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Clamans - Page 12

  • Matthieu 2. Jésus vit les déplacements de son peuple

    Matthieu 2

    13.1.2019

    Jésus vit les déplacements de son peuple

    Jérémie 31 : 2-9        Matthieu 2 : 13-18        Matthieu 2 : 19-23

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Dimanche passé, nous avons vécu le dimanche des Rois. L’occasion de rappeler la visite des mages auprès de Jésus. Souvent, on passe directement du récit des mages au baptême de Jésus. D’un coup on passe 30 ans de la vie de Jésus. Il est vrai que nous ne savons quasiment rien de cette période de la vie de Jésus.

    Luc nous donne quelques épisodes, Jésus présenté au Temple par ses parents, la rencontre avec le vieux Siméon et avec la prophétesse Anne, puis, 12 ans plus tard ce pèlerinage à Jérusalem où Jésus fausse compagnie à ses parents pour rester au Temple discuter avec les maîtres de la loi.

    De son côté — et c’est ce qui va nous intéresser ce matin — Matthieu fait faire tout un voyage à Jésus et sa famille, la fameuse fuite en Egypte. On voit dans ces différences entre les récits d’enfance, que chaque Evangile a des préoccupations propres.

    Même si les trois Evangiles Matthieu, Marc et Luc se ressemblent beaucoup — parce qu’ils sont bâtis sur le même plan, le même déroulement et qu’ils ont beaucoup de textes en commun — chaque Evangéliste donne une couleur propre à son texte. Pourquoi ces différences entre eux ? Simplement parce que — même s’ils parlent à partir des mêmes souvenirs, des mêmes données de bases — ils parlent dans des lieux géographiques différents et à des communautés différentes.

    Les Evangiles sont plus des prédications que des reportages. Mais le particulier peut devenir universel. Dans les deux lectures de l’Evangéliste Matthieu que vous avez entendues ce matin, il y a un récit en trois parties : la fuite en Egypte, le massacre des enfants et le retour d’Egypte. Ces trois petits récits sont propre à Matthieu, ils n’ont pas d’équivalents dans les autres Evangiles. On y voit donc concrètement Matthieu à l’œuvre dans son travail de prédicateur-écrivain.

    Chacun de ces trois petits textes commence par exposer une histoire et se termine, se conclut par une citation biblique. Il y a donc une trame narrative assortie, ponctuée de citations de l’Ancien Testament. Ces références fréquentes (plus fréquentes chez Matthieu que chez Marc ou Luc) à l’Ancien Testament sont une des particularités de Matthieu. Il connaît bien les Ecritures et il parle à des gens pour qui les textes bibliques sont importants, sont connus et représentent une autorité. On peut en déduire que Matthieu parle à une communauté formée — en grande partie au moins — de juifs. Il essaie de convaincre des juifs, des coreligionnaires que Jésus est celui qui accomplit les Ecritures.

    La première citation : « J’ai appelé mon fils à sortir d’Egypte. » (Os 11 :1) est une attestation messianique de la filiation divine de Jésus. Attester cette filiation divine de Jésus est le but des deux chapitres que Matthieu consacre à l’enfance de Jésus. Mais la citation ajoute le voyage — et surtout le retour — d’Egypte. Parler de la sortie d’Egypte, c’est faire allusion à Moïse, le grand législateur de l’Ecriture.

    La troisième citation — je reviendrai sur la deuxième juste après — va dans le même sens : « Il sera appelé le Nazaréen. » Ici Matthieu fait un jeu de mot entre Nazareth et Nazir qui désigne l’homme consacré à Dieu (Cf. Juges 16 :17). Matthieu désigne Jésus comme un prophète et un libérateur à l’image de Samson — l’homme consacré à Dieu qui ne se coupe pas les cheveux.

    La deuxième citation (Mt 2 :18) est étrange pour nous. Il est difficile de savoir si le récit du massacre est constitué pour utiliser la citation ou si la citation est ajoutée pour donner un sens au massacre des nouveau-nés. Mais il y a deux choses intéressantes dans ce passage :

    (i) le parallèle entre le massacre des nouveau-nés ordonné par le pharaon auquel Moïse échappe et celui d’Hérode auquel Jésus échappe. Matthieu fait ici un nouveau parallèle entre Jésus et Moïse ;

    (ii) le contenu du chapitre de Jérémie d’où vient cette citation sur les enfants de Rachel. Cette citation est tirée du chapitre 31 du livre de Jérémie. Ce chapitre 31, on l’appelle le « Livret de la consolation. »

    Il contient notamment l’annonce de la Nouvelle Alliance « Je graverai mes instructions dans votre cœur » (Jér 31:33) et la déclaration d’amour de Dieu envers son peuple que vous avez entendue dans les lectures. Dans cette déclaration, Dieu déclare à propos de son peuple : « Je vais les ramener du pays du Nord et les rassembler des plus lointaines contrées. » (Jér 31:8) Ce retour au pays est le retour du peuple d’Israël de son exil à Babylone.

    Ainsi, on peut voir que Matthieu superpose — pour ses auditeurs bien au fait de l’histoire du peuple juif et connaisseurs des Ecritures — l’Exode hors d’Egypte et le retour d’Exil. Et il décrit un Jésus qui vit les périples — géographiques, mais surtout existentiels et souffrants — de son peuple. Matthieu montre par ce trois récits assortis de leurs citations que Jésus a lui-même revécu les pérégrinations du peuple d’Israël, que Jésus est donc totalement assimilé à ce peuple, y compris à ce peuple en exil. L’incarnation de Jésus est autant une incarnation dans la chair humaine que dans l’histoire de son peuple !

    Si l’on tient compte du fait que Matthieu parle ou écrit son Evangile pour une communauté d’origine juive de la diaspora (probablement à Antioche, en Syrie) on réalise que le voyage de Jésus — dans la géographie, mais surtout dans la dramatique historique du peuple de Dieu — est une sorte d’inclusion de la diaspora juive dans le vie de Jésus.

    En image, Jésus a visité tous les exilés, vécu leur exil même, avant de commencer son ministère en Galilée et à Jérusalem. Comme croyants de tous les âges, de l’Exode, de l’Exil, de l’Empire romain ou d’aujourd’hui, nous sommes pris en compte dans la vie de Jésus. Matthieu assure ainsi à ses auditeurs d’Antioche — loin de Jérusalem et de la terre d’Israël — que le message de Jésus, que le salut les concerne aussi.

    Matthieu l’avait déjà dit d’une certaine façon à travers le récit des mages venus d’Orient. Il le fait, là, d’une façon inversée, en faisant voyager Jésus. Il assure, là, à une communauté d’origine juive de la diaspora, non seulement qu’ils sont inclus dans la nouvelle alliance, mais qu’ils peuvent aussi accueillir les croyants non-juifs dans leur communauté.

    Il y a là un message universaliste — d’ouverture — de la part de Matthieu, un message d’ouverture qu’il met en parallèle avec celui de la Nouvelle Alliance de Jérémie. Pour Matthieu, cette nouvelle alliance se réalise pleinement en Jésus, le Messie qui vient de Dieu, autant pour les juifs installés en Israël, que pour les juifs de la diaspora ainsi que pour tous les peuples de la terre.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Saynète : « L’aubergiste » jouée par les enfants

    16.12.2018

    Saynète : « L’aubergiste » jouée par les enfants

    D'après le texte réalisé par la Pastorale du Service Enfance & Famille de l’Eglise protestante de Genève (décembre 2010) à partir du livre de Nicholas Allah, Quelle nuit !, Mijade, Namur, 1998. 


    (photos ci-dessous © Garance Ballenegger, pour la Paroisse St-Jean)

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    Message après la saynète : 

    Pauvre aubergiste, elle n’a pas cessé d’être dérangée. Mais elle n’est pas la seule.

    Joseph et Marie ont été dérangés par le recensement. Ils ont dû quitter leur maison pour se lancer sur des routes hasardeuses.

    Les bergers ont été dérangés en pleine nuit par une annonce incroyable.

    Les mages se sont déplacés pour suivre l’étoile

    Et nous, comme spectateurs des enfants ou comme lecteurs du récit biblique des évangiles, ne sommes-nous pas dérangés que le Messie, le Fils de Dieu naisse dans une étable ? N’y a-t-il pas de quoi être dérangés par cette histoire de Jésus, sa prédication, son message ?

    - les premiers seront les derniers

    - on ne peut servir Dieu et l’Argent

    - le berger abandonne 99 brebis pour chercher la centième

    - tous les ouvriers seront payés la même chose...

    Ce message n’est-il pas dérangeant ? Les événements de Noël ne sont pas à l’eau de rose ! La venue du Fils de Dieu sur terre, ça met plutôt la pagaille, ça peut nous mettre mal, nous déranger.

    Jésus appelle au changement, à la transformation du monde.

    Dieu appelle à la justice, au partage, à la considération de tous, pas seulement de nos semblables.

    Dieu est appel à regarder le monde autrement, à bouger les lignes, les frontières, à faire vraiment attention à notre prochain. Et, cela, ça dérange.

    Nous laisserons-nous déranger... un petit peu plus que d’habitude ?

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

     

  • Conte : Les Trois Brigands

    Veillée du 24 décembre 2018

    Esaïe 9 : 1 - 6       Matthieu 2 : 1 - 12

    Conte : Les Trois Brigands

    Retrouvez le texte du conte de Noël ici

  • Matthieu 1. La généalogie de Jésus selon Matthieu

    25.11.2018

    La généalogie de Jésus selon Matthieu

    Es 11 : 1-10        Mt 1 : 1-6 + 16-17

     

    télécharger le texte : P-2018-11-25.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Il est plutôt rare de se pencher sur la généalogie de Jésus, ou faudrait-il dire sur les généalogies de Jésus, car autant Matthieu que Luc (Luc 3:23-38) nous ont transmis, chacun, une généalogie de Jésus. Le problème, c'est que les deux généalogies ne concordent pas. Sur plus de 70 noms, ils en ont 15 en commun !

    Cela indique déjà une première chose, c'est que la présence de ces généalogies de Jésus n'a pas une portée ou une destination historique, mais une visée théologique. Chaque évangéliste essaie de faire passer un message à ses lecteurs et ces messages sont différents chez Matthieu et chez Luc.

    Aujourd'hui, je ne vais m'occuper que de celle de Matthieu. Sa généalogie commence par une sorte de titre : "Généalogie de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham." (Mt 1:1) Ce titre nous donne les deux jalons les plus importants de cette généalogie. En tant que Fils de David, Jésus s'inscrit dans la lignée royale d'Israël, lignée de ceux qui sont oints. Ce mot "oint" se dit "messiah" en hébreu, qui a donné directement "messie" en français et "christos" en grec, qui est Christ dans le nom Jésus-Christ. Le Messie qui est attendu doit sortir de la lignée de David.

    En tant que fils d'Abraham, Jésus s'inscrit dans la lignée des hommes de foi, des croyants et des héritiers des promesses de l’Ancien Testament.

    Ainsi, Matthieu va-t-il construire sa généalogie en trois étapes, en trois sections de 14 générations.

    1) les descendants d'Abraham

    2) les descendants de David

    3) les exilés revenus au pays.

    Examinons ces trois sections. Abraham est père d'Isaac, lui-même père de Jacob (et d'Esaü). Nous avons là les trois patriarches, bien connus par les récits de la Genèse. Jacob aura 12 fils et 1 fille ! Juda est l'ancêtre qui a donné son nom à la tribu de Juda, celle qui deviendra avec la tribu de Benjamin le Royaume de Juda. Ce Royaume a pour capitale Jérusalem. Au retour de l'exil, la tribu de Juda sera la détentrice de la Torah et des traditions. De Juda vient le mot "judaïsme" et "juif."

    C'est de Juda, le quatrième fils de Jacob que naissent Pérès et Zéra qui sont des jumeaux. Il y a à leur sujet une petite anecdote d'où vient l'idée que l'aîné de deux jumeaux est celui qui naît en second. En effet, Pérès est né le premier, mais c'est Zéra qui est l'aîné ! En fait, Zéra a sorti sa main en premier, la sage-femme a accroché un fil rouge pour le désigner comme l'aîné, mais il a retiré sa main et c'est Pérès qui est né en premier. Il y a toujours des problèmes de préséance entre jumeaux dans la Bible.

    Pérès est le père de Hesron, qui est père de Ram, qui est père d'Amminadab, qui est père de Nachon. Nachon est le chef de la tribu de Juda lorsque Moïse conduit les hébreux au Sinaï. Une des filles de Nachon, Élisabeth, est la femme d'Aaron, le frère de Moïse. Nachon est le père de Salman, Salman aura un fils avec Rahab, une femme de Jéricho. Rahab est cette femme qui a sauvé deux espions hébreux qui étaient en mission de reconnaissance pour la prise de Jéricho. Sa collaboration lui vaudra la vie sauve — avec sa famille — lors de la prise de Jéricho pendant la conquête de Canaan. Avec elle, Salman a engendré Booz. Booz, on le retrouve dans le livre de Ruth. Ruth est moabite et veuve du fils de Noémi. Elle raccompagne sa belle-mère de Moab à Bethléem. Elle est pauvre et étrangère et rencontre Booz en glanant dans ses champs. Ils deviendront les parents d'Obed.

    Obed aura pour fils Jessé et pour petit-fils David. Ruth est donc l’arrière-grand-mère du Roi David. "Un rameau sort du vieux tronc de Jessé” nous dit le prophète Esaïe (Es 11:1) ou du vieux tronc d'Isaï comme le chante le cantique de Noël. C'est la promesse messianique qui repose sur David et ses descendants. Avec David nous sommes à la fin de la première partie de la généalogie de Jésus et au début de la deuxième.

    La deuxième liste est composée exclusivement de Rois de Juda. Matthieu en cite 14 sur les 19 qui ont régné. Salomon, Roboam — qui crée le schisme avec le Royaume du nord. Abia, Asaf, Josaphat — qui était très pieux; par contre, son fils Joram massacre ses six frères pour s'assurer le pouvoir. Ozias — le roi lépreux. Yotam et Achaz furent idolâtres. C'est à cette époque que le royaume du nord, la Samarie, tombe entre les mains de l'Assyrie.

    Ézéchias restaure le culte du Dieu d'Israël, mais Manassé réintroduit le culte des idoles, il sacrifie même un de ses fils à Moloch. Amon se conduit aussi mal que son père, mais Josias, son fils, introduit une grande réforme religieuse s'inspirant du Deutéronome. Son fils Yekonia sera le dernier roi de Juda, il est déporté à Babylone. C'est la fin de la deuxième section de la généalogie de Jésus.

    Le meilleur y côtoie le pire ! Mais cela ne dérange pas Matthieu, au contraire. L’évangéliste mentionne 4 femmes — en plus de Marie la mère de Jésus — dans sa généalogie : Tamar (Genèse 38), une femme rejetée, qui doit ruser pour faire valoir ses droits, Rahab (Josué 2 et 6), une prostituée, Ruth (livre de Ruth) une étrangère et Bethsabée (2 Samuel 11), une femme séduite. Ce n’est pas brillant, mais ce n’est pas pour dévaloriser ces femmes. Je pense plutôt que c’est une forme de réhabilitation. Quel que soit le parcours de chacun-chacune, les violences subies ou l’origine, il y a une place dans la lignée du Messie.

    Cette généalogie renforce l'humanité de Jésus, il n'a pas été parachuté "tout beau, tout propre" depuis le ciel sur la terre. Il est ancré dans l'histoire d'Israël.

    La troisième section de la généalogie de Jésus me laisse perplexe. A part Zorobabel et son père Chéaltiel, il n'y a que des inconnus. Des noms, mais aucune information sur quiconque, rien même sur le père de Joseph. Il y a là dix générations dont les noms ne proviennent pas des récits retenus par la Bible juive et chrétienne. Mais les noms sont courants dans le peuple d'Israël.

    Ces trois sections nous disent que Jésus appartient au peuple de Dieu, à l'histoire du peuple juif. Il récapitule en lui toute cette histoire, avec ses hauts et ses bas, ses bienfaits et ses méfaits. Beaucoup de ces ancêtres de Jésus se sont fait remarquer par des actions immorales ou idolâtres, comme d'autres pour leur compassion ou leur droiture. Parfois, comme je l'ai dit, le meilleur et le pire se côtoient dans le même individu — il suffit de penser à David et ce qu'il a fait pour obtenir Bethsabée (envoyer son mari Urie au front pour qu'il s'y fasse tuer, 2 Samuel 11:15).

    Toute cette humanité, complexe, tortueuse, voulant faire le bien, mais empêtrée dans ses pulsions et ses motifs troubles, tout cela est repris par Jésus, en Jésus, pour être porté en même temps sur la croix et dans la résurrection.

    Alors, lorsque nous regardons nos histoires,— nos généalogies ou nos existences — nous pouvons être certains qu'elles sont aussi reprises, récapitulées, rachetées par Jésus.

    C'est ce Messie porteur de pardon et de paix que nous nous apprêtons à accueillir et à fêter dans le temps de l’Avent qui va s’ouvrir devant nous.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Petite introduction à l’Apocalypse

    Apocalypse 1

    11.11.2018

    Petite introduction à l’Apocalypse

    Apocalypse 1 : 9-13+17-18        Apocalypse 6 : 9-17        Apocalypse 7 : 9-17

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    S’il y a un livre difficile à lire dans la Bible, dans le Nouveau Testament, c’est bien le livre de l’Apocalypse. Ceux d’entre vous qui suivent les lectures de Pain de ce Jour l’on sûrement éprouvé ces derniers jours. Dans l’Apocalypse nous sommes bombardés d’images : trompettes, lampes, étoiles, anges, chevaux, livres, sceaux, robe blanche, Agneau etc. Le risque, c’est d’être noyé sous ces images et de perdre la vue d’ensemble, la visée générale de cette révélation (ce qui est le sens du mot apocalypse, révélation et non pas catastrophe).

    Cette révélation est reçue par Jean de Patmos, qui n’est pas Jean l’évangéliste. Jean a été persécuté et a dû s’exiler sur l’île de Patmos où il reçoit cette révélation. S’il faut une révélation pour comprendre ce qui ce passe, cela signifie que le monde n’est — à ce moment-là — pas directement compréhensible.

    En fait les Eglises sont persécutées par le pouvoir romain en raison de leurs croyances et de leurs pratiques. Aimer son prochain fait de vous une cible pour la violence de l’État. C’est donc le monde à l’envers. N’importe quoi peut vous tomber dessus. C’est dans cet univers violent et chaotique que Jean fait entendre sa révélation.

    Dans ce contexte de persécution, d’injustice, le message de Jean c’est que — sous une couverture d’absurde — les choses ont un sens. Sous le chaos, il y a une autre réalité, celle de Dieu. Il y a une espérance dans le désespoir actuel ; il y aura une réhabilitation après les traitements injustes ; il y aura un retour des valeurs de justice après la violence.

    Les valeurs chrétiennes ont toujours du sens, elles restent bonnes, même si elles sont cause de malheur dans le temps présent. Ce n’est pas parce que les tyrans, les méchants ont l’avantage — en ce moment— que le mal est bien. Ce n’est pas parce que les méchants réussissent, ont du succès, qu’il faut les imiter et abandonner les valeurs éthiques.

    Les valeurs chrétiennes — celles qui sont énoncées dans les Béatitudes — sont à première vue des valeurs « faibles », c’est-à-dire qu’elles n’ont aucun poids, aucune persuasion contre les gens violents. En surface elles paraissent faibles et nulles. Mais dans le fond, elles donnent tout son sens à la vie humaine et relationnelle.

    Le message de Jean dans l’Apocalypse vient dire que Dieu est toujours derrière ces valeurs — aussi faibles qu’elles puissent paraître dans un monde violent et destructeur. En fin de compte, ce sont ces valeurs des Béatitudes qui l’emportent. C’est la force faible de l’Agneau.

    L’Agneau est la figure centrale du livre de l’Apocalypse. L’Agneau représente le Christ, une figure paradoxale qui finira par régner sur univers. Le pouvoir de l’Agneau est encore caché dans ce monde. Mais l’Apocalypse lève le voile sur ce règne présent et futur. Règne caché dans le présent, révélé dans le futur. L’exemple de ce mouvement « caché–révélé », c’est la vie et la mort du Christ, l’Agneau de la Pâque « immolé pour nos péchés » selon les formules liturgiques.

    Au sein des persécutions, Jésus est présent aux côtés des persécutés puisqu’il a vécu le même calvaire. Il a enseigné, il a été rejeté, persécuté. Il a été mis à mort et Dieu l’a ressuscité. Nous le récitons ainsi dans le Symbole des Apôtres : «il est né de la vierge Marie, il a souffert sous Ponce Pilate, il a été crucifié, il est mort, le troisième jour il est ressuscité des morts, il est monté au ciel, il siège à la droite de Dieu. »

    C’est l’exemple de vie donné par Dieu et celle de l’Agneau, figure faible, mais qui manifeste le règne de Dieu : une image paradoxale ; un antidote à tout pouvoir tyrannique ; un exemple pour chaque être humain.

    Il n’est pas attendu de chaque être humain d’être un héros, surtout dans les persécutions. À l’image de l’Agneau il est possible d’accepter nos faiblesses, nos vulnérabilités, nos infirmités. Être faible comme un agneau, ce n’est pas négatif aux yeux de Dieu, c’est être à l’image du Christ.

    Dieu se méfie de ceux qui prétendent être des surhommes. Il a une attention toute particulière à tout ce qui est perdu, vulnérable, faible, dépendant. Pour ceux-là, Dieu promet une robe blanche, un avenir, une réhabilitation. Celui qui ne se sent pas assez fort pour s’en sortir par lui-même, c’est celui vers qui Dieu se penche et qu’il relève.

    Jean donne un message pour ses contemporains, persécutés comme lui : tenez ferme dans vos convictions, le Seigneur finira par les faire triompher, les tyrans seront vaincus.

    Ce qu’on peut traduire de différentes façons aujourd’hui :

    - Le droit, à long terme, a plus d’avenir que la violence déchaînée.

    - La démocratie, toute fragile quelle est face à la violence, est le moins mauvais système politique.

    - Dans le sport, celui qui arrive en trichant n’aura pas la même saveur de la victoire que celui qui y arrive avec fair-play.

    Jean nous dit, au fond, que le bonheur n’a rien à voir avec la réussite telle que la société la conçoit. Le bonheur est dans l’application des valeurs évangéliques celles que Jésus l’Agneau a mises en pratique, dans l’abaissement, le service et le don de soi. C’est cela que Dieu valorise toujours.

    Jean appelle ceux qui sont dans le malheur et victimes d’injustices à en appeler à Dieu, à attendre de Dieu le relèvement, la réhabilitation. Car derrière le chaos du monde et des malheurs, Dieu est toujours attentif à nous. Les valeurs des Béatitudes continuent à avoir du prix, même quand ces valeurs sont moquées et bafouées par une société du succès et de l’apparence.

    Jean nous appelle à ne pas désespérer, car le plan de Dieu est la réhabilitation de toutes les victimes, et l’établissement de la Jérusalem céleste où « Dieu effacera toutes larmes de leurs yeux.» (Apoc 7:17)

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Un Royaume ouvert à tous.

    Luc 18

    4.11.2018

    Un Royaume ouvert à tous.

    Esaïe 55 : 1-5          1 Timothée 1 : 12-16         Luc 18 : 9-14

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    En fêtant aujourd’hui le dimanche de la Réformation, nous rappelons la redécouverte géniale de Luther de la gratuité du salut. Luther la redécouvre dans les écrits de l’apôtre Paul, particulièrement dans la lettre aux Romains et dans la lettre aux Galates.

    Pour ma part aujourd’hui — après un détour chez Paul aussi — j’aimerais souligner combien ce salut gratuit est déjà pleinement présent dans l’enseignement de Jésus. Tout vient de Jésus, Paul lui-même le reconnaît dans ces quelques paroles autobiographiques qu’il écrit à Timothée.

    Paul souligne qu’il persécutait l’Eglise du Christ, et que c’est précisément là que — je le cite — « le Seigneur a répandu avec abondance sa grâce sur moi. Il m’a accordé la foi et l’amour qui viennent de Jésus-Christ » et il continue en disant : « Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Je suis le pire d’entre eux. (...) Le Christ a démontré en moi — le pire des pécheurs — toute sa patience, toute sa générosité. » (1 Tim 1 : 14-16)

    Le mot « patience » (trad. français courant), ou « générosité » (trad. TOB) que Paul utilise ici est « macro–thumia » en grec. « Macro » — vous l’avez reconnu — veux dire grand, énorme. « Thumia » c’est le sentiment passionné, le cœur non pas comme organe, mais comme la qualité de cœur. Paul reconnaît donc que dans son état de total éloignement de Dieu, Jésus a fait preuve d’une totale grandeur de cœur ou largesse d’esprit en le récupérant, en le noyant dans son amour.

    La question qui se pose : est-ce le Christ idéalisé par Paul qui a fait cela ? Où est-ce déjà le Jésus qui enseigne au milieu de ses disciples ? La parabole du pharisien et du collecteur d’impôts va nous montrer que cela remonte bien au Jésus qui enseigne ses disciples.

    Luc nous rapporte cet enseignement, et il est bien précisé que c’est une parabole, pas une scène de rue. Si c’est une parabole, c’est qu’elle contient une vérité essentielle sur Dieu et son rapport à l’humain.

    Dans cette parabole, il y a un homme juste, le pharisien, qui s’applique consciencieusement à essayer de plaire à Dieu, un bon paroissien quoi. Et Jésus ne le méprise pas. L’autre fait partie — du point de vue de la population — de la pire espèce économique. Aujourd’hui il faudrait peut-être prendre comme exemple un trafiquant d’armes ou le dirigeant d’un atelier de couture clandestin, deux catégories de personnes qu’on va déclarer « exploiteurs » et donc aussi détestables qu’un collecteur d’impôt à l’époque.

    Chacun de ces deux hommes est conscient de son état et de la façon dont on les considère. Ils se reconnaissent dans ce miroir que la société leur tend, l’un se sait honorable et l’autre se sait misérable, mauvais. Ils sont à égalité dans cette auto reconnaissance. Et voilà que la parabole reconnaît cette égalité et fait remonter cette égalité jusque dans le regard de Dieu.

    En fait, l’amour de Dieu pour ces deux hommes est si généreux que la différence entre les deux hommes est nivelée. La morale du pharisien ne compte pas plus que l’immoralité du marchand d’armes. « Cet homme (le collecteur d’impôts) était en règle avec Dieu » dit Jésus (v.14). Ce récit « devient une parabole à propos de Dieu en tant que dispensateur d’un pardon inconditionnel.»*

    La parabole « suggère même une certaine priorité du pêcheur (...) un peu à la manière dont aux urgences les blessés graves reçoivent la priorité par rapport aux blessés plus légers ».* Jésus n’avait-t-il pas déjà dit : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin d’un médecin, mais les malades » ? (Luc 5:31)

    Jésus est totalement à contre-courant de tout objectif moraliste. Le salut, la relation à Dieu n’est pas une affaire de morale, de comportement, de bien ou de mal. Heureusement, sinon nous serions tous perdus, tous irrémédiablement coupés de Dieu. Le Royaume de Dieu ne correspond ni à notre système moral, ni à notre système économique. Le Royaume de Dieu concerne ce qui est perdu (une brebis, une drachme, un fils, Luc 15) et que Dieu recherche inlassablement.

    Jésus fait scandale avec ses propos, avec cette largesse d’esprit (macro-thumia). Il fait scandale de son temps — et cela va contribuer grandement à le diriger vers la croix. Mais cela fait aussi scandale dans l’Eglise même. C’est si scandaleux pour Luc lui-même, qu’il ne peut se retenir d’assassiner cette parabole en y ajoutant une autre conclusion : «Qui s’abaissera sera élevé, et qui s’élève sera abaissé.» Cette phrase, Jésus l’a bien prononcée (Luc n’invente rien), mais il l’a prononcée à la suite d’une réception ou chacun essaye de prendre la meilleure place à table (Luc 14:7-11). En réduisant cette parabole de Jésus en un conseil stratégique pour se retrouver finalement à la bonne place, Luc émousse la parabole, il en tue le caractère scandaleux.

    Cette folie divine consiste à offrir un ticket d’entrée dans le Royaume de Dieu à tous, vraiment tous. Voilà ce que Jésus dit à ses contemporains… et à nous ! Il le dit dans la parabole des invités qui refusent de venir et qu’il remplace par ceux qui se trouvent dans les rues et n’avaient même pas reçu d’invitation (Luc 14:15-24). Jésus pousse encore plus loin lorsqu’il dit : « en vérité, les collecteurs d’impôts (encore eux !) et les prostituées arriveront avant vous dans le Royaume des cieux » (Mt 21:31). Jésus parle à ceux qui sont dans le Temple de Jérusalem, imaginez le scandale !

    La Réformation a fait cesser le scandale des indulgences (acheter son entrée dans le Royaume de Dieu avec de l’argent). Elle a rétabli le message selon lequel le Royaume des cieux est ouvert à tous ceux qui croient, tous ceux qui ont la foi et qui se convertissent. Mais Jésus n’est-il pas plus large d’esprit encore — comme le reconnaît Paul pour lui-même, le pire des pécheurs, qui a été aimé avant sa conversion ? Que faisons-nous de l’accueil inconditionnel de Jésus à tous les pécheurs ? Avant même une hypothétique conversion ?

    A nous de mettre en œuvre — vraiment — cette largeur d’esprit de Jésus, qui est le reflet de l’amour infini et inconditionnel de Dieu. A nous de la mettre en œuvre vraiment dans nos Eglises, comme un exemple de vivre ensemble pour toute la société. C’est ce défi que la Réforme a ébauché. A nous d’élargir cette ouverture à tous, vraiment tous. C’est le défi de Jésus : sans cesse ouvrir les portes, élargir nos cœurs.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

     

    * John D. Caputo, La faiblesse de Dieu, Genève, Labor et Fides, 2016, p. 298-299.

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