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Clamans - Page 11

  • Exode 33. Voir Dieu après-coup.

     

    Exode 33

    26.5.2019

    Voir Dieu après-coup.

    Exode 33 : 18-23          Jean 14 : 8-11

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Moïse, et Philippe le disciple, font la même demande, ils veulent voir Dieu ! C'est notre aspiration humaine, une aspiration qui traverse le temps et l'espace, qui agite tout humain. Voir Dieu. Enfin savoir, enfin avoir une certitude. Plus encore, pouvoir maîtriser, contrôler notre vie, notre chemin, notre destin.

    Mais la Bible nous dit qu'il est impossible, incompatible de voir Dieu et de vivre. La Bible pose cela comme un principe, un axiome, sans explication, comme une évidence. Cela souligne la différence, la distance entre Dieu et l'humain, une distance de fait, comme l'eau et le feu, comme la matière et l'anti-matière, ou encore comme l'obscurité et la lumière. L'obscurité ne peut pas se maintenir dans la lumière, c'est incompatible, de fait. Voilà pour la distance.

    Pourtant, Dieu n'a de cesse de vouloir s'approcher de l'humain. Dieu n'a de cesse de nous adresser la parole. Dieu n'a de cesse d'attirer notre attention ! Dieu n'a de cesse de vouloir rompre cette distance, nouer un contact, créer une relation.

    Mais cette relation ne peut pas être directe, sans intermédiaire, sans médiation. C'est ce que disent, parallèlement, le récit de Moïse et l'entretien entre Jésus et Philippe.

    Dans l'Ancien Testament, la relation directe est symbolisée par la vue, le regard, la vision. La relation indirecte est symbolisée par l'ouïe. Dieu parle aux prophètes, aux rois, à Moïse et ces derniers retransmettent ces paroles au peuple.

    Un interdit sur la vue de Dieu est placé dans le Décalogue : "Tu ne te feras pas d'image de Dieu." Faire une image, c'est enfermer Dieu dans notre vision de lui, c'est en prendre possession, prétendre à le contrôler, à le maîtriser. C'est outrepasser la juste relation à Dieu.

    Comment conjuguer l'impossibilité de voir Dieu et son désir de se révéler, de se faire connaître ? Comment conjuguer l'impossibilité de voir Dieu avec notre soif de le connaître, de le découvrir ? Le récit de la demande de Moïse à voir Dieu nous en donne quelques pistes.

    Remarquez : Dieu ne repousse pas la demande de Moïse, il y répond même : il va faire passer sa gloire et proclamer son nom. Mais ce processus va être accompagné de mesures de protection et d'explications sur ce que Dieu va montrer de lui-même. C'est Dieu lui-même qui va, en même temps, exaucer la demande de Moïse et le protéger du danger de sa demande.

    Il y a trois mesures de protection :

    La première, c'est que Moïse se place dans le creux du rocher, protection terrestre, abri naturel. On peut comparer cela aux mesures de protection physiques, matérielles que nous sommes tous invités à utiliser pour nous protéger le mieux possible des risques et des dangers de l'existence. Ne pas prendre inutilement des risques qui mettent notre vie en danger.

    La deuxième protection, c'est que Dieu lui-même va placer la paume de sa main sur Moïse pour le protéger. C'est la protection divine qui recouvre Moïse. C'est la protection que nous pouvons demander à Dieu dans la prière, pour tout ce que nos propres protections ne peuvent pas protéger.

    La troisième protection que Dieu offre, c'est de ne pas montrer sa face, son visage, mais de se laisser entre apercevoir, "de dos" nous dit le texte. Dieu va soulever sa main de dessus Moïse pour que celui-ci puisse apercevoir Dieu de dos, à la fin de son passage au-dessus de Moïse.

     

    C'est une vision furtive qui est offerte à Moïse, c'est une vision d'après-coup. Cela me fait penser à la vision des pèlerins d'Emmaüs, qui reconnaissent Jésus après-coup, dans la fraction du pain, alors que Jésus disparaît de leurs yeux. Je reviendrai sur cette vision "après-coup" et sa signification.

    Dieu dit aussi ce qu'il va montrer à Moïse, et c'est surprenant. Moïse demande à voir la gloire de Dieu. En termes laïcs, la "gloire", en hébreu, c'est la valeur, même la valeur marchande. La "gloire" du Liban, ce sont ses cèdres, le bois de ses cèdres. C'est la ressource du pays, ce qui en fait la valeur.

    Ce que Moïse demande à voir de Dieu, c'est ce qui en fait la valeur, sa ressource, sa qualité première. Et voici la réponse que Dieu donne à Moïse, si vous vous en rappelez : "Je vais passer devant toi en te montrant toutes mes bontés et en proclamant mon vrai nom." (Ex 33:19). Et il ajoute : ce qui me caractérise, c'est que je fais grâce et que je m'émeus de compassion.

    Le visage de Dieu présenté — en paroles — à Moïse, c'est celui de la bonté, de la grâce et de la compassion. Ce sont les qualités que l'Evangéliste Jean attribue à Jésus, celles qu'il a reçues du Père. Dans le jeu de renvoi de Jésus au Père, dans l'Evangile de Jean, il y a ce même évitement de la vue face à face. Quand Philippe demande à Jésus de "voir le Père", celui-ci lui répond : "Celui qui m'a vu a vu le Père" (Jn 14:9).

    Jésus ne peut pas montrer le visage de Dieu au ciel, mais il est lui-même le visage de Dieu sur terre, mais un visage que personne ne voit directement. En tout cas pas les adversaires de Jésus qui cherchent toujours à le mettre à mort. Mais même les disciples — et Philippe en est un exemple — n'arrivent pas à voir vraiment le visage de Dieu. Même avec Jésus parmi eux, ils ne voient Dieu que "de dos."

    Voir Dieu "de dos" signifie que l'on ne peut voir de Dieu que la trace qu'il laisse en passant. Ce n’est qu’après coup que nous nous apercevons que Dieu a passé dans notre vie.

    Notre travail, c'est de chercher sa trace, de voir son dos lorsqu'il a passé dans un moment de notre existence. Ce travail — car c'est un travail, un travail auquel renoncent nombres de nos contemporains — ce travail c'est de relire notre journée, relire notre existence, revenir sur nos faits et gestes et voir chaque fois que nous avons été protégés, accompagnés, guidés, soutenus.

    Nous pouvons, chaque soir, monter sur la montagne, nous blottir au creux du rocher et tenter d'apercevoir, furtivement, après-coup, quelle trace Dieu a laissé dans notre journée.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Jonas 1. Un Dieu de vie !

    Jonas 1

    19.5.2019

    Un Dieu de vie !

    Jonas 1 : 1-16 et 2 : 1 et 11          Matthieu 12 : 38-41

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Tout à l’heure — avant de venir ici — j’ai fait un culte avec des baptêmes au Port d’Ouchy, sur le bateau historique “La Vaudoise”. On a parfois des demandes étranges, mais comment toucher les gens si on ne fait pas un pas dans la direction ?

    C’est une famille qui est engagée dans la Société de Sauvetage d’Ouchy. Le père intervient en bateau, avec un équipage, pour sauver les gens les embarcations en détresse sur le lac. Pour l’occasion, j’ai choisi un récit biblique qui pouvait les rejoindre dans cette préoccupation de sauvetage, d’où le texte de Jonas.

    Il y a dans la Bible des récits historiques, mais il y a aussi des histoires romanesques, des fictions, des histoires inventées pour nous faire découvrir d’autres facettes de Dieu, ou de nous.

    C’est le privilège de l’écrivain de pouvoir introduire des éléments bizarres ou impossibles dans un récit pour porter un message, une symbolique. Si on rate le côté romanesque, on risque de rester bloqué par le bizarre, l’invraisemblable et rater le message.

    Le livre de Jonas et donc une fiction, mais pour nous dire quelque chose d’important et de vrai ! Que nous dit ce récit ?

    Il commence avec un homme qui reçoit une mission et cette mission lui apparaît comme impossible, irréalisable.

    Cela peut nous arriver aussi :

    - L’écolier qui sent la forte attente de ses parents qu’il fasse des études qu’eux-mêmes n’ont pas pu faire.

    - L’employé qui se voit confier un projet trop ambitieux pour lui, à ses yeux.

    - Le conjoint qui ne sait plus comment faire pour répondre aux attentes de l’autre, etc…

    Face à ses missions oppressantes, l’envie de fuite est grand. C’est ce que choisit Jonas : partir le plus loin possible. Il part de Jaffa sur la côte palestinienne et cherche à atteindre Tarsis — qui est l’Espagne — le point le plus lointain sur la mer Méditerranée.

    Il a l’air d’ignorer que lorsqu’on part, on emmène ses soucis avec soi. Sur le bateau, ses soucis, sa culpabilité se manifestent sous la forme d’une tempête qui menace également ou son entourage.

    Jonas essaye bien d’ignorer la tempête en dormant, mais le capitaine le réveille. Il faut affronter la réalité, mettre au jour le problème.

    Jonas est bien conscient que les problèmes viennent de son propre comportement. Aussi propose-t-il qu’on se débarrasse de lui en le jetant à la mer. Vous aurez remarqué que la proposition vient de lui — il est d’accord de sacrifier sa vie pour sauver l’équipage—cette solution n’est pas une proposition de l’équipage.

    Effectivement Jonas est jeté à l’eau. Une issue mortelle pour sauver le bateau et les gens, mais à quel prix ?!

    C’est là qu’intervient l’incroyable, l’impossible, le surnaturel : le sauvetage.

    Nous sommes au cœur du message de ce petit roman :

    - Le sauveteur ne doit pas mourir, et- On ne peut pas gérer la faute par l’expulsion et la mort du fautif !Il y a deux aspects :

    - “Dieu ne veut pas la mort du fautif” et - “celui qui donne sa vie, la retrouvera. ”

    Dieu ne veut pas laisser la mort triompher, quelle que soit la faute, la désobéissance. Dieu est pour la vie. Et vu ce que nous sommes, il se rend bien compte que si tout fautif devait mourir, personne ne pourrait s’en sortir.

    La punition ou la mise à l’écart est une logique humaine, celle de l’équipage, ce n’est pas la logique de Dieu.

    Ce petit roman nous le dit une fois dans ce sauvetage par le grand poisson et une fois dans la suite du texte, quand Jonas ira finalement accomplir sa mission et que la ville ne sera pas détruite — grâce à son message.

    Dieu ne veut pas la destruction, le jugement, il veut la vie, le sauvetage de tous, quelles que soient nos fuites, nos dérobades ou nos manquements.

    Dieu propose toujours le sauvetage de nos vies, quand elles traversent la tempête. Ce message de Jonas, Jésus l’offre aux pharisiens quand ceux-ci lui demandent un signe, un miracle. Que veut-il leur dire ?

    Jésus veux leur dire— et à nous alors suite— que le récit de Jonas va nous aider à lire la trajectoire de vie de Jésus lui-même. Il s’agit de faire le lien entre Jonas et Jésus pour comprendre Jésus.

    Et on voit bien les parallèles :

    - Jésus est accusé de ne pas respecter la loi de Moïse, donc d’être dans la désobéissance.

    - Il passe en procès.

    - Il donne sa vie, il accepte la mort.

    - Il passe du temps au tombeau, comme Jonas dans le ventre du grand poisson.

    - Il revient la vie, comme Jonas retrouve le rivage.

    En cela Jonas est une figure annonciatrice du Christ, de la volonté constante de Dieu de rectifier son image. Il n’est pas une Dieu de punition et de mort, mais un Dieu de salut et de vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Genèse 6. Après nous le Déluge ?

    Genèse 6

    5.5.2019

    Après nous le Déluge ?

    Genèse 6 : 9-22      Deutéronome 30 : 15-18

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Le récit du Déluge est choquant ! Nous dire que l’humanité est pourrie (fr c.), que le monde est dévoyé et qu’en conséquence, Dieu veut éliminer l’être humain de la surface de la terre et qu’il le fait ! Oui c’est choquant. Mais n’est-ce pas aussi ce que nous voyons aujourd’hui autour de nous dans le monde. Il y a la violence humaine directe, à travers les guerres, le terrorisme et tous les mauvais traitements. Il y a aussi la violence indirecte de nos sociétés qui conduit à la sixième extinction et au réchauffement climatique. Aussi, je crois que ce texte a du sens. Ce récit veut nous dire quelque chose d'important pour nous aujourd'hui.

    Aussi farfelus que soient les détails et le déroulement, il est maintenant presque certain qu'un fait réel est à la base de ce récit de Déluge, récit qu'on retrouve dans toutes les civilisations du Moyen Orient Ancien. Deux scientifiques américains (William Ryan et Walter Pitman*) — des géophysiciens — ont découvert le cataclysme qui est à l'origine de ces récits et qui s'est déroulé vers 5'500 ans av. J.-C.

    Pour le comprendre, il faut remonter à l'ère glaciaire. Lorsque les glaciers recouvraient toute l'Europe et une bonne partie de l'hémisphère Nord, le niveau des océans était beaucoup plus bas qu'aujourd'hui. Avec la fonte des glaces, les océans se sont mis à remonter, lentement. La Méditerranée s'est donc aussi mise à remonter. Parallèlement, ce qui est aujourd'hui la Mer Noire, était un lac d'eau douce à environ 120 mètres en-dessous de son niveau actuel. Vers 5'500 ans av. J.-C. le niveau de la Mer Méditerranée est monté au-dessus de la barrière rocheuse qui sépare la Mer de Marmara, au delà d'Istanbul, du Bosphore, et dans un cataclysme inimaginable, la mer à commencé à se déverser dans le bassin de la Mer Noire actuelle, provoquant une inondation démesurée. En quelques mois les niveaux se sont équilibrés, mais au prix de nombreuses terres définitivement englouties.

    Cet événement — cataclysmique pour les populations locales — est resté dans les mémoires de tous les peuples du Moyen-Orient Ancien. On en retrouve des traces dans leurs récits mythologiques.

    Le texte biblique — appelé communément le Déluge, mais dont le terme utilisé signifie "inondation" ou "cataclysme" — essaie de faire, longtemps après, une interprétation théologique de cet événement !

    On peut donc voir dans ce récit le travail de pensée, de réflexion de croyants qui se demandent : d'où vient une pareille catastrophe ? Quelle est l'implication de Dieu ? Sommes-nous tous, toujours menacés ? L'existence est-elle alors absurde, ou bien y a-t-il pour nous une promesse de vie ? Y a-t-il un signe qui nous rappelle cette promesse ?

    Ce récit nous donne donc à réfléchir et cherche à nous donner des réponses qui ont du sens, des réponses qui prennent sérieusement en compte l'existence du mal dans le monde.

    Si l’on écoute attentivement les experts, aujourd’hui il n’y a pas besoin d’un jugement de Dieu pour que la planète soit en danger. Nous allons tout seul vers notre propre destruction. Les signes sont là, visibles. Nous sommes avertis.

    C’est là que le récit du Déluge est intéressant. Il a un message pour nous aujourd’hui. Comment le récit est-il construit ? Il y a trois éléments qui se succèdent :

    1. D’abord la constatation du mal et le jugement sur ce mal. Il y a un mal si grand sur la terre que cela constitue une menace, une menace sur la vie, autant animale qu’humaine. Il faut s’occuper de ce mal, le traiter pour permettre un nouveau départ. Cela passe par l’anéantissement de l’humanité !
    2. Ensuite, il y a une cependant une grâce, un salut, une volonté de préservation. La destruction ne doit pas être totale, il faut la possibilité d’un nouveau départ. Noé est avertit. Dieu lui fait part d’un plan.
    3. Enfin, il y a l’action qui conduit au salut. Comment cela se passe-t-il ? Il y a deux phases. La part de Dieu et l’œuvre de l’humain.

    L’action divine consiste à avertir Noé de ce qui va se passer et de lui donner quelques informations pratiques. Ensuite, c’est à Noé de mettre en œuvre, à prendre les mesures concrètes. Pratiquement, il doit croire que l’avertissement est sérieux, il doit mobiliser ses ressources et sa volonté et se mettre au travail pour construire l’arche. Cela nous enseigne trois choses.

    1. Il y a des avertissements. Nous avons assez de rapports sur l’état de la planète, de la nature pour prendre conscience que notre société humaine ne peut pas continuer à vouloir croître, en confort, en consommation et en nombre sur une planète limitée. Nous sommes avertis, comme Noé l’a été de ce qui va advenir.
    2. Il n’y aura pas de sauvetage matériel miraculeux de la part de Dieu. La part de Dieu c’est de nous ouvrir les yeux. Sa Providence nous a donné une intelligence et une science qui nous permettent d’observer le monde et de voir ce qu’il va arriver. Le constat est fait, il est évident. Tout est entre nos mains.
    3. C’est donc à nous de nous mobiliser. Comme le dit la jeune Greta Thunberg, les outils et les solutions pour sauver la planète sont déjà là, ils sont connus, ils sont disponibles. Mais il manque la volonté de se mettre en marche.

    Nous sommes comme un Noé qui a reçu l’avertissement du Déluge, mais qui se dit : « buvons encore une bière et profitons de ce beau coucher de soleil. Je ne vais pas m’embêter à renoncer à mon confort, dépenser mes sous à construire un bateau et chercher tous ses animaux. Encore moins à m’enfermer tout ce temps, inconfortablement, dans un espace restreint... Je transmettrai l’information à mes enfants et ils s’en occuperont... »

    Est-ce responsable ? Le problème actuel de notre société, c’est notre peur de perdre. Nous ne voulons pas renoncer à nos acquis, à notre confort, à notre luxe. Nous ne voulons rien sacrifier aujourd’hui, pour infléchir l’avenir. Mais plus nous attendons, plus il sera difficile de prendre le virage indispensable à la survie de l’humanité sur notre planète. Noé aurait-il pu construire son arche avec les pieds dans l’eau ?

    Nos Eglises ont un rôle à jouer dans la transition écologique vers une société durable, c’est-à-dire vers une société qui vive sur ce que produit réellement la planète et pas en puisant de manière illimitée dans ses réserves.

    Nous confessons un Dieu bienveillant pour l’humanité, un Dieu qui prend soin des humains. Un Dieu qui nous a confié le monde comme un jardin pour l’entretenir, pas pour le détruire. Mais il ne va pas nous fournir une seconde planète après que nous ayons détruit la première. Il nous a donné un code de conduite et une intelligence pour recevoir les avertissements — à la manière de Noé pour choisir la VIE (Deut. 30:15-18).

    Qu’allons-nous faire de cela ? Aurons-nous le courage de Noé de recevoir l’avertissement que la planète est au bord de la destruction ? Allons-nous nous mettre au travail — même avant les autres — pour sauver le monde vivant ? Allons-nous changer de mode d’existence pour que la vie sur terre soit encore possible pour les générations suivantes, qui sont celles de nos enfants et de nos petits-enfants ?

    Ou bien serons-nous ceux qui disent « Après nous le Déluge... ? »

    Amen

     

    * William Ryan et Walter Pitman, Noah’s Flood, New York, Simon & Schuster, 2000.

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Luc 24. Pâques : Dieu au côté des victimes

    Luc 24

    21.4.2019

    Pâques : Dieu au côté des victimes

    Esaïe 53 : 7-12      Luc 24 : 33-48

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  • Jean 19. Vendredi-saint : Jésus, agneau de Dieu.

    Jean 19

    19.4.2019

    Vendredi-saint : Jésus, agneau de Dieu.

    Exode 12:1-8+12-14      Jean 19:16-30      Jean 19:31-37

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  • Marie comprend le destin de Jésus

    Jean 12

    7.4.2019

    Marie comprend le destin de Jésus

    Romains 5 : 6-11     Jean 12 : 1-8

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    Mon message va porter sur le récit de la femme qui verse du parfum sur les pieds de Jésus. Cependant, je n’ai pas voulu en faire un sujet de réflexion (nous l’avons fait lors de l’étude biblique). J’aimerais vous entrainer à l’intérieur du récit, au plus près des personnages, de leur vécu, de leur ressenti. J’ai imaginé qu’un serviteur, présent à ce souper, ayant assisté à cette scène, se rappelle ce qui s’est passé, ce qu’il a vécu.

    C’est une immersion à laquelle je vous invite. Si le cœur vous en dit, vous pouvez fermer les yeux et commencer à imaginer. C’était dans une salle à manger antique, les murs sont en terre crue, avec quelques alcôves. Les lits ont été rangés contre les murs pour permettre de balayer. Le serviteur se met à balayer… Il pense.

    « L'odeur n'a jamais disparu... Cela fait pourtant des années... Combien de temps cela fait-il ? J'étais déjà au service de Madame Marthe depuis un an lorsque c'est arrivé. Cela doit bien faire quinze ans maintenant. Mais je m'en souviens comme si c'était hier. Oui, chaque fois que je reviens dans cette pièce je sens l'odeur de ce parfum et tout me revient, aussi nettement que si c'était hier.

    Ce soir-là, j'étais de service (comme tous les soirs d'ailleurs. On n'avait pas de congé à cette époque !) Je supervisais le travail des servantes, sous la direction de Madame Marthe, car il y avait du monde à servir ce soir-là. Marthe et Marie recevaient beaucoup. Elles menaient grand train de vie avec leur frère Lazare.

    Ce soir-là, elles recevaient l'homme qui avait sorti leur frère Lazare de sa tombe. Une bien étrange histoire ! C'était Jésus, celui de Nazareth. Ce soir-là, il était revenu à Béthanie, avant de se remettre en route vers Jérusalem. C'était juste six jours avant la Pâque, et personne n’envisageait ce qui allait se passer. Personne... sauf peut-être Marie, qui avait comme un sixième sens avec Jésus. Il faut dire qu'elle l'avait tant écouté, elle pouvait passer des heures assise à ses pieds à l'écouter (même que cela énervait sa soeur !). Elle enregistrait toutes les paroles de Jésus. Elle l'avait pris pour maître de pensée, elle était pendue à ses lèvres.

    Ce soir-là, il y avait beaucoup de monde autour de la table. Il y avait Jésus, avec ses douze compagnons, et puis il y avait Marthe et Marie et Lazare qui mangeait tout près de Jésus. Mais ce n'était pas un repas ordinaire, on sentait une tension dans l'air, c'était palpable, c'était pesant comme si un orage était sur le point d'éclater.

    La discussion était très vive entre les disciples, car Jésus venait d'annoncer qu'il allait monter à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Or chacun savait que les chefs des prêtres et les Saducéens voulaient arrêter Jésus. Ils avaient déjà voulu arrêter Lazare à cause du tumulte que faisaient tous ceux qui voulaient voir "l'homme qui était sorti de sa tombe après quatre jour" ! Dans la discussion j'entendais Jacques, le frère de Jésus, demander : "Pourquoi aller se jeter dans la gueule du loup ? Revenons l'an prochain à Jérusalem quand tout sera calmé." Mais Pierre répliquait : "Je ne laisserai pas Jésus être arrêté. J'ai quelques relations à Jérusalem, ou bien je me battrai et je défendrai mon maître !

    Jésus se tenait silencieux pendant cette discussion.

    Alors Judas pris la parole pour dire que, justement, il fallait que Jésus entre à Jérusalem. Son entrée serait un triomphe. Il voyait déjà la foule couper des rameaux aux arbres et les poser par terre pour faire un chemin, les autres étaler leurs manteaux comme un tapis rouge sous les pas de Jésus. Pour sûr, on pourrait même lui trouver un âne pour faire son entrée triomphale à Jérusalem, comme un vrai prophète. Une fois dans la ville, Judas se faisait fort de recruter une troupe d'hommes de mains pour écraser la petite garnison de Ponce Pilate et prendre le pouvoir. Ce serait l'occasion de se débarrasser une fois pour toute des romains.

    Judas en rajoutait : "Je tiens la caisse, on a de l'argent pour recruter, et puis voyez — il montra un vase contenant un parfum précieux qui était posé dans une alcôve, le parfum qui avait été acheté après la mort de Lazare et qui devait servir à embaumer son corps, mais dont on ne s'était pas servi puisque Jésus l'avait sorti de sa tombe — voyez, ce parfum, on pourrait le vendre et cela nous procurerait encore trois cents pièces d'argent avec lesquelles on pourrait recruter une bonne troupe de pauvres bougres qui se battraient pour nous." Judas s'était emporté, certains disciples criaient pour soutenir sa proposition, d'autres s'y opposaient, c'était un vrai tumulte, on ne s'entendait plus dans cette salle. Les uns après les autres, chaque disciple y allait de ses commentaires sur ce que Jésus devait faire.

    Depuis où j'étais, je voyais que Marie aurait voulu dire quelque chose, mais comment un femme pourrait-elle se faire entendre dans un tel brouhaha ? Alors, j'ai vu Marie s'approcher de l’alcôve, prendre le vase de parfum, s'approcher de Jésus, s'agenouiller devant lui et verser tout le parfum sur ses pieds. Personne n'avait remarqué les gestes de Marie, à part Jésus et moi. Mais l'odeur du parfum s'est répandu dans la pièce. Cela sentait tellement bon et tellement fort que le brouhaha s'est évanoui d'un coup et le silence s'est installé.

    Un silence que seul habitait encore le bruissement des cheveux de Marie sur les pieds de Jésus. Puis, comme elle relevait son visage, le silence fut rempli du regard que s'échangeaient Jésus et Marie. Le silence était complet, mais il était habité par ce regard et par cette odeur...

    C'est alors que j'ai compris ce que Marie devait avoir compris longtemps avant moi et que Jésus approuvait. J'ai compris quel devait être le destin de Jésus. Dans ce parfum, il y avait toute l'histoire que Jésus allait vivre dans les jours suivants.

    Ce parfum disait tout. Il disait la mort prochaine de Jésus. Il disait que Jésus acceptait cette mort. Jésus n'allait-il pas prendre la place de Lazare dans la tombe, puisqu'il recevait le parfum qui lui était destiné ? Jésus n'allait-il pas prendre la place de chacun de nous, dans la tombe qui nous était destinée, pour que nous vivions ?

    Ce parfum nous disait donc sa mort, une mort annoncée, une mort acceptée. Mais ce parfum répandu en ce jour, ce parfum — qui s'était écoulé sur les pieds de Jésus et répandu sur le sol de cette pièce qu'il embaume encore aujourd'hui — ce parfum ne pourrait plus servir pour prendre soin du corps de Jésus dans sa tombe !

    Qui l'a réalisé sur le moment même ? Marie sûrement, Marthe aussi. N'avait-elle pas entendu Jésus lui dire : —"Je suis la résurrection et la vie" lorsqu'ils se trouvaient ensemble devant le tombeau de Lazare ? Le parfum, dans ce moment de silence intense, disait tout, la mort et la résurrection.

    Et Jésus l'acceptait. Et Jésus était reconnaissant envers Marie d'avoir fait cesser le tumulte de ses disciples qui essayaient de le détourner de son destin.

    Qui comprenait mieux Jésus que les femmes qui l'accompagnaient ? Voilà, chaque fois que j'entre dans cette pièce, l'odeur de ce parfum me rappelle tout cela. Le parfum avait dit vrai, Jésus est mort, mais Dieu l'a ressuscité des morts, la tombe ne l'a pas retenu. Jésus a donné sa vie pour nous, la mort ne peut retenir personne dans la tombe, et Marie l'a cru avant nous tous. »

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

     

  • Actes 8. Philippe et l’éthiopien

    Actes 8

    10.3.2019

    Philippe et l’éthiopien

    Esaïe 53 : 1-11          Actes 8 : 26-39

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  • Matthieu 5. Le monde à l’envers !

    Matthieu 5

    17.2.2019

    Le monde à l’envers !

    Matthieu 16 : 21-26         Matthieu 5 : 1-10

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    L'Evangile de Matthieu contient le texte le plus connu des évangiles — après le Notre Père — les Béatitudes. Ces Béatitudes ouvrent un discours de Jésus qu'on a surnommé le Sermon sur la Montagne. Jésus y expose en quelque sorte son programme, le cœur de sa pensée : Il est venu accomplir la Loi de Moïse; à travers lui, le Royaume des Cieux s'est approché. Cette présence du Royaume des Cieux, cette proximité de Dieu change, transforme, transfigure la réalité vécue des croyants. Des relations nouvelles sont instaurées qui remplacent les relations anciennes, périmées.

    L'enseignement de Jésus porte sur cette nouveauté de l'irruption de Dieu dans l'existence humaine. En tant que Fils de Dieu, de Dieu prenant forme humaine — ce qu'on appelle l'incarnation — Jésus est lui-même Dieu qui s'approche de nous. Jésus transmet cette bonne nouvelle à ses disciples qui sont tout près de lui, sur cette montagne, mais Matthieu précise aussi que la foule est là. L'enseignement de Jésus n'est pas réservé à des initiés, il est destiné à tous. Et Jésus commence par déclamer les Béatitudes.

    Chacun de nous a cette musique des Béatitudes dans l'oreille, avec une traduction préférée. Mais comme il s'agit toujours de traductions, et bien il y a des variations, qui essaient, chacune, de dire au mieux ce qui a été dit par Jésus. Mais qu'a dit exactement Jésus ? Il s'exprimait sûrement en araméen ou en hébreu, or les Evangiles nous sont parvenu en grec, donc déjà en traduction. Disposer de plusieurs traductions, c'est comme avoir plusieurs instruments dans un orchestre, il faut les écouter ensemble et retenir leur harmonie.

    Voici quelques variations sur la première Béatitude :

    Celle du Psautier Alléluia (14-06) "Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux”.

    TOB : "Heureux les pauvres de cœur…

    Français courant : "Heureux ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes…

    Moins classiques, Chouraki : "En marche, les hommes au souffle de pauvres…

    La Nouvelle Traduction : "Joie de ceux qui sont à bout de souffle…

    J'aime bien cette transformation du littéral "pauvres en esprit" en concret "à bout de souffle." N'était-ce pas la condition de ceux qui suivaient Jésus — peut-être à bout de souffle de l'avoir rejoint en hâte au sommet de la montagne — mais surtout la condition de ces gens des campagnes, laissés pour compte de la vie économique et sociale, ces gens sans importance aux yeux des propriétaires ou des commerçants des villes, juste bons à être de la main d'œuvre bon marché, exploitable à merci, parce qu'incapables de se défendre ?

    A la première lecture, les Béatitudes c'est beau, c'est harmonieux, c'est idéal. Mais si l'on y réfléchit, si on lit vraiment ce qui est écrit : - Joie pour eux qui sont à bout de souffle, - Joie pour les éplorés, - Joie pour les persécutés… n'est-ce pas déplacé de parler de joie, de bonheur, n'est-ce pas déplacé de faire des promesses à ces pauvres, à ces laissés-pour-compte, n'est-ce pas un jeu cruel ou démagogique que de les laisser espérer quelque chose qui ne se réalisera jamais dans cette vie, sur cette terre ?

    A la deuxième lecture, les Béatitudes ne sont pas raisonnables, n'ont pas de sens, tout est à l'envers ! - Heureux ceux pleurent ! - Heureux les doux ! Dans notre monde, il faut être fort, il faut se battre, lutter, être compétitifs, c'est le seul moyen d'être heureux, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ce qu'on nous dit, ce qu'on nous répète, ce qu'on nous serine ? Où est la vérité ? Où est la réalité ? Ces Béatitudes sont tout le contraire de notre monde, c'est le monde à l'envers, lorsqu'on écoute les personnes importantes, les décideurs.

    Alors je vous propose de les retourner pour les remettre à l'endroit, pour voir l'effet que cela fait. Allons-y.

    - Heureux les riches, les pleins d'eux-mêmes…

    - Heureux les violents…

    - Heureux ceux qui rigolent…

    - Heureux ceux qui sont écœurés par la justice…

    - Heureux les sans cœurs…

    - Heureux les cœurs partagés, divisés…

    - Heureux ceux qui sèment le trouble, la discorde…

    - Heureux ceux qui vivent tranquilles et qui ne se mêlent de rien.

    Ça fait un drôle d'effet, cette troisième lecture ! Les Béatitudes semblaient à l'envers, mais une fois qu'on les retourne pour les mettre à l'endroit aux yeux du monde, la nouvelle formule fait froid dans le dos ! Bon, cela ressemble bien à ce que le monde vit maintenant. Mais ce monde, n'est-ce pas lui qui est à l'envers ? N'a-t-il pas besoin, et nous avec, d'entendre les Béatitudes à l'endroit !

    Après ce parcours, les Béatitudes reprennent sens. Bien sûr, Jésus n'a jamais dit qu'il venait ôter le malheur et les souffrances du monde. Il a dit qu'il venait pour souffrir, pour vivre notre souffrance. Le contraire du bonheur, ce n'est pas le malheur, c'est la désespérance, la perte du sens. Jésus vient redonner de l'espérance à l'humanité, il vient pour redonner du sens dans nos malheurs.

    Si l'on observe attentivement les situations décrites dans les Béatitudes, ce ne sont certainement pas des situations confortables, mais par contre, ce sont des situations, des attitudes, des comportements où se vit quelque chose de vrai, d'authentique, de profond. On peut rire superficiellement, du bout des lèvres, mais je n'ai jamais vu quelqu'un pleurer pour le paraître ! Lorsque Jésus dit : "Heureux…" il veut signifier que l'on touche à la vraie vie, à ce qui donne du sens à la vie, à ce qui lui donne du poids. Lorsque nous sommes sans voix, à bout de souffle, il nous ouvre l'horizon offert par Dieu. Lorsque nous sommes en pleurs, il nous dit que dans les pleurs même, il y a vie et consolation. Et il promet une vie peine de sens — mais pas sans épreuves — à ceux qui font preuve de compassion, qui créent des conditions de paix, qui luttent pour la justice et à ceux qui vivent les rétorsions que leur valent leur combat ou leur foi.

    Jésus n'a jamais promis la tranquillité à ses disciples. C'est lui-même qui ouvre la route en annonçant qu'il va monter à Jérusalem pour souffrir. Ce n'est qu'après avoir ouvert la route lui-même, qu'il engage ses disciples à porter leur croix et à entrer dans le paradoxe de la vie chrétienne : "Celui qui veut sauver sa vie la perdra; mais celui qui perdra sa vie pour moi, la retrouvera." (Mt 16:25)

    Dans les Béatitudes, Jésus propose au monde — à l’Eglise en particulier — une nouvelle façon de vivre. Pas plus facile, mais plus vraie, plus authentique. Les Béatitudes ne sont pas les valeurs du monde, mais en fin de compte, elles expriment les valeurs vraies, celles qui conduisent à la vie en plénitude.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz. 2019

  • Un parcours de vie

    Luc 15

    10.2.2019

    Un parcours de vie

    Colossiens 3 : 12-17        Luc 15 : 11-24

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Cette parabole de Jésus intitulée le "Fils prodigue" est probablement la parabole la plus connue de l'évangile. C'est aussi celle qui résume avec le plus d'intensité la bonne nouvelle de l'évangile : Dieu nous accepte inconditionnellement.

    Un danger nous guette cependant lorsque nous entendons et méditons cette parabole, c'est de "noircir" le premier fils pour faire ressortir avec plus de relief la bonté du père.

    Le père n'est-il pas d'autant meilleur que le fils est un fieffé vaurien, un gaspilleur de fortune et coureur de jupon ? Attention, cela n'est pas dans notre récit, c'est dans la suite, dans la bouche du frère aîné qui essaie de dénigrer son frère.

    Ne tombons pas dans le piège — contraire à l'évangile — de faire de cette parabole une morale pour tenir tranquille les enfants et vanter la sagesse anticipatrice des parents. Cette parabole ne nous est pas donnée comme instrument de pouvoir parental, mais comme parole libératrice pour tous ! Cherchons à entendre la parabole sans trop de parasites !

    Cette parabole nous expose un parcours de vie assez ordinaire, en raccourci.

    1) Première étape. Arrivé à l'âge adulte, un fils décide de prendre son envol, de quitter le nid familial. Il demande sa part d'héritage à son père. Rien ne nous indique qu'il y ait de la part du fils de l'agressivité dans sa demande, ou de la réticence à y répondre de la part du père. Le père partage entre ses deux fils et le cadet prend la part qui lui revient et s'en va.

    Quitter le père, la famille pour chercher son autonomie, ses propres valeurs, son propre accomplissement, sa propre personnalité, c'est le chemin normal de tout individu.

    2) Deuxième étape, le fils fait sa vie là-bas et dépense l'avoir, les biens qu'il avait reçu. Ici on pourrait bien sûr faire le reproche de n'avoir pas été prudent, économe, etc. Mais n'est-ce pas dans la nature des choses, des biens de consommation, d'être consommés. Chez nous aussi le frigo se vide chaque semaine. Le problème n'est pas qu'il se vide, c'est comment faire pour pouvoir le remplir à nouveau chaque semaine !

    En plus là-bas, la famine survient, c'est-à-dire la pénurie de tous les biens, même à acheter. Ici se joue — dans la vie du fils, mais dans toute vie, je crois — la lutte entre l'être et l'avoir. Le fils a eu l'illusion — en demandant sa part à son père — de recevoir assez pour vivre toute sa vie, comme si ces biens allaient combler les besoins de son être toute sa vie.

    Une publicité disait : "Il y a des choses qui ne s'achètent pas, pour tout le reste, il y a notre carte de crédit." Le passage que vit le fils et que nous avons tous un jour à traverser est de découvrir ce qui s'achète et ce qui ne s'achète pas, ce qui relève de l'avoir et ce qui relève de l'être. Souvent nous sommes dans la confusion, parce que tout notre environnement — un environnement essentiellement commercial — nous dit : "Consomme et tu seras heureux" c'est-à-dire : satisfais tous tes besoins d'avoir et ton être sera comblé !

    Le fils découvre qu'il a épuisé son avoir sans que son être en soit comblé. Il se découvre seul, éloigné des siens, avec un manque intérieur terrible, exprimé par la faim qu'il éprouve en regardant les porcs se gaver.

    3) Alors il se met à réfléchir. C’est la troisième étape. Il fait un voyage intérieur à la recherche de ses vrais besoins. Il réalise son manque, son vide intérieur, et là se passe en lui un double mécanisme.

    D'un côté, il s'auto-accuse et se culpabilise de son chemin. Il passe de la découverte de son vide intérieur à un sentiment d'indignité. Il retourne le mal qu'il vit contre lui, pour en conclure qu'il a perdu son être. Il se trouve indigne.

    D'un autre côté, il remonte à la source où a commencé son malheur et où est la source où il pourrait retrouver à nourrir son être intérieur. C'est ainsi qu'il décide de retourner vers son père tout en lui demandant un statut d'ouvrier, parce qu'il pense avoir perdu sa dignité de fils.

    4) Dernière étape du parcours : rien ne se passe comme l'avait prévu le fils. Le père ne porte aucun jugement. Le père ne fait pas la morale à son fils. Le père ne cherche pas une faute ou des erreurs. Il coupe court à toute accusation d'indignité. Il ne veut aucun arrangement autour d'un statut inférieur qui permettrait — aux yeux du fils — une réintégration.

    Jamais, dans les yeux du père, le fils n'a changé de statut. Jamais, il n'a cessé d'être précieux, important, plein de valeur. Le père ne voit que le parcours malheureux, il ne voit aucune indignité. Il n'y a pas de reproches, seulement la joie des retrouvailles. Le fils a fait son parcours de vie, il a été par le chemin qu'il avait choisi et il a découvert ce dont il avait besoin.

    Le père accepte ce parcours et se réjouit de ce que son fils qui était près de la mort intérieure a retrouvé le chemin de la vie. Un grand festin marque ces retrouvailles, une grande fête est nécessaire pour marquer cette renaissance de l'être du fils à la vie.

    Chaque être humain est engagé dans ce parcours où il doit trouver son chemin personnel pour retrouver son être intérieur et participer à ce repas de fête que Dieu nous offre.

    Aujourd'hui, Dieu nous ouvre les bras, il nous invite à la fête dans son Royaume. Laissons-nous accueillir comme les vrais enfants du Père.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Actes 8. De l’exclusion à l’accueil

    Actes 8

    8.2.2019

    De l’exclusion à l’accueil

    Esaïe 53 : 1-10         Actes 8 : 26-39

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  • Célébration œcuménique : Dieu remet les compteurs à zéro

    Eglise Orthodoxe

    25.1.2019

    Célébration œcuménique : Dieu remet les compteurs à zéro

    Deutéronome 16 : 18-20          Luc 4 : 14-21

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Dimanche passé, nous vivions une célébration œcuménique à l’Eglise anglicane avec les communautés chrétiennes du quartier.

    Aujourd'hui, nous sommes chez vous et nous vous remercions de votre accueil. Dimanche dernier, j’ai parlé de ce même récit biblique : la première prédication de Jésus à Nazareth. Jésus y avait lu ce passage du livre d'Esaïe :

    "L'Esprit du Seigneur est sur moi, il m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé pour proclamer la délivrance aux captifs et le don de la vue aux aveugles, pour libérer les opprimés, pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur." (Luc 4:18-19). et il avait ajouté: “Aujourd'hui ces paroles sont accomplies !”

    Dimanche passé, j’ai développé ce que Jésus voulait dire par cette parole : “Dieu m'a choisi pour apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres.” Aujourd'hui j'aimerais développer la parole de Jésus : “Il m'a envoyé pour libérer les opprimés, pour annoncer l'année où le Seigneur manifestera sa faveur.”

    Le thème de cette semaine de l’unité, c’est l’établissement de la justice, une justice qui permette la paix, c’est-à-dire le vivre ensemble. C’est justement cette justice que Jésus appelle en parlant de cette année de faveur.

    Cette année de faveur à une histoire dans l'Ancien Testament. Dans le livre du Lévitique est décrit un système économique très spécial. Un premier cycle de sept ans est introduit, où la septième année, l'année sabbatique est une année de repos pour le sol. Pendant six ans tout le monde travaille, sème et récolte, la septième année est une année de repos. A ce premier cycle se superpose un deuxième cycle de sept fois sept ans, soit 49 années au total. L'année qui suit, soit la 50e est le Jubilé, l'année du Seigneur. Lors de cette 50e année, on rétablit les personnes dans leurs biens, dans leurs terres ou dans leur liberté pour celles qui ont été asservies pour n'avoir pas pu payer leurs dettes. On remet les compteurs à zéro.

    Ce système économique présuppose une situation de départ équitable et juste et un monde très stable, au moins démographiquement. Cet astucieux système économique n'a jamais été mis en place en Israël, mais il témoigne d'une tentative d'ordonner le monde économique à la volonté divine tout en laissant de la place à la liberté humaine et en tenant compte de certaines réalités : Ce système laisse une liberté de commerce et d'entreprise aussi grande que possible à tous pendant le cycle de 49 ans. Il ne laisse cependant pas croître les inégalités jusqu'à un point de rupture ou de non retour grâce à l'année du Jubilé qui instaure une redistribution.

    Jésus nous dit : "Aujourd'hui s'accomplit cette parole d'Esaïe : l'année du Seigneur, de la restauration, c'est maintenant."

    Pourtant Jésus n'est pas venu accomplir une révolution économique, comme il n'est pas venu pour chasser les Romains de Palestine. Il vient restaurer notre être, pas nos avoirs. Jésus est venu remplacer — dans nos modes relationnels — l'économie de marché fondé sur la pénurie, par l'économie du Royaume fondée sur l'abondance. C'était-là la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres.

     

    Le départ équitable qui est donné à tous à la naissance, c'est de vivre dans l'abondance de l'amour. Chaque enfant naît avec l'amour et le pardon de Dieu dans son cœur, avec une capacité d'aimer à l'infini. Ensuite, malheureusement, la situation se dégrade. Les détresses subies nous aliènent et le mal prend de l'ampleur dans nos vies et limitent nos capacités d'aimer, comme dans le Lévitique.

    La situation voulue au départ se dégrade. Chacun vit — sans que ce soit la faute de personne — des événements pénibles, tristes, frustrants, parce que la vie est dure, la société injuste et qu'il est impossible d'obtenir tout ce que nos désirs souhaitent. Nous accumulons des dettes sous forme de culpabilités et perdons nos libertés, en façonnant nos stratégies relationnelles.

    La bonne nouvelle, c’est que Jésus vient nous libérer de nos propres enfermements, de nos dettes, de nos culpabilités, de tout ce qui nous paralyse. C'est ainsi que se réalise la parole d'Esaïe : "Dieu libère les captifs et renvoie en liberté les opprimés".

    Jésus vient nous délivrer du péché. Voilà, le mot est lâché : le péché. Le péché, c'est l'ensemble des choses qui dégradent la situation de départ pendant les 49 ans du cycle du Lévitique, jusqu'à ce que Dieu rétablisse la justice et l'équité pendant la 50e année.

    Jésus ne parle du péché que lorsqu'il parle du pardon, lorsqu'il libère ou qu'il compatit et guérit. Pour Jésus, le péché originel n'existe pas. La seule chose qui existe pour Jésus, c'est le pardon originel.

    Constamment, Jésus veut nous guérir de notre aveuglement qui nous fait voir le péché seulement comme les actes mauvais, les fautes. Il veut nous redonner la vue sur la détresse, sur la souffrance subie, sur la dégradation des relations. L'année de faveur du Seigneur que Jésus réalise, c'est le retour à l'état de personne pardonnée, aimée. Dieu nous offre aujourd'hui d'être restaurés dans cet état premier par le pardon, ce pardon qui permet d'aimer et d'agir.

    Amen.

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Célébration œcuménique : l’amour ne s’épuise pas.

    Eglise Anglaise

    Luc 4

    20.1.2019

    Célébration œcuménique : l’amour ne s’épuise pas.

    Deutéronome 16 : 18-20            Luc 4 : 14-21

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Le récit de Luc qui nous relate la prédication de Jésus à Nazareth nous amène directement aux sources de l'évangile, à ce que je considère comme essentiel pour nous aujourd'hui. Dans cette prédication, Jésus annonce le programme de son action, de son message, de son enseignement.

    Luc souligne que Jésus est rempli du Saint Esprit, c'est-à-dire en parfaite communion avec Dieu. Luc l'avait déjà mentionné à la naissance, lors du baptême et lors de l'épisode de la tentation au désert. Rempli de l'Esprit, Jésus annonce un programme en 4 points : 1) il est choisi pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, 2) il est envoyé pour proclamer la libération des captifs 3) pour annoncer le retour à la vue des aveugles 4) pour proclamer une année de grâce, de faveur, de bienfaisance de la part de Dieu.

    Ce matin, je ne développerai que le premier de ces points. J'aborderai l’année de grâce du Seigneur lors de la célébration œcuménique de ce prochain vendredi à l’Eglise orthodoxe roumaine à Montriond.

    Luc nous dit que Jésus a été oint (fait Messie, en hébreu, fait Christ, en grec) pour "évangéliser" les pauvres, pour leur faire part d'une bonne nouvelle ! Quelle bonne nouvelle ? Pourquoi les pauvres ? On ne peut répondre à une question sans répondre à l'autre. La pauvreté c'est une certaine position dans le jeu des forces économiques. C'est une situation en rapport avec l'abondance et la pénurie. Dans le Cantique de Marie, Luc met clairement la pauvreté et la richesse en rapport avec la pénurie et l'abondance : (Lc 1:53) "Dieu a accordé des biens en abondance à ceux qui avaient faim, et il a renvoyé les riches les mains vides".

    La bonne nouvelle porte sur le rapport pénurie-abondance. A première vue le rapport instauré par Dieu, la bonne nouvelle, c'est l'inversion, le retournement des situations. Mais à quoi servirait-il de créer des nouveaux riches et des nouveaux pauvres ? La bonne nouvelle c'est qu'il va y avoir un changement, un bouleversement, mais ce n'est pas une simple rocade, un échange de place. La bonne nouvelle, c'est l'annonce de l'abondance, la dénonciation de l'idéologie de la pénurie, du manque.

    Aujourd'hui, on voudrait nous faire croire qu'il n'existe qu'une seule chose : les règles de l'économie de marché. Ces règles sont fondées sur la pénurie, l'exploitation et la possession. Ces règles annoncent la réussite (accroître son bien-être en possédant) par l'effort et le mérite. La loi du rendement, de l'efficacité, du profit nous prend à la gorge, nous enserre dans ses filets. Il n'y a plus que cela — c'est la crise — il faut s'y faire.

    Jésus proclame que ces règles économiques étouffent le riche comme le pauvre, parce qu’on les a étendues à tous les domaines de la vie. Plus important : ces règles ne doivent pas s'appliquer dans le domaine des relations. Dans les relations nous pouvons miser sur l'abondance, il n'y a pas crise, pas de pénurie. L'amour ne s'épuise pas dans le partage, au contraire. Si l'on change notre vision du monde, que l'on abandonne la peur de la pénurie contre la reconnaissance de l'abondance — en commençant dans nos relations — il s'en suivra aussi un changement économique. Il y a assez d'abondance en Suisse, ou sur la terre pour que chacun ait une part suffisante; ce qui fait problème c'est la répartition entre tous.

    La bonne nouvelle c'est ceci : Il existe un monde où l'abondance règne, où l'on gagne à donner, où l'on reçoit gratuitement, où la farine et l'huile ne s'épuisent pas (1 Rois 17, à propos du récit de la veuve de Sarepta, il est intéressant de mentionner en passant que Jésus s'est défini comme le pain de vie qui ne s'épuise pas et qui nous nourrit.) Ce monde-là vit sous ce que j'appelle l'économie du Royaume.

    Le pauvre est le premier à souffrir de l'économie du monde de l'argent, c'est pourquoi il sera le premier à se réjouir de découvrir l'économie du Royaume. Cette économie — fondée sur l'abondance — est possible parce que les ressources relationnelles sont infinies. Dieu est amour, Dieu est la source à laquelle nous pouvons constamment venir chercher ce qui nous manque, ce dont nous avons peur de manquer. Si la source coule en permanence, il n'est plus nécessaire d'accumuler pour soi, d'avoir peur de donner autour de soi. Les échanges sont possibles, enrichissants.

    Dans l'économie du Royaume il n'y a pas de salaire au mérite, ni avec Dieu, ni entre conjoints, ni avec ses enfants. Il est si fréquent d'agir comme si l'affection était une denrée rare, de mêler l'argent aux sentiments. — "Tu auras ton argent de poche si tu es sage !". — "Je me suis beaucoup investi dans cette relation, mais maintenant elle ne m'apporte plus rien". etc. Et avec Dieu, qui ne s'est jamais dit en son for intérieur : — "Mon dieu, je n'arrive pas à faire les efforts que nous demande le pasteur (être plus accueillant etc...)

    Pour tous ceux qui font des efforts pour être à la hauteur, Jésus apporte une bonne nouvelle : le Royaume de Dieu n'est pas donné en récompense de vos efforts. Mon amour, dit Dieu, je ne le donne pas comme une contrepartie à vos tentatives de me plaire de faire bien ou d'être meilleurs. C'est gratuit ! C'est donné, c'est à recevoir, voilà une bonne nouvelle !

    Essayons de réaliser ce que nous pouvons ressentir au plus profond de nous, lorsque Dieu nous dit : "Je t'aime, toi, tel(le) que tu es." Prenons conscience de notre corps, de nos membres, des battements de notre cœur. Laissons sortir les tensions, sentons notre souffle, notre respiration : "Nous sommes aimés, acceptés, appréciés." Au cœur de notre être, il y a ce que nous aimons de nous-mêmes, Dieu aime cette partie. Au cœur de notre être, il y a notre part d'ombre, le côté sombre, Dieu aime également cette partie de nous-mêmes. Il ne nous accuse pas comme nous nous accusons nous-mêmes. La bonne nouvelle est aussi pour cette part d'ombre.

    Dieu est amour, il est capable de réconcilier ces diverses parties de nous-mêmes, nous restituer notre intégrité, panser nos cœurs brisés, nous conduire vers la vie au centuple du Royaume. Aujourd'hui cette bonne nouvelle est accomplie en nous.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019