit pas appliquée, même dans ce cas !
    Cette position n'est pas facile à défendre. En fait l'abolition de la peine de mort est un discours récent dans les Eglises, une idée du XXe siècle et de l'Eglise primitive. Jusqu'à la déclaration par Constantin que le christianisme devenait la religion d'Etat de l'Empire romain, l'Eglise était opposée à toute mise à mort qu'elles qu'en soient les raisons. Ensuite, en s'appuyant sur les paroles de Paul aux Romains (Rm 13:1-5) — qui dit que l'autorité a le pouvoir du glaive pour faire respecter l'ordre public — les Eglises ont soutenu les Etats et la peine de mort contre les criminels.
    Des groupes marginaux dans l'histoire, les Cathares, les Vaudois, les Anabaptistes s'y sont opposés, comme ils s'opposaient à la guerre. Ce n'est qu'au XXe siècle, le théologien bâlois Karl Barth en tête, que le mouvement abolitionniste s'est développé et a gagné presque tous les pays de tradition chrétienne.
    Cette opposition à la peine de mort est une opposition de principe. Elle fait valoir les arguments suivants :
    - la peine de mort est irréversible. Des innocents peuvent être exécutés par erreur judiciaire.
    - la peine de mort n'est pas dissuasive.
    - la peine de mort frappe avant tout les minorités et les pauvres, elle est donc injuste.
    Ces premiers arguments ne s'appliquent pas dans le cas de Saddam Hussein. Voyons les suivants :
    - Il n'appartient pas aux êtres humains de fixer le moment de la mort, seul Dieu a ce pouvoir.
    - Si coupable soit-il, un homme pour qui Jésus-Christ est mort, ne saurait être privé du temps de patience et de repentance que Dieu offre à tout pécheur.
    -La peine de mort n'est pas un moyen de légitime défense puisqu'elle s'applique sur quelqu'un qui est déjà hors d'état de nuire puisqu'il est déjà en prison.
    - la peine de mort s'exprime par le "même langage", c'est-à-dire avec les mêmes méthodes et moyens que l'on condamne chez le coupable.
    Je ne vais pas analyser chacun de ces arguments. C'est le dernier argument qui me semble en même temps le plus "chrétien" et le plus "universel", le plus compréhensible pour toutes les cultures : La peine de mort utilise le même langage de violence que celui qui est condamné chez le coupable.
    Je trouve cet argument particulièrement pertinent parce qu'il ne s'attache pas au caractère légitime ou non, légal ou non, humain ou non de la peine de mort, mais au caractère violent de la peine de mort. Quelques que soient les méthodes utilisées pour une exécution (on le voit au Etats-Unis avec la diversité de moyens engagés) la peine de mort est toujours l'application d'une violence qui contredit nos valeurs, pas seulement chrétiennes, mais les valeurs de base de toutes les démocraties.
    On utilise la même violence que l'on dénonce chez le condamné. On est dans la violence du "œil pour œil, dent pour dent" même avec tout un arsenal juridique. D'ailleurs, Saddam Hussein utilisait aussi tout un arsenal juridique en Irak qui devait légitimer ses exactions !
    Condamner Saddam Hussein "légalement" à mort, c'est une façon de reconnaître qu'il y a des violences légitimes. Pourquoi celles des nazis ou celles de Saddam Hussein sont-elles illégitimes en fin de compte puisqu'elles reposaient sur des lois d'Etat ? Bien sûr, on dira — après coup — que c'étaient des Etats criminels. Et on le fait en se plaçant au-dessus de ces Etats — p. ex. en se plaçant au niveau de l'ONU ou du TPI (Tribunal pénal international). On voit qu'il faut chaque fois "monter d'un étage" pour poser un jugement. Les chrétiens affirment simplement qu'à l'étage supérieur, il faut placer Dieu et surtout pas les hommes. Le dernier jugement doit être laissé à Dieu !
    C'est une façon de reconnaître que les jugements humains sont toujours trop étroits, trop limités, trop faillibles. La violence est une force bien trop grande, trop explosive pour être laissée entre les mains des humains (surtout quand ils prétendent faire le bien !). Comme humains, nous sommes trop tentés par la vengeance.
    Nous voudrions que la justice venge les victimes. Dans cet esprit, la peine de mort est trop clémente ! Certains ne voudraient-ils pas réintroduire les châtiments tels que la roue, l'écartèlement ou l'écorché vif ? Mais quelle violence supplémentaire améliorerait d'un cheveu le sort des victimes ? Le sort des victimes est bien la première préoccupation chrétienne. La peine de mort ne pourrait qu'assouvir — mais jamais assez — le désir de vengeance des victimes, mais on n'a jamais vu que la vengeance améliorait le sort des victimes.
    Qu'est-ce qui améliorerait leur sort ? Du temps pour mener de nombreux procès, pour faire droit, pour réhabiliter les victimes, pour faire office de mémoire, de mémorial, voilà qui soulagerait les victimes ou leurs proches. Suspendre ou abolir la peine de mort pour faire droit aux victimes de réclamer une condamnation des actes qui ont été perpétrés contre eux, voilà qui serait bienfaisant.
    Reste la question du jugement de Dieu. Comment Dieu allie-t-il justice et amour ? Justice pour les victimes, justice pour le coupable ? Amour pour les victimes, amour pour le coupable ? Nous n'en savons rien ! Pour moi, en tout cas, cela reste un grand mystère. Cependant, nous avons quelques indices à méditer dans la Passion de Jésus.

    - Un homme désigné comme coupable par tous est condamné à la peine de mort.
    - Un innocent se retrouve sur la croix. victime de la violence des hommes.
    - Tous les humains coupables aux yeux de Dieu, mais Dieu qui leur offre le salut malgré tout.
    - Une victime enterrée, que Dieu ressuscite le troisième jour et enlève au ciel.
    - Un jugement différé pour les humains, pour faire place à un amour possible entre les humains et Dieu et entre les humains.
    Aujourd'hui, ce n'est pas dans la figure de Ponce Pilate que l'on reconnaît Dieu, c'est bien dans celle de Jésus et Jésus crucifié. Si un jugement est nécessaire, c'est bien pour que justice soit rendue aux victimes. C'est bien à leur égard que Dieu allie justice et amour.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Matthieu 20. A nos manques, Dieu répond par l'abondance de ses dons

    Matthieu 20
    22.9.2002
    A nos manques, Dieu répond par l'abondance de ses dons
    Ps 145 : 13-21 Es 55 : 6-9 Mt 20 : 1-16

    Chères paroissiennes, chers paroissiens de nos communautés,
    Nous sommes invités — ce matin — à méditer sur cette parabole bien connue des "ouvriers de la 11e heure" et sur les paroles du prophète Esaïe qui rapporte des propos qui semblent sévères de la part de Dieu :
    "Vos pensées ne sont pas mes pensées, vos projets ne sont pas mes projets" (Es 55:8).
    Ces paroles sont comme une remise au pas de l'être humain, une remise en place, à sa juste place, de l'humain par Dieu. Il semble que — dans ces paroles — Dieu veuille nous rappeler toute la distance qu'il y a entre lui et nous, une distance aussi grande que celle qui sépare la terre du ciel, entendez : une distance infinie.
    Je pense qu'il faut prendre cette distance au sérieux, et reconnaître que nos systèmes de pensées ne sont pas ceux de Dieu, que nos projets de société ne sont pas ceux de Dieu, que nos idées sur la réalité ne sont pas celles de Dieu. Mais le prophète ne parle pas d'une distance infranchissable, qui serait une séparation de Dieu ! En effet, Esaïe a commencé son apostrophe en disant que Dieu "se laisse trouver" et "qu'il est maintenant près de nous" (Es 55:6).
    La distance entre Dieu et nous existe, mais elle n'est pas là où on la pense. La distance n'est pas une affaire kilométrique, elle est une affaire d'attitude ! Le prophète nous invite à ne pas créer nous-mêmes notre propre distance vis-à-vis de Dieu en projetant sur lui nos manières de penser.
    Cessons d'attribuer à Dieu nos raisonnements, nos sentiments, notre façon de considérer les choses. Dieu a sa propre façon d'agir, de raisonner, de considérer les situations. Et c'est ce qui est illustré dans la parabole des "ouvriers de la 11e heure."
    Jésus commence par dire : "Voici à quoi ressemble le Royaume des cieux." Comprenons aujourd'hui que cela signifie : "Je vais vous illustrer la façon de penser et d'agir de mon Père." Et que voit-on ? Un maître généreux. Non seulement il remplit son contrat en donnant la somme convenue, mais il arrondit vers le haut le salaire de tous.
    Évidemment, en terme de salaire horaire, c'est inéquitable ! Mais il faut savoir qu'une pièce d'argent par jour est la somme nécessaire pour nourrir sa famille ce jour-là. Le maître ne se préoccupe pas de savoir si son geste crée des inégalités, il est préoccupé par le sort de chaque ouvrier. Il veut que chacun puisse vivre et nourrir sa famille.
    Et le maître agit ainsi quoi qu'en pensent ceux qui l'observent. Les pensées des mécontents, des jaloux le laissent indifférent. "Etes-vous jaloux parce que je suis bon ?" dit-il seulement. Là est bien la question; là est bien la distance qui sépare les humains de Dieu !
    Lorsque nous voyons Dieu à notre image, nous projetons sur lui nos exigences de "bon droit", de rétribution. Nous projetons sur lui notre peur de manquer, notre angoisse d'être moins bien lotis que notre voisin. Ces pensées ne sont pas celles de Dieu. Et nous n'avons pas à les projeter sur lui.
    Hélas, trop souvent, en tant qu'Eglises, nous projetons cette image de Dieu aux yeux de nos concitoyens. Nous créons nous-mêmes la distance avec Dieu en plaçant des obstacles sur le chemin de ceux qui veulent s'approcher de Dieu. Combien de fois nos jugements rapides ou quelques mots critiques renvoient une personne à sa solitude ou son désarroi ? Combien de fois nos préjugés nous retiennent-ils d'offrir à quelqu'un le sourire ou la main tendue qui lui feraient du bien ? Combien de fois nos peurs ou nos rigidités institutionnelles mettent-elles un frein à l'oecuménisme ? Là où Dieu ouvre les bras pour accueillir tous les humains, nous mettons des obstacles, des barrières.
    Au lieu d'imaginer un Dieu à notre image, apprenons à nous réjouir de la bonté du Père, à nous réjouir de sa générosité et de l'abondance de biens qu'il donne à tous. C'est à nous d'adopter Dieu pour modèle, c'est le retournement auquel le prophète Esaïe nous invite et nous exhorte.
    Oui, nous avons peur du manque, peur de l'injustice. Oui, nous sommes envahis par la jalousie, mais Dieu n'est pas semblable. A notre manque il répond par l'abondance de ses dons. A notre peur de l'injustice, il répond par la réhabilitation des victimes et le soins de nos blessures. A notre jalousie, il répond que tous ses biens nous sont déjà donnés en Jésus-Christ (Luc 15:31).
    A nous de recevoir vraiment les paroles du prophète :

    "Tournez-vous vers le Seigneur,
    maintenant qu'il se laisse trouver.
    Faites appel à lui,
    maintenant qu'il est près de vous." (Es 55: 6)
    Tout ce dont Dieu dispose, il nous l'a déjà donné, apprenons à puiser à cette source pour être comblé de plénitude.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • Matthieu 18. Le pardon, un fusible dans la chaîne du mal

    Matthieu 18
    12.9.1999
    Le pardon, un fusible dans la chaîne du mal
    Ez 33 : 7-9 Rm 13 : 8-10 Mt 18 : 15-20

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, j'aimerais vous parler du pardon. S'il est une chose, une action qui caractérise tout le ministère de Jésus, c'est sa capacité de pardonner. C'est aussi ce qui lui a été vivement reproché ! Car le pardon, le fait de pardonner les péchés, avait toujours été une prérogative de Dieu lui-même, de Dieu seul.
    Lorsqu'au début de son ministère — devant un parterre de théologiens — Jésus pardonne ses péchés au paralytique (Mt 9:1-7), cela engendre une vive discussion. Jésus marche sur les plates-bandes de Dieu, lui reprochent ses adversaires. L'être humain peut bien pardonner une offense, mais pas un péché.
    Jésus va renverser ces subtilités de théologiens, il annonce le pardon de Dieu à tous et affirme la capacité de chacun, de chaque homme, de chaque femme à pardonner, à délier les liens du mal avec un extrême efficacité. En effet, vous l'avez entendu, Jésus affirme que ce que nous délions, pardonnons, sur la terre, sera délié, pardonné, dans le ciel. La portée de notre pardon est illimitée !
    Ces paroles de Jésus sur le pardon : "Si ton frère se rend coupable à ton égard, va le trouver..." (Mt 18 : 15) montrent que l'initiative est entre les mains de celui qui a subi du mal, un tort. L'offensé n'a pas à attendre un geste de celui qui l'a blessé, il peut prendre l'initiative. Le but de cette initiative est de gagner un frère, de restaurer la relation.
    Examinons un peu le chemin qui va de l'offense au pardon. En réalité, c'est un double chemin, celui que parcourt l'offensé, celui qui a été blessé, et celui que parcourt celui qui a blessé, fait du tort. Au départ, ils sont ensemble au moment où l'un blesse et l'autre est blessé. Comme vous le savez, cela peut se produire de toutes sortes de manières, Tout à coup, le mal est fait, la parole blessante a surgi et fait son oeuvre.
    Jésus ne cherche pas à établir des responsabilités, à trouver un coupable. On se rappellera — dans le texte qui vient juste avant le nôtre, celui de la brebis perdue — que la brebis s'est égarée sans qu'on cherche à savoir si c'était la faute de la brebis, du chien ou du berger. Le mal est fait, point. L'un a subi le mal, l'autre a commis le mal, le mal est là.
    Vient alors une phase de prise de conscience, phase essentielle autant pour l'un que pour l'autre. Réaliser le mal subi, sa nature, où cela nous touche, nous blesse, est une étape nécessaire à notre guérison. Réaliser le mal qui a été commis et ce qui échappe à celui qui l'a fait. Sur la croix, Jésus réalisait le mal qu'il subissait, mais il a demandé à Dieu : "Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font !" Qui sait vraiment le mal qu'il fait, qu'il commet, toute son étendue ?
    On fait rarement le mal volontairement, délibérément, mais plutôt par lâcheté, par peur, pour se défendre ou poussé par des forces internes qu'on ne s'explique pas. Cela n'excuse pas le mal commis, mais cela aide à le comprendre et de là, à le pardonner. Pardonner, c'est renoncer à penser que l'autre est simplement méchant, pour envisager qu'il souffre aussi, qu'il n'est pas si libre qu'il ne le pense, qu'il est peut-être lié par le mal qu'il commet.
    Le pardon, c'est la possibilité d'une double libération. Pour l'offensé, c'est lâcher prise de sa colère, lâcher sa position de victime, lâcher sa position de dépendance face à l'agresseur, le quitter, l'abandonner pour redevenir soi.
    Pour l'agresseur, c'est le délier de ce mal qu'il a commis, c'est-à-dire cesser de l'enfermer dans son acte pour considérer qu'il y a d'autres forces en lui qui peuvent le faire sortir du cercle du mal. S'il réalise cela, l'agresseur pourra entamer une vie nouvelle, qui passe par la repentance, la réparation et conduit à la réconciliation.
    Le mal — comme nous l'apprennent beaucoup d'études savantes, mais aussi la simple actualité du Kosovo — est une chaîne, un enchaînement de mal subi qui conduit à une vengeance qui engendre une violence en retour et qui n'a plus de raison de finir. Le pardon est comme un fusible qui rompt cet enchaînement, cette propagation du mal.
    En tant qu'Eglise de Jésus-Christ, — Eglise de celui qui a démasqué ce mécanisme sur la croix et a opposé à cette violence son pardon — en tant que disciples, nous avons à apprendre à pardonner, comme Dieu pardonne.
    Encore un mot sur une phrase bizarre de ce texte :

    "Si celui qui t'a offensé refuse d'écouter l'Eglise, qu'il soit pour toi comme le païen et le collecteur d'impôts" (Mt 18:17).
    Cette phrase a souvent été comprise comme une condamnation de l'offenseur et une invitation à ne plus avoir de contact avec lui. C'est une erreur, car pour Jésus (l'ami des païens et des collecteurs d'impôts, lui reprochait-on, Mt 11:19) cette phrase signifie plutôt : "Qu'il soit pour toi comme pour moi, l'objet de toute ton attention, comme le berger à l'égard de la brebis perdue." Le but de la démarche du pardon est de "gagner un frère", un interlocuteur amical, une personne avec laquelle on peut renouer.
    Dieu ne nous demande pas d'être parfaits, irréprochables et purs, il nous demande de nous accepter les uns les autres, tels que nous sommes, en nous pardonnant mutuellement le mal que nous subissons ou commettons.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • 11.6.2006 / Matthieu 7, Le chemin du bonheur est étroit parce qu'il se faufile dans le "juste maintenant"

    Matthieu 7
    11.6.2006
    Le chemin du bonheur est étroit parce qu'il se faufile dans le "juste maintenant"
    1 Rois 17 : 5-16 Mt 7 : 7-14

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers membres de l'Abbaye,
    J'ai retrouvé récemment deux livres amusants, mais plein de sagesse. L'un s'intitule : « Comment réussir à échouer » et l'autre : « Faites vous-même votre malheur »*. Je crois que ces deux livres sont de parfaites illustrations de la parole de Jésus :

    "Entrez par la porte étroite ! Car large est la porte, facile est le chemin qui mènent à la ruine, et nombreux sont ceux qui les utilisent. Mais étroite est la porte, difficile est le chemin qui mènent à la vie, et peu nombreux sont ceux qui les trouvent." (Mt 7:13-14).
    Larges sont les boulevards pour échouer, pour pourrir sa vie, pour faire son propre malheur. Mais combien plus difficile est-il de créer du bonheur, de vivre heureux. Pourtant le bonheur est quelque chose à quoi nous aspirons tous, c'est une quête fondamentale de l'être humain. C'est même sûrement ce qui nous différence le plus de l'animal, cette capacité d'organiser sa vie, de prévoir (ou choisir) ses actions, en vue d'un but et la conscience de réussir ou d'échouer.
    Lorsque les évangélistes Matthieu ou Luc rapportent cette parole de Jésus, cette injonction : "Entrez par la porte étroite…" ce n'est donc pas une brimade. Bien sûr, on ne peut pas passer sous silence les quelques siècles où cette parole a été interprêtée comme un appel au renoncement et à la condamnation de bien des plaisirs terrestres, dénoncés comme lieux de tentations… Mais je ne crois pas que ce soit le sens que Jésus voulait y mettre.
    Jésus prononce cette phrase comme une véritable invitation au bonheur. Mais il est conscient qu'il est plus facile d'échouer et de faire son propre malheur que de trouver le bonheur, d'où cette mise en garde : "Large est le chemin qui mène au malheur, étroit est le chemin qui mène à la vie, à la vie en plénitude."
    Nous aspirons tous au bonheur, mais nous sommes maladroits à le recevoir et nous sommes prompt à le voir là où il n'est pas, à nous laisser tromper par des miroirs aux alouettes. On nous propose effectivement plusieurs modèles sociaux du bonheur. Les plus anciens (santé, amour et fortune) contiennent un peu plus qu'une apparence de bonheur — ils sont des ingrédients qui rendent la vie plus facile — mais ne sont pas encore en eux-mêmes le bonheur.
    Bien sûr, il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade… dit la sagesse populaire : on s'en serait bien douté. Mais n'y a-t-il aucun espoir de bonheur pour ceux qui ne correspondent pas à ces critères prescrits ? Celui qui perd son travail, son conjoint ou la santé, n'a-t-il plus aucune chance d'être heureux ? Eh bien l'Evangile nous dit que le bonheur peut survenir dans toutes les situations de vie, mais sans sous-estimer l'effort et l'énergie que cela demande.
    J'ai parlé des modèles anciens (santé, amour et fortune), il y en a de plus récents, érigés par notre société médiatique qui sont : la consommation, la célébrité et l'évasion. Pas besoin de longues explications pour voir à quel point ces idéaux sont fragiles, illusoires et éphémères.
    Mais j'aimerais revenir sur le problème de la précarité qui semble être le plus grand obstacle d'aujourd'hui au bonheur. Comment trouver un bonheur durable dans une société qui rend précaire aussi bien l'unité du couple que la durée d'un contrat de travail ?
    C'est là que j'aimerais prendre l'exemple de la Veuve de Sarepta à qui Elie demande à manger. Elle et son fils sont dans une précarité totale : demain, ils n'auront plus rien. Pourtant, le lendemain et les jours suivants, la farine et l'huile ne sont pas épuisées, elles se renouvellent. Evidemment, c'est un miracle et comme événement impossible, cela me dérange : c'est trop facile de s'en sortir comme ça ! Tout arranger par un miracle, c'est du chiqué, nous savons que cela ne se passe pas comme ça dans la vie ordinaire.
    Alors que faut-il comprendre de ce récit ? Deux choses. Si c'est impossible matériellement, qu'en penser ? D'abord, prenons au sérieux que c'est impossible matériellement. Prenons acte qu'il est impossible de nous satisfaire matériellement. Il y aura toujours une voiture plus puissante que la mienne, un ordinateur plus rapide que celui que je viens d'acheter, une nourriture plus fine que celle de ma table, des vacances plus belles que mes dernières. Et nous n'aurons pas tout ça ! Si nous attendons un bonheur matériel, il sera toujours quelques pas devant nous et nous pourrons courir derrière pendant toute notre vie sans jamais le rattraper. Allons-nous créer notre propre malheur en gémissant toute notre vie sur ce fait ? A nous de choisir…
    Deuxième chose, si nous prenons le récit à un autre niveau, il illustre que chaque jour est un jour nouveau qui apporte son lot de possibilités. Chaque jour, le "pot de la vie" est réapprovisionné, en chance de bonheur, de vraie vie. Le destin, la vie, ou Dieu, nous sert chaque jour un nouveau pot avec de la farine et de l'huile pour nourrir notre bonheur. Savons-nous saisir cette chance ?
    Enfin, le piège final — qui récapitule les autres — et que nous créons nous-mêmes, c'est de croire que le bonheur est toujours ailleurs ou pour plus tard. Il est avec le nouveau produit, le nouvel objet; avec un autre travail ou un autre patron; avec un autre conjoint; lorsqu'il fera beau temps; après ce culte; après les vacances; quand j'aurais enfin du temps; demain, après-demain, mañaña, etc…
    Large est le chemin, l'éventail des possibilités où le bonheur pourrait venir, si… Avec cela nous faisons notre malheur, parce que tout cela est en dehors de nous, hors de notre maîtrise.
    Le chemin du bonheur est étroit, parce qu'il se faufile dans le "juste maintenant", dans l'instant présent que je vis ! Juste maintenant — que puis-je apporter à ma vie? Dans l'instant, que puis-je recevoir, trouver, comment puis-je entrouvrir la porte au bonheur ?
    La promesse divine, c'est que chaque jour est le lieu et le moment de l'ouverture au bonheur, chaque jour apporte sa farine et son huile. Chaque jour : demandez la touche de bonheur et vous la recevrez, cherchez le bonheur et vous le trouverez.
    Large est le temps de passer à côté du bonheur: il y a tout le passé à regretter et tout l'avenir à espérer ou à craindre. Etroit est le temps du bonheur puisque ce n'est que dans le "juste maintenant" et pourtant c'est le moment que nous ne cessons de vivre, tout le temps. Personne n'est privé du moment présent, quelles que soient les circonstances de la vie. Ce moment présent est donné à tous, constamment et c'est là que se trouve le moment du bonheur, juste maintenant… et maintenant… et maintenant… et lorsque je trinquerai avec mon voisin de table; le bonheur d'un vrai regard échangé, de personne à personne.
    Oui, pétrissons la galette de vie de ce moment-là, juste maintenant.
    Amen


    *Paul Watzlawick, Comment réussir à échouer, Paris, Seuil, 1984.
    Paul Watzlawick, Faites vous-même votre malheur, Paris, Seuil, 1988.


    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Matthieu 7. Dépasser quelques obstacles qui rendent la prière difficile.

    Matthieu 7

    12.2.2006
    Dépasser quelques obstacles qui rendent la prière difficile.
    Luc 18 : 1-8 Mt 7 : 7-11


    Questions écrites par les catéchumènes à propos de la prière :

    Nous nous sommes posés quelques questions pratiques sur la prière :

    Pourquoi devons-nous assembler nos mains pour prier ?
    Pourquoi doit-on fermer les yeux et joindre les mains pour la prière ?
    Pourquoi doit-on dire « Amen » à la fin d’une prière ?
    Pourquoi suivant les religions on prie différemment ?
    Pourquoi des religions prient-elles en groupe ?

    Et puis quelques questions sur les effets de la prière :

    Quand on est plusieurs à prier, est-ce d’une plus grande valeur ?
    Pourquoi Dieu ne me fait-il pas faire des bonnes notes ?
    Est-ce que la prière peut faire revivre une personne disparue, morte ?
    Est-ce qu’une prière peut faire changer l’esprit d’une personne sur une chose ?
    Est-ce que la prière peut changer le cours de ma vie ?

    Enfin, des questions sur la communication avec Dieu :

    Est-ce que toutes les personnes peuvent entendre Dieu ?
    Est-ce que Dieu peut me répondre ?
    Est-ce que Dieu nous écoute tout le temps lorsqu’on prie ?

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aborder la question de la prière avec des adolescents n'est pas facile. En fait, je ne suis pas sûr que prier soit beaucoup plus facile pour des adultes, même si certaines questions, notamment pratiques, sont résolues. Je n'ai pas de "recettes" concernant la prière; je ne pense pas non plus être le détenteur des "bonnes" réponses aux questions que vous avez entendues. Les catéchumènes en ont sûrement découvert eux-mêmes dans leurs groupes. J'aimerais plutôt relever quelques obstacles à la prière qui appartiennent à notre société et à notre temps. Je vais illustrer ces obstacles par quelques petites histoires.

    Imaginez maintenant un alpiniste qui se prépare à escalader un sommet difficile dans les Alpes. C'est le soir, il vérifie son matériel dans la cabane qui va lui servir de point de départ. Il est concentré. Le gardien de la cabane vient vers lui et lui demande ce qu'il veut faire le lendemain. L'alpiniste lui nomme le sommet et lui dit en même temps ses craintes et son espoir d'y arriver. A ce moment, le gardien lui dit : " L'hélicoptère doit me livrer des marchandises demain. Si tu veux, il peut te déposer au sommet. Comme ça tu y seras et tu n'auras pas à avoir peur d'échouer !"

    L'attitude du gardien est celle de toute notre société : le bonheur, c'est d'atteindre le but sans effort. Et souvent nos prières reflètent cet état d'esprit. Nous demandons à Dieu d'aplanir les difficultés, de réaliser nos souhaits sans notre participation, sans notre engagement. Une partie de nous souhaite cela. Mais une autre partie voit que cela n'a aucun sens.
    Le projet de l'alpiniste n'est pas de poser le pied sur le sommet seulement. C'est le chemin qui est important. C'est la lutte, l'effort, le combat qui donne un sens à sa présence ensuite au sommet. Demander la réalisation de nos souhaits, c'est prendre Dieu pour le Père Noël. Prendre Dieu pour le Père Noël, c'est se priver du bonheur de faire le chemin soi-même, même si le chemin se révèle difficile. Le Père Noël donne le but sans le chemin, donc en fin de compte il nous prive de l'expérience de la vie. Ce serait comme recevoir un bébé sans vivre la rencontre amoureuse ! Ne nous laissons pas prendre dans l'illusion que le bonheur est dans le but. La vraie vie est dans le chemin.

    Un homme arrive au paradis. Il est fâché. Il dit à Dieu : "Toute ma vie j'ai prié pour gagner à la loterie et jamais tu ne m'as exaucé !" Dieu lui répond : "Tu aurais pu m'aider en achetant au moins une fois un billet, non ?"
    Qu'est-ce que je fais de mon côté pour que ma prière se réalise ?

    La prière, ce n'est pas donner des ordres à Dieu, ni le faire plier à force de paroles. Bien sûr, la prière peut être un cri (voyez les Psaumes) dans une situation d'impuissance totale : "Je suis perdu, viens à mon secours !" Dans ce cas la prière permet de situer Dieu (au-dessus de moi) et de me situer moi-même et de faire le point.

    Mais le plus souvent, la prière va nous révéler que là où nous nous sentons impuissants à faire quelque chose à l'extérieur, nous pouvons au moins commencer à le faire à l'intérieur de nous-mêmes ! Tout changement commence à l'intérieur de soi-même. Lorsque je demande que quelqu'un change, je peux me demander pourquoi ce qu'il fait me dérange tellement et voir en moi ce que je peux transformer pour faire bouger la situation. Puis-je demander à l'autre de pardonner (tolérer) mes défauts, si je ne pardonne (tolère) pas les siens ? Commençons par acheter ce fameux billet de loterie avant de nous plaindre de ne jamais gagner.

    Un homme raconte à ses amis son voyage dans le Sahara.
    — Et puis le 3e jour, je me suis perdu. Je ne retrouvais pas le campement. J'ai marché toute la journée, puis la nuit. Le jour suivant, j'étais désespéré, je n'avais ni eau ni vivres. J'étais sûr de mourir, alors je me suis mis à prier : « Seigneur, sauve-moi, sauve-moi ! » Un de ses amis l'interrompt et lui dit :
    — Alors Dieu a répondu à ta prière puisque tu es là aujourd'hui !
    Et lui de répondre :
    — Non, il n'en a pas eu le temps ! A ce moment-même j'ai aperçu une caravane qui surgissait de derrière la dune.

    La réponse à une prière restera toujours une question d'interprétation, une question de foi. On peut aussi bien évoquer l'intervention de Dieu que la coïncidence. Dieu ne s'impose jamais avec des preuves incontestables. C'est une question de confiance…
    Lorsque Jésus parle de la prière, il met en jeu la confiance que nous mettons en Dieu, et en l'homme ! Il décrit des situations humaines — bonnes ou mauvaises — un juge qui fait la sourde oreille ou des parents biens disposés envers leurs enfants. Et Jésus montre qu'avec des gens ordinaires on arrive à obtenir ce qu'on demande. Ce n'est pas la question de tomber sur une personne bonne ou sur la bonne personne.
    Alors, si l'on fait confiance dans la bienveillance fondamentale de Dieu à notre égard, nous pouvons nous risquer à demander, à prier ! Jésus nous appelle à faire confiance à Dieu, à sa bienveillance. Dieu n'est pas un obstacle, Dieu n'est pas un ennemi, il est là — dans sa grandeur — non pour faire les choses à notre place, mais pour être comme un entraîneur, un coach qui nous aide à aller au bout de nos possibilités.
    Que demanderions-nous à notre entraîneur pour améliorer nos performances, sachant que ce n'est pas lui, mais nous qui allons nous battre pour la médaille olympique, pour vivre vraiment notre vie ?
    Prions comme nous parlerions à notre entraîneur !
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Matthieu 1. Trois naissances marquées par la main de Dieu.

    Matthieu 1
    4.12.2005
    Trois naissances marquées par la main de Dieu.
    Ex 2 : 1-10 Jg 13 : 1-5+24-25 Mt 1 : 18-25


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    La Bible nous rapporte plusieurs récits de naissances au fil de ses pages, plusieurs témoignages de personnages qui confessent que Dieu les a choisis dès le sein de leur mère, dès leur naissance, comme Jérémie (Jr 1:5) ou l'apôtre Paul (Ga 1:15).
    C'est une démarche fréquente — lorsque quelqu'un devient célèbre — de chercher dans sa vie, dans son enfance, ou même dès sa naissance, des signes annonciateurs de son "génie." Ainsi on a été rechercher les carnets scolaires d'Albert Einstein, ou les dessins d'enfant de Picasso ou de Paul Klee; peut-être va-t-on rechercher les premières dictées que Bernard Pivot a écrites à l'école ?
    Après coup, on remonte le temps pour chercher l'origine du caractère particulier de la personne. On pense, en effet, qu'un personnage extra-ordinaire doit avoir eu une naissance ou une enfance extra-ordinaire.
    Dans la Bible, dans les récits de naissances, on trouve trois sortes de "marques," de "types" de naissances extraordinaires.
    A. En premier lieu, il y a les annonces de naissance. Un messager de Dieu, un ange, vient prévenir les parents. C'est le cas pour Samson — l'homme qui tirait la force de ses cheveux — dont la naissance est annoncée par "l'ange du Seigneur" à sa mère. C'est aussi le cas pour la naissance d'Ismaël, d'Isaac et de Jean-Baptiste.
    B. En deuxième lieu, il y a les naissances impossibles. Souvent, elles ont été accompagnées d'une annonce. Ce sont des naissances que j'appelle "impossibles" parce que les parents sont stériles ou trop âgés. elles sont impossibles aux yeux des humains, mais réalisables par Dieu. On retrouve Isaac et Jean-Baptiste, auxquels on peut ajouter Samuel. Certaines femmes passent par des stérilités temporaires comme Rébecca ou Rachel.
    C. Enfin, en troisième lieu, il y a les naissances d'enfants qui échappent à un décret de mort. C'est le cas de Moïse "sauvé des eaux", mais surtout sauvé du décret du pharaon qui voulait que tous les nouveaux-nés mâles du peuple hébreu soient tués à la naissance.
    Maintenant, lorsqu'on lit — dans les Evangiles de Matthieu et de Luc — les récits autour de la naissance de Jésus, on s'aperçoit que les trois types de récits de naissance ont été appliqués à celle de Jésus.
    A. Joseph, chez Matthieu, Marie, chez Luc, reçoivent d'un ange l'annonce de la naissance de leur enfant.
    B. La naissance de Jésus est une naissance "impossible" puisque Marie est vierge et que Marie et Joseph ne se sont point encore connus, selon la terminologie biblique (Mt 1:25, Luc 1:34).
    C. Enfin, dans l'Evangile de Matthieu, Jésus échappe au Massacre des Innocents commandé par Hérode. Ici le parallèle avec Moïse est frappant.
    Chacun de ces types de signes — déjà séparément — montre que la main de Dieu est posée sur ces enfants. Ensemble, ces signes accumulés sur Jésus indiquent que Jésus a un statut particulier dans le cœur de Dieu, ce qu'on a traduit dans notre langage en disant : Jésus est le fils de Dieu.
    Oui, la main de Dieu repose spécialement sur Jésus. La résurrection après la croix a été le début de la révélation de ce lien particulier entre Dieu et Jésus. A la lumière de la résurrection, il a été possible de voir la Passion du Christ sous une lumière nouvelle, puis de comprendre les signes parsemés tout au long de son ministère, depuis son baptême par Jean-Baptiste.
    Et quelques-uns des évangélistes ont voulu montrer que Dieu avait un lien intime et particulier avec Jésus depuis son origine. Matthieu et Luc font remonter ce début à l'annonce de la naissance, voir plus haut, puisque chacun d'eux donne une généalogie de Jésus. Matthieu remonte jusqu'à Abraham, Luc jusqu'à Adam. L'évangéliste Jean place même ce lien avant la création lorsqu'il dit : "Au commencement était la Parole (=Jésus) et la Parole était auprès de Dieu" (Jn 1:1).
    Ces récits sont donc des réflexions sur la question : d'où vient vraiment Jésus ? d'où et de qui lui vient qu'il nous montre si bien qui est Dieu ? Et la réponse, ou plutôt les réponses, ne peuvent pas mieux faire que de pointer Dieu lui-même. Jésus vient de Dieu, il révèle Dieu lui-même.
    Ces questions sur les origines de Jésus nous pouvons aussi nous les poser à propos de nous-mêmes. Que s'est-il passé "au début" pour que je sois maintenant qui je suis ? D'où me vient ma personnalité ? Il y a beaucoup de pistes à suivre dans cette quête :
    - l'arbre généalogique : qu'ai-je reçu de mes parents et de mes ancêtres ?
    - mes parrains et marraines, au sens large des personnes qui ont veillé sur moi et m’ont marquées,
    - mon milieu (histoire et géographie),
    - mes décisions personnes, et si l'on pousse assez loin l'introspection on va s'apercevoir que certaines décisions remontent tôt dans l'enfance, (par exemple pour certains choix professionnels),
    - et puis les événements, les circonstances qui ont bouleversés nos vies,
    - enfin, dernier sur ma liste, mais pas le moins important, quelle trace puis-je découvrir dans ma vie de la main de Dieu ? de l'ange du Seigneur ?
    Toute vie compte aux yeux de Dieu, toute vie est dans le creux de sa main. Que puis-je voir de sa présence ?
    Dans ce temps de l'Avent, de l'attente impatiente de la venue de Jésus à Noël, voulons-nous accueillir davantage "la main de Dieu", "l'ange du Seigneur" ? L'accueillir par la reconnaissance de la place qu'il a dans notre vie ? L'accueillir pour lui laisser une place de guide, de conseiller dans notre vie — au travers de la prière ?
    Se préparer à Noël, à la venue de Jésus, ce n'est pas seulement attendre qu'il fasse quelque chose dans le monde, c'est l'accueillir dans sa vie personnelle, pour qu'il soit un compagnon sur notre route, pour qu'il soit un guide dans notre vie et dans celle de nos enfants dès leur naissance, dès leur enfance, pour qu'ils puissent voir dans leurs vies les traces de sa présence. Dans ce temps de l'Avent, laissons-nous saisir par la main de Dieu.
    Amen

    © 2005, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.