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prédication - Page 32

  • Luc 13. Jésus fait de l'attention au prochain la vraie façon de consacrer le temps qui est réservé à Dieu.

    Luc 13

    27.1.2008
    Jésus fait de l'attention au prochain la vraie façon de consacrer le temps qui est réservé à Dieu.
    Exode 20 : 1-11        Luc 13 : 10-17

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Jésus n'a pas craint de choquer ! Jésus n'a pas craint de diviser !
    L'Evangéliste Luc nous rapporte quatre guérisons réalisées par Jésus le jour du sabbat dans des synagogues. Cela nous montre d'une part que Jésus avait l'habitude de se rendre de synagogue en synagogue pour dispenser son enseignement, et d'autre part qu'il était attentif aux situations qui se présentaient à lui.
    Jésus ne cherchait pas la polémique ou l'affrontement pour faire passer ses idées, mais il ne renonçait pas à intervenir en fonction des réactions de son entourage. C'est là qu'on voit la totale liberté que vivait Jésus : liberté d'intervenir chaque fois que le besoin se fait sentir, liberté d'intervenir quelles que soient les réactions ou les conséquences qui peuvent survenir.
    Jésus ne se laisse dicter sa conduite par personne, il ne vise que la transmission de l'amour que Dieu a pour tous les êtres humains. C'est avec cette ouverture aux autres et avec cette liberté que Jésus se retrouve dans une synagogue, un jour de sabbat, face à une femme handicapée depuis 18 ans.
    Le sabbat — jour chômé, jour de repos et de culte — est l'objet du 4e commandement du Décalogue :
    "N'oublie jamais de me consacrer le jour du sabbat. Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage. Le septième jour, c'est le sabbat qui m'est réservé, à moi, le Seigneur ton Dieu; tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni tes enfants, ni tes serviteurs ou servantes, ni ton bétail, ni l'étranger qui réside chez toi. Car en six jours j'ai créé le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, puis je me suis reposé le septième jour. C'est pourquoi moi, le Seigneur, j'ai béni le jour du sabbat et je veux qu'il me soit consacré." (Ex 20:8-11).
    Comment honorer ce commandement, comment y obéir ? La question se posait au temps de Jésus, comme elle se pose encore aujourd'hui pour nos dimanches. Mais restons au temps de Jésus. Le commandement est très affirmatif, mais pas très descriptif. Il faut consacrer, réserver ce jour-là. N'y faire aucun travail, même ne faire faire aucun travail par ses serviteurs et ses servantes, pas même par ses animaux domestiques ! Mais qu'est-ce qui relève du travail ?
    Il y a toute une jurisprudence, une casuistique qui tente de définir ce qui est du travail et ce qui n'en est pas. Jésus semble connaître cette casuistique puisqu'il reproche à ses auditeurs — qui le blâment pour cette guérison — de mener leurs bêtes à l'abreuvoir pendant le jour du sabbat. Laisser une bête assoiffée parce que c'est le jour consacré à Dieu devait être considéré comme inhumain. Et c'est justement là-dessus que Jésus va baser son argumentation pour redéfinir la volonté de Dieu contenue dans ce 4e commandement.
    Remarquez que la discussion vient après la guérison. Le récit raconte d'abord la guérison par Jésus, et il le fait d'une façon qui renvoie à Dieu et au Dieu créateur : Jésus, voyant la femme, prononce une parole affirmative : "Tu es délivrée de ta maladie." (Lc13:12). C'est la parole du Dieu créateur ou recréateur. Une parole forte et efficace, qui rappelle Genèse 1. Ensuite vient le geste, la réalisation de la guérison et la louange de la femme guérie. Jésus se pose donc en maître de la vie, ensuite, il va expliquer et enseigner pour que son geste puisse être compris et interprété correctement, c'est-à-dire comme une nouvelle façon de comprendre la Loi, la volonté de Dieu.
    Le chef de la synagogue est indigné par le geste de Jésus parce que pour lui c'est une transgression de la Loi de Dieu. Pour le chef de la synagogue, l'ordre des choses c'est : 6 jours de la semaine pour s'occuper des êtres humains et 1 jour — le sabbat — pour s'occuper de Dieu. "Revenez donc vous faire soigner pendant un jour ouvrable" et tout sera propre en ordre.
    Jésus vient déranger ce bon ordre classificateur. Il le fait violemment par la guérison, il le fait en douceur dans l'explication. En se servant de leur propre casuistique, Jésus leur fait voir qu'eux-mêmes n'arrivent pas à s'en tenir vraiment à cet ordre entre jours ouvrables et sabbat. Ils font déjà des aménagements. Lorsqu'ils trouvent quelque chose d'inhumain, ils se sont donnés la permission de faire une exception, notamment pour détacher les bêtes et les mener ou les laisser aller à l'abreuvoir.
    Jésus entre dans cette brèche pour montrer que ce qu'ils font pour leurs bêtes, ils peuvent le faire pour un être humain ! Cette femme, liée par Satan, peut être déliée le jour du sabbat. Là, Jésus va plus loin que l'exception tolérable, il en fait un devoir. Cela est visible dans le fait que ces guérisons le jour du sabbat se multiplient dans les évangiles. S'occuper de son prochain qui souffre n'est pas une exception tolérable, c'est un devoir devant Dieu. C'est même la bonne façon d'honorer Dieu. Là où les hommes voudraient séparer le service envers le prochain du service envers Dieu, Jésus les lie.
    Jésus fait de l'attention au prochain — de son relèvement — une façon, même la vraie façon, d'honorer Dieu, de lui consacrer le temps qui lui est réservé.
    Cet épisode se passe à la synagogue. Mais l'action de Jésus a une portée symbolique qui peut retentir jusque dans le Temple de Jérusalem. Le Temple était divisé en cours successives jusqu'au centre du Temple, le Saint des Saints. Les non-juifs ne pouvaient entrer que dans la première cour. Les femmes ne pouvaient entrer que dans la deuxième cour. Les hommes juifs dans la troisième où se trouvait l'autel des sacrifices. Finalement seuls les prêtres pouvaient entrer dans le lieu saint et seul le grand prêtre, une seule fois par année, dans le Saint des Saints.
    En guérissant le jour du sabbat, Jésus renverse ces barrières, Dieu lui-même s'approche de cette femme en la guérissant. Elle est — bien qu'infirme, bien que femme — en contact avec le Saint des Saints quand Jésus la touche. Toutes les barrières qui limitent l'accès à Dieu tombent par l'action de Jésus. Il en a fallu du temps pour que ces barrières détruites par Jésus le soient aussi dans nos sociétés. Peu à peu dans l'histoire, et sous la poussée des chrétiens et souvent aussi de personnes hors des Eglises — mais qui avaient saisi cette intention de Jésus — ont été abolis :
    •    l'esclavage,
    •    la ségrégation, l'apartheid, le racisme légitimé.
    Et dans nos Eglises :
    •    la discrimination envers les étrangers (tous ont le droit de vote à l'assemblée paroissiale et peuvent être élus dans les divers Conseils d'Eglise ou au Synode)
    •    la discrimination envers les femmes (elles ont accès au ministère et à tous les postes à responsabilité)
    •    et finalement — mais là l'Eglise n'est pas en avance — la reconnaissance des personnes quelle que soit leur orientation sexuelle, comme membre de notre Eglise et leur accès à des responsabilités dans l'Eglise.
    La guérison de cette femme à la synagogue par Jésus a créé une division parmi ceux qui étaient présents ce jour-là, comme nous le rapporte le récit. Jésus n'a pas craint de choquer ou de diviser pour affirmer — au prix de sa vie — que Dieu aime tout être humain et ne se laisse pas enfermer par les classifications humaines. L'amour de notre prochain — quel qu'il soit — est l'inscription dans la réalité de notre amour pour Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Ephésiens 4. Unité dans la diversité, déjà en Dieu

    13.1.2008

    Gn 18 : 1-5    Matthieu 3 : 13-17    Ephésiens 4 : 3-6

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers catéchumènes,
    Il y a 15 jours, 40'000 jeunes se réunissaient à Palexpo-Genève pour vivre une expérience de foi autour des frères de Taizé. Ces jeunes venaient de toute l'Europe, mais en majorité des pays de l'Est. Accueillis dans nos paroisses, dans nos familles, ces jeunes, catholiques, orthodoxes ou protestants, partageaient une quête spirituelle, de confiance et de paix.
    Ils se sont rassemblés au-delà des frontières que tracent autant nos pays que nos Eglises. Je les ai vu réaliser cette parole de la lettre aux Ephésiens : "Efforcez-vous de maintenir l'unité que donne l'Esprit-Saint, par la paix qui vous lie les uns aux autres." (Eph 4:3)
    Cette unité se voyait dans l'état d'esprit — pacifique et joyeux — de ces jeunes, sans qu'ils ne renoncent à leurs différences, à leur diversité. Unité dans la diversité ! Est-ce possible dans notre façon de vivre le christianisme ?
    J'aimerais parier que c'est possible ! Je pense que c'est possible, parce que cette unité et cette diversité existent déjà en Dieu lui-même !
    Ce même texte de la lettre aux Ephésiens nous décrit Dieu ainsi : "Un seul Saint-Esprit, un seul Seigneur (Jésus), un seul Dieu, le Père de tous." (Eph 4:4-6) Unité de Dieu, dans une diversité des expressions, des "extériorisations" de Dieu.
    Cette diversité est déjà présente, de la même façon, dans le récit du baptême de Jésus. Jésus reçoit le baptême des mains de Jean-Baptiste, puis l'Esprit de Dieu descend sur Jésus, la voix du Père déclare — du ciel : celui-ci est mon Fils bien-aimé (Mt 3:16). Esprit, Père, Fils. Père, Fils, Saint-Esprit. Dieu unique manifesté en trois personnes, en trois modalités.
    A. Dans le christianisme, il y a ce qu'on partage avec toutes les religions : un Dieu transcendant, c'est-à-dire un Dieu qui est au-dessus de tout, différent, supérieur à tout ce qu'on rencontre sur la terre. C'est de lui qu'on dit qu'il est "au ciel", qu'il est "l'être suprême". C'est Dieu, Père et créateur.
    B. Mais ce qui est particulier dans le christianisme, ce qui nous est propre, c'est que ce Dieu Tout-Autre — complètement différent et au-dessus de nous — a décidé de quitter le ciel pour descendre sur la terre. Il n'a pas seulement jeté un œil sur la terre et notre vie, il a vécu une vie d'être humain, de la naissance à la mort, y compris. Dieu marque sa volonté de proximité avec nous.
    C'est ce qui fait le cœur du christianisme : cet homme Jésus est le Christ, le Messie, plus encore, le Fils de Dieu, c'est-à-dire celui qui est vraiment de la même substance, de la même essence, du même être que Dieu. Pas seulement un homme inspiré, pas seulement un prophète plus proche de Dieu, vraiment Dieu lui-même dans la peau d'un homme. C'est Dieu le Fils, Jésus, le Seigneur.
    C. Et puis, on nous parle de l'Esprit ou du Saint-Esprit. Pourquoi cette troisième personne, cette troisième modalité ? Le Saint-Esprit, c'est la présence actuelle de Dieu, la forme sous laquelle Dieu est présent pour nous aujourd'hui. Jésus de Nazareth n'est plus là en tant qu'homme. Dieu créateur ne nous est pas accessible tant sa grandeur nous dépasse et nous écraserait. Dieu est présent maintenant sous la forme de son Esprit C'est lui qui nous permet de comprendre, de saisir Dieu. C'est lui qui fait le lien entre Dieu et nous.
    Dans le baptême de Jésus, il apparaît sous l'image d'une colombe; à Noël, sous la forme des anges; à Abraham, sous la forme de trois personnages qui lui rendent visite. L'Esprit-Saint est ce qui nous relie à Dieu aujourd'hui.
    Dieu sous ces trois formes, ce n'est pas un article de foi que nous sommes obligés d'apprendre et de croire. C'est aussi une réalité à vivre.
    Quand j'ai besoin de protection, Dieu est Père, il dit la Loi qui protège le faible, qui trace et délimite ce qui tue et ce qui fait vivre. Il bénit et nourrit notre vie spirituelle.
    Quand j'ai besoin de compréhension, Dieu est homme, homme souffrant en Jésus, plein de compassion, d'empathie. Il encourage, il soutient, il soulage, il pardonne.
    Quand j'ai besoin d'agir, Dieu est Saint-Esprit, il me fait comprendre les situations, trouver les repères, mobiliser mes forces dans la bonne direction.
    Dieu est un, mais il est aussi divers pour nous apporter ce dont nous avons besoin dans chaque situation de notre vie. C'est une des richesses du christianisme de pouvoir conjuguer aussi bien l'unité que la diversité.
    C'est pourquoi 40'000 jeunes, de provenances diverses, de langues diverses, de confessions diverses ont pu partager ensemble et dans le même esprit ces quatre jours de pèlerinage de confiance à Genève, autour des frères de Taizé.
    Pour continuer dans cette ligne d'unité dans la diversité, gardons le message que la voix du Père prononce lors du baptême de Jésus — et qu'il répète à chacun d'entre nous : "Tu es mon enfant bien-aimé, je mets en toi toute ma joie." (Mt 3:17)
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2008

  • Luc 2. Veillée de Noël

    24.12.2007

    Il est recommandé de lire les textes bibliques indiqués

    Genèse 28 : 10-15

    Un homme en chemin s'est couché où la terre s'est montrée accueillante.
    Malgré la pierre sous son oreille, il rêve.
    Rêve d'un homme, rêve de l'humanité :
    que le ciel s'ouvre et que le divin descende,
    qu'il descende, lui le Très-Haut,
    pour voir ce qui se passe ici très bas.
    Oui, se rend-il compte de ce que nous vivons ici-bas ?
    Voit-il ? Sait-il ? Comprend-il ?

    Un homme rêve et voit une échelle où les messagers du divin descendent et remontent,
    descendent et remontent.
    Ces messages descendent, porteurs d'une bonne nouvelle :
    "A travers toi et tous tes descendants,
    je bénirai toutes les nations de la terre." (Gn 28:14)

    Et ces messagers remontent, avec les prières,
    les demandes et les louanges des humains.
    Dieu va-t-il entendre la demande la plus pressante
    de l'être humain, de l'humanité :
    "Vient Seigneur Très-Haut, viens nous visiter !"

    Luc 2 : 1-20

    Un homme et une femme en chemin
    se sont arrêtés là où une porte s'est ouverte.
    Malgré la paille sous son oreille, un nouveau-né dort.
    Il est le rêve d'un homme depuis plus de 1'000 ans.
    Il est le rêve de l'humanité depuis toujours :
    que le divin descende,
    que le Très-Haut descende jusqu'au sol de cette terre
    pour voir ce qui s'y passe.

    Ce soir, le Très-Haut repose sur la paille d'une crèche,
    dans le froid de la nuit,
    et dans la chaleur d'un amour maternel et paternel.
    Ah? c'est donc ainsi que cela se passe chez les humains !

    Maintenant, il voit, il sait, il comprend,
    non pas du haut de l'échelle, mais tout en bas, au ras du sol.
    Dieu a pris chair, il prend corps, notre corps et notre chair,
    pour vivre notre vie, notre existence, nos joies et nos douleurs.

    C'est lui-même qui est descendu l'échelle, cette fois-ci.
    C'est lui-même qui apporte à toutes les nations sa bénédiction,
    C'est lui-même qui reçoit — en ouvrant ses yeux et ses oreilles —
    les plaintes, les demandes et les louanges des humains.
    C'est lui-même qui descend nourrir l'humanité de son amour,
    apporter sa lumière.
    C'est lui-même qui vient rendre visite à son peuple.
    Alléluia.

  • 1 Samuel 3. Rencontrer Dieu et devenir libre

    1 Samuel 3    11.11.2007
    Rencontrer Dieu et devenir libre
    1 S 3 : 1-10    Mt 4 : 18-23    Jn 8 : 31-36

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    "Samuel ne connaissait pas encore personnellement le Seigneur, car celui-ci ne lui avait jamais parlé directement jusqu'alors." (1 S 3:7)
    Cela fait quelques années que Samuel fait son apprentissage de servant dans le Temple avec le vieux prêtre Héli (à ne pas confondre avec le prophète Elie qui viendra plus tard). Samuel a entendu parler du Dieu qu'il sert dans ce Temple, comme beaucoup de monde aujourd'hui a entendu parler du Dieu dont on parle dans les Eglises.  Mais ils ne se sont jamais rencontrés personnellement.
    Dieu n'aime pas rester un inconnu à distance, juste quelqu'un dont on a entendu parler. Dieu aime rencontrer des personnes et c'est pourquoi il appelle, il interpelle Samuel, des disciples, et pourquoi pas, chacun d'entre nous.
    Dieu nous appelle, Dieu nous interpelle, il nous lance un appel à le rencontrer, à entrer dans une communication personnelle. Dieu nous appelle par notre prénom pour une conversation en tête à tête, pour faire connaissance et commencer un chemin ensemble.
    Comme on l'a vu dans le récit de Samuel, l'interpellation n'est pas toujours facile à déchiffrer. Ce qui est absolument clair, c'est qui est appelé. Samuel entend clairement son nom. Il est appelé. Et trois fois de suite, il court vers celui qui prend soin de lui, le vieux prêtre Héli. "Tu m'as appelé, je suis là."
    L'appel résonne en lui, l'appel résonne en nous, nous sommes appelés. Mais qui nous appelle ? Qui appelle Samuel ? Ce n'est qu'au troisième appel qu'Héli pense à aller regarder au-delà de la réalité première, de l'apparence des choses. Il pense enfin à l'impossible qui est pourtant la raison de son ministère et du lieu où il habite : Et si c'était Dieu ?
    La voix de Dieu passe toujours par des chemins très humains, de telle sorte qu'il faut écouter au-delà des sons, voir au-delà du visible, et surtout — le plus souvent — avoir quelqu'un qui vous met sur la piste.
    Combien de fois avons-nous déjà été appelés, mais sans entendre, sans comprendre, sans avoir quelqu'un qui nous dise : prend cette parole, cette rencontre au sérieux, écoute cette voix. Aujourd'hui, on aime dire : "Il n'y a pas de hasard dans nos rencontres." C'est de cet ordre-là.
    Savons-nous, comme parents, mettre nos enfants sur cette voie de l'écoute, de l'appel de Dieu ? Cet appel se manifeste dans toutes nos questions sur le sens de la vie, pour les jeunes au moment de choisir une voie scolaire, une orientation professionnelle. Pour nous adultes, lors d'une réorientation ou lors d'une maladie ou la perte d'un être cher. Toujours revient l'appel : "quel sens a cette vie, ma vie ?
    Cet appel nous tire de notre sommeil, nous oblige à lever le nez du guidon, à relever les yeux que nous avions rivés au sol de nos inquiétudes matérielles. N'y a-t-il rien d'autre que ma routine, que ma soif d'être établi dans ma famille, dans ma villa, dans ma carrière ?
    Dieu appelle Samuel, les disciples, comme il a appelé Abraham à quitter sa sécurité pour partir à l'aventure vers une terre promise. Bien sûr, cet appel n'est pas un appel au voyage géographique, mais au voyage intérieur, un voyage à la rencontre de soi-même et des autres.
    Dieu nous appelle à sortir de notre sommeil : Lève les yeux, ose, avance ! Va chercher ta vérité intérieure, cherche qui tu es et vis ainsi ta propre vie.
    Jésus dit : "la vérité vous rendra libres" (Jn 8:32). Chercher sa vérité intérieure, c'est se demander, lorsqu'on parle, lorsqu'on agit : cela reflète-t-il vraiment la personne que je suis ? Nous sommes libres lorsque nos paroles et nos gestes reflètent exactement à l'extérieur ce que nous sommes à l'intérieur. Chaque fois que nous agissons de sorte que tel et tel, ou tel groupe (d'amis, de copains, de collègues) soit content de nous, alors nous sommes dans un processus d'adaptation à l'autre et nous abdiquons notre liberté.
    Je crois que beaucoup de jeunes mettent plein de jurons dans leurs phrases pour être acceptés dans leur groupe, pour faire comme les autres. Mais ce n'est pas un signe de liberté. Je crois que beaucoup d'adultes se plient aussi à toutes sortes de règles pour se faire accepter. C'est pareil. Nous zigzaguons dans nos vies au gré des modes et des tendances, plutôt que d'entendre l'appel de Dieu à suivre et développer notre vérité intérieure devant lui.
    On appelle aussi cette recherche et cet accomplissement : la vocation. Dieu nous appelle à devenir pleinement nous-mêmes. Il n'a pas de moule dans lequel nous faire rentrer. Il a juste un appel à nous transmettre: lève les yeux au-dessus de ton horizon, ne garde pas les yeux baissés sur tes pieds, regarde toute ta route, le point de l'horizon vers lequel tu vas orienter ta vie.
    Comme adultes nous sommes appelés à cela et notre vie est plus courte que celle de nos enfants Et comme enfants, comme jeunes, vous recevez également cet appel, comme le jeune Samuel. Tous nous pouvons sortir de notre routine, de nos enfermements, écarter les barrières que nous avons mis nous-mêmes sur notre chemin pour répondre à cet appel.
    Comme il s'agit d'un appel à la rencontre de soi, des autres et de Dieu, il n'y a pas de barrières physiques, que nos barrières intérieures. Il n'y a pas de limites aux relations humaines, il n'y a pas de limites aux rencontres possibles, il n'y a pas de limites aux découvertes. Pas besoin de voyager, d'aller loin, d'avoir de l'argent. Il s'agit simplement de s'ouvrir à soi-même, de s'ouvrir aux autres, de s'ouvrir à l'appel de Dieu : recevoir sa Parole, l'écouter nous appeler.
    Dès ce moment-là, Dieu ne sera plus un inconnu, un anonyme pour nous. Dieu devient alors un compagnon de route, un guide, un ami.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Matthieu 20. Dieu peut agit malgré nos faiblesses, malgré nos vulnérabilités

    Matthieu 20

    4.11.2007
    Dieu peut agit malgré nos faiblesses, malgré nos vulnérabilités
    Deut. 7 : 6 - 8    Matthieu 20 : 20 - 28    Matthieu 20 : 29 - 34

    Chère paroissiennes, chers paroissiens
    Le pasteur français Alphonse Maillot — dans son petit livre sur les miracles*— commence par nous mettre en garde contre un danger : celui de nous focaliser sur le signe (le « comment » du miracle) et manquer ce que le signe nous désigne, nous montre : (le « pour-quoi » du miracle).
    Aussi j’abandonne tout de suite la problématique « comment Jésus fait-il pour guérir ces deux aveugles ». Ce qui nous intéresse ce matin, c’est « pour-quoi » Jésus guérit-il ces deux aveugles au sortir de Jéricho. Quel message nous donne-t-il par ce geste, autant aux disciples d’autrefois qu’à nous aujourd’hui ?
    Pour saisir ce message, il faut élargir notre vue du contexte. Que se passe-t-il avant, que se passe-t-il après ? Le début du chapitre 20 de Matthieu s’ouvre par la bien connue parabole de ouvriers de la 11ème heure. Un patron d’exploitation viticole engage des ouvriers tout au long de la journée et – finalement – leur donne à tous, y compris au dernier arrivé, le salaire d’une journée entière de travail. « Voilà à quoi ressemble le Royaume des Cieux » dit Jésus (Mt 20:1). Une pierre est posée dans la construction de notre compréhension de l’agir de Dieu : il traite chacun également, selon sa bonté, et non selon nos mérites.
    Juste après ce récit, une autre pierre est posée : La 3e annonce par Jésus de sa passion future à Jérusalem. Jésus et ses disciples se trouvent en ce moment à Jéricho. Il avait quitté la Galilée (Mt 19:1) probablement en descendant le Jourdain, et passe un temps en Transjordanie, puis à Jéricho. Cette ville est son point de départ pour sa « montée à Jérusalem ».  Ainsi Jésus, pour la dernière fois, annonce sa Passion. Une précédente annonce avait scandalisé Pierre et lui avait valu le fameux « vade retro Satanas » c'est-à-dire « loin de moi, tentateur ».
    En annonçant une nouvelle fois sa Passion, Jésus affirme qu’il n’évitera pas son destin, qu’il ne se détournera pas de sa mission, même si elle est incompréhensible à ses disciples. Ce chemin vers la croix est le passage vers la grâce annoncée par la parabole des ouvriers.
    Mais ce chemin n’est toujours pas compris, comme en témoigne l’épisode que vous avez entendu : la demande de la mère de Jacques et Jean. Elle demande à Jésus un portefeuille de ministre pour ses deux fils dans le futur gouvernement, lorsque Jésus aura chassé les Romains et pris le pouvoir. Car c’est de cela qu’il s’agit, dans la demande de la mère de Jacques et Jean. Qui aura le pouvoir quand Jésus sera roi, lui le fils de David, l’héritier du trône ?
    Ô comme il nous est difficile de sortir d’une lecture spiritualisante des texte bibliques ! Cette mère essaie d’obtenir une promotion politique pour ses fils. Nous raisonnons aussi encore en termes de pouvoir quand nous parlons de l'Eglise:
    « Notre Eglise vaudoise a perdu sa place dominante… »
    « Elle perd de l’audience, des paroissiens. »
    Oui, c’est vrai, c’est une réalité, et c’est triste. Mais ce n’est pas la perte d’influence qui est triste, mais la perte de spiritualité, de grâce.

    Dieu n’a jamais choisi le peuple d’Israël pour sa grandeur ou sa force, le texte du Deutéronome nous l’a rappelé. Jésus n’a jamais choisi ses disciples pour leurs forces ou leurs compétences. Dieu ne nous a pas choisi pour nos richesses, notre influence ou notre importance sociale. Nous sommes choisis parce qu’il nous aime et veut nous libérer, comme il a libéré les Hébreux des « griffes  de Pharaon », comme il veut libérer les disciples de leur servitude à la soif du pouvoir, comme il a libéré deux aveugles de leur nuit et de leur exclusion.
    Cette guérison est là pour nous ouvrir les yeux sur la véritable identité de Jésus, sur son véritable travail, sur sa véritable mission. Jésus vient de l’exprimer en toute clarté : « Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour se faire servir, mais il est venu pour servir et donner sa vie comme rançon pour libérer beaucoup de personnes ». (Mt 20:28).
    Cette façon de voir Jésus et Dieu est impossible sans un miracle, sans l’intervention de Dieu lui-même. C’est Jésus lui-même qui doit nous ouvrir les yeux pour que nous voyions comment cette libération s’inscrit dans notre vie. Jésus ne va pas la faire contre notre gré !
    Voyez comment il s’adresse à ces deux aveugles : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? ». Jésus est respectueux de chacun. C’est sa façon de servir : il n’use pas de sa connaissance et de sa puissance sans que nous ne le lui demandions. Il est à l’écoute de nos besoins, puis il met sa force au service de cette prière.
    C’est en cela que Dieu peut agir malgré nos faiblesses, malgré nos vulnérabilités. L’apôtre Paul ira même plus loin en disant que notre faiblesse, nos vulnérabilités lui laissent la place d’agir lui-même à travers nous.
    C’est la grâce de Dieu qui agit dans le petit peuple qu’il s’est choisi, à travers les disciples, à travers nous. Nous sommes des vases d’argile, mais nous y portons la présence de Dieu. Nous sommes même, dans les terme de l’apôtre Paul, le temple du Saint Esprit ! Laissons-nous ouvrir les yeux à cette réalité. Laissons-nous habiter par cette confiance que Dieu nous fait, que Dieu place en nous.
    Il nous a choisi, il nous aime, il nous fait confiance pour témoigner de cette bonne nouvelle : il habite en nous. Laissons rayonner cette confiance, ouvrons-nous à cette grâce et cette grâce sera visible autour de nous. Laissons-nous habiter par cette grâce de Dieu.
    Amen.
    © Jean-Marie Thévoz, 2007


    *Alphonse Maillot, Ces miracles qui nous dérangent, Aubonne. Ed du Moulin, 1986.

  • Luc 11. Jésus nous apprend à relier entre eux les points lumineux dispersés de notre existence

    7.10.2007
    Jésus nous apprend à relier entre eux les points lumineux dispersés de notre existence
    Jean 9 :1-7    Luc 11 : 33-35

    Les lectures bibliques parlaient de lumière, je vais donc allumer deux bougies (Je les pose par terre, derrière la table de communion, elles sont invisibles). Les voyez-vous ? Sont-elles bien placées ? (Je les reprend et les place sur un bougeoir en hauteur).
    Le propre de la lumière, c’est d’être visible, d’apporter la clarté. Le propre de la lumière, c’est de rendre visible, d’illuminer ce qu’il y a alentour. Sinon, elle ne sert à rien !
    La lumière, à bien y réfléchir, est utile seulement par rapport à nous. A quoi sert d’allumer la lumière dans une pièce où ne sommes pas ? Elle brûle en vain. C’est nous qui avons besoin de lumière, pour nous déplacer, pour lire, pour vivre. C’est pourquoi nous préférons la lumière à l’obscurité, que nous donnons une valeur positive à la lumière et négative aux ténèbres.
    Dans les trois petites phrases de Jésus dans l’Evangile de Luc, la lumière occupe trois places différentes. D’abord, c’est une lumière qui doit être placée en haut, sur le porte-lampe, pour nous éclairer. Elle est face à nous, en dehors de nous.
    Puis Jésus parle de l’œil qui est comme la partie de notre corps qui y laisse entrer la lumière. Aujourd’hui, on pourrait dire que l’œil est comme l’objectif de l’appareil photo. S’il est propre et bien réglé, il laisse entrer une image nette et belle. S’il est endommagé ou opaque : pas d’image, ou une image transformée, déformée. Les porteur de lunettes connaissent cela : quand on ne les a pas sur le nez et qu’on les cherche, on risque de se cogner aux meubles ou de trébucher dans l’escalier parce que notre image n’est pas nette ! Nous ne sommes pas en lien avec la réalité, mais avec une image déformée de la réalité.
    Enfin dans la troisième phrase, Jésus dit « remets-toi en question, est-ce que ta lumière n’est pas obscurité ? » Quelle image du monde as-tu en toi ? A quelle réalité correspond-elle ? Est-elle un vrai reflet ou une image déformée, une illusion, une tromperie, un faux-semblant ? C’est une grave remise en question ! Est-ce que votre lumière est lumière ou obscurité ? Est-ce que ce que vous croyez être la réalité est une image vraie de la réalité, ou une image trompeuse de la réalité ?
    C’est une vraie question, parce que nous n’avons pas un accès direct à la réalité. La réalité passe toujours par une image reconstruite de la réalité. On peut discuter cela à propos de choses matérielles. Mais on ne peut pas le remettre en doute en ce qui concerne les réalités immatérielles que sont les relations.
    Un exemple : quand je demande : « M’aime-t-il ? M’aime-t-elle ? Me veut-il du bien ou du mal ? Puis-je lui faire confiance ou dois-je me méfier ? » La réponse dépendra de déchiffrage des divers signes. Il m’a offert du chocolat, ou des fleurs. Elle n’est pas venue au rendez-vous…
    Nous passons notre temps à chercher à déchiffrer le comportement des autres et nous y ajoutons nos croyances propres : exemple d'observation : il est nerveux.
    - Croyance 1 « j’ai dû faire quelque chose de faux, alors il doit être fâché ». Décision en conséquence : je fais mieux de m’éloigner, il pourrait déverser sa colère.
    - Ou croyance 2 : « sa journée de travail a dû être pénible » et « il aime ma présence ». Décision en conséquence : je vais m’approcher de lui et essayer de le réconforter. La relation va être différente selon la croyance choisie !
    La Bible, par des récits imagés et symboliques essaie de nous ouvrir les yeux sur certaines croyances, ou nous propose de nouvelles croyances. Ainsi, dans le récit de la guérison de l’aveugle-né, Jésus essaie de casser la croyance selon laquelle le malheur est le résultat du péché, donc d’une punition divine. Jésus dit non. Le malheur est un malheur, point. Il n’est en rien relié à une faute quelconque. Et Jésus ajoute le geste à la parole, en rendant la vue à cet homme, signifiant par là que Dieu cherche au contraire à nous sortit du malheur, pas à nous y plonger.
    Nous avons beaucoup d’autres croyances fausses (ce que Jésus appelle de la lumière qui est obscurité). Par exemple : les autres sont responsables de nos malheurs, il faut donc nous en débarrasser. Par exemple : acquérir des objets nous rendra heureux. Par exemple : quand il / elle aura changé, alors je pourrai être heureux. Ces types de croyances sont des points d’obscurité en nous, que Jésus met en lumière. C’est en cela que « Jésus est la lumière du monde ». Il nous offre une autre lecture du monde. Il nous aide à déchiffrer le monde d’une manière nouvelle.
    Il nous apprend à lire le monde, à y déchiffrer des signes. Il ne suffit pas de voir avec les yeux pour déchiffrer une image. Un apprentissage est nécessaire. Deux exemples :
    a) lorsqu’un médecin fait une échographie d’un bébé dans le ventre de sa mère, il voit le bébé bien avant nous, parce qu’il l'a appris. Pour nous, c’est un écran de TV avec de la neige. Ce n’est que lorsqu’il nous montre où est la tête, le cœur, les membres, qu’on se met à voir, à comprendre l’image. 
    b) Lorsqu’on regarde un ciel étoilé, on voit une foule de points lumineux dispersés, sans ordre. Mais une fois que quelqu’un vous a dit « ici, c’est la Grande Ourse, ou Orion, et vous fait relier les points entre eux, vous ne verrez plus un semi d’étoiles, mais des formes significatives, même si ces points ne sont reliés que dans votre tête.
    Jésus nous apprend à relier entre eux les points lumineux dispersés de notre existence. Pour que notre vie prenne un sens, un dessin qui devienne lisible peu à peu. Mais cela demande un apprentissage. Cela demande d’entendre ou de lire les textes bibliques, de manière à ce que jaillissent des liens, dans notre tête ou dans cette de nos enfants : ah, c’est dans ma vie comme dans ce récit …
    Voilà un point de repère, un phare qui me permet de m’orienter, de suivre la côte ou d’éviter  un écueil. Ces phares, ces lumières, dans la géographie biblique et dans nos vies sont (brièvement) :
    1) l’amour est la substance de la vie ;
    2) la confiance est la base de toute relation ;
    3) juger ne mène à rien, essayez la compréhension ;
    4) le malheur n’est jamais une punition divine, car Dieu est bon ;
    5) ce que vous voyez de ténèbre en vous, Dieu peut le guérir et le transformer en lumière.
    Je pourrais continuer ainsi, mais j’en garde pour de prochains dimanches. Mettez-vous à cet apprentissage, enseignez cela à vos enfants et vous aurez tous les repères nécessaires naviguer en sécurité dans la vie.
    Amen.

  • Luc 10. "Si j'étais blessé, ne voudrais-je pas que quelqu'un se penche sur moi pour me secourir ?"

    Luc 10

    24.11.2002
    "Si j'étais blessé, ne voudrais-je pas que quelqu'un se penche sur moi pour me secourir ?"
    Es 30 : 18-21        Luc 10 : 25-37

    Chers amis,
    Un homme, un spécialiste de la Torah, la loi juive, vient vers Jésus avec la grande question, celle qui habite tous ceux qui cherchent Dieu : "Que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle ?" (Lc 10:25), ce qui peut signifier deux choses : "Comment être pleinement heureux ?" et "Comment être en pleine communion avec Dieu ?", deux choses qui n'en font qu'une pour les sages.
    Le maître de la loi connaît même la réponse à sa propre question : les deux grands commandements ! La réponse n'est pas nouvelle, le maître de la loi est frustré. Il pose donc une nouvelle question : "Qui est mon prochain ?"
    C'est là que se tend le piège dans lequel doit tomber Jésus. Il semble que le maître de la loi veuille faire dire à Jésus qu'il est impossible d'accomplir la loi, donc de recevoir la vie éternelle. Aimer tous les humains est une tâche hors de notre portée, c'est un fardeau trop lourd, une exigence écrasante, personne ne peut y arriver ! Donc, j'ai le droit d'abandonner, de ne pas essayer.
    Un fardeau trop lourd, une tâche écrasante, un chemin trop raide pour remonter la pente, c'est aussi ce que l'on ressent lorsqu'on est frappé de plein fouet par le deuil, un accident, une maladie. Dans ces situations, on entend tellement de "Tu devrais... sortir, voir du monde, te distraire" de "Tu ne devrais pas... t'isoler, te morfondre, continuer de pleurer" et on reprend soi-même : "je devrais...", "je ne devrais pas...", "il faut que...", "je ne peux pas continuer..." Un fardeau trop lourd d'obligations, de pressions de l'entourage.
    Jésus va-t-il entrer dans cette ronde épuisante ? Jésus raconte simplement une histoire. Il ne désigne pas de prochains, il ne fait pas de catégories, il ne pose pas d'exigences. Jésus raconte l'histoire d'un homme à qui il arrive un malheur.
    Sur le chemin de sa vie, il est arrêté, il est dépouillé, dépossédé, frappé, jeté à terre. Jésus nous emmène au coeur de la vraie vie — qui est aussi faite de malheurs et d'épreuves — dans une situation concrète où il est question de vie et de mort, de secours ou d'abandon, d'indifférence ou de compassion.
    Le blessé est le personnage central de l'histoire de Jésus, nous ne pouvons manquer de nous sentir concernés. - Lorsque le prêtre passe et change de trottoir, c'est avec les tripes du blessé que nous ressentons son manque de compassion. - Lorsque passe le lévite, c'est avec la colère du blessé que nous nous demandons "c'est la religion qui lui apprend à détourner les yeux ?"
    En racontant une histoire, Jésus retourne la perspective du maître de la loi. La question n'est plus "qui dois-je aimer ?" mais : "Si j'étais blessé, ne voudrais-je pas que quelqu'un se penche sur moi pour me secourir ?". De plus, peu importe qu'il soit de mon pays ou étranger, de ma religion ou de celle de mes ennemis !
    Ce que Jésus dit au maître de la loi c'est : "Lorsque tu réalises que tu es blessé, meurtri, vulnérable et que quelqu'un se penche vers toi pour te secourir, alors il sera évident pour toi de reconnaître ton prochain, même dans le Samaritain que tu hais d'habitude !
    Reconnaître ses blessures, sa souffrance, son besoin d'aide (parfois en laissant sa fierté de côté, en abandonnant son "Je peux toujours me débrouiller tout seul"), c'est le début de l'ouverture de son coeur à la vie.
    Après un malheur, un accident, une maladie, un deuil, souffrir et reconnaître que l'on souffre, que l'on est triste, que l'on est en colère, parce que c'est injuste, reconnaître que l'on a besoin d'être recueilli, pansé, accompagné, soulagé... c'est le premier pas vers le retour à la vie.
    Sur le chemin de sa vie, il a y souvent des personnes qui passent sans voir nos blessures, nos souffrances, nos tristesses, mais, il y a toujours quelqu'un aussi qui a souffert et qui reconnaît la même douleur, quelqu'un qui a compassion et qui apporte l'huile et le vin du soulagement.
    Le Samaritain qui s'arrête auprès du blessé est la figure de celui qui connaît la souffrance d'être exclu, mal-aimé, blessé. Ici le Samaritain est celui qui préfigure le Christ en croix, celui qui éprouve toutes nos souffrances, jusqu'à la mort.
    Aujourd'hui, le Christ passe sur le chemin de nos vies et s'arrête auprès de chaque blessé pour prendre soin de lui et le relever. C'est lui qui nous remet debout après que nous ayons été abattus. C'est lui qui nous redonne vie, vie intérieure, goût à la vie. Ce qui nous est impossible, c'est le Christ qui l'effectue en nous, c'est lui qui nous donne la vie, la vraie vie, la plénitude.
    "Que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle?" Comment être pleinement heureux ? Comment être en pleine communion avec Dieu ? Jésus nous dit :
    Reconnais ton malheur et ta souffrance et vois : je m'approche de toi et je prends soin de toi. Accueille-moi et nous ferons route ensemble.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Genèse 26. Un puits, une pièce et des voeux de changement

    Genèse 26

    26.11.2000
    Un puits, une pièce et des voeux de changement

    Gn 26 : 12-25 + 32-33        Luc 15 : 8-10

    Il y a des jours... Il y a des jours, où l'on se sent complètement vide, sans ressort, sans énergie, sans élan.
    Il y a des jours... Il y a des jours, où tout semble gris, sans relief, tout semble bouché, on se sent piégé au fond d'un trou, au fond ... ? Au fond d'un puits qui a été comblé de terre. Le puits semble desséché, bouché, inutile.
    Il y a des événements dans la vie, des accidents, des ruptures, des séparations, des deuils qui mettent nos fontaines à sec, qui comblent nos puits, qui nous éloignent de nos sources.
    C'est l'histoire d'Isaac qui nous est racontée ce matin. Il a été béni de Dieu, il reçu tout ce qui peut combler un homme — ne se dit-on pas parfois : "n'ai-je pas tout pour être heureux ? N'ai-je pas tout pour être heureuse ?" — et pourtant, après la mort de son père, Abraham, Isaac découvre que les puits dont il a hérité ont été comblés. Il ne donnent plus d'eau. Ils sont secs.
    Chacune, chacun d'entre nous a reçu un puits, source d'eau vive, source d'énergie vitale, au fond de lui-même.
    L'évangile, en relisant l'Ancien Testament, affirme même que l'effigie de Dieu a été gravée en nous (Mt 22:21), comme est frappée sur chaque pièce d'argent l'effigie de celui qui émet la monnaie. Deux images pour dire une même réalité : le puits, source de vitalité; la pièce de monnaie : image de Dieu, source de tout amour, gravée au fond de nous.
    Une pièce et un puits. Un puits et une pièce. Ces deux mots ensemble me font immanquablement penser à ces lieux touristiques où les gens ne peuvent s'empêcher de jeter une pièce de monnaie dans le puits, la fontaine ou le bassin qui s'ouvre devant eux. Ils le font pour faire un voeu.
    Ce voeu que l'on ne dit pas à haute voix, mais dont on espère la réalisation, c'est l'espérance de quelque chose de nouveau dans notre vie, l'espérance d'un changement ou d'une délivrance. C'est le souhait de pouvoir commencer à creuser ce puits pour retrouver la source qui est toujours au fond, avec son eau, au fond de nous-mêmes, mais qui est temporairement inaccessible.
    C'est le souhait de descendre en soi — jetant derrière soi (hors du puits) tout ce qui nous encombre, tout ce qui nous fait mal, tout ce qui pèse sur nos épaules — regrets, remords, rancunes, révoltes — pour retrouver la pièce qui est au fond de nous.
    Il faut du temps pour désensabler le puits, pour le vider. Il faut du temps, mais ce n'est pas le temps qui creuse ! Souvenez-vous de la femme qui recherche sa pièce de monnaie. Elle allume une lampe pour y voir clair dans sa vie, elle prend un balai pour évacuer tout ce qui encombre et visite tous les recoins de son âme. Un vrai travail, mais un travail qu'on ne fait pas tout seul.
    Ce travail de recherche — autant du berger qui cherche sa centième brebis, que de la femme qui cherche sa pièce, ou du père qui cherche le contact avec ses deux fils (tous dans Luc 15) — c'est un travail que Dieu fait avec nous, que Dieu fait en nous.
    Le berger, la femme, le Père, Isaac, ce sont aussi bien des figures de Dieu qui cherche à retrouver et à redonner vie à notre être intérieur, que des images de nous-mêmes à la recherche de l'essentiel qui habite au fond de nous-mêmes.
    Cet essentiel qui habite au fond de nous-mêmes, nous savons qu'il est là, qu'il vit et qu'il n'aspire qu'à être découvert, à être exhumé et à reprendre vie pour devenir à nouveau source, source d'énergie dans notre existence.
    Cet essentiel — qui demeure au fond du puits qui nous a été donné — est une pièce de monnaie tout à fait exceptionnelle, telle qu'on n'en trouve dans aucune banque. Cette pièce a deux faces. Non pas un côté face avec un visage et un côté pile avec un nombre. Cette pièce a deux faces, deux visages.
    D'un côté, il y a notre propre visage, ce visage qui nous révèle mystérieusement, qui dit qui nous sommes, tels que nous sommes, visage humain et absolument unique, personnel, singulier, exceptionnel.
    De l'autre côté, il y a un autre visage, unique et humain, le visage que Dieu a pris en son fils unique, devenu pleinement humain en prenant sur lui la souffrance et les malheurs de nos existences.
    Deux visages si semblables sur une même pièce, enfouis au fond de nous-mêmes, en attente d'être retrouvés, réunis en un seul, réconciliés. Une réconciliation qui devient source de vie et de joie pour tous.
    Il y a des jours... Il y a des jours, où l'on peut tenir cette pièce dans la main et sentir la force qui émane de ces deux visages réunis.
    Il y a des jours... Il y a des jours, où l'on peut sentir l'apaisement et la joie d'avoir retrouvé l'essentiel en soi, la source d'eau vive et son propre visage qui se reflète dans celui de Dieu, au fond du puits, désensablé.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2007

     

    Selon une idée d'Origène :

    « Chacune de nos âmes contient un puits d'eau vive, il y a en elle (...) une image de Dieu enfouie. C'est ce puits que (...) les puissances adverses ont obstrué de terre. * (...) Mais maintenant qu'est venu notre Isaac (le Christ), accueillons son avènement et creusons nos puits, rejetons-en la terre (...) : nous trouverons en eux l'eau vive, cette eau dont le Seigneur dit : « Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive jailliront de sa poitrine » (Jn 7:38). (...)
    Car il est là, le Verbe de Dieu, et son opération actuelle est d'écarter la terre de votre âme à chacun, pour faire jaillir votre source. Cette source est en vous, et ne vient pas du dehors, car « le Royaume de Dieu est en vous » (Lc 17:21). Ce n'est pas au dehors mais chez elle, que la femme qui avait perdu sa pièce de monnaie la retrouva : elle avait allumé sa lampe, elle avait balayé sa maison (...) et c'est là qu'elle retrouva sa pièce de monnaie. (Lc 15:8)
    Quant à vous, si vous allumez votre lampe, si vous vous servez de l'illumination du Saint-Esprit, si vous « voyez la lumière dans sa lumière » (Ps 36:10), vous trouverez la pièce de monnaie en vous. Car c'est en vous que se trouve l'image du roi céleste. Quand Dieu fit l'homme au commencement, il le fit à son image et ressemblance (Gn 1:26); et il n'imprima pas cette image à l'extérieur mais au-dedans de l'être humain. (...) Faites resplendir en vous maintenant « l'image de l'homme céleste ». (...) L'artisan de cette image est le Fils de Dieu. Artisan d'une telle valeur que son image peut bien être obscurcie par la négligence, mais non pas détruite par le mal. L'image de Dieu demeure toujours en toi. »

    * Origène fait allusion à Gn 26:15-25 : Isaac doit creuser une deuxième fois les puits creusés déjà par son père Abraham parce que les Philistins les avaient bouchés et comblés de terre.

    Homélie sur la Genèse XIII, 3-4, in Olivier Clément, Sources, Les mystiques chrétiens des origines, Stock, Paris, 1982, p. 118, trad. O. Clément.
    Extrait publié dans : Soyons l'âme du monde, Textes choisis des chrétiens des premiers siècles. Les Presses de Taizé, 1996, pp. 46-48

  • 1 Samuel 16. Dieu choisit celui qui a tendance à être exclu.

    1 Sam 16 : 4-13    8.11.98
    Dieu choisit celui qui a tendance à être exclu.       
    1 Sam 16 : 4-13    Ps 118 : 1-4 + 21-23    1 P 2 : 4-6


    Le roi Saül a fortement déplu à Dieu. Aussi, Dieu décide-t-il de préparer la succession de Saül. Il charge le prophète Samuel de désigner, d'oindre le futur roi. Étonnamment, Dieu n'annonce pas à Samuel le nom du futur roi, il lui dit seulement de quelle famille il fait partie. A Samuel de découvrir lequel des huit fils de Jessé Dieu s'est choisi !
    C'est ce processus de choix qui me semble important, porteur d'indications précieuses pour nous, pour réfléchir au thème de l'exclusion. Vous savez que le thème de la Campagne d'automne de l'EPER (entraide protestante) est le refus de l'exclusion : Exclu... c'est exclu !
    Dans notre vie quotidienne, nous sommes constamment confrontés à des situations où nous devons faire des choix. Et chaque fois que nous choisissons quelque chose, nous excluons autre chose. Le choix et l'exclusion vont de pair... Parler de l'exclusion, c'est aussi parler de nos choix et vice versa. On ne peut pas ne pas choisir (parce qu'on ne peut tout avoir), on ne peut donc pas non plus éviter d'exclure !
    Ce que nous avons à faire, c'est penser à nos critères de choix et d'exclusion. Pourquoi choisir ou exclure cela ? Quelles sont les conséquences de mes choix et de mes exclusions ? A première vue, lorsqu'il est question de produits, de marchandises, cela n'a pas beaucoup d'importance. Sauf lorsqu'on se met à penser à qui les produit, qui est derrière les marchandises que nous consommons, de quelle façon sont-elles  fabriquées ?
    En effet, la question du choix et de l'exclusion se manifeste de manière plus vive, plus cruciale lorsqu'il s'agit de personnes. Et ce sont bien les personnes que vise la Campagne de l'EPER.
    Revenons donc à Samuel qui doit exécuter le choix de Dieu. Il prépare une cérémonie pour oindre le nouveau roi et il invite tous les fils de Jessé. Au premier coup d'oeil, il repère l'aîné, Eliab. Voilà un garçon brillant, un homme bien fait, il a belle allure, il ferait un roi plein de prestance ! Ce doit être lui, se dit Samuel. Mais Dieu lui souffle que non. Et tous les fils de Jessé présents défilent. Mais le futur roi n'est pas parmi eux. Surprise, panique... Y en a-t-il un autre ? Oui, il y en a bien encore un, mais il est aux champs. C'est le petit dernier... on y a pas pensé... il est encore jeune... un peu rêveur... musicien...
    Pourquoi David est-il aux champs ? Pourquoi n'est-il pas présent, alors que toute la famille avait été appelée à participer à cette cérémonie. Je vois deux réponses possibles :
    1) David n'a tout simplement pas reçu le message, l'invitation. Personne ne pensait que ce petit ("ce petit prétentieux, cet espèce de vaurien" dira Eliab, le frère aîné au chapitre suivant : 1 S 17:28) méritait d'être invité à cette cérémonie d'adultes. Samuel est venu chercher quelqu'un pour une mission d'importance. Aux yeux de la famille, cela ne pouvait pas concerner David. Il a été exclu d'office, automatiquement par sa famille. "Tiens on n'avait pas pensé à toi !", "Tu es trop petit, toi!". Voilà des paroles d'exclusion qui peuvent faire mal.
    2) David a reçu le message, il a entendu, comme les autres que Samuel cherchait quelqu'un pour une mission importante, mais il a pensé : "cela ne peut pas me concerner, moi !","je suis trop petit, trop jeune, ou trop inexpérimenté". David a intériorisé le message familial, au point que plus personne n'a besoin de lui dire quoi que ce soit : le message s'imprime tout seul.
    David, ou vous, ou moi, s'exclut par lui-même, parce qu'il n'a pas confiance en lui-même, parce qu'il n'est pas conscient de sa valeur. De quand date la dernière confirmation de sa valeur qu'il ait reçue ?
    Que ce soit par une exclusion extérieure ou intérieure, David est d'abord absent, exclu. Mais le voeu de Dieu, c'est qu'on l'envoie chercher. En effet, celui que tout le monde écartait, c'est celui que Dieu s'est choisi.

    "La pierre que les bâtisseurs avaient écartée est devenue (par la volonté de Dieu) la pierre principale" (Ps 118:22)
    Celui qui allait être écarté, c'est celui qui va recevoir l'onction, qui va être oint. Ce terme "oint" se dit CHRIST en grec. Jésus le Christ, fils de David est celui qui a été rejeté par tous sur la croix, mais que Dieu s'est mystérieusement choisi pour se révéler.
    Dieu ne suit donc pas les modes, les apparences comme les hommes. En effet, Dieu dit à Samuel:

    "Je ne juge pas de la même manière que les hommes; les hommes s'arrêtent aux apparences, mais moi je vais jusqu'au fond des coeurs." (1 S 16:7)
    Dieu nous regarde au-delà de nos façades, de nos masques, des attitudes que nous nous donnons. Il voit jusqu'au fond de nous-mêmes et il voit ce qu'il y a de plus humain en nous, de plus aimable en nous.
    C'est ainsi qu'il peut faire d'Israël son peuple, des habitants de Villars-Ste-Croix et Bussigny son Eglise. Dieu ne rassemble pas ceux qui semblent les meilleurs, les plus talentueux, les plus qualifiés comme le ferait un patron d'entreprise. Non, Dieu va chercher ceux qui n'ont pas été désirés, ceux qui ont été mis de côté, exclus d'office, pour les rassembler et en faire son peuple, parce qu'il sait qu'en chacun de nous il y a un être de valeur qui va pouvoir déployer ses talents comme David contre Goliath.
    Ayant été rappelés des champs pour devenir des rois, comme David, nous pouvons à notre tour regarder toute personne avec un nouveau regard — qui vient de Dieu — qui embrasse tout le monde, et voir en chacun un être digne de valeur et pleinement aimable.
    La Campagne de l'EPER — Exclu... c'est exclu ! — nous invite à adopter le même regard que Dieu, le regard de l'inclusion, de l'accueil afin que l'oublié, le rejeté ait une vraie place parmi nous.
    Amen
    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • Luc 14. Nous n'avons pas à gagner notre place dans la vie, elle nous est donnée.

    Luc 14    23.9.2007
    Nous n'avons pas à gagner notre place dans la vie, elle nous est donnée.
    Jn 13:33-35    Luc 14:15-22

    Chers catéchumènes, chers parents, chers paroissiens,
    Je suis heureux de vous voir rassemblés dans cette église. Vous avez répondu à notre invitation de commencer le catéchisme par ce culte et de la prolonger par un repas. Nous sommes en train de vivre la parabole que Jésus a racontée et que nous venons d'entendre.
    En juin, j'ai envoyé 104 invitations à participer au catéchisme et aujourd'hui, vous êtes 26 à être là pour le commencer. Sur quatre envois, j'ai reçu trois refus et une acceptation, comme dans la parabole. Mais je ne vais pas m'attarder sur les excuses de ceux qui ne voulaient pas venir. Nous sommes-là pour nous réjouir avec vous qui avez répondu positivement à cette invitation !
    Cette parabole de Jésus nous parle de la vie et de la réalité, de la vie réelle, de celle que nous vivons. Mais en nous parlant de la vie, Jésus veut aussi nous parler de Dieu et de la place qu'il occupe dans la vie et dans notre vie.
    Jésus compare le Royaume de Dieu à une invitation à un festin. D'abord, c'est quoi le Royaume de Dieu ? Le Royaume de Dieu, c'est une façon de parler de l'univers tel que Dieu le souhaite. C'est le monde dans lequel Dieu voudrait que l'on puisse vivre. Ce n'est pas un monde virtuel comme Second Life, ce n'est pas non plus le paradis qui ne se trouverait qu'après la mort. C'est un monde à l'intérieur de notre monde présent, un espace où on essaie de vivre avec d'autres règles et codes que dans le monde que nous voyons. 
    Comment fonctionne le monde autour de nous ? Souvent comme la jungle, c'est la loi du plus fort. Un monde dur, où il faut se faire sa place, se bagarrer, se vendre, lutter pour qu'on ne nous marche pas sur les pieds ou qu'on nous respecte. Un monde où l'on doit faire ses preuves, faire de bons résultats, de bonnes notes, réussir, être plus forts ou meilleurs que les autres. Un monde où il faut faire gagner son équipe. Qu'est-ce qu'il est exigeant !
    Qu'est-ce que c'est difficile d'être à la hauteur de ce qu'on attend de nous ! On peut même avoir l'impression qu'on ne nous pardonnera pas nos erreurs, nos faiblesses, nos défaillances. Il faut gagner ou passer pour un looser.
    En même temps, ce monde nous montre plein de trucs pour réussir et être heureux. Il faut porter telle marque de vêtements pour plaire aux copains, il faut avoir le dernier natel ou X-box pour se faire remarquer par les autres et ne pas passer pour un nul. Il faut se faire belle, essayer le maquillage avant les autres copines, porter le T-shirt le plus petit possible, écouter la bonne musique pour être acceptée par les autres. Et encore, ce n'est pas gagné d'avance parce que la mode change d'un jour à l'autre…
    Cette vie-là, ça ressemble à un jeu de Super-Mario : il faut attraper tous les bonus possibles et surmonter tous les obstacles pour réussir, sinon on perd sa vie.
    L'idée principale de ce monde, c'est que vous partez sans rien dans la vie et qu'il faut tout gagner au fur et à mesure.
    L'idée principale dans le monde de Dieu, au contraire, c'est que Dieu nous a entièrement équipé au départ et que ce que vous avez, vous ne pouvez ni le perdre, ni vous le faire voler.

    C'est difficile à croire puisqu'on naît tout nu, tout fragile et complètement dépendant de ses parents. Mais le bébé : il vit et il a déjà la force de la vie en lui. Les parents sont là pour l'aider à développer ce qui est déjà en lui : la confiance dans la vie. Chacun naît avec toute l'estime de soi dont il a besoin pendant toute sa vie.
    Bien sûr, il arrive — presque toujours — que cette estime de soi, elle se couvre de poussière au cours du temps. Elle est là, mais on doit la déterrer, la dépoussiérer, la retrouver au fond de soi-même.
    Cette estime de soi, elle est dans l'invitation que Dieu nous a donnée. Dieu nous invite à nous servir de cette confiance qu'il nous fait, de cette estime de soi qu'il nous a donnée pour profiter du festin de la vie.
    Mais beaucoup ne s'en servent pas. Ils trouvent d'autres choses à faire. Ils oublient que la vie est un festin à croquer et ils s'emploient à faire toutes sortes de choses pour gagner ce qu'ils ont déjà en eux-mêmes, sans le savoir.
    Nous avons tous reçu l'invitation : Vis ta vie. Mais beaucoup n'en font rien. Ils restent passifs devant la vie, ils font ce qu'on leur demande de faire, sans chercher quel sens a la vie. Mais quelques-uns deviennent actifs et cherchent à répondre à cette invitation, à prendre leur vie en main, à chercher le sens de la vie et le sens qu'ils peuvent donner à leur propre vie.
    En nous donnant cette invitation, cette vie, Dieu nous dit : "Tu n'as pas besoin de gagner cette vie, tu n'as pas besoin de prouver — à toi ou aux autres — que tu la mérites : je te la donne, tu l'as, elle est à toi." "Tu es déjà aimé" et tu n'a rien à faire de plus pour exister, pour te faire valoir. Voilà l'idée fondamentale du monde de Dieu.
    Après cela, comme on n'a plus à se préoccuper de se faire accepter, on a de l'énergie pour se tourner vers les autres, pour les aimer. C'est pourquoi Jésus nous a dit "aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés." Cela devient possible, parce que nous n'avons pas besoin de gagner l'amour des autres, il nous est déjà donné.
    C'est à la découverte de cet amour, de cette liberté que vous allez vous engager dans le catéchisme. Peut-être que quelques parents suivront ce chemin en parallèle. Jésus ne disait-il pas à la fin de sa parabole, après avoir été chercher de nouveaux participants à son festin : "il y a encore de la place…"
    Amen
    @ Jean-Marie Thévoz, 2007

  • 1 Corinthiens 10. Un choix à faire

    1 Co 10

    26.9.1999
    Ouverture du catéchisme : Un choix à faire
    2 Rois 4 : 38-41    1 Co 10 : 23-26    Mt 13 : 47-48

    Chers catéchumènes, chers parents, Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous êtes plutôt : Swisscom ou Sunrise. Nokia ou Panasonic. PDC ou radical. Cardinal ou Campari. Yes or No ? Voilà les choix que nous proposent les affiches publicitaires qu'on voit maintenant dans nos rues.
    Combien de choix sommes-nous appelés à faire tous les jours ? Des petits choix qui ne portent pas à conséquences, jusqu'à des choix qui nous engagent, certains choix pour l'existence entière... Nous vivons dans une société du choix, dans une société où il faut constamment choisir. Et nous voulons du choix, nous préférons la carte au menu. Ne voyons pas cela sous un angle négatif, cela nous donne du pouvoir, une possibilité d'exercer notre liberté.
    Le problème, c'est aussi que les choix deviennent de plus en plus complexes : que choisir ? Vous voulez plutôt du boeuf ou du poulet pour midi ? 
    "La soupe est empoisonnée" crient les convives autour de la marmite du prophète (2 R 4: 40). Voilà, en ce temps lointain, la famine régnait dans ce pays. Un homme a été chargé de faire à manger. Alors, il est parti dans la campagne, voir ce qu'il pourrait trouver à manger. La première chose qui ressemblait à un légume lui a convenu. Il en a fait son menu.
    Choisir comporte donc aussi des risques. Celui qui va à la cueillette des champignons les soumet à un spécialiste avant de les manger. Le tri de ce qui est bon ou mauvais pour nous est essentiel. Nous commençons à regarder de près ce que nous mettons dans notre assiette, et par les temps qui courent cela vaut mieux, même si c'est plutôt difficile avec le peu d'informations qu'on nous donne. Nous contrôlons aussi bien que faire se peut le contenu de notre assiette.
    Mettons-nous la même attention à vérifier ce que notre cerveau avale ? Ce qui nourrit notre esprit ou notre âme ? Nous avons vu qu'à la source de la vache folle et du poulet à la dioxine, il y avait une course effrénée au profit, sans égard pour les consommateurs. En est-il différemment avec la publicité, avec les films ou les idéologies qui nous matraquent, dans la rue ou sur nos écrans ?
    Mon idée n'est pas qu'il faudrait commencer à censurer, à interdire, etc. Par contre, il est urgent de réfléchir à notre façon de choisir et peut-être même : apprendre à faire des choix.
    *    *    *
    Le christianisme est une religion de la liberté. Cela a commencé avec la liberté des personnes dans le judaïsme, avec la libération des hébreux et la sortie d'Egypte. Ceux qui ont vu le film "Le prince d'Egypte" voient de quoi je parle. Cette libération s'est accompagnée du don de la loi, comme mode d'emploi et de sauvegarde de cette liberté. La loi énonce en premier lieu des repères pour que je sois protégé. Ainsi, l'interdit de tuer est d'abord l'interdit vis-à-vis des autres de me tuer, donc le droit de vivre pour exercer ma liberté. Ensuite, la réciproque est évidente.
    Vous avez entendu l'apôtre Paul dire "Tout est permis, mais tout n'est pas utile, tout n'est pas constructif" (1 Co 10:23) C'est une liberté énorme que donne Paul dans un monde plein de tabou, notamment alimentaires. Le but de la loi n'est pas l'obéissance à la loi, mais le respect de tout humain. C'est un bouleversement dans le monde gréco-romain où les limites étaient les dieux, de placer l'être humain au centre. Aujourd'hui aussi c'est un bouleversement sérieux de dire : c'est le respect de l'être humain qui doit être le repère central de toute activité humaine. On est plus habitué à entendre parler des contraintes de l'économie, de la concurrence, de la survie de l'entreprise, au point qu'on place ces contraintes au-dessus du sort de l'être humain.
    *    *    *
    Chers catéchumènes,
    Vous entrez dans l'adolescence, un âge où l'on est confronté à de nombreux changements et à de nombreux choix. Vous allez devoir trier parmi tout ce que le monde vous propose. Vous allez réaliser que toutes les propositions ne sont pas offertes dans votre intérêt, mais visent d'autres intérêts que les vôtres. Vous pouvez vous préparer, apprendre à faire ces choix, comme un spécialiste apprend à distinguer les champignons qui se mangent de ceux qui empoisonnent. Vous pouvez vous préparer en faisant un premier choix qui guidera les choix suivants. Ce premier choix, c'est : vais-je construire ma vie avec ou sans Dieu ? Vais-je construire ma vie avec les repères, le soutien et l'amour que Dieu donne ou vais-je construire ma vie seul, selon mes intuitions, en créant ma propre loi.
    Vous allez commencer le catéchisme pour découvrir cette offre de Dieu de construire une vie avec lui pour guide et compagnon. Je suis réaliste, ce n'est pas la seule proposition de style de vie que vous recevez, mais j'espère que ce temps de catéchisme vous permettra de collecter suffisamment d'informations pour faire votre choix, un choix libre et informé.
    Depuis votre naissance, il y a une place pour vous, — une place réservée — dans le coeur de Dieu. Il a des projets de bonheur et de vie heureuse pour vous. Profitez de ce temps de catéchisme pour venir à sa rencontre, à sa découverte et enraciner votre vie dans du solide.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Matthieu 13. N'arrachez pas l'ivraie de peur que vous ne déraciniez le blé avec elle

    Matthieu 13

    20.9.98
    N'arrachez pas l'ivraie de peur que vous ne déraciniez le blé avec elle       
    Célébration oécuménique

    Rom 14 : 1-8    Mt 13 : 24-30


    Frères et soeurs en Christ,
    Vous avez entendu cette parabole que Jésus a raconté pour enseigner ses disciples. Quel titre lui donnez-vous ? Formulez le titre dans votre tête et retenez-le ! Vous y êtes ? Les deux titres les plus probables sont : "le bon grain et l'ivraie" ou "l'ivraie et le bon grain". L'ordre qu'on a choisi dans sa tête peut révéler notre optimisme ou notre pessimisme sur le monde.
    Le mal était-il là dès le commencement du monde ? = "l'ivraie et le bon grain" ou n'est-il que second dans le monde ? = "le bon grain et l'ivraie". Jésus dans sa parabole établit un ordre très important. En premier, le maître sème du bon grain, ensuite vient en cachette, de nuit, l'ennemi qui sème l'ivraie. Finalement, après la moisson le bon grain est engrangé alors que l'ivraie est brûlée.
    La séquence est donc : bon grain — ivraie — bon grain. Le mal n'est là ni au début, ni à la fin, il n'est ni l'alpha, ni l'oméga, seul le Christ est l'alpha et l'oméga. Le mal n'est là que comme une parenthèse encadrée, limitée par Dieu.
    Le problème, c'est que nous vivons dans cette parenthèse et qu'il est difficile de la considérer comme peu de chose. Il est donc normal de prendre le mal au sérieux. Mais le risque est de ne voir que lui, de se laisser submerger et de perdre espoir... ou de se voir investi de la mission d'éradiquer le mal. C'est la première idée des serviteurs : "Veux-tu que nous allions l'arracher ?" (Mt 13:28). Et là Jésus nous livre la vision que Dieu a du monde: "Non, de peur qu'en ramassant l'ivraie vous ne déraciniez le blé avec elle" (Mt 13:29).
    Dieu interdit tout tri par les humains, pendant le temps présent. Ce sera un travail qu'il confiera à d'autres : "les moissonneurs", "à la fin des temps". Maintenant, ce n'est pas notre travail, nous ne sommes pas équipés pour cela. "Ne croyons pas disposer du désherbant que Dieu lui-même n'a pas voulu employer" (Alphonse Maillot).
    Je pense que cette parabole peut être lue à trois niveaux.
    1) Elle exprime, en condensé, l'histoire du monde, l'histoire du salut. La création est bonne, le mal s'est glissé mystérieusement dans le monde, comme un ennemi, et il est là maintenant. Il est intimement entremêlé au bien. L'être humain est incapable de faire le tri. Ce tri est réservé à Dieu. Le mal rencontré est un mélange de mal commis et de mal subi dont personne n'est entièrement à l'origine. Le mal ne vient pas forcément de l'homme. L'être humain n'est pas responsable de tout le mal qui arrive, il y a une part mystérieuse qui nous échappe. En conséquence, la vertu ou la bonne conduite des hommes ne sauvera pas le monde.
    2) Le deuxième niveau est celui des institutions. Toute institution humaine est un champ où le bon grain et l'ivraie sont mêlés. Aucune ne peut se proclamer pure et juger sa voisine, aucune ne peut faire le tri dans ses membres. L'apôtre Paul nous donne de bons conseils lorsqu'il nous dit : "Que celui qui mange de tout ne méprise pas celui qui ne mange pas de tout, car Dieu l'a accueilli" (Rom 14:3). L'unité ne se fait pas par l'uniformité des pratiques, mais par la référence au seul Dieu qui accueille chacun. Chacun a de bonnes raisons personnelles d'agir comme il le fait.

    3) Le troisième niveau est celui des personnes, de soi-même. Acceptons que le bon et le moins bon est mélangé en nous-mêmes. Nous sommes nés dans un monde où nous n'avons pas reçu que du bon. Nous avons aussi été touchés par des événements qui nous ont fait du mal et dont nous souffrons. Il ne nous est pas demandé d'arracher cela et de le jeter loin. C'est le travail de la grâce de Dieu, au temps voulu par lui. Mais il nous promet la guérison de ces blessures.
    Le bon grain et l'ivraie sont mélangés également chez ceux qu'on côtoie, et là, je pense que nous sommes appelés à recevoir et appliquer le même regard que Dieu. Cherchons à voir chez chacun le bon grain qui est en lui et laissons Dieu s'occuper de l'ivraie.
    C'est fou ce que notre attitude envers quelqu'un peut être transformée lorsque nous sommes persuadés qu'il y a quelque chose d'aimable en lui, en elle, que je suis appelé à découvrir.
    Il y a en chacun, en chacun de vous, en chacun des membres de votre famille, chez vos collègues, etc., une semence merveilleuse qui développe son fruit et que Dieu connaît déjà. Cet être précieux, Dieu veille dessus, c'est pourquoi il interdit qu'on désherbe, qu'on éradique, qu'on exclue, de peur que cet être soit touché aussi.
    Regardez le monde, les institutions, les personnes avec les yeux de Dieu. Libérez-vous du rôle du juge qui doit opérer le tri (c'est l'oeuvre que Dieu confiera aux moissonneurs). Concentrez-vous sur le bon, le bien, le beau. Regardez les gens pour trouver le trésor qui est en chacun et pour découvrir en votre prochain la présence même de Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007